Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, en réponse à diverses questions sur la suspension des négociations entre l'Eurogroupe et le gouvernement grec à la suite de l'annonce par ce dernier d'un référendum et le souhait de la France de voir la Grèce rester dans la zone euro, à l'Assemblée nationale le 30 juin 2015.

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Circonstance : Séance des questions à l'Assemblée nationale le 30 juin 2015

Texte intégral

La situation de la Grèce est évidemment une préoccupation pour tous, pour la France comme pour l'Europe et d'ailleurs au-delà.
Notre pays, sous l'impulsion du président de la République, ne ménage pas ses efforts. La France est à l'initiative pour qu'un accord durable soit trouvé. Le gouvernement grec a choisi d'organiser un référendum.
C'est un choix souverain que le gouvernement français respecte pleinement, Michel Sapin le rappelait il y a un instant, et le peuple grec s'exprimera dimanche.
La France est engagée dans les négociations. C'est sa place. Et ces négociations - je réponds à votre question - étaient en effet près d'aboutir vendredi dernier. Nous regrettons qu'elles soient interrompues, à l'initiative du gouvernement grec, mais le message que porte le président de la République, que porte de manière permanente Michel Sapin qui est pleinement engagé dans ces discussions, est que la porte est ouverte, que les négociations peuvent reprendre à tout moment si le gouvernement grec en fait le choix, en responsabilité.
L'accord qui aurait pu aboutir, nous avons la conviction qu'il n'est pas loin, qu'il est encore possible, même si, le ministre des finances le rappelait, le temps presse. C'est une question d'heures.
La France est donc engagée, mais nous avons aussi un devoir de vérité. Il faut dire où nous en sommes et il faut poser clairement les termes du débat, car les Grecs qui se rendront aux urnes dimanche doivent pouvoir se prononcer en conscience, les yeux ouverts, mais aussi en toute connaissance de cause. Des propositions très claires ont été faites au gouvernement grec. Il s'agit tout d'abord de prévoir les réformes nécessaires, y compris au plan budgétaire, et ces réformes doivent bien sûr tenir compte des efforts considérables déjà consentis par le peuple grec. L'offre faite au gouvernement grec prévoit également un volet de financement de l'économie, avec des investissements au service de la croissance et de l'emploi.
Enfin - et c'est un point notable des négociations, sans doute l'un des plus difficiles, mais c'est aussi la position défendue vendredi par Michel Sapin, la discussion sur le poids de la dette doit rester ouverte, conformément au mandat qu'a reçu le gouvernement grec.
Les enjeux du scrutin de dimanche sont très clairs pour la Grèce : rester dans l'euro ou, au-delà des incertitudes, courir le risque d'en sortir avec toutes les conséquences qui en découleraient.
Au fond, nous le savons, les Grecs sont attachés à la monnaie unique, dont ils connaissent aussi les avantages. La solidarité européenne, qui est toujours sur la table avec l'offre proposée, va donc de pair avec la responsabilité.
Cette responsabilité doit être partagée par chacun et si la France se mobilise autant depuis le début de cette négociation, c'est parce qu'elle est convaincue que la place de la Grèce est dans la zone euro, c'est-à-dire pleinement dans l'Union européenne.
Nous savons que la Grèce est un grand peuple. Nous savons d'où viennent les Grecs, après la dictature des colonels, nous savons que c'est un président de la République français, Valéry Giscard d'Estaing, qui a tout fait pour que la Grèce adhère à la Communauté européenne et si certains, à l'extérieur de notre pays, ou à l'intérieur et ici dans ce Parlement, pensent que l'Europe serait plus forte si la Grèce sortait de la zone euro, ils se trompent lourdement.
Depuis le début, nous avons cherché une solution qui soit acceptable par tous, dans le respect du peuple grec et de la souveraineté de son gouvernement, mais dans le respect aussi de nos règles communes, celles de l'Europe. C'est la position de la France : nous allons continuer à la défendre dans les heures qui viennent et nous la défendrons sans cesse, parce que nous pensons que l'Europe a besoin de la Grèce et que l'Europe doit sortir plus forte et plus solidaire de cette crise.
(...)
Ceux qui gouvernent ont un devoir : comme vous venez de le faire avec des arguments particulièrement pertinents, il faut constater que la situation grecque n'était pas réglée, avant même l'élection d'un nouveau gouvernement d'ailleurs.
C'est peut-être pour cela que M. Tsipras a obtenu une majorité au Parlement grec : parce que les problèmes de la Grèce n'étaient pas réglés.
Nous le savons, nous l'avons rappelé avec Michel Sapin voilà un instant encore : la Grèce doit s'engager dans les réformes en tenant compte de ce que le peuple grec a subi.
Attendons le résultat de dimanche, mais nous devons d'ores et déjà tout faire pour trouver une solution.
Telle n'est pas seulement la position de la France, Monsieur le Député. N'essayez pas d'opposer le président de la République et la chancelière allemande : ce n'est pas de bonne politique et ce n'est pas utile. Hier, avec les mêmes mots, chacun s'est déclaré disponible pour trouver une solution aujourd'hui et s'il le faut la semaine prochaine, après le référendum, expression souveraine du peuple grec, lequel doit pouvoir s'exprimer en toute connaissance de cause.
C'est à quoi nous travaillons, le gouvernement français et le président de la République, le président de la Commission européenne aujourd'hui encore, la chancelière Merkel hier avec à ses côtés le vice-chancelier Sigmar Gabriel. Monsieur le Député, chacun doit être bien conscient de la responsabilité qui est la sienne.
La sortie de la Grèce de la zone euro après le vote du peuple grec serait un drame, d'abord pour la Grèce, pour les Grecs, pour l'économie grecque, avec des conséquences que nous ne connaissons pas toutes.
Nous savons que la France est robuste, que la crise, aujourd'hui, n'est pas tout à fait la même que celle d'il y a quatre ans, mais les conséquences politiques seraient majeures pour l'idée que nous nous faisons de l'Europe.
Alors, la position du président de la République et du gouvernement, exprimée par le ministre des finances, est claire : nous souhaitons que la Grèce reste dans la zone euro - pas à n'importe quelles conditions, naturellement, c'est la raison d'être de la discussion et de la négociation - parce que cela est essentiel pour l'avenir de l'Europe.
C'est la position du gouvernement français et elle est claire mais, Monsieur le Député, ce n'est pas seulement celle du gouvernement français, car chaque responsable européen doit être placé devant ses responsabilités. C'est aussi l'avenir de l'Europe qui est en cause !
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 16 juillet 2015