Texte intégral
"Loin des yeux, loin du cur", dit le proverbe. Il est parfois du devoir de l'action politique de tordre le cou aux proverbes. Mayotte a beau se trouver à près de 8 000 kilomètres de la métropole, le sort et le destin de sa jeunesse nous préoccupe autant que tout autre.
La formation de la jeunesse mahoraise est cruciale pour doter l'île d'hommes et de femmes qualifiés, déterminés et compétents pour porter les projets nécessaires à sa prospérité et faire face aux défis auxquels Mayotte est confronté.
L'enfance et la jeunesse sont le moment où s'élabore l'avenir. Accorder aux enfants et à la jeunesse de l'île toute l'attente qu'ils requièrent, c'est contribuer à façonner, pour Mayotte, la génération de ses bâtisseurs de demain.
L'éducation est républicaine lorsqu'elle unifie toutes les composantes du territoire national, lorsqu'elle assure la réussite scolaire et éducative de tous ses enfants, où qu'ils se trouvent et d'où qu'ils viennent.
Veiller à ce que notre jeunesse puisse, sans exception, bénéficier sur l'ensemble de notre territoire d'une éducation d'égale qualité, c'est à la fois pour nous prendre acte d'une charge qui nous incombe, en même temps que d'une prérogative qui nous honore . Il est de notre devoir d'être à la hauteur.
Ce déplacement est pour moi l'occasion de vous remercier pour votre travail, pour votre dévouement, et pour votre collaboration sans lesquels notre action politique ne pourrait s'incarner.
Vous êtes les porteurs et les agents de l'ambitieux projet de refondation de l'école. C'est grâce à vous que notre action prend souffle et prend forme, et que nos ambitions peuvent trouver à se réaliser.
Je tiens à vous dire ma gratitude pour ce travail que vous accomplissez chaque jour.
* Les défis rencontrés par Mayotte
L'ambition de la réussite éducative est celle de tous les élèves. Mais pour que la réussite éducative ne reste pas un vu pieux, il faut que l'État et les collectivités territoriales redoublent leurs efforts, et nouent une alliance plus étroite et plus ferme. C'est de cette collaboration cruciale et décisive que dépend la réussite de la jeunesse mahoraise.
Les assises académiques auxquelles j'ai participé l'automne dernier ont rendu compte de ce que nous savions déjà pour une part : les résultats scolaires des élèves mahorais ne sont pas encore à la hauteur des efforts consentis.
Le taux de retard à l'entrée en sixième, l'insuffisance des acquis des collégiens en en français et en mathématiques, le taux de réussite au baccalauréat général et la surpopulation dans les établissements scolaires sont des points de préoccupations et d'alarme pour le personnel politique que nous sommes.
Dans un contexte social parfois tendu et un contexte économique difficile, la forte pression démographique, la non maîtrise de la langue française par une majorité des élèves, le manque de repère et de lien avec les parents ont pour conséquence de produire des difficultés pérennes à élever le niveau de qualification des élèves.
Il nous faut pour cela intervenir avec détermination sur plusieurs champs d'action. Notre objectif commun doit être triple. Celui de développer les constructions scolaires pour accueillir les élèves. Celui de renforcer l'attractivité du territoire. Celui enfin de rendre le pilotage du système éducatif plus efficient.
Notre priorité doit donc être double. Celle, d'abord, de garantir une réelle maîtrise du socle commun de connaissances et de compétences, et pour ce faire, veiller tout particulièrement aux premières années d'apprentissage. Celle, ensuite, de mieux accompagner les élèves, de mieux les préparer à l'enseignement supérieur et de permettre une fluidité des parcours.
* Les constructions scolaires
Il nous faut pour cela remédier ensemble, État et collectivités territoriales unis, au manque de salles de classes qui contraint certaines écoles de Mayotte à la rotation scolaire. Ce fonctionnement entrave la fondation des rythmes scolaires, retarde la préscolarisation, ce qui nuit fortement aux apprentissages des élèves, et donc à leur réussite.
L'État, sous l'impulsion du préfet, met tout en uvre pour rétablir une organisation capable de construire les salles de classe nécessaires au fonctionnement normal du système éducatif.
Dès septembre 2012, le vice rectorat avait présenté un état des lieux précis, aujourd'hui un document de travail actualisé a été remis à Monsieur le Préfet puis adressé à chacun des maires. Ce dossier présente l'état des rotations scolaires par école et par commune, propose de donner la priorité aux constructions en lien avec la fondation des rythmes scolaires et la préscolarisation des élèves de maternelle. Ce dossier, essentiel pour Mayotte et ses enfants, doit aujourd'hui mobiliser toutes les énergies et les mettre en synergie. L'État, qui alloue plus de dix millions d'euros par an, doit pouvoir compter sur les élus pour faire évoluer une situation inacceptable pour les élèves, les familles comme pour les personnels. Concernant les constructions scolaires du second degré, un programme a été arrêté fin 2012. Le ministère de l'éducation nationale et celui de la réussite éducative soutiennent particulièrement Mayotte dans ce projet, conscients que nous sommes de la forte démographie comme de la nécessaire amélioration des conditions d'enseignement et de vie scolaire.
* Rythmes scolaires
L'engagement des élus et l'accompagnement des communes par l'État ont permis un travail important depuis dix-huit mois. Des avancées significatives ont été accomplies : neuf communes seront dotées d'un PEDT à la rentrée 2014, et peut-être davantage d'ici là.
La mise en place des nouveaux rythmes est un impératif pour le territoire, notamment parce que les élèves perdent aujourd'hui quarante pour cent de temps d'apprentissages, ce qui vient se cumuler avec de grosses difficultés de maîtrise de la langue française dès le plus jeune âge. Les fonds d'amorçage, renforcés sur ce territoire, doivent contribuer à la mise en uvre d'activités périscolaires dignes de ce nom, mais aussi d'avancées concrètes quant à la restauration scolaire. Il faut que Mayotte conduise tous ces dossiers de front si elle veut pouvoir assurer le plus rapidement possible la réussite de ses élèves.
À cet effet, le gouvernement est disposé à accorder les fonds d'amorçage, notamment pour les communes contraintes par les rotations, si un PEDT est bien construit et validé par l'autorité académique. Cet effort exceptionnel, l'État républicain est disposé le consentir pour Mayotte, mais il faut pour cela que l'État et les collectivités territoriales s'unissent et s'engagent sur le chemin à parcourir ensemble.
* Éducation prioritaire
Nous voulons que Mayotte puisse, dès la rentrée prochaine, être pleinement engagée dans la réforme de l'éducation prioritaire. C'est dans cette optique que le réseau Dembeni deviendra REP+, avec tous les moyens, les exigences et l'ambition qui s'y rattachent. Cette politique de réduction des inégalités sociales et territoriales sera amplifiée, notamment par un classement progressif en zone d'éducation prioritaire des établissements scolaires. Parce que le problème de fond demeure, à Mayotte, les ressources humaines et le manque d'enseignants, il nous faut travailler ensemble sur l'attractivité du territoire, en termes de politique économique, sociale et culturelle, mais également en termes de santé et de sécurité.
* Formation des enseignants
La formation des enseignants est un axe déterminant de l'action en cours. La formation initiale et la formation continue sont des chantiers essentiels pour l'avenir du système scolaire à Mayotte. En moins de 18 mois, les formations revisitées ont augmenté de façon remarquable : la formation des IERM interne a été normalisée et multipliée par dix ; l'accompagnement des enseignants contractuels par vingt et la formation continue des enseignants du premier degré a été amplifiée.
Cet effort sans précédent sera poursuivi dans le cadre d'un partenariat étroit et de proximité avec l'ESPE de la Réunion. S'inscrire dans cette dynamique, c'est d'abord faire front face à l'urgence, mais c'est également uvrer en direction de l'avenir, en faisant du département de la formation des maîtres un site de l'ESPE de la Réunion. C'est de cette manière seulement que nous parviendrons ensemble à favoriser le recrutement des professeurs des écoles, à élever le niveau de qualification des maîtres, à prendre en charge le cas des mineurs isolés et à répondre aux enjeux et aux objectifs d'une école plus juste et plus performante.
* Conclusion
Si l'État est fortement engagé à Mayotte, nous avons tous besoin aujourd'hui d'une prise de conscience collective pour que localement l'ambition portée par le gouvernement dans la refondation de l'école, dans la fondation des rythmes scolaires, dans le développement de l'éducation prioritaire et dans la formation des enseignants puisse prendre appui sur un système scolaire normalisé au service de la réussite de tous les élèves de Mayotte.
Mesdames et messieurs, vous pouvez le constater, si nous pouvons être fiers du travail déjà amorcé, l'ampleur de la tâche reste grande pour permettre à tous les élèves de Mayotte de réussir leur parcours scolaire et, à terme, leurs parcours professionnel et leur cheminement de vie. Nombreux sont les résultats qui vont dans le bon sens, mais il ne nous faut pas moins redoubler d'effort.
Mesdames et Messieurs, nous avons la lourde tâche d'introduire nos enfants et notre jeunesse dans notre monde. Nous avons la responsabilité de leur permettre de devenir à leur tout des adultes dignes et des citoyens éclairés. Cette responsabilité qui nous incombe, c'est une responsabilité envers la génération qui nous succède, mais également une responsabilité envers le monde qui nous entoure. L'éducation et l'école sont justement le point où se décide si, collectivement, nous assumons ou non cette responsabilité.
C'est la raison pour laquelle notre collaboration est si décisive. C'est la raison pour laquelle votre travail est si capital. C'est la raison pour laquelle je tiens à vous remercier d'accomplir chaque jour comme vous le faites, cette mission qui est la vôtre et qui vous honore.
Merci à vous
source http://www.education.gouv.fr, le 19 février 2014