Interview de Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à I-Télé le 19 août 2013, sur la politique de la recherche et l'investisement dans la recherche fondamentale.

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Média : Itélé

Texte intégral


CHRISTOPHE BARBIER
Voilà, nous sommes en direct. La note et le café, et nous pouvons enchaîner.
MADAME LA MINISTRE GENEVIEVE FIORASO
Parfait ! Merci.
CHRISTOPHE BARBIER
Le café, vous allez en avoir besoin Geneviève FIORASO, parce que dans une heure quarante-cinq, ça y est : séminaire ! Séminaire pour les ministres. Je vous propose d’écouter pour commencer une critique qui vient de la droite sur ce séminaire que vous allez tenir dans une heure et demie. Écoutez, c'est Nadine MORANO.
- Document France 2 :
NADINE MORANO, DELEGUEE GENERALE DE L’UMP
On voit que cette commande a été passée par le Premier ministre il y a à peine dix jours ; ce sont donc des travaux de vacances bâclés. On a demandé à des ministres qui se disaient eux-mêmes fatigués. On se demande si cela ne va pas être un concours de la copie de Madame Soleil à Monsieur Nostradamus. Est-ce que vous croyez que quelqu'un qui est au chômage, on va lui répondre : “ Mais attendez ! On planche pour dans treize ans ”.
CHRISTOPHE BARBIER
Voilà, la critique est simple : vous allez rêver à un avenir coupé complètement de la réalité.
GENEVIEVE FIORASO
On n’est jamais déçu par le niveau d’intervention de madame MORANO. Non, je crois que c'est sérieux. On parle de l’avenir de notre pays, on parle de sa place dans le monde et la période des vacances et la période la fin de cette première année est une bonne période. Parce qu’on a déjà un an d’exercice du pouvoir. On a le recul nécessaire pendant une semaine ou deux et je crois que chacun a rendu une copie extrêmement complète et extrêmement précise avec sa vision et aujourd'hui c'est une vision partagée.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous avez eu le temps de travailler vraiment ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui, et moi je peux vous dire que ce ne sont pas des membres de mon cabinet qui ont rédigé à ma place. J’ai rédigé absolument ma contribution, mais c’est nécessaire. Quand vous faites de la politique, il faut agir à deux niveaux. D’ailleurs si le précédent gouvernement avait un peu plus anticipé, ça nous aurait peut-être permis d’avoir une dette moins importante et puis d’avoir un avenir en termes de créations d’emplois. On aurait peut-être perdu un peu moins d’emplois industriels. Donc il est nécessaire d’avoir toujours ce niveau de la réalité quotidienne, de la réactivité, mais aussi un niveau du cap à tenir et de savoir là où l’on va. On a suffisamment reproché aux politiques d’agir toujours dans le court terme et dans le réactif. Nous l’avons reproché nous-mêmes au prédécesseur, à Nicolas SARKOZY, et donc maintenant on ne peut pas nous reprocher d’avoir une vision à terme. C'est ça la responsabilité politique.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les Français vont peut-être vous reprocher de penser 2025, de rêver 2025, alors que 2013 est si difficile.
GENEVIEVE FIORASO
Oui, mais raison de plus pour envisager l’avenir. C’est justement quand le contexte est plus difficile qu’il faut savoir où l’on va. Il faut d’autant plus avoir un cap et un cap responsabilisant pour chacun, et un cap qui emmène la société. Vous avez bien compris qu’il y avait eu un changement l’an dernier, on n’est plus dans le clivage. On est dans un projet partagé par la société et je crois que c'est bien de cela dont il s’agit, et cela ne nous empêche pas d’être extrêmement réactifs, comme vous l’avez vu pendant cette période estivale où chacun a pu s’exprimer sur des sujets d’actualité.
CHRISTOPHE BARBIER
Et parfois être en désaccord. On l’a vu avec Christiane TAUBIRA et Manuel VALLS. Est-ce qu’il n’y a pas aussi une fonction un peu de discipline à remettre dans le gouvernement après une année de couacs à travers ce séminaire ?
GENEVIEVE FIORASO
Non, mais c’est tout à fait normal d’avoir des débats sur des sujets qui sont des sujets complexes. Les journalistes, y compris dans des journaux qui ont une certaine cohérence politique, ne sont pas non plus tous d’accord dans leurs analyses. C’est tout à fait normal.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais ça ne fuite pas de manière aussi cataclysmique qu’au gouvernement quand même.
GENEVIEVE FIORASO
On a affaire à des sujets complexes, donc il est normal que nous ayons un débat. Il faut s’habituer au débat et je pense que c'est aussi un peu les médias qui mettent en exergue les petites différences. Le but effectivement, c'est d’avoir ce débat ; ensuite il y a des arbitrages et ensuite on s’y tient.
CHRISTOPHE BARBIER
“François HOLLANDE nous enlève le goût du futur”, c’est Jean-Luc MÉLENCHON qui dit cela. Trop d’austérité aujourd'hui, ça empêche de participer à cette société partagée que vous évoquiez tout à l'heure.
GENEVIEVE FIORASO
Non. Il faut d’autant plus partager et être juste que les contraintes sont présentes, mais nous avons des atouts formidables aussi en France. Je suis ministre de la Recherche ; nous avons une des meilleures recherches fondamentales du monde. Il faut que nous la transférions davantage dans la société, dans l’économie pour créer des emplois.
CHRISTOPHE BARBIER
C’est là que ça coince : c'est entre la recherche fondamentale et la vraie recherche.
GENEVIEVE FIORASO
C'est là que nous sommes moins bons et c'est là qu’il faut effectivement, comme l’a proposé d’ailleurs Pierre MOSCOVICI, jouer le plein emploi. On ne jouera pas le plein emploi si la recherche n’est pas davantage transférée dans l’économie. Il faut donc s’appuyer sur ces atouts formidables que nous avons. La démographie - un atout que n’a pas l’Allemagne – nous avons aussi un dialogue social qui est de plus en plus de qualité avec l’ANI (Accord National Interprofessionnel) et avec le dialogue social et toute la démarche menée par Michel SAPIN. Donc nous avons des atouts formidables.
CHRISTOPHE BARBIER
Il faudrait mettre beaucoup d’argent pour valoriser ces atouts. Par exemple dans votre domaine, la Recherche, il faudrait que l’État investisse beaucoup plus. Ce que MÉLENCHON dit, c’est que sans argent public remis vraiment dans la production, sans arrêt de l’austérité, il n’y aura pas d’avenir en 2025.
GENEVIEVE FIORASO
J’ai le troisième budget de l’État avec l’Enseignement supérieur et la Recherche. Vingt-cinq milliards d’euros, ce n'est pas rien ; on ne peut pas dire qu’on ne met pas d’argent. Ce n’est pas vrai. Simplement, il faut définir des priorités. Un séminaire comme celui d’aujourd'hui, ça sert aussi à définir des priorités. Sur quoi allons-nous porter nos grands programmes de recherche ? Quelles directions allons-nous donner ? Est-ce que nous allons nous intéresser par exemple à la transition énergétique ? Oui, il faut investir davantage dans le stockage de l’énergie.
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais vous dites vous-même qu’en 2025 on ne sera pas dans les énergies renouvelables à fond.
GENEVIEVE FIORASO
Si je puis me permettre, la phrase a été coupée. Ce que je dis, c’est qu’il faut du temps et qu’il faut d’autant plus investir dans le stockage de l’énergie, dans les énergies renouvelables, dans les ruptures technologiques du solaire parce qu’on ne peut pas imaginer de transposer le modèle français qui est très nucléaire et qui nous a permis d’ailleurs d’avoir une autonomie, de le transposer partout dans le monde.
CHRISTOPHE BARBIER
Peut-être que le gouvernement n’est pas très écolo non plus. François HOLLANDE n’est pas très écolo, il n’a pas envie d’accélérer dans cette direction.
GENEVIEVE FIORASO
Mais on peut être écolo, avoir des préoccupations environnementales, garder une partie du nucléaire parce que ça nous assure de l’autonomie, veiller à la sûreté et dans le même temps, développer un mix énergétique parce que dans le monde, on ne pourra pas exporter autant de nucléaire que cela. Donc il faut bien développer le mix énergétique tout en gardant nos atouts et une énergie. Une énergie qui ne soit pas trop élevée parce que ça pénaliserait notre industrie. Voilà, c’est de tout cela dont nous allons discuter aujourd'hui.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour rester dans votre domaine, en 2025 est-ce qu’il y aura encore des grandes écoles à la française ou est-ce qu’elles auront été dévorées par les universités, les fameux trente grands pôles que vous décrivez ?
GENEVIEVE FIORASO
Dévorées ? Non ! Je crois que nous ne sommes pas anthropophages et il s’agit plutôt de converger. Il s’agit plutôt d’établir des passerelles.
CHRISTOPHE BARBIER
On gardera les deux modèles et on travaillera ensemble ?
GENEVIEVE FIORASO
Voilà. Davantage travailler ensemble.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors la rentrée universitaire est encore loin mais les organisations étudiantes se mobilisent déjà. Elles se mobilisent sur le coût de cette rentrée.
GENEVIEVE FIORASO
Comme chaque année.
CHRISTOPHE BARBIER
Pour la FAGE, c’est + 2 pour cents le coût de la rentrée. Est-ce que vous confirmez ces chiffres ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui, alors il faut regarder ce qu’il y a dans ces chiffres. Dans ces chiffres, il y a le logement. C’est le logement qui est le point noir de cette rentrée, comme chaque rentrée d’ailleurs. Moi j’ai une feuille de route de construction de quarante-mille logements dans la mandature. J’ai débloqué les plans Campus. Je vous signale que les plans Campus attribués il y a six ans et qui prévoyaient dix-neuf logements n’avaient pas vus un seul euro dépensé. Pas un permis de construire ! Donc j’ai débloqué les plans Campus.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais ça ne va pas assez vite dit l’UNEF. Vous êtes à huit mille cinq cents pour l’année 2013, l’UNEF veut dix mille. Et sur les huit mille cinq cents, il n’y a que trois mille neuf cents neufs.
GENEVIEVE FIORASO
Oui. Le précédent gouvernement était à trois mille logements neufs par an, donc voyez qu’on a quand même une belle progression.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous ferez les quarante mille sur le quinquennat ?
GENEVIEVE FIORASO
Oui, nous ferons la programmation de quarante mille logements. Nous avons déjà identifiés trente mille logements avec les points noirs qui sont particulièrement la région parisienne. C’est cela qui fait monter la note pour les organisations étudiantes. Ce ne sont pas les droits d’inscription qui sont parmi les moins élevés au monde.
CHRISTOPHE BARBIER
Un dernier mot sur le logement justement. Exonérer les étudiants de la taxe d’habitation, l’UNEF le réclame. Est-ce que vous leur accorderez ?
GENEVIEVE FIORASO
D’abord, il faut rappeler que les étudiants bénéficient d’une APL, une aide au logement, et bénéficient depuis cette année grâce à un arbitrage remporté et soutenu par le Premier ministre et le président de la République, ont obtenu des aides supplémentaires : cent seize millions d’euros pour les bourses pour ceux qui en auront le plus besoin dès cette année, deux cents millions l’année prochaine. Ce n’est pas rien non plus dans cette période.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais la taxe d’habitation, vous exonérez ?
GENEVIEVE FIORASO
On peut dire à Jean-Luc MÉLENCHON, quand on a besoin de moyens, on les a, ces moyens. Mais simplement, il faut les cibler.
CHRISTOPHE BARBIER
Geneviève FIORASO, merci. Bonne journée et bon séminaire.
GENEVIEVE FIORASO
Merci beaucoup.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 août 2013