Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur la lutte contre le chômage et les relations Etat régions dans le cadre de la formation professionnelle, Limoges le 13 septembre 2013.

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Circonstance : Ouverture du forum "Formation vers l'emploi" à Limoges le 13 septembre 2013

Texte intégral


La lutte contre le chômage est une cause qui nous rassemble. Comme ministre de l’emploi, je suis pleinement engagé dans cette bataille contre le chômage. Je sais que vous l’êtes aussi et que toute la société se mobilise. Je viens de traverser les stands de ce beau forum pour l’emploi, pertinemment intitulé « des métiers pour votre avenir ». Je suis admiratif de la détermination des acteurs que je viens de croiser. Que ceux qui doutent de notre capacité collective à faire reculer le chômage viennent ici. Ils comprendront qu’à force de volonté nous réussirons. Mon premier message est donc un message de remerciement, en mon nom, au nom du gouvernement mais aussi au nom de tous ces jeunes et demandeurs d’emploi qui trouvent ici une opportunité de partir de partir opu repartir dans la vie. Ce n’est pas rien.
Vous l’avez compris – et c’est bien le sujet de ce matin – lorsqu’on est au chômage, découvrir de nouveaux métiers, qui recrutent, et pouvoir se former pour y accéder chaque fois qu’on en fait le choix est décisif.
C’est là un défi des plus complexes que la politique de l’emploi doit relever : connaître le marché du travail dans toutes ses dimensions et déployer tous les services qui permettent d’en assurer la fluidité. En d’autres termes, savoir s’orienter et se former pour trouver un premier emploi quand on est jeune, pouvoir changer d’emploi quand on veut construire sa carrière, ou retrouver un emploi quand on n’en a plus. Je sais que vous êtes sensibles à ces sujets et que le Conseil régional a engagé un important travail sur l’orientation. Tout cela va dans le bon sens.
Mais on constate encore trop d’échecs de recrutement. Les chiffres varient mais arrêtons-nous sur 300 000 échecs chaque année. Les raisons sont multiples :
- manque de visibilité de l’offre d’emploi,
- manque d’attractivité du poste (valorisation du métier, condition de travail, de salaire),
- entreprise inexpérimentée au recrutement,
-manque de mobilité des actifs ou encore manque de candidats suffisamment formés / expérimentés, Sur chacun de ces points, nous pouvons agir utilement.
1 - D’abord faciliter les transitions d’un emploi à un autre en développant la connaissance du marché du travail, c’est-à-dire des opportunités qui peuvent exister. Chercher un emploi qui corresponde vraiment à ce que l’on souhaite n’est pas évident, a fortiori quand il s’agit du premier emploi. Cette recherche est d’autant plus ardue qu’il existe tout un marché dit « caché » – c’est-à-dire qui ne formalise pas ou ne diffuse pas ses offres d’emploi. Il nous faut l’appréhender et cela passe par
* appuyer et accompagner les recruteurs, qui peuvent être démunis pour définir un poste, les compétences associées ou organiser une procédure de recrutement, particulièrement dans les plus petites entreprises.
* anticiper les besoins de compétences recherchées par les entreprises pour adapter les programmes de formation.
* conseiller et former les demandeurs d’emploi pour les aider à acquérir les compétences utiles aux métiers qui recrutent (au-delà de ceux dits en tension). C’est au prix de ces actions que la qualité des recrutements s’améliorera. C’est un effort qualitatif, dont l’efficacité est sans commune mesure avec les constructions dites adéquationnistes qui imaginent pouvoir forcer la volonté et la motivation des gens, et qui ne sont que des constructions théoriques.
L’essentiel étant ensuite une question de dialogue et de dynamique collective : c’est là que le plan d’action pour la mise en œuvre des formations prioritaires pour l’emploi, le plan « 30 000 », que les acteurs de la grande conférence sociale de juin dernier ont appelé de leurs vœux, prend tout son sens. Cet été Etat, région et partenaires sociaux ont échangé leur analyse des besoins en compétences recherchées par les entreprises, pour mettre en œuvre dès cette rentrée des formations encore ajustées aux besoins identifiés mais non disponibles, territoire par territoire. A la clé, il y a des emplois immédiats et des possibilités de développement pour les entreprises. Et ça commence maintenant, ici même pour Limoges et pour tout le Limousin, dans ce forum qui est une des traductions concrètes de ce plan – j’en remercie les organisateurs.
Cet exercice quadripartite permet d’installer ou de renforcer sur les territoires des pratiques de travail et d’échange entre Etat, région et partenaires sociaux qui me semblent stratégiques ; les exercices de diagnostics, de gestion prévisionnelle des compétences, de développement économique requièrent l’expertise croisée et la coordination des actions est efficace. Nous allons avoir beaucoup d’autres occasions de réaliser ce travail collectif. Je pense au défi que constitue la mise en œuvre du service public régional de l’orientation que la région Limousin va préfigurer dès les prochaines semaines.
C’est pourquoi – nous en discuterons cet hiver dans le cadre de la réforme de la formation professionnelle et de la décentralisation – j’appelle de mes vœux le renforcement de la gouvernance régionale Etat/Région/partenaires sociaux.
2. Ainsi, dans cette approche qualitative de la formation se pose la question de l’orientation.
Si l’on veut être cohérent, toute politique de formation doit être couplée à une politique d’orientation. Cela suppose, par exemple, de faire le lien entre le monde universitaire et celui de l’entreprise. De multiples initiatives existent pour favoriser les contacts mais elles sont encore loin d’être systématiques. Trop de jeunes restent encore livrés à eux-mêmes au lendemain de leur diplôme, sans savoir comment organiser leur recherche d’emploi. Le risque existe de les voir renoncer à leurs ambitions ou entrer dans la spirale du chômage de longue durée. 32 % des jeunes totalisent plus de 6 mois de chômage au cours de leurs trois premières années de vie active.
Pour y remédier, nous avons initié un important travail à faire avec mes collègues ministre de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, Vincent Peillon et Geneviève Fioraso, pour faire en sorte,
* En premier lieu, que les jeunes soient encouragés à anticiper leur recherche d’emploi plusieurs mois avant leur sortie et qu’ils disposent, dans leur université ou dans leur établissement, de ressources qui leur permettent de les aiguiller, de cibler leurs recherches, de préparer leurs candidatures et d’avoir des premiers contacts avec les employeurs potentiels, ou bien de développer un projet de création d’entreprise ;
* En deuxième lieu, que les jeunes ne restent pas sans accompagnement pendant des mois à la sortie du système universitaire. Le service public de l’emploi doit se rapprocher des établissements et pouvoir, dès que nécessaire, proposer un suivi adapté aux jeunes qui en ont besoin.
* En troisième lieu, que les jeunes qui décroche du système scolaire sans avoir acquis de qualification soient systématiquement pris en charge de façon adaptée pour les aider à forger un projet professionnel et chaque fois que possible, trouver une formation.
Au-delà des seuls jeunes et des seuls diplômés, le conseil en évolution professionnelle – voulu par les partenaires sociaux et créé par la loi de sécurisation de l’emploi – pourrait peut être, dans les années qui viennent, répondre à ce besoin universel d’orientation, tant pour les jeunes qui cherchent un premier emploi, que pour les salariés qui veulent se réorienter et les demandeurs d’emploi qui cherchent comment revenir dans l’emploi. La concertation quadripartite qui s’ouvre nous le dira.
Le conseil en orientation doit accompagner chaque situation et éclairer par des données objectives et actualisées le choix des personnes sans jamais se substituer à elles. C’est le grand défi du nouveau service public de l’orientation que j’ai souhaité placer sous la responsabilité d’animation et de coordination des régions. A cet égard je remercie la région Limousin et son président d’avoir accepté de préfigurer cette nouvelle organisation dès maintenant et de nous aider à identifier les conditions de la réussite de cette réforme.
Plus largement, l’actualité est bien celle-ci : une grande réforme de la formation professionnelle – pour tous et tout au long de la vie – se profile. Nous entrons dans le vif du sujet dès ce mois de septembre.
Je rappelle ici les enjeux
* Rendre chacun acteur de son parcours et donner aux individus l’envie de se former. Au centre de cette nécessaire ambition, le compte personnel de formation.
* Faire de la formation professionnelle l’atout de compétitivité et de performance de notre pays. Une réflexion est donc nécessaire sur les modes de financement et d’investissement.
* Mais dans le même temps, la formation professionnelle doit renforcer sa capacité à sécuriser les transitions d’un emploi à un autre ou d’un métier à un autre pour devenir un élément d’une « sécurité sociale professionnelle » que nous avons commencée à construire. C’est pourquoi elle doit s’ouvrir particulièrement aux demandeurs d’emplois, aux salariés vulnérables, comme aux petites et très petites entreprises.
Je ne saurai dire l’importance du moment.
J’ai insisté sur la formation. Le lien est tout trouvé avec ce que nous allons faire maintenant : signer une convention qui témoigne de l’implication collective des élus pour l’insertion professionnelle des jeunes peu ou pas qualifiés : le Conseil régional, les Conseils généraux de la Corrèze, de la Creuse et de la Haute Vienne, et les villes de Brive, Guéret, Limoges et Tulle s’engagent ensemble à assurer la promotion des emplois d’avenir, et à en soutenir techniquement et financièrement les différentes étapes, notamment auprès des organismes qu’ils cofinancent et au sein des collectivités qu’ils président.
Outre la formation des tuteurs, l’accès des jeunes à une formation, et l’ouverture par le Conseil régional de tous ses dispositifs de formation professionnelle aux jeunes en emplois d’avenir en partenariat avec les OPCA et les financeurs du secteur public, les engagements portent sur le recrutement en emploi d’avenir.
Cette mobilisation remarquable se traduit de fait dans les chiffres : la région Limousin est parmi les régions qui recrutent plus rapidement que la moyenne nationale au regard de leur objectif. Continuez et ne vous freinez pas si vous approchez vos objectifs prévus pour la fin de l’année, nous vous permettrons de recruter tant qu’il y aura des jeunes et des employeurs pour leur proposer un travail, un tutorat et une formation !
Une formation, j’insiste. En effet, le sens des emplois aidés, ce n’est pas d’occuper les gens pour les sortir des statistiques du chômage, je le dis de manière très crue mais très convaincue. Justement, c’est le sens des emplois d’avenir : des emplois aidés de qualité car ils comprennent de la formation pour être un tremplin, pour apprendre un métier et donc de pouvoir capitaliser et voler de ses propres ailes par la suite.
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 16 septembre 2013