Texte intégral
* M. Manuel Valls, Premier ministre
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Le Président de la République l'a annoncé le 7 septembre dernier : la France a décidé de procéder à des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie.
Comme le prévoit l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, j'ai immédiatement informé les présidents des deux assemblées et j'ai décidé d'organiser ce débat au début de la session extraordinaire, ici, avec le ministre de la défense, et au Sénat, avec le ministre des affaires étrangères. Je tiens à vous expliquer pourquoi nous intervenons, dans quel contexte, et à vous dire les objectifs que se fixe la France.
Vous le savez, le chaos règne en Syrie. Il déstabilise l'ensemble du Moyen-Orient. Il constitue le repaire des terroristes djihadistes, à la fois de Daech comme d'autres groupes dans la mouvance d'Al Qaïda, comme Jabhat al-Nosra. Il alimente le drame des réfugiés, qui fuient non seulement Daech, mais aussi et surtout - ne l'oublions jamais - la barbarie du régime de Bachar Al-Assad.
Au cours des derniers mois, les territoires contrôlés par les groupes terroristes se sont étendus sur le sol syrien ; une progression qui a déstabilisé plus encore l'ensemble de la région. Soyons lucides : cette avancée de Daech est avant tout le résultat du calcul cynique de Bachar Al-Assad. Daech a d'abord été l'instrument pour prendre l'opposition modérée en étau, puis pour l'écraser. Ce fut, aussi, pour le régime, la terrible justification de crimes, de l'emploi d'armes chimiques, contre sa propre population. Aujourd'hui, le résultat, c'est l'abandon aux mains des djihadistes de régions entières. Dorénavant, c'est tout le grand Est syrien, c'est-à-dire 30% de la Syrie, qui constitue pour Daech un solide bastion, avec les conséquences funestes que nous connaissons.
La première conséquence, je l'ai dit, c'est la menace pour notre sécurité. Nous le savons, la menace djihadiste - celle dirigée contre la France - provient des zones que Daech contrôle. Il y a, en Syrie, des centres de commandement de cette organisation. C'est également depuis la Syrie que s'organisent les filières qui recrutent de nombreux individus voulant prendre les armes, mener les combats là-bas, mais aussi frapper, en retour, leur propre pays. C'est, enfin, en Syrie que se structure et s'alimente la propagande qui, par la mise en scène de la violence, irrigue constamment les réseaux sociaux, notamment francophones. À ce jour, nous l'avons souvent rappelé avec le ministre de l'intérieur, entre 20.000 et 30.000 ressortissants étrangers sont recensés dans les filières irako-syriennes. Nous estimons le nombre de Français ou des résidents en France enrôlés dans les filières djihadistes à 1.880 : 491 sont sur place, 133 ont à ce jour trouvé la mort et de plus en plus au travers d'actions meurtrières, sous forme d'attentats suicides.
Deuxième conséquence : dans cet immense espace, Daech impose sa domination. Daech est plus qu'une organisation terroriste voulant fédérer différents mouvements d'un djihadisme composite. C'est un nouveau totalitarisme qui dévoie l'Islam pour imposer son joug. Il ne recule devant rien : massacre de mouvements de résistance, mise en scène de la torture et de la barbarie, asservissement des minorités, trafics, vente d'êtres humains. Il y a aussi l'anéantissement systématique de l'héritage culturel et du patrimoine universel de cette région : le tombeau de Jonas, le musée et la bibliothèque de Mossoul, les ruines assyriennes de Nimrod ou encore les vestiges antiques de Palmyre. C'est une part de l'humanité et de son génie qui s'envole à jamais.
La troisième conséquence - elle est intimement liée à la deuxième -, c'est bien sûr le drame des réfugiés. La Syrie, aujourd'hui, est un peuple décimé, dispersé. Plus de 250.000 morts en quatre ans, dont 80% sous les coups du régime et de sa répression. C'est un peuple déplacé. Des millions de Syriens sont pris en étau sur le territoire, entre la répression de Bachar Al-Assad et la barbarie de Daech. C'est un peuple, enfin, réduit à l'exil. Quatre millions de Syriens se sont réfugiés dans les camps du Liban, de Jordanie et de Turquie. Ils ont souvent un seul espoir : atteindre l'Europe pour y trouver l'asile. La crise des réfugiés est la conséquence directe et immédiate du chaos syrien. Nous y consacrerons, ici même, le débat de demain.
Mesdames, Messieurs les Députés, depuis le mardi 8 septembre, nos forces aériennes survolent donc la Syrie. Il s'agit d'abord et avant tout d'une campagne de renseignement grâce à des vols de reconnaissance. Plusieurs missions ont d'ores et déjà été réalisées. Cette campagne durera le temps qu'il faudra, plusieurs semaines certainement.
Nous devons mieux identifier et localiser le dispositif de Daech pour être en mesure de le frapper sur le sol syrien et d'exercer ainsi - je veux le souligner tout particulièrement - notre légitime défense, comme le prévoit l'article 51 de la Charte des Nations unies. Ces missions de reconnaissance sont conduites à titre national, en pleine autonomie de décision et d'action.
Pleine autonomie de décision, car nous choisissons seuls les zones de survol où porter notre recherche.
Pleine autonomie d'action car, le président de la République l'a encore dit hier, des frappes seront nécessaires. Et nous choisirons seuls les objectifs à frapper. Mais bien sûr, il est hors de question que, par ces frappes, nous contribuions à renforcer le régime de Bachar Al-Assad.
Ces missions, coordonnées - pour des raisons opérationnelles évidentes - avec la coalition que dirigent les États-Unis, s'appuient sur les moyens actuellement mobilisés dans le cadre de Chammal. Douze Rafale et Mirage 2000, un Atlantique 2 et un ravitailleur Cl35 sont engagés. Notre frégate Montcalm, déployée en Méditerranée, continue, quant à elle, de collecter les renseignements sur la situation en Syrie. Et je veux rendre devant vous hommage à l'action de nos soldats engagés au Levant. Avec courage, ténacité, professionnalisme, ils défendent nos intérêts, nos valeurs, protègent nos compatriotes et agissent pour la sécurité de la nation.
Cette stratégie aérienne est-elle suffisante ? En d'autres termes, faut-il envisager d'intervenir au sol ? J'ai entendu des voix plaider pour une telle option. Et si oui, comment ? La France seule ? Nous l'avons fait au Mali, mais les circonstances, chacun le reconnaît, étaient totalement différentes.
Intervenir avec les Européens ? Mais qui, parmi eux, seraient prêts à une telle aventure ? Avec les Américains ? Le veulent-ils ? Non ! Et puis, il faut savoir tirer les enseignements du passé. Ils sont douloureux. Je pense, en particulier, à la bataille de Faloudja, en Irak.
Plus globalement, ce que les exemples en Irak et en Afghanistan nous apprennent, c'est qu'il faudrait mobiliser plusieurs dizaines de milliers d'hommes, qui seraient alors exposés à un très grand danger. C'est d'ailleurs le piège qui nous est tendu par les djihadistes : nous contraindre à intervenir sur leur terrain pour nous enliser, pour invoquer contre nous un soi-disant esprit de «croisades», pour susciter une solidarité devant une prétendue «invasion».
Le président de la République a donc répondu de manière très claire : toute intervention terrestre, c'est-à-dire toute intervention au sol de notre part ou occidentale, serait inconséquente et irréaliste. Aucun de nos partenaires ne l'envisage d'ailleurs.
Mais si une coalition de pays de la région se formait pour aller libérer la Syrie de la tyrannie de Daech, alors ces pays auraient le soutien de la France.
Mener une guerre, ce n'est pas, comme s'y emploient certains, faire de grandes déclarations, fixer des échéances irréalistes. Mener une guerre c'est se fixer des objectifs et se donner les moyens de les atteindre. C'est surtout faire preuve de constance, de cohérence dans l'action.
Nous ne changeons pas de stratégie. Nous ne changeons pas de cible. Nous luttons contre le terrorisme. Mais - avec la vigilance et la connaissance des situations qu'a Jean-Yves Le Drian -, nous adaptons nos moyens militaires et notre présence en fonction du contexte politique.
Dans la bande sahélo-saharienne, dans le cadre de l'opération Barkhane, nos armées sont déployées aux côtés des unités africaines. Elles infligent de lourdes pertes aux groupes terroristes d'AQMI, d'Ansar Eddine ou du MUJAO ; autant de groupes qui prospèrent aussi sur la déliquescence des États. Je pense en particulier au vide politique qui s'est installé en Libye après l'intervention de 2011.
Nous luttons ensuite en Irak où, depuis un an, nos forces aériennes sont engagées à la demande des autorités irakiennes. Les opérations de la coalition ont permis d'enrayer la progression de Daech, notamment dans le Kurdistan.
Mais, nous le savions dès le départ et, sans démagogie, nous devons cette vérité à nos concitoyens : combattre les groupes terroristes, lutter contre Daech ne peut être qu'un combat de longue haleine. Il doit être mené en soutien des forces locales qui sont en première ligne sur le terrain. Je pense en particulier aux Peshmergas kurdes que nous aidons et dont je tiens à saluer le courage.
Nous n'en sommes qu'au début. Il nous faut donc continuer à agir, consolider les acquis sur le terrain, ne rien abandonner de la partie. Toutes ces actions militaires sont nécessaires. Elles ne sont pas suffisantes. Sans solution politique durable, il n'y aura pas de stabilisation de la situation. L'impératif, c'est d'arrêter un engrenage fatal : celui de la dislocation du Moyen-Orient.
Il faut aujourd'hui tout faire pour stopper cette mécanique infernale : les fractures régionales qui réapparaissent ; la tectonique des rivalités ancestrales, celles en particulier entre chiites et sunnites, qui se réveillent ; les appétits de puissance qui transforment la Syrie en champ clos des ambitions régionales, et empêchent l'Irak de se relever des conséquences de l'intervention de 2003.
Face aux risques de fragmentation du Moyen-Orient, nous devons intensifier nos efforts pour faire émerger des solutions politiques qui refondent l'unité de ces États et de ces peuples. En Irak, d'abord, où le gouvernement doit rassembler toutes les communautés du pays pour lutter contre Daech. Le président de la République l'a dit fortement lors de son déplacement à Bagdad pendant l'été 2014. Car un gouvernement qui ne respecterait pas la minorité sunnite continuerait de précipiter celle-ci dans l'étreinte mortelle de Daech.
Nous devons également intensifier nos efforts en Syrie. Nous ne ferons rien qui puisse consolider le régime. L'urgence, c'est au contraire d'aller vers un accord qui tourne définitivement la page des crimes de Bachar Al-Assad. Il est une grande part du problème. Il ne peut en aucun cas être une solution. Avec un homme responsable de tant de morts, de crimes de guerre et contre l'humanité, aucun compromis, aucun arrangement n'est possible. Transiger, pactiser, comme le proposent certains, ce serait d'abord une faute morale. Dès août 2013, nous étions prêts à réagir, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne n'étaient finalement pas au rendez-vous.
Ce serait aussi une faute politique, stratégique. Les combattants ne poseront les armes en Syrie que quand l'État syrien garantira leurs droits et ne sera plus aux mains d'une bande criminelle. C'est pourquoi il faut travailler sans relâche à accélérer cette transition politique. Elle devra rassembler dans un gouvernement de transition les forces de l'opposition - qui sont aujourd'hui encore trop affaiblies - et les éléments les moins compromis du régime. Mais, en aucun cas, cette transition ne peut remettre dans le jeu les factions terroristes. Il y a une ligne qui ne peut pas être franchie.
Cette solution politique ne pourra voir le jour que par la convergence des efforts diplomatiques, de tous les efforts diplomatiques.
Ces paramètres du règlement de la crise syrienne, nous les connaissons, pas depuis un mois, pas depuis six mois : ils ont été déterminés lors des réunions de Genève, dès 2012, et adoptés par les principaux pays intéressés par l'avenir de la Syrie. La tâche est bien sûr difficile, mais cela ne doit pas être un prétexte au statu quo, à l'inaction, au renoncement.
La France parle à tous. Et je voudrais saluer l'action remarquable que conduit Laurent Fabius à la tête de notre diplomatie.
Nous parlons, bien sûr, d'abord à nos partenaires membres permanents du Conseil de sécurité. Contrairement à ce que j'entends dire parfois, nous parlons en particulier avec la Russie - le président Hollande et le président Poutine évoquent régulièrement ce dossier -, dont les positions demeurent éloignées des nôtres. Nous avons tous un devoir de responsabilité : tout soutien militaire au régime de Bachar Al-Assad ne fait qu'alimenter la spirale de la violence. Nous devons d'autant plus parler à la Russie qu'il faut surmonter avec les Russes la défiance née de l'intervention en Libye en 2011.
Parler à tous, c'est aussi travailler avec l'ensemble des acteurs de la région. C'est l'histoire qui parle, mais c'est aussi la géographie qui s'impose.
Parler à tous, c'est d'abord parler aux pays arabes sunnites : Égypte, Jordanie, bien sûr, Arabie saoudite, pays du Golfe. C'est parler aussi à la Turquie, qui a besoin de l'Union européenne, et dont nous avons besoin. Elle doit toutefois préciser davantage ses objectifs.
C'est parler, enfin, à l'Iran. Le président de la République recevra à Paris, en novembre, le président iranien Rohani. Nous, la France, nous recevrons l'Iran, car après la conclusion de l'accord sur son programme nucléaire, Téhéran doit peser positivement, en faveur d'une solution politique.
La France parle à tous. C'est son rang et c'est sa vocation : agir militairement, agir politiquement, mais aussi agir sur le plan humanitaire pour protéger les minorités au Moyen-Orient.
Ce qui est en jeu, c'est la survie de communautés entières, les chrétiens, les yézidis, et avec elles, la diversité culturelle, religieuse et ethnique de cette région. J'ai reçu, il y a quelques jours, comme vous, le patriarche de l'Église chaldéenne d'Irak, Monseigneur Raphaël Sako. C'est un nouveau cri d'alarme qu'il nous a lancé, un appel à l'aide, mais il m'a dit aussi sa grande confiance en la France.
Le 8 septembre, il était d'ailleurs présent à la réunion organisée sous l'égide de la France et présidée par Laurent Fabius. Lors de cette conférence internationale consacrée aux victimes de persécutions ethniques et religieuses au Moyen-Orient, les participants ont tous été bouleversés par le témoignage de Jinan, cette jeune yazidie. Le plan d'action de Paris a été adopté. Notre devoir est d'en assurer la mise en oeuvre.
Dans l'attente d'un retour de la Syrie à la stabilité, nous devons venir en aide au peuple syrien. La France - le président de la République l'a proposé - organisera une conférence internationale sur les réfugiés pour mobiliser tous les pays, pour dégager les ressources financières qui font aujourd'hui tant défaut - je pense, en particulier, aux moyens dont doivent disposer le Haut-commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial -, et pour organiser, au-delà des initiatives prises par l'Europe, la solidarité pour l'accueil des réfugiés avec les pays hôtes.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Députés, je l'ai dit devant cette assemblée : la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme, l'islamisme radical. C'est un combat qui, derrière le président de la République, mobilise toute la nation, un combat auquel sont consacrés tous les moyens que nous jugeons nécessaires.
Nous savons qu'il sera long. Il faut le dire. La vérité et la lucidité le commandent. Ceux qui prétendent qu'on pourra régler le problème en quelques jours se trompent et trompent les Français. Nous savons que ce combat sera long, qu'il sera marqué par les épreuves, car la menace est lourde. Mais nous savons aussi que c'est un combat majeur, car il y va de nos valeurs, de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons. Il y va de l'avenir de peuples voisins et amis, de notre propre avenir aussi. Et nos concitoyens sentent bien qu'il se joue là quelque chose de fondamental.
C'est pour cela qu'il faut chercher à se rassembler et ne pas faire de cette question un sujet de politique intérieure et de polémique. Alors soyons unis, rassemblés, sérieux et graves, à la hauteur des enjeux, pour agir et pour porter ce combat. C'est comme cela que nous pourrons l'emporter. Et j'ai la ferme conviction que nous l'emporterons parce que nous sommes la France.
(Interventions des parlementaires)
* M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je souhaiterais faire quatre remarques en réponse aux différentes interventions.
Tout d'abord, je souhaiterais apporter quelques précisions concernant la coalition en Irak et l'opération Chammal. En premier lieu, Chammal avait pour but d'empêcher la progression de Daech, qui menaçait d'occuper Bagdad et une partie du Kurdistan, voire Erbil. Ce sont les frappes de la coalition, il faut le rappeler, qui ont permis d'obtenir ce résultat. Par ailleurs, dans le cadre de la coalition, nous formons les forces de sécurité irakiennes - les FSI - et les Peshmergas en vue d'une reconquête de leur territoire. Il est prévu que nous intervenions en appui à leur pénétration au sol par des frappes aériennes. C'est ce qui a été fait dans certaines opérations et qui se poursuivra. Enfin, au plan diplomatique, nous devons faire en sorte que le gouvernement de M. Al-Abadi soit suffisamment inclusif pour que l'Irak retrouve sa sérénité intérieure.
Il est vrai que la situation est relativement gelée. Mais il n'y a pas d'alternative et nous n'avons jamais caché que cette feuille de route prendrait du temps. Profitant d'une certaine stabilisation - même si des affrontements se produisent en ce moment même à Baïji -, Daech a déporté sa force en Syrie.
Cela m'amène à expliquer les raisons du changement d'appréciation sur la Syrie. La situation est en effet caractérisée par une progression très importante de Daech dans ce pays. Si Daech remportait l'offensive qu'elle mène contre la ville de Marea, dans la région d'Alep, ce que l'on appelle encore l'Armée syrienne libre, ou ce qu'il en reste, serait réduit à néant. Par ailleurs, la volonté affichée de Daech est de rompre l'axe Damas-Homs, une opération qui, si elle aboutissait, placerait le Liban dans une situation très difficile.
Par ailleurs, comme Bernard Cazeneuve l'a dit à plusieurs reprises - des menaces à la sécurité nationale, des projets d'attentat ont été conçus, organisés et contrôlés depuis la Syrie.
Q - Vous le saviez déjà l'année dernière !
R - Non, Monsieur le Député, la situation était différente l'année dernière.
Enfin, des frappes contre Daech n'entraîneraient pas des actions permettant de renforcer par ailleurs Bachar Al-Assad. Celui-ci se trouve aujourd'hui sur un périmètre de repli, et dans une situation plus fragile qu'auparavant.
Tels sont les trois éléments d'une évaluation nouvelle, qui a amené le président de la République à prendre les initiatives rappelées par le Premier ministre.
Ma troisième remarque porte sur la nécessité d'intervenir au sol, que n'étaye aucun argument crédible. Le Premier ministre l'a rappelé tout à l'heure, et je dois le dire en tant que ministre de la défense : une intervention au sol des forces françaises serait proprement suicidaire. D'abord parce que nous serions seuls. Je n'ai vu personne aujourd'hui lever le doigt et se déclarer prêt à aller au sol !
Ensuite parce que cela nécessiterait d'engager de très nombreux soldats. Je suggère à ceux qui argumentent en faveur d'une intervention au sol de se souvenir des dizaines de milliers de militaires américains mobilisés pour la seconde guerre du Golfe, et même en Afghanistan. C'est la dure réalité des faits.
Non seulement il faudrait du monde, ne surtout pas être seuls, mais imaginez les conséquences politiques, idéologiques, d'une intervention au sol - M. le Premier ministre évoquait l'«esprit de croisade» tout à l'heure -, sans parler de l'impossibilité pour les forces syriennes libres, la coalition nationale, de mobiliser les forces autour d'elle pour préparer une alternative à Bachar Al-Assad. Ce ne serait pas opérant du tout.
La seule possibilité qui nous reste a été présentée par le Premier ministre : les forces d'opposition et insurrectionnelles de Syrie doivent s'organiser avec le soutien des pays de la région. Elles pourront ensuite recevoir l'appui de la France et des autres pays de la coalition qui le souhaiteraient.
Quatrième remarque, suscitée par M. de Rugy, à propos de la présence militaire russe en Syrie. Selon nos informations, elle se renforcerait en ce moment dans le port de Tartous et dans celui de Lattaquié. C'est à la fois un signe de faiblesse de la position de Bachar Al-Assad et un signe inquiétant. Le renforcement de la présence russe sur ces deux sites est significatif et des manoeuvres navales importantes ont été annoncées en Méditerranée, au large du Liban, pour les prochains jours. La situation est préoccupante et nous souhaitons que l'implication de la Russie dans la sécurisation du littoral syrien ne ruine pas les chances d'aboutir à un accord pour une transition politique.
Voilà les quatre remarques que je voulais vous faire avant la réponse du Premier ministre.
* M. Manuel Valls, Premier ministre
Après les propos très précis du ministre de la défense, je voudrais répondre à mon tour aux différents orateurs, non sans les remercier au préalable pour la qualité du débat. Nous y reviendrons demain à l'occasion des questions au gouvernement et d'un débat important relatif à l'accueil des réfugiés en France et en Europe.
À la suite de M. Le Drian, je demande au gouvernement de ne pas perdre de vue la gravité des défis que nous avons à relever.
Monsieur Philippe Nauche, vous avez eu raison d'évoquer le temps long. Nous sommes engagés dans la durée et nous ne devons pas tromper nos compatriotes : nous ne viendrons pas à bout de Daech en quelques jours. La lutte contre le terrorisme est une action globale dont les moyens ont déjà été rappelés ici. C'est d'abord une action militaire, comme celle qui a été menée en Irak et celle aujourd'hui envisagée en Syrie dans les conditions que nous avons évoquées.
C'est aussi une action diplomatique, que j'ai détaillée il y a un instant. Je reprends votre formule : nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. C'est Daech qui a déclaré la guerre contre nos valeurs, contre l'idée même que nous nous faisons de la civilisation. Rappelons-le, les musulmans sont les premières victimes de ce terrorisme. Je le dis souvent au-delà de ces murs : il ne peut s'agir d'une guerre qui opposerait, d'un côté, les Occidentaux chrétiens et de l'autre, les musulmans. Ne tombons pas dans le piège que Daech nous tend.
Merci, Monsieur Philippe Folliot, pour le ton que vous avez adopté et le soutien de votre groupe, d'ailleurs constant au-delà des nuances qui peuvent exister. Vous connaissez bien ces sujets - le Mali, l'Irak, et maintenant la Syrie. Vous avez raison, il faut donner les moyens à nos armées. La présidente Patricia Adam le rappelait aussi et je la remercie pour son intervention. Le budget augmentera de 3,8 milliards sur cinq ans. Les effectifs diminueront moins vite que prévu. Nous sauvegardons des emplois, nous investissons 1 milliard pour nos services de renseignement et les forces de sécurité chargées de la lutte anti-terroriste. Nous sommes au rendez-vous, ce qui a été rappelé dans le cadre des universités de la défense à Strasbourg, par l'ensemble des commissaires de la défense, de l'Assemblée nationale comme du Sénat. Sur ce sujet-là, aussi, nous devons essayer de dépasser les querelles.
Merci encore, Monsieur Folliot, pour votre analyse pertinente de la situation en Syrie, que nous avons retrouvée dans la plupart des interventions. Bien sûr, je ne partage pas votre point de vue s'agissant de l'intervention au sol. Oui si elle est le fruit d'une coalition des pays de la région, avec notre soutien, mais sans notre participation sur le terrain.
Je remercie également le président François de Rugy pour le soutien qu'il nous apporte, les propos qu'il a tenus sur la nature du régime, et la proposition de moyens nécessaires à une action terrestre, qui illustrent le débat. Merci pour l'analyse que nous partageons sur la démarche politique, sur une nouvelle conférence de Genève. Son intervention, jointe à celles de Philippe Nauche et Jacques Moignard, témoigne, ce qui est une bonne chose de la part de la majorité parlementaire, d'une analyse commune de ces questions et du soutien à l'action du président de la République, chef des armées.
Monsieur Moignard, vous avez raison, Daech est une mafia, qui vit de trafics et d'extorsions. Nous devons donc nous attaquer aussi aux circuits de financement. Merci également d'avoir salué la loi relative au renseignement et les instruments dont nous disposons dorénavant pour lutter contre les filières djihadistes vers la Syrie. Vous avez évoqué nos dispositifs dans la région, en particulier en Jordanie. Je m'y rendrai mi-octobre avec Jean-Yves Le Drian. C'est par ailleurs un pays que nous devons soutenir, comme nous devons soutenir la Turquie et le Liban. Le président de la République l'a rappelé. Il s'y rendra parce que ces pays, en première ligne, subissent le choc de l'afflux des réfugiés et les conséquences de la déstabilisation de la région.
Monsieur François Asensi, je tiens à vous rassurer, l'OTAN n'est en rien impliquée, ni en Irak, ni en Syrie. Notre mot d'ordre est notre autonomie de décision et d'action. Nous avons déjà participé à des coalitions - encore aujourd'hui, en Irak - mais à chaque fois, nous conservons notre autonomie de décision - c'est une position constante de la France.
D'ailleurs, en 2003, nous nous sommes retrouvés très largement sur le fait que nous ne pouvions pas intervenir en Irak. Nous le présagions à l'époque mais nous savons aujourd'hui quelles pouvaient en être les conséquences. C'est pour cette raison que nous avions salué la position de Jacques Chirac et le discours de Dominique de Villepin aux Nations unies, que j'invite chacun à relire régulièrement. Aujourd'hui, la région paie au prix fort les conséquences de cette intervention.
Vous évoquiez également le cadre juridique, Monsieur Asensi. Daech a été reconnu comme organisation terroriste par la résolution 2170 du conseil de sécurité. Mme Guigou le rappelait, nous sommes pleinement dans le cadre de l'article 51 de la Charte des Nations unies, et nous sommes en situation de légitime défense collective.
Nous sommes enfin d'accord sur votre stratégie, Monsieur Asensi, qui vise à lutter contre le circuit de financement du terrorisme.
Madame Guigou, merci pour votre analyse de la situation. Vous avez raison quant au devoir de solidarité des États du Golfe à l'égard des réfugiés syriens. Je salue également la justesse de vos propos sur les besoins éducatifs et sanitaires dans les camps de réfugiés. Nous avons d'ailleurs annoncé la semaine dernière une contribution française de 25 millions d'euros supplémentaires pour venir en aide aux réfugiés de Jordanie, du Liban et de Turquie. Comme vous, je remercie Patricia Adam pour ses analyses. Pour l'essentiel, les deux commissions concernées de l'Assemblée ont la même perception de la situation.
Monsieur Jacob, vous avez eu raison de lier les deux débats, celui d'aujourd'hui et celui de demain. J'ose souhaiter que nous puissions, pour l'ensemble de ces questions, nous retrouver sur l'essentiel.
(...)
J'ai bien entendu vos propos concernant la Russie et la nécessité de dialoguer avec elle mais rappelons combien, après le vote au conseil de sécurité des Nations unies et l'abstention de la Russie sur l'intervention en Libye, la Russie s'est sentie flouée sur la nature même de l'intervention en Libye. C'est sans doute à cause de ce moment-là que la Russie a durci ses positions. Vous me demandez de la cohérence, ce qui est votre rôle en tant que président de groupe, mais je vous en demande moi aussi, car sur ces questions, la position de la France, qui doit être un continuum, mérite d'être rappelée à chaque fois.
Quant à la Russie, nous débattons avec elle. C'est à travers l'initiative du président de la République sur un autre sujet, ô combien dramatique, que, le 6 juin 2014, grâce au «format Normandie» associant le président de la République, la chancelière Angela Merkel et les présidents ukrainien et russe, nous avons abouti aux accords de Minsk, qui trouvent aujourd'hui, heureusement, une traduction sur le terrain.
Nos diplomaties, les ministres des affaires étrangères, ne cessent de discuter de cette question. Il y eut la conférence de Genève mais nous souhaitons trouver une solution politique à laquelle participent la Russie et l'Iran, car c'est essentiel. C'est notre diplomatie, avec Laurent Fabius, qui a participé pleinement à l'accord sur le nucléaire iranien. Notre position est constante : pas de suivisme. Or, j'ai l'impression que l'on nous demande, dans vos rangs, de suivre la Russie, l'Iran ou le Hezbollah, si ce n'est les trois à la fois. Ce n'est pas la position de la France. Le président de la République l'a exprimé : nous sommes indépendants et nous voulons préserver les intérêts des uns et autres dans la région pour favoriser le retour à la stabilité et à la paix.
(...)
Eh bien, comme l'a dit M. Nauche, la position de la France est incarnée par le président de la République, par le gouvernement et par ses armées, comme la cohérence l'exige. (...) La cohérence nécessaire, celle que veulent les Français, elle est ici, elle est du côté du chef de l'État ! Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2015
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Le Président de la République l'a annoncé le 7 septembre dernier : la France a décidé de procéder à des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie.
Comme le prévoit l'article 35, alinéa 2, de la Constitution, j'ai immédiatement informé les présidents des deux assemblées et j'ai décidé d'organiser ce débat au début de la session extraordinaire, ici, avec le ministre de la défense, et au Sénat, avec le ministre des affaires étrangères. Je tiens à vous expliquer pourquoi nous intervenons, dans quel contexte, et à vous dire les objectifs que se fixe la France.
Vous le savez, le chaos règne en Syrie. Il déstabilise l'ensemble du Moyen-Orient. Il constitue le repaire des terroristes djihadistes, à la fois de Daech comme d'autres groupes dans la mouvance d'Al Qaïda, comme Jabhat al-Nosra. Il alimente le drame des réfugiés, qui fuient non seulement Daech, mais aussi et surtout - ne l'oublions jamais - la barbarie du régime de Bachar Al-Assad.
Au cours des derniers mois, les territoires contrôlés par les groupes terroristes se sont étendus sur le sol syrien ; une progression qui a déstabilisé plus encore l'ensemble de la région. Soyons lucides : cette avancée de Daech est avant tout le résultat du calcul cynique de Bachar Al-Assad. Daech a d'abord été l'instrument pour prendre l'opposition modérée en étau, puis pour l'écraser. Ce fut, aussi, pour le régime, la terrible justification de crimes, de l'emploi d'armes chimiques, contre sa propre population. Aujourd'hui, le résultat, c'est l'abandon aux mains des djihadistes de régions entières. Dorénavant, c'est tout le grand Est syrien, c'est-à-dire 30% de la Syrie, qui constitue pour Daech un solide bastion, avec les conséquences funestes que nous connaissons.
La première conséquence, je l'ai dit, c'est la menace pour notre sécurité. Nous le savons, la menace djihadiste - celle dirigée contre la France - provient des zones que Daech contrôle. Il y a, en Syrie, des centres de commandement de cette organisation. C'est également depuis la Syrie que s'organisent les filières qui recrutent de nombreux individus voulant prendre les armes, mener les combats là-bas, mais aussi frapper, en retour, leur propre pays. C'est, enfin, en Syrie que se structure et s'alimente la propagande qui, par la mise en scène de la violence, irrigue constamment les réseaux sociaux, notamment francophones. À ce jour, nous l'avons souvent rappelé avec le ministre de l'intérieur, entre 20.000 et 30.000 ressortissants étrangers sont recensés dans les filières irako-syriennes. Nous estimons le nombre de Français ou des résidents en France enrôlés dans les filières djihadistes à 1.880 : 491 sont sur place, 133 ont à ce jour trouvé la mort et de plus en plus au travers d'actions meurtrières, sous forme d'attentats suicides.
Deuxième conséquence : dans cet immense espace, Daech impose sa domination. Daech est plus qu'une organisation terroriste voulant fédérer différents mouvements d'un djihadisme composite. C'est un nouveau totalitarisme qui dévoie l'Islam pour imposer son joug. Il ne recule devant rien : massacre de mouvements de résistance, mise en scène de la torture et de la barbarie, asservissement des minorités, trafics, vente d'êtres humains. Il y a aussi l'anéantissement systématique de l'héritage culturel et du patrimoine universel de cette région : le tombeau de Jonas, le musée et la bibliothèque de Mossoul, les ruines assyriennes de Nimrod ou encore les vestiges antiques de Palmyre. C'est une part de l'humanité et de son génie qui s'envole à jamais.
La troisième conséquence - elle est intimement liée à la deuxième -, c'est bien sûr le drame des réfugiés. La Syrie, aujourd'hui, est un peuple décimé, dispersé. Plus de 250.000 morts en quatre ans, dont 80% sous les coups du régime et de sa répression. C'est un peuple déplacé. Des millions de Syriens sont pris en étau sur le territoire, entre la répression de Bachar Al-Assad et la barbarie de Daech. C'est un peuple, enfin, réduit à l'exil. Quatre millions de Syriens se sont réfugiés dans les camps du Liban, de Jordanie et de Turquie. Ils ont souvent un seul espoir : atteindre l'Europe pour y trouver l'asile. La crise des réfugiés est la conséquence directe et immédiate du chaos syrien. Nous y consacrerons, ici même, le débat de demain.
Mesdames, Messieurs les Députés, depuis le mardi 8 septembre, nos forces aériennes survolent donc la Syrie. Il s'agit d'abord et avant tout d'une campagne de renseignement grâce à des vols de reconnaissance. Plusieurs missions ont d'ores et déjà été réalisées. Cette campagne durera le temps qu'il faudra, plusieurs semaines certainement.
Nous devons mieux identifier et localiser le dispositif de Daech pour être en mesure de le frapper sur le sol syrien et d'exercer ainsi - je veux le souligner tout particulièrement - notre légitime défense, comme le prévoit l'article 51 de la Charte des Nations unies. Ces missions de reconnaissance sont conduites à titre national, en pleine autonomie de décision et d'action.
Pleine autonomie de décision, car nous choisissons seuls les zones de survol où porter notre recherche.
Pleine autonomie d'action car, le président de la République l'a encore dit hier, des frappes seront nécessaires. Et nous choisirons seuls les objectifs à frapper. Mais bien sûr, il est hors de question que, par ces frappes, nous contribuions à renforcer le régime de Bachar Al-Assad.
Ces missions, coordonnées - pour des raisons opérationnelles évidentes - avec la coalition que dirigent les États-Unis, s'appuient sur les moyens actuellement mobilisés dans le cadre de Chammal. Douze Rafale et Mirage 2000, un Atlantique 2 et un ravitailleur Cl35 sont engagés. Notre frégate Montcalm, déployée en Méditerranée, continue, quant à elle, de collecter les renseignements sur la situation en Syrie. Et je veux rendre devant vous hommage à l'action de nos soldats engagés au Levant. Avec courage, ténacité, professionnalisme, ils défendent nos intérêts, nos valeurs, protègent nos compatriotes et agissent pour la sécurité de la nation.
Cette stratégie aérienne est-elle suffisante ? En d'autres termes, faut-il envisager d'intervenir au sol ? J'ai entendu des voix plaider pour une telle option. Et si oui, comment ? La France seule ? Nous l'avons fait au Mali, mais les circonstances, chacun le reconnaît, étaient totalement différentes.
Intervenir avec les Européens ? Mais qui, parmi eux, seraient prêts à une telle aventure ? Avec les Américains ? Le veulent-ils ? Non ! Et puis, il faut savoir tirer les enseignements du passé. Ils sont douloureux. Je pense, en particulier, à la bataille de Faloudja, en Irak.
Plus globalement, ce que les exemples en Irak et en Afghanistan nous apprennent, c'est qu'il faudrait mobiliser plusieurs dizaines de milliers d'hommes, qui seraient alors exposés à un très grand danger. C'est d'ailleurs le piège qui nous est tendu par les djihadistes : nous contraindre à intervenir sur leur terrain pour nous enliser, pour invoquer contre nous un soi-disant esprit de «croisades», pour susciter une solidarité devant une prétendue «invasion».
Le président de la République a donc répondu de manière très claire : toute intervention terrestre, c'est-à-dire toute intervention au sol de notre part ou occidentale, serait inconséquente et irréaliste. Aucun de nos partenaires ne l'envisage d'ailleurs.
Mais si une coalition de pays de la région se formait pour aller libérer la Syrie de la tyrannie de Daech, alors ces pays auraient le soutien de la France.
Mener une guerre, ce n'est pas, comme s'y emploient certains, faire de grandes déclarations, fixer des échéances irréalistes. Mener une guerre c'est se fixer des objectifs et se donner les moyens de les atteindre. C'est surtout faire preuve de constance, de cohérence dans l'action.
Nous ne changeons pas de stratégie. Nous ne changeons pas de cible. Nous luttons contre le terrorisme. Mais - avec la vigilance et la connaissance des situations qu'a Jean-Yves Le Drian -, nous adaptons nos moyens militaires et notre présence en fonction du contexte politique.
Dans la bande sahélo-saharienne, dans le cadre de l'opération Barkhane, nos armées sont déployées aux côtés des unités africaines. Elles infligent de lourdes pertes aux groupes terroristes d'AQMI, d'Ansar Eddine ou du MUJAO ; autant de groupes qui prospèrent aussi sur la déliquescence des États. Je pense en particulier au vide politique qui s'est installé en Libye après l'intervention de 2011.
Nous luttons ensuite en Irak où, depuis un an, nos forces aériennes sont engagées à la demande des autorités irakiennes. Les opérations de la coalition ont permis d'enrayer la progression de Daech, notamment dans le Kurdistan.
Mais, nous le savions dès le départ et, sans démagogie, nous devons cette vérité à nos concitoyens : combattre les groupes terroristes, lutter contre Daech ne peut être qu'un combat de longue haleine. Il doit être mené en soutien des forces locales qui sont en première ligne sur le terrain. Je pense en particulier aux Peshmergas kurdes que nous aidons et dont je tiens à saluer le courage.
Nous n'en sommes qu'au début. Il nous faut donc continuer à agir, consolider les acquis sur le terrain, ne rien abandonner de la partie. Toutes ces actions militaires sont nécessaires. Elles ne sont pas suffisantes. Sans solution politique durable, il n'y aura pas de stabilisation de la situation. L'impératif, c'est d'arrêter un engrenage fatal : celui de la dislocation du Moyen-Orient.
Il faut aujourd'hui tout faire pour stopper cette mécanique infernale : les fractures régionales qui réapparaissent ; la tectonique des rivalités ancestrales, celles en particulier entre chiites et sunnites, qui se réveillent ; les appétits de puissance qui transforment la Syrie en champ clos des ambitions régionales, et empêchent l'Irak de se relever des conséquences de l'intervention de 2003.
Face aux risques de fragmentation du Moyen-Orient, nous devons intensifier nos efforts pour faire émerger des solutions politiques qui refondent l'unité de ces États et de ces peuples. En Irak, d'abord, où le gouvernement doit rassembler toutes les communautés du pays pour lutter contre Daech. Le président de la République l'a dit fortement lors de son déplacement à Bagdad pendant l'été 2014. Car un gouvernement qui ne respecterait pas la minorité sunnite continuerait de précipiter celle-ci dans l'étreinte mortelle de Daech.
Nous devons également intensifier nos efforts en Syrie. Nous ne ferons rien qui puisse consolider le régime. L'urgence, c'est au contraire d'aller vers un accord qui tourne définitivement la page des crimes de Bachar Al-Assad. Il est une grande part du problème. Il ne peut en aucun cas être une solution. Avec un homme responsable de tant de morts, de crimes de guerre et contre l'humanité, aucun compromis, aucun arrangement n'est possible. Transiger, pactiser, comme le proposent certains, ce serait d'abord une faute morale. Dès août 2013, nous étions prêts à réagir, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne n'étaient finalement pas au rendez-vous.
Ce serait aussi une faute politique, stratégique. Les combattants ne poseront les armes en Syrie que quand l'État syrien garantira leurs droits et ne sera plus aux mains d'une bande criminelle. C'est pourquoi il faut travailler sans relâche à accélérer cette transition politique. Elle devra rassembler dans un gouvernement de transition les forces de l'opposition - qui sont aujourd'hui encore trop affaiblies - et les éléments les moins compromis du régime. Mais, en aucun cas, cette transition ne peut remettre dans le jeu les factions terroristes. Il y a une ligne qui ne peut pas être franchie.
Cette solution politique ne pourra voir le jour que par la convergence des efforts diplomatiques, de tous les efforts diplomatiques.
Ces paramètres du règlement de la crise syrienne, nous les connaissons, pas depuis un mois, pas depuis six mois : ils ont été déterminés lors des réunions de Genève, dès 2012, et adoptés par les principaux pays intéressés par l'avenir de la Syrie. La tâche est bien sûr difficile, mais cela ne doit pas être un prétexte au statu quo, à l'inaction, au renoncement.
La France parle à tous. Et je voudrais saluer l'action remarquable que conduit Laurent Fabius à la tête de notre diplomatie.
Nous parlons, bien sûr, d'abord à nos partenaires membres permanents du Conseil de sécurité. Contrairement à ce que j'entends dire parfois, nous parlons en particulier avec la Russie - le président Hollande et le président Poutine évoquent régulièrement ce dossier -, dont les positions demeurent éloignées des nôtres. Nous avons tous un devoir de responsabilité : tout soutien militaire au régime de Bachar Al-Assad ne fait qu'alimenter la spirale de la violence. Nous devons d'autant plus parler à la Russie qu'il faut surmonter avec les Russes la défiance née de l'intervention en Libye en 2011.
Parler à tous, c'est aussi travailler avec l'ensemble des acteurs de la région. C'est l'histoire qui parle, mais c'est aussi la géographie qui s'impose.
Parler à tous, c'est d'abord parler aux pays arabes sunnites : Égypte, Jordanie, bien sûr, Arabie saoudite, pays du Golfe. C'est parler aussi à la Turquie, qui a besoin de l'Union européenne, et dont nous avons besoin. Elle doit toutefois préciser davantage ses objectifs.
C'est parler, enfin, à l'Iran. Le président de la République recevra à Paris, en novembre, le président iranien Rohani. Nous, la France, nous recevrons l'Iran, car après la conclusion de l'accord sur son programme nucléaire, Téhéran doit peser positivement, en faveur d'une solution politique.
La France parle à tous. C'est son rang et c'est sa vocation : agir militairement, agir politiquement, mais aussi agir sur le plan humanitaire pour protéger les minorités au Moyen-Orient.
Ce qui est en jeu, c'est la survie de communautés entières, les chrétiens, les yézidis, et avec elles, la diversité culturelle, religieuse et ethnique de cette région. J'ai reçu, il y a quelques jours, comme vous, le patriarche de l'Église chaldéenne d'Irak, Monseigneur Raphaël Sako. C'est un nouveau cri d'alarme qu'il nous a lancé, un appel à l'aide, mais il m'a dit aussi sa grande confiance en la France.
Le 8 septembre, il était d'ailleurs présent à la réunion organisée sous l'égide de la France et présidée par Laurent Fabius. Lors de cette conférence internationale consacrée aux victimes de persécutions ethniques et religieuses au Moyen-Orient, les participants ont tous été bouleversés par le témoignage de Jinan, cette jeune yazidie. Le plan d'action de Paris a été adopté. Notre devoir est d'en assurer la mise en oeuvre.
Dans l'attente d'un retour de la Syrie à la stabilité, nous devons venir en aide au peuple syrien. La France - le président de la République l'a proposé - organisera une conférence internationale sur les réfugiés pour mobiliser tous les pays, pour dégager les ressources financières qui font aujourd'hui tant défaut - je pense, en particulier, aux moyens dont doivent disposer le Haut-commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial -, et pour organiser, au-delà des initiatives prises par l'Europe, la solidarité pour l'accueil des réfugiés avec les pays hôtes.
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Députés, je l'ai dit devant cette assemblée : la France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme, l'islamisme radical. C'est un combat qui, derrière le président de la République, mobilise toute la nation, un combat auquel sont consacrés tous les moyens que nous jugeons nécessaires.
Nous savons qu'il sera long. Il faut le dire. La vérité et la lucidité le commandent. Ceux qui prétendent qu'on pourra régler le problème en quelques jours se trompent et trompent les Français. Nous savons que ce combat sera long, qu'il sera marqué par les épreuves, car la menace est lourde. Mais nous savons aussi que c'est un combat majeur, car il y va de nos valeurs, de ce que nous sommes, de ce en quoi nous croyons. Il y va de l'avenir de peuples voisins et amis, de notre propre avenir aussi. Et nos concitoyens sentent bien qu'il se joue là quelque chose de fondamental.
C'est pour cela qu'il faut chercher à se rassembler et ne pas faire de cette question un sujet de politique intérieure et de polémique. Alors soyons unis, rassemblés, sérieux et graves, à la hauteur des enjeux, pour agir et pour porter ce combat. C'est comme cela que nous pourrons l'emporter. Et j'ai la ferme conviction que nous l'emporterons parce que nous sommes la France.
(Interventions des parlementaires)
* M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense
Monsieur le Président,
Monsieur le Premier Ministre,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Je souhaiterais faire quatre remarques en réponse aux différentes interventions.
Tout d'abord, je souhaiterais apporter quelques précisions concernant la coalition en Irak et l'opération Chammal. En premier lieu, Chammal avait pour but d'empêcher la progression de Daech, qui menaçait d'occuper Bagdad et une partie du Kurdistan, voire Erbil. Ce sont les frappes de la coalition, il faut le rappeler, qui ont permis d'obtenir ce résultat. Par ailleurs, dans le cadre de la coalition, nous formons les forces de sécurité irakiennes - les FSI - et les Peshmergas en vue d'une reconquête de leur territoire. Il est prévu que nous intervenions en appui à leur pénétration au sol par des frappes aériennes. C'est ce qui a été fait dans certaines opérations et qui se poursuivra. Enfin, au plan diplomatique, nous devons faire en sorte que le gouvernement de M. Al-Abadi soit suffisamment inclusif pour que l'Irak retrouve sa sérénité intérieure.
Il est vrai que la situation est relativement gelée. Mais il n'y a pas d'alternative et nous n'avons jamais caché que cette feuille de route prendrait du temps. Profitant d'une certaine stabilisation - même si des affrontements se produisent en ce moment même à Baïji -, Daech a déporté sa force en Syrie.
Cela m'amène à expliquer les raisons du changement d'appréciation sur la Syrie. La situation est en effet caractérisée par une progression très importante de Daech dans ce pays. Si Daech remportait l'offensive qu'elle mène contre la ville de Marea, dans la région d'Alep, ce que l'on appelle encore l'Armée syrienne libre, ou ce qu'il en reste, serait réduit à néant. Par ailleurs, la volonté affichée de Daech est de rompre l'axe Damas-Homs, une opération qui, si elle aboutissait, placerait le Liban dans une situation très difficile.
Par ailleurs, comme Bernard Cazeneuve l'a dit à plusieurs reprises - des menaces à la sécurité nationale, des projets d'attentat ont été conçus, organisés et contrôlés depuis la Syrie.
Q - Vous le saviez déjà l'année dernière !
R - Non, Monsieur le Député, la situation était différente l'année dernière.
Enfin, des frappes contre Daech n'entraîneraient pas des actions permettant de renforcer par ailleurs Bachar Al-Assad. Celui-ci se trouve aujourd'hui sur un périmètre de repli, et dans une situation plus fragile qu'auparavant.
Tels sont les trois éléments d'une évaluation nouvelle, qui a amené le président de la République à prendre les initiatives rappelées par le Premier ministre.
Ma troisième remarque porte sur la nécessité d'intervenir au sol, que n'étaye aucun argument crédible. Le Premier ministre l'a rappelé tout à l'heure, et je dois le dire en tant que ministre de la défense : une intervention au sol des forces françaises serait proprement suicidaire. D'abord parce que nous serions seuls. Je n'ai vu personne aujourd'hui lever le doigt et se déclarer prêt à aller au sol !
Ensuite parce que cela nécessiterait d'engager de très nombreux soldats. Je suggère à ceux qui argumentent en faveur d'une intervention au sol de se souvenir des dizaines de milliers de militaires américains mobilisés pour la seconde guerre du Golfe, et même en Afghanistan. C'est la dure réalité des faits.
Non seulement il faudrait du monde, ne surtout pas être seuls, mais imaginez les conséquences politiques, idéologiques, d'une intervention au sol - M. le Premier ministre évoquait l'«esprit de croisade» tout à l'heure -, sans parler de l'impossibilité pour les forces syriennes libres, la coalition nationale, de mobiliser les forces autour d'elle pour préparer une alternative à Bachar Al-Assad. Ce ne serait pas opérant du tout.
La seule possibilité qui nous reste a été présentée par le Premier ministre : les forces d'opposition et insurrectionnelles de Syrie doivent s'organiser avec le soutien des pays de la région. Elles pourront ensuite recevoir l'appui de la France et des autres pays de la coalition qui le souhaiteraient.
Quatrième remarque, suscitée par M. de Rugy, à propos de la présence militaire russe en Syrie. Selon nos informations, elle se renforcerait en ce moment dans le port de Tartous et dans celui de Lattaquié. C'est à la fois un signe de faiblesse de la position de Bachar Al-Assad et un signe inquiétant. Le renforcement de la présence russe sur ces deux sites est significatif et des manoeuvres navales importantes ont été annoncées en Méditerranée, au large du Liban, pour les prochains jours. La situation est préoccupante et nous souhaitons que l'implication de la Russie dans la sécurisation du littoral syrien ne ruine pas les chances d'aboutir à un accord pour une transition politique.
Voilà les quatre remarques que je voulais vous faire avant la réponse du Premier ministre.
* M. Manuel Valls, Premier ministre
Après les propos très précis du ministre de la défense, je voudrais répondre à mon tour aux différents orateurs, non sans les remercier au préalable pour la qualité du débat. Nous y reviendrons demain à l'occasion des questions au gouvernement et d'un débat important relatif à l'accueil des réfugiés en France et en Europe.
À la suite de M. Le Drian, je demande au gouvernement de ne pas perdre de vue la gravité des défis que nous avons à relever.
Monsieur Philippe Nauche, vous avez eu raison d'évoquer le temps long. Nous sommes engagés dans la durée et nous ne devons pas tromper nos compatriotes : nous ne viendrons pas à bout de Daech en quelques jours. La lutte contre le terrorisme est une action globale dont les moyens ont déjà été rappelés ici. C'est d'abord une action militaire, comme celle qui a été menée en Irak et celle aujourd'hui envisagée en Syrie dans les conditions que nous avons évoquées.
C'est aussi une action diplomatique, que j'ai détaillée il y a un instant. Je reprends votre formule : nous ne sommes pas des va-t-en-guerre. C'est Daech qui a déclaré la guerre contre nos valeurs, contre l'idée même que nous nous faisons de la civilisation. Rappelons-le, les musulmans sont les premières victimes de ce terrorisme. Je le dis souvent au-delà de ces murs : il ne peut s'agir d'une guerre qui opposerait, d'un côté, les Occidentaux chrétiens et de l'autre, les musulmans. Ne tombons pas dans le piège que Daech nous tend.
Merci, Monsieur Philippe Folliot, pour le ton que vous avez adopté et le soutien de votre groupe, d'ailleurs constant au-delà des nuances qui peuvent exister. Vous connaissez bien ces sujets - le Mali, l'Irak, et maintenant la Syrie. Vous avez raison, il faut donner les moyens à nos armées. La présidente Patricia Adam le rappelait aussi et je la remercie pour son intervention. Le budget augmentera de 3,8 milliards sur cinq ans. Les effectifs diminueront moins vite que prévu. Nous sauvegardons des emplois, nous investissons 1 milliard pour nos services de renseignement et les forces de sécurité chargées de la lutte anti-terroriste. Nous sommes au rendez-vous, ce qui a été rappelé dans le cadre des universités de la défense à Strasbourg, par l'ensemble des commissaires de la défense, de l'Assemblée nationale comme du Sénat. Sur ce sujet-là, aussi, nous devons essayer de dépasser les querelles.
Merci encore, Monsieur Folliot, pour votre analyse pertinente de la situation en Syrie, que nous avons retrouvée dans la plupart des interventions. Bien sûr, je ne partage pas votre point de vue s'agissant de l'intervention au sol. Oui si elle est le fruit d'une coalition des pays de la région, avec notre soutien, mais sans notre participation sur le terrain.
Je remercie également le président François de Rugy pour le soutien qu'il nous apporte, les propos qu'il a tenus sur la nature du régime, et la proposition de moyens nécessaires à une action terrestre, qui illustrent le débat. Merci pour l'analyse que nous partageons sur la démarche politique, sur une nouvelle conférence de Genève. Son intervention, jointe à celles de Philippe Nauche et Jacques Moignard, témoigne, ce qui est une bonne chose de la part de la majorité parlementaire, d'une analyse commune de ces questions et du soutien à l'action du président de la République, chef des armées.
Monsieur Moignard, vous avez raison, Daech est une mafia, qui vit de trafics et d'extorsions. Nous devons donc nous attaquer aussi aux circuits de financement. Merci également d'avoir salué la loi relative au renseignement et les instruments dont nous disposons dorénavant pour lutter contre les filières djihadistes vers la Syrie. Vous avez évoqué nos dispositifs dans la région, en particulier en Jordanie. Je m'y rendrai mi-octobre avec Jean-Yves Le Drian. C'est par ailleurs un pays que nous devons soutenir, comme nous devons soutenir la Turquie et le Liban. Le président de la République l'a rappelé. Il s'y rendra parce que ces pays, en première ligne, subissent le choc de l'afflux des réfugiés et les conséquences de la déstabilisation de la région.
Monsieur François Asensi, je tiens à vous rassurer, l'OTAN n'est en rien impliquée, ni en Irak, ni en Syrie. Notre mot d'ordre est notre autonomie de décision et d'action. Nous avons déjà participé à des coalitions - encore aujourd'hui, en Irak - mais à chaque fois, nous conservons notre autonomie de décision - c'est une position constante de la France.
D'ailleurs, en 2003, nous nous sommes retrouvés très largement sur le fait que nous ne pouvions pas intervenir en Irak. Nous le présagions à l'époque mais nous savons aujourd'hui quelles pouvaient en être les conséquences. C'est pour cette raison que nous avions salué la position de Jacques Chirac et le discours de Dominique de Villepin aux Nations unies, que j'invite chacun à relire régulièrement. Aujourd'hui, la région paie au prix fort les conséquences de cette intervention.
Vous évoquiez également le cadre juridique, Monsieur Asensi. Daech a été reconnu comme organisation terroriste par la résolution 2170 du conseil de sécurité. Mme Guigou le rappelait, nous sommes pleinement dans le cadre de l'article 51 de la Charte des Nations unies, et nous sommes en situation de légitime défense collective.
Nous sommes enfin d'accord sur votre stratégie, Monsieur Asensi, qui vise à lutter contre le circuit de financement du terrorisme.
Madame Guigou, merci pour votre analyse de la situation. Vous avez raison quant au devoir de solidarité des États du Golfe à l'égard des réfugiés syriens. Je salue également la justesse de vos propos sur les besoins éducatifs et sanitaires dans les camps de réfugiés. Nous avons d'ailleurs annoncé la semaine dernière une contribution française de 25 millions d'euros supplémentaires pour venir en aide aux réfugiés de Jordanie, du Liban et de Turquie. Comme vous, je remercie Patricia Adam pour ses analyses. Pour l'essentiel, les deux commissions concernées de l'Assemblée ont la même perception de la situation.
Monsieur Jacob, vous avez eu raison de lier les deux débats, celui d'aujourd'hui et celui de demain. J'ose souhaiter que nous puissions, pour l'ensemble de ces questions, nous retrouver sur l'essentiel.
(...)
J'ai bien entendu vos propos concernant la Russie et la nécessité de dialoguer avec elle mais rappelons combien, après le vote au conseil de sécurité des Nations unies et l'abstention de la Russie sur l'intervention en Libye, la Russie s'est sentie flouée sur la nature même de l'intervention en Libye. C'est sans doute à cause de ce moment-là que la Russie a durci ses positions. Vous me demandez de la cohérence, ce qui est votre rôle en tant que président de groupe, mais je vous en demande moi aussi, car sur ces questions, la position de la France, qui doit être un continuum, mérite d'être rappelée à chaque fois.
Quant à la Russie, nous débattons avec elle. C'est à travers l'initiative du président de la République sur un autre sujet, ô combien dramatique, que, le 6 juin 2014, grâce au «format Normandie» associant le président de la République, la chancelière Angela Merkel et les présidents ukrainien et russe, nous avons abouti aux accords de Minsk, qui trouvent aujourd'hui, heureusement, une traduction sur le terrain.
Nos diplomaties, les ministres des affaires étrangères, ne cessent de discuter de cette question. Il y eut la conférence de Genève mais nous souhaitons trouver une solution politique à laquelle participent la Russie et l'Iran, car c'est essentiel. C'est notre diplomatie, avec Laurent Fabius, qui a participé pleinement à l'accord sur le nucléaire iranien. Notre position est constante : pas de suivisme. Or, j'ai l'impression que l'on nous demande, dans vos rangs, de suivre la Russie, l'Iran ou le Hezbollah, si ce n'est les trois à la fois. Ce n'est pas la position de la France. Le président de la République l'a exprimé : nous sommes indépendants et nous voulons préserver les intérêts des uns et autres dans la région pour favoriser le retour à la stabilité et à la paix.
(...)
Eh bien, comme l'a dit M. Nauche, la position de la France est incarnée par le président de la République, par le gouvernement et par ses armées, comme la cohérence l'exige. (...) La cohérence nécessaire, celle que veulent les Français, elle est ici, elle est du côté du chef de l'État ! Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 septembre 2015