Texte intégral
YVES CALVI
7 h 49 ! Olivier MAZEROLLE vous recevez ce matin la ministre de l'Education nationale Najat VALLAUD-BELKACEM.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Avant de parler de la rentrée, ce mea culpa de François HOLLANDE : je n'aurais pas dû abolir la hausse de la TVA décidée par Nicolas SARKOZY », la rivalité rend aveugle en politique ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois surtout, enfin je n'ai pas lu le livre que vous évoquez, mais je crois qu'il faut se souvenir quel était l'état des finances publiques lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2012 qui étaient largement grevées en réalité et bien plus que ce qu'on avait imaginé pendant la campagne présidentielle même et, si je comprends bien ce que François HOLLANDE a du vouloir dire, c'est que d'une certaine façon la situation était terrible que pour opérer le redressement des comptes publics qu'on s'était engagés à redresser la facilité aurait pu être en effet de laisser cette TVA qui avait été décidée par son prédécesseur se faire.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais enfin vous vous rendez bien comptes des conséquences politiques
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais
OLIVIER MAZEROLLE
La droite s'engouffre dans la brèche, en disant : Voyez ! Regardez ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais au-delà des conséquences politiques, précisément parce que François HOLLANDE pendant sa campagne s'était engagé à revenir sur cette augmentation de TVA, il a préféré tenir son engagement et procéder comme nous l'avons fait à des augmentations de fiscalité, ciblées d'ailleurs, tous les Français n'en ont pas pâti de la même façon : augmentation de l'impôt sur les grandes fortunes, etc. et, aujourd'hui, nous sommes arrivés au but que nous nous étions fixés, c'est-à-dire que nous avons redressé les comptes publics et nous avons réussi à retrouver des marges de manoeuvre pour soutenir la compétitivité des entreprises et redresser l'économie aussi. C'est ce qui nous permet d'ailleurs et j'en terminerai par là en cette rentrée de réduire les impôts de neuf millions de Français, en moyenne de 300 euros quand même, c'est un effort important qu'il faut souligner.
OLIVIER MAZEROLLE
Autre phrase de François HOLLANDE dans ce livre : « j'ai engagé des réformes qui ne sont pas toutes de gauche mais qui servent l'intérêt général », ça ne va pas arranger ses affaires avec une bonne partie de la gauche ça, c'est un peu du Tony BLAIR, Tony BLAIR qui était venu dire se faire acclamer à l'Assemblée nationale par la droite, quand il avait dit : « ce qui compte c'est ce qui marche » ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! En fait il faut savoir attendre la fin de l'histoire pour pouvoir la juger, c'est à dire que enfin là encore vous m'obligez à faire l'exégèse des propos de François HOLLANDE, mais, si j'en crois ce que je comprends
OLIVIER MAZEROLLE
Eh bien ça intéresse tout le monde !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est il faut attendre la fin de l'histoire pour la juger, c'est à dire que par exemple quand on adopte en effet le Crédit d'impôt compétitivité emploi ou alors le Pacte de responsabilité qui va faire bénéficier les entreprises de 40 milliards d'euros, on pourrait croire que ce n'est pas une mesure de gauche - sauf que l'objectif de ces mesures-là c'est précisément de pouvoir ensuite redistribuer largent qui aura créé par ces nouvelles marges de manoeuvre et cette nouvelle activité produite par les entreprises grâce à cela à des ménages -et donc cette redistribution c'est ça qu'il faut regarder à la fin de l'histoire, c'est si les ménages en ont bien profité, notre société en a bien profité ? Et moi quand je vois les efforts que nous faisons, je parlais de la réduction de la fiscalité pour un certain nombre de ménages, je pourrais parler des efforts pour l'Education par exemple qui est devenue premier budget de la Nation
OLIVIER MAZEROLLE
On va parler d'éducation !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je me dis qu'il y a bien la redistribution et l'investissement qu'il fallait.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord ! Rentrée réussie, je le disais tout à l'heure - parce que j'ai eu beau chercher partout je n'ai pas vu d'incident - il y a un petit miracle-là, donc bravo, mais il y a des gens qui cherchent à vous gâcher la fête. Un exemple : il y a un rapport qui est publié qui indique que les ministères, notamment le ministère de la Justice, font travailler près de 50.000 personnes au noir, alors vous avez décidé vous d'instaurer l'enseignement moral et civique les professeurs d'ailleurs renâclaient un peu, ils ne voulaient pas faire dès cette année mais qu'est-ce qu'un professeur va pouvoir répondre à un élève qui, durant cet enseignement, va lui dire : « Oh ! Monsieur, quand même c'est bien gentil votre histoire-là, mais si l'Etat, et le ministère de la Justice fraudent pourquoi moi j'aurais à respecter la loi ? ».
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne connais pas les détails honnêtement de ce que vous évoquez au ministère de la Justice, donc je
OLIVIER MAZEROLLE
Non ! Non, mais sur le principe, sur la valeur.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je ne rentrerai pas dans ce sujet. En revanche, vous avez très bien illustré à quoi ressembleront les enseignements moraux et civiques à partir de cette année, c'est-à-dire qu'en effet ce sont des dilemmes moraux qui seront posés aux élèves pour que s'engage un débat et que les élèves comprennent à la fois la règle, le droit, mais aussi l'idée que parfois on puisse avoir des opinions contradictoires.
OLIVIER MAZEROLLE
Quand l'exemple vient d'en haut est aussi délétère, qu'est-ce qu'un professeur peut dire, peut répondre ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien souvent, souvent d'ailleurs sans parler forcément de politique, n en a d'autres exemples avec des parachutes dorés, etc., en ce moment souvent en effet les exemples qui viennent de plus haut font dire aux élèves qu'il y a deux poids, deux mesures. On peut prendre d'ailleurs un autre sujet, rappelez-vous après les attentats de Charlie en janvier dernier, souvent on entendait dans les classes : « mais pourquoi est-ce que Dieudonné on lui refusait la liberté d'expression et puis Charlie, etc. ? ». Donc c'est ce deux poids, deux mesures, qu'il s'agit dans ces enseignements nouveaux daborder pour clarifier les choses auprès des élèves, sur ce qui est permis, sur ce qui est interdit par la loi, sur au fond les règles qui nous permettent de vivre ensemble.
OLIVIER MAZEROLLE
Puisque vous évoquez Charlie hebdo, il y a la charte de la laïcité, même la droite reconnait qu'elle est très donne - donc pas de problème là-dessus - mais moi, quand je suis allé dans des collèges et des lycées, je me suis rendu compte qu'en fait les élèves ne sont pas hostiles à la Shoah seulement ils ne la connaissent pas parce qu'ils ont d'autres origines, ça ne fait pas partie de leur patrimoine culturel. Alors comment faire pour que tous ces jeunes Français, qui sont d'origines diverses, variées, arrivent à rassembler leurs histoires qui sont différentes pour en faire une histoire commune, celle de notre pays ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une mission fondamentale de l'école d'abord ! Parce que je le dis avec solennité, parce que certains en doute, certains croient que l'école n'est là que pour transmettre des savoirs, non, l'école est là aussi pour apprendre à vivre ensemble en effet bien qu'on ait chacun des origines, des parcours différents, des familles différentes. Pour apprendre à vivre ensemble l'école doit aussi apprendre la citoyenneté et d'une certaine façon cet enseignement moral et civique aura cette vocation-là, tout comme le fait qu' partir de cette rentrée il a été demandé aux établissements scolaires d'inscrire dans leurs projets d'établissement des dates de commémoration patriotiques que les élèves devront célébrer en bonne et due forme.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui ! Mais il faut que ça Ce n'est pas l'enseignement, il faut que ça entre, que ce soit intégré
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument !
OLIVIER MAZEROLLE
Intériorisé ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Absolument ! Et pour l'intérioriser il faut d'abord le comprendre, cela passe par ces cours d'histoire, c'est l'occasion de rendre hommage aux professeurs d'histoire qui jouent un rôle essentiel en la matière, bien connaître son histoire, avec une histoire qui soit appropriée véritablement par les élèves, donc qui soit présentée - c'est l'objet de la révision des programmes pour avoir des programmes d'histoire plus chronologiques, pour que les élèves aient des repères plus simples - donc bien connaître son histoire ; avoir des moments de célébration de la mémoire, c'est l'objet de ces cérémonies patriotiques que j'évoquais tout à l'heure : le 11 novembre, etc.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord !
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et puis cet enseignement moral et civique qui a aussi vocation à développer le sens de l'engagement chez les élèves, notamment en faisant intervenir dans les classes des réservistes citoyens vous savez ces adultes, ces 5.000 personnes qui ont dit qu'elles étaient d'accord pour venir épauler l'école - pour parler de leurs engagements et donner envie de s'engager aux élèves.
OLIVIER MAZEROLLE
Question brève, une réponse brève s'il vous plait.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! Pardon.
OLIVIER MAZEROLLE
Les syndicats enseignants veulent se mettre en grève le 17 septembre contre la réforme du collège - et pourtant vous dites qu'elle a été négociée avec eux ils sont bornés, ils ne comprennent rien ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oh ! Non je ne me permettrais pas venant
OLIVIER MAZEROLLE
Non ! Mais je vous pose la question.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non ! Non, les syndicats sont dans leur rôle. Ecoutez, Olivier MAZEROLLE, je crois que vous observez la vie politique depuis suffisamment longtemps et l'Education nationale aussi pour savoir que, à chaque fois qu'on conduit une réforme dans l'Education nationale, vous avez des opposants et puis vous avez des soutiens aussi d'ailleurs on ne le dit pas assez souvent mais il y a des organisations syndicales qui soutiennent très fortement cette réforme du collège donc celles qui y sont opposées vont à nouveau mobiliser en effet à la mi-septembre. Moi, je l'ai toujours dit, ma porte reste ouverte pour que nous continuons à préparer dans les meilleures conditions la rentrée 2016 -tout comme cette rentrée 2015 s'est bien préparée, s'est bien passée et elle sera d'autant mieux préparée la rentrée 2016 que les enseignants seront formés, un effort de formation continue inédit est conduit cette année, formés aux nouvelles pratiques pédagogiques, aux nouveaux programmes et aux plan numérique, c'est ça les trois nouveautés de la rentrée 2016.
OLIVIER MAZEROLLE
Je vous remercie ! Mais on a dépassé l'heure
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Désolé !
OLIVIER MAZEROLLE
Impartie pour l'examen.
YVES CALVI
Et en plus je vais avoir le toupet de reposer une question ! Vous savez que RTL consacre une journée spécifique à ce qu'on appelle aujourd'hui la crise des migrants, je voudrais savoir si pour la ministre de l'Education nationale les enfants des migrants ont vocation à être scolarisés dans notre pays ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui ! D'ailleurs c'est l'occasion de saluer ce que fait l'Education nationale en matière de scolarisation des enfants de migrants, avec des accueils qui passent je ne sais pas si vous avez vu ce très beau film qui s'appelle « la cour de Babel », sinon je vous invite à le voir - qui passent par des classes spécifiques, passerelles qui permettent à ces enfants de s'intégrer le mieux possible. C'est une situation délicate que nous vivons et je crois qu'il faut faire preuve à la fois d'humanité, de responsabilité, comme cela a été dit par le Premier ministre.
YVES CALVI
Merci Najat VALLAUD-BELKACEM
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
YVES CALVI
Merci à Olivier MAZEROLLE, l'entretien est bien entendu à réécouter et à retrouver sur le site rtl.fr.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 septembre 2015