Interview de M. Thierry Mandon, secrétaire d'Etat à l'enseignement supérieur et à la recherche à RTL le 21 septembre 2015, sur la rentrée universitaire et le système éducatif dans l'enseignement supérieur.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


YVES CALVI
Olivier MAZEROLLE, vous recevez ce matin Thierry MANDON, secrétaire d'Etat chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Thierry MANDON.
THIERRY MANDON
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Avant de parler de l'université, est-ce que vous soutenez Emmanuel MACRON, ou bien pensez-vous, comme certains députés socialistes, qu'il faut le virer, comme Arnaud MONTEBOURG ?
THIERRY MANDON
Non, je dirais non, mais moi, je parle d'université. Le problème de l'université, ce n'est pas l'emploi à vie aujourd'hui.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui.
THIERRY MANDON
C'est une excessive précarité des chercheurs, c'est le fait qu'ils ont besoin de perspectives et ils auraient besoin d'emploi à vie, et la plupart n'en ont pas. Donc on ne peut pas faire des généralités comme ça. Quand je discute avec madame TOURAINE, elle me dit qu'elle manque de fonctionnaires, quand je discute avec monsieur CAZENEUVE, à l'Intérieur, il me dit qu'il manque de policiers. Donc il faut faire attention aux concepts généraux.
OLIVIER MAZEROLLE
Ministre, ce n'est pas un emploi à vie non plus.
THIERRY MANDON
Ah non, ça on est en CDD, parfois même en intérim.
OLIVIER MAZEROLLE
Bon. Vous avez le sentiment que Manuel VALLS et François HOLLANDE sont sur la même ligne ? Parce que VALLS soutient MANDON (sic), même s'il était en désaccord avec lui sur le fond…
THIERRY MANDON
MACRON, MACRON.
OLIVIER MAZEROLLE
MACRON, pardon, excusez-moi.
THIERRY MANDON
Ça se ressemble, mais c'est pas tout à fait pareil.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, pardon, même s'il n'est pas sur la même ligne sur le fond, et François HOLLANDE, lui, n'a pas dit un mot de soutien.
THIERRY MANDON
Oui, là je n'ai pas passé mon week-end à regarder ces nuances-là, j'avais mieux à faire.
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord. Le référendum CAMBADELIS sur l'unité de la gauche, c'est : panique à bord au PS avant les régionales ?
THIERRY MANDON
C'est mettre en débat le coût de la désunion, c'est en gros sonner l'alerte, plutôt que d'avoir un jour à sonner le tocsin.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, et vous croyez que c'est avec du sparadrap, comme ça, qu'on sauve la mise ?
THIERRY MANDON
Oh, le but n'est pas de sauver, le but c'est de dire : la désunion a un coût, attention à ce que, si vous persistez dans vos choix de désunion, ça aura un coût et un coût élevé, face au Front national. Il faut quand même rappeler les fondamentaux, je crois que c'est ce que fait CAMBADELIS.
OLIVIER MAZEROLLE
C'est la rentrée universitaire, 65 000 étudiants de plus, mais l'Etat n'a pas d'argent pour mieux doter les universités, pour leur permettre de faire face à cet afflux, elles doivent aller chercher l'argent ailleurs, avec les entreprises par exemple ?
THIERRY MANDON
Oui, le modèle économique des universités est bouleversé, c'est même plus que ça, par cet heureux flux démographique, on y reviendra peut-être. Il y a trois ressources pour les universités : la dotation de l'Etat, les droits d'inscription et ce que l'on appelle les ressources propres. Dotation de l'Etat, compte tenu des objectifs que se fixe l'Etat à moyen-terme, il devra augmenter son soutien, et d'ailleurs la France est dans la moyenne de l'OCDE, à 1,5 % de son Produit intérieur brut pour les universités, certains pays sont à 2,5, 2,6.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais augmenter, en fonction d'un tel afflux supplémentaire d'étudiants ?
THIERRY MANDON
Mais la démocratie c'est une chance…
OLIVIER MAZEROLLE
Non mais attendez, ça on va en parler…
THIERRY MANDON
Cette démocratisation, non mais c'est une chance pour le pays, donc, un, augmenter en partie, deux, les droits d'inscription. Il y a deux modèles dans le monde, il y a un modèle pour le qualifier simplement d'anglo-saxon : droits d'inscription élevés, endettement des étudiants. Ce n'est pas le modèle européen. Il y a un modèle européen, qui n'est pas que français d'ailleurs, on ne le dit pas assez, il est allemand, il est pays nordiques, il est d'une certaine manière Italie et Espagne, qui est des droits d'inscription faibles. Je pense qu'il ne faut pas jouer sur le moyen-terme, sur les droits d'inscription, parce que quand on veut démocratiser un système, on ne commence pas par donner des signaux qui vont à l'inverse aux couches que l'on veut scolariser. Et puis, troisième levier, c'est les ressources propres, notamment la formation professionnelle, pour être direct, on a peu de temps, là, pour le coup, je pense qu'il y a un champ considérable de ressources pour les universités, c'est 2, 2,5 % du budget de l'université, aujourd'hui, la contribution de la formation professionnelle, alors qu'elle a les professeurs, elle a les amphithéâtres. Donc là on a des pistes très importantes sur lesquelles il faut travailler plus fort et plus vite que ce que l'on a fait jusqu'à maintenant.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, le taux de réussite à l'université n'est pas excellentissime, c'est quoi, trois étudiants, six ou sept étudiants sur dix qui réussissent, c'est ça, à peu près ?
THIERRY MANDON
Si on prend les chiffres de l'OCDE, je les cite, comme ça ceux qui vérifient les chiffres pour trouver des sources, la France, quelqu'un qui rentre dans l'enseignement supérieur, à 80 % des cas, sera diplômé de l'enseignement supérieur. La moyenne de l'OCDE c'est 70 %, donc il y a plutôt de la réussite.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais, parce qu'ils se recyclent avec les IUT etc., mais à la sortie de l'université, ce n'est pas si fort que ça.
THIERRY MANDON
Il y a plutôt de la réussite quand on rentre dans l'enseignement supérieur, ce qui montre sa qualité, qui demeure, il faut le rappeler, mais les parcours sont trop opératiques, d'une part, c'est-à-dire que parfois c'est au prix de changements, réorientations, et deuxièmement, surtout, c'est ça qu'il faut corriger très vite, l'orientation avant l'université, ça ne va pas. On ne dit pas aux étudiants, très précisément, ce que, s'ils rentrent dans telle filière, ils auront comme perspective d'emploi dans deux ans, dans trois ans, après, leur diplôme, leur niveau de salaire. En gros, c'est une orientation qui est trop souvent à l'aveugle.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais vous croyez qu'ils ne le savent pas ? Simplement ils veulent entrer à l'université…
THIERRY MANDON
Non, ils ne le savent pas. Non non, non non.
OLIVIER MAZEROLLE
… et ils choisissent des filières qui leur plaisent, mais qui ne sont pas forcément efficaces sur le plan de l'emploi.
THIERRY MANDON
Non mais moi il se trouve qu'on a eu quelques problèmes cette année, comme toutes les années dernières, j'ai pris le temps de discuter directement avec les étudiants qui m'écrivaient, qui me téléphonaient, qui avaient des problèmes. Non, ils ne savent pas. J'ai, encore vendredi dernier, une étudiante à qui on va trouver une place cette semaine, me disait qu'elle ne savait même pas qu'il y avait un service d'orientation dans son université. Elle ignorait l'existence de ce service.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais enfin, c'est un manque de curiosité de leur part, quand même, il y a des tas de papiers, partout sur Internet.
THIERRY MANDON
Mais non !
OLIVIER MAZEROLLE
On trouve, on voit quelles sont les filières qui conduisent à l'emploi.
THIERRY MANDON
Mais c'est le produit de la démocratisation. Quand vous avez des parents intelligents, qui ont fait des études, ils se repèrent dans ce dédale, sans aucune difficulté. Quand vous êtes de milieux défavorisés, qui y accédez, parce que vous avez bien travaillé à l'université, vous n'avez pas ce patrimoine culturel qui vous permet de vous diriger dans ce système. Donc c'est à l'Etat, parce qu'il a des objectifs de scolariser, avec de la réussite, plus d'étudiants, de donner ces outils aux étudiants.
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, alors, donc, c'est toujours le problème de la sélection, vous êtes farouchement opposé, mais est-ce que c'est bien raisonnable de continuer à accueillir malgré tout des garçons et des filles, dont on sait au départ qu'ils vont perdre leur temps à l'université, quand ils y vont d'ailleurs, parce qu'en première année, beaucoup n'y vont même pas ?
THIERRY MANDON
Non, moi je ne suis pas favorable à la sélection, ce n'est pas par doctrine, c'est par lucidité de ce qui se passe dans le monde aujourd'hui. Tous les pays développés font de l'accès à l'enseignement supérieur et du diplôme de l'enseignement supérieur, la première ressource de leur compétitivité. Tous les pays, vous regardez les Allemands, il n'y a pas de sélection en Allemagne. Je rappelle pour tous ceux…
OLIVIER MAZEROLLE
Mais ils ont une autre formation alternative…
THIERRY MANDON
D'accord. Il n'y a pas de sélection.
OLIVIER MAZEROLLE
… qui font que peut être il y a moins de candidats à l'université.
THIERRY MANDON
Il n'y a pas de sélection, vous rentrez, vous rentrez dans beaucoup, là encore, de pays européens, une fois que vous avez l'équivalent du baccalauréat. Donc il ne faut pas de sélection, parce que l'enjeu c'est vraiment de monter en gamme le niveau de formation de nos jeunes et il faut d'ailleurs de la qualité d'enseignement pour réussir cette montée en gamme. Mais deuxième chose, il ne faut pas de sélection pourquoi ? Parce que si vous faites, après le baccalauréat, une nouvelle sélection, à quoi il sert votre baccalauréat ? Et si vous faites après la licence…
OLIVIER MAZEROLLE
Le baccalauréat, on va vers le 100 %...
THIERRY MANDON
Non on, ne va pas vers le…
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que le bac joue encore… Mais comment, il y a plein de syndicalistes qui disent : bientôt on va avoir 100 % de réussite.
THIERRY MANDON
Le bac doit être de qualité…
OLIVIER MAZEROLLE
Il faut faire un gros effort pour échouer au bac, maintenant, parait-il.
THIERRY MANDON
La licence…Non non, parait-il, parait-il, il faut regarder de près, d'abord tout le monde ne l'a pas, et le bac doit rester, parce qu'un système d'éducation et d'enseignement supérieur, ça marche avec des boussoles : la boussole bac, la boussole licence qui donne accès à un master.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez reçu un rapport qui vous recommande de ne plus accueillir systématiquement les garçons et les filles qui sont titulaires d'un bac pro ou technologique. Vous allez suivre cette indication ?
THIERRY MANDON
C'est en effet une information qui est juste, le rapport est remis dans quelques jours. Il y a beaucoup beaucoup d'échecs après les bacs pro à l'université. Il n'est pas question d'interdire l'accès des bacs pro à l'université, mais il faut là encore en matière d'orientation, j'y reviens, une orientation active, outillée, montrer aux jeunes qui ont des bacs pro, qu'il y a d'autres filières de réussite et avec beaucoup plus de succès, beaucoup de débouchés professionnels que l'accès à l'université.
OLIVIER MAZEROLLE
Dernière question, réponse brève s'il vous plait : est-ce que vous êtes favorable à la fusion de l'université Pierre et Marie Curie et de la Sorbonne à Paris, pour créer une université de rang mondial, disent leurs présidents ?
THIERRY MANDON
Eh bien oui, moi je suis très favorable à la façon dont ils envisagent de s'y prendre, maintenant c'est à eux qu'il revient d'en décider, je trouve que c'est intelligent, stratégique, et les étudiants seront les premiers bénéficiaires de ce choix.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Thierry MANDON.
YVES CALVI
80 % des étudiants français seront diplômés, mais l'orientation avant la fac, doit être améliorée, vient de nous dire le secrétaire d'Etat chargé de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Merci à vous deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 septembre 2015