Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, en réponse à une question sur la politique de la France vis-à-vis de la situation en Syrie, à l'Assemblée nationale le 30 septembre 2015.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par M. Bruno Le Roux, député (président du groupe SRC) de Seine-Saint-Denis, à l'Assemblée nationale le 30 septembre 2015

Texte intégral

Monsieur le Président, chacun, sur ces bancs, partage, j'en suis convaincu, la même conviction, que vous venez très justement d'exprimer : cette guerre qui déchire la Syrie depuis quatre années et demie doit cesser. Son bilan, à ce jour, est le suivant : 250.000 morts, au moins quatre millions de réfugiés, un pays brisé, un Moyen-Orient en ébullition et Daech, qui étend tous les jours son emprise mortelle et qui nous menace directement depuis ses sanctuaires de l'est de la Syrie.
Monsieur le Président, vous me demandez comment la France agit, et vous avez raison de rappeler les propos tenus par le président de la République il y a quarante-huit heures à New York. Notre politique, c'est la constance, c'est la cohérence et c'est la mise en lumière de ce qui est nécessaire, de ce qui est possible et de ce qui est aussi inacceptable. La politique de la France à l'égard de la Syrie est caractérisée par une triple détermination. Notre politique, c'est d'abord une action militaire en Syrie pour frapper Daech là où se préparent les attentats qui nous visent, au nom même de la légitime défense. Le président de la République l'a annoncé le 7 septembre dernier ; je me suis exprimé devant votre assemblée, au nom du gouvernement, le 15 septembre. Les opérations de survol étaient le prélude à des frappes. Ces dernières ont débuté dimanche dernier, lorsque nos appareils, après l'avoir localisé, ont frappé un camp d'entraînement de Daech. Nous continuerons ces opérations aussi longtemps que nécessaire et nous les conduirons avec une complète autonomie d'action. Je veux à mon tour rendre hommage à nos soldats et à nos pilotes qui participent à ces opérations.
Mais soyons clairs : si l'action militaire est nécessaire, elle ne peut se suffire à elle-même. Aussi notre politique réside-t-elle dans la recherche inlassable, acharnée, d'une solution pour la Syrie, qui passe par une transition politique. Soyons clairs : cette transition ne peut pas passer par Bachar Al-Assad, comme le président de la République l'a rappelé devant l'Assemblée générale des Nations unies. J'entends certaines voix affirmer qu'il suffit de suivre les Russes, c'est-à-dire de traiter avec Assad, et que l'affaire, ainsi, serait réglée. Mais qui peut penser un seul instant que celui qui est responsable de tant de désastres puisse incarner l'avenir de son pays ? Qui peut penser que le principal responsable du problème puisse faire partie de la solution ? Comment peut-on soutenir un retour au statu quo d'avant-guerre sous prétexte que l'alternative à un tyran serait pire ?
Réhabiliter Al-Assad, ce serait déjà une faute morale, mais surtout, cela nous condamnerait à l'immobilisme car les Syriens eux-mêmes ne pourraient l'accepter, et aucun des pays arabes sunnites autour de la région ne pourrait y consentir. C'est pourquoi la France redouble d'efforts, parce que l'impasse n'est pas une option.
Cela consiste à discuter avec tous, avec les Russes, comme le fera le président de la République, lorsqu'il recevra le président Poutine en fin de semaine, avec l'Iran - le président de la République l'a fait encore, à New York, et il accueillera le président Rohani mi-novembre - et avec tous les pays arabes impliqués dans la crise syrienne. Je me rendrai moi-même dans la région avec le ministre de la défense dans une dizaine de jours.
Mais - pourquoi le cacher ? - discuter, ce n'est pas suivre aveuglément, ne pas être d'accord, ce n'est pas être à la traîne, comme j'ai pu l'entendre ici ou là. Nous ne sommes pas d'accord avec la Russie. La transition en Syrie ne peut être un emplâtre autour de Bachar Al-Assad. Mais il nous faut continuer le dialogue avec encore plus d'intensité. C'est le sens même de la diplomatie, c'est notre devoir.
Enfin, notre politique - l'Union européenne a d'ailleurs pris un certain nombre de décisions qui vont dans le bon sens - consiste, bien sûr, à faire face à la crise des réfugiés, à apporter de l'aide aux pays en première ligne, au Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés - le HCR - et au Programme alimentaire mondial - le PAM.
La France n'est pas isolée. Dans l'Orient compliqué, évitons les simplismes, évitons les caricatures, et sachons nous élever à la hauteur de la gravité de la situation.
Notre diplomatie, nos armées sont à l'initiative et, dans ce moment-là, nous avons besoin d'unité et de rassemblement, car la voix de la France se fait entendre.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 7 octobre 2015