Texte intégral
WILLIAM LEYMERGIE
L'heure des « 4 vérités », aujourd'hui Roland SICARD reçoit la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur PELLERIN.
ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Fleur PELLERIN.
FLEUR PELLERIN
Bonjour.
ROLAND SICARD
Vous écriviez hier dans une tribune, que la culture est au coeur de la riposte de la France aux attentats. Concrètement, ça se traduit comment ?
FLEUR PELLERIN
Pas seulement concrètement, je crois que c'est vraiment Le combat que nous devons mener aujourd'hui, c'est le combat contre l'ignorance, c'est le combat contre le fanatisme, c'est le combat contre l'obscurantisme, et donc c'est la culture qui est toujours une réponse, la culture et l'éducation et qui sont les meilleures réponses à cela. Il y a bien sûr tout ce qui est fait sur le théâtre extérieur et en France, par les autorités, par les forces de sécurité, les forces de l'ordre, en particulier pour protéger le concitoyen, mais je crois que ce que nous devons avoir en tête aujourd'hui, c'est que la réponse à l'obscurantisme, la lutte contre le fanatisme, elle passe avant tout par l'éducation et par la culture et c'est ça que je voulais dire.
ROLAND SICARD
Alors, qu'est-ce que vous avez engagé, justement, dans ce domaine, depuis les attentats ?
FLEUR PELLERIN
C'est pas seulement depuis les attentats. Je crois qu'il y a une chose qui est très claire, c'est que le gouvernement de Manuel VALLS a donné une priorité très forte à la culture, une priorité qui est d'abord une priorité budgétaire, et donc nous avons
ROLAND SICARD
C'est un des rares budgets en hausse.
FLEUR PELLERIN
Nous avons effectivement un ministère qui est prioritaire, qui a été présenté comme cela par le Premier ministre, Manuel VALLS, et qui a ses crédits en hausse cette année. Alors, ça n'a rien à voir avec évidemment ce que nous avons vécu de dramatique, mais c'est bien la preuve que ce gouvernement a souhaité faire de la culture une de ses priorités, avec l'éducation, avec la justice, et donc, il se trouve que les mesures que nous mettons en oeuvre, que je mets en oeuvre depuis que j'ai été nommé, sont des mesures qui visent à faciliter l'accès du public à la culture, à faire en sorte que la culture ne soit pas prioritairement traitée ici, à Paris, dans les grandes institutions culturelles, mais faire en sorte que ces grandes institutions culturelles puissent mieux parler, mieux s'adresser, des publics qui se sentent éloignés de la culture. Ma priorité c'est celle-là, c'est faire que la jeunesse, ou les Français qui se sentent un peu oubliés par la politique culturelle, soient à nouveau partie prenante de la culture de notre pays, et c'est cela ma priorité, et c'est à cela que ce budget en hausse va servir.
ROLAND SICARD
Est-ce que vous avez le sentiment que le monde de la culture est mobilisé, depuis les attentats ?
FLEUR PELLERIN
Oui, le monde de la culture, l'ensemble des Français, vous savez, moi j'ai passé beaucoup de temps depuis dimanche dernier, dans des salles de théâtre, petites ou grandes, dans des salles de concerts, je suis allée dans la rue, et j'ai constaté qu'il y avait une très forte mobilisation de l'ensemble des Français, pour résister, pour montrer par leur présence, dehors, dans les salles de concerts, dans les salles de spectacles, qu'ils ne souhaitaient pas se laisser enfermer dans cette chape ou sous cette chape de plomb que les terroristes veulent installer, et qu'ils veulent résister. Il y a une très belle tribune, je trouve, à la fois d'inconnus et d'artistes ou d'intellectuels, pour expliquer ce sursaut, ces pulsions de vie qu'ils souhaitaient démontrer. Et je trouve que le monde de la culture, après bien sûr le chagrin, le deuil qui restent encore très forts et très présents, montre qu'il souhaite se mobiliser, il souhaite emmener l'ensemble de notre pays, l'ensemble des Français, dans ce combat, contre l'obscurantisme, contre le fanatisme, qui est aussi ce qui fait l'essence de la France, c'est-à-dire que notre pays a été attaqué pour ses valeurs, pour ce qu'il représente en termes d'art de vivre, en termes de place faite à la culture, à l'esprit critique, à l'insolence, et c'est cela qu'on a voulu attaquer, et c'est par là que nous allons nous défendre.
ROLAND SICARD
Alors, dans l'immédiat, il y a des mesures à prendre, des mesures de sécurité, pour protéger les lieux de spectacles. Qu'est-ce que vous avez déjà fait, qu'est-ce que vous allez faire ?
FLEUR PELLERIN
Alors, ce qui est évident, c'est que nous ne pouvons pas demander à nos concitoyens de retourner aux spectacles et de reprendre, de faire en sorte que la vie reprenne le dessus, sans assurer leur sécurité. Donc moi, depuis le début de la semaine, en lien avec Bernard CAZENEUVE, le ministre de l'Intérieur, et la Préfecture de police de Paris, pour ce qui concerne bien sûr Paris, j'ai examiné quasiment au cas par cas, en fait, parce que chaque salle, chaque lieu de spectacle ou lieu culturel, a sa propre géographie, nous avons examiné au cas par cas ce qui devait être fait pour rehausser le niveau de sécurité, et jusqu'à présent, tous les spectacles qui ont eu lieu, toutes les salles qui ont rouvert, elles l'ont fait après avoir évalué le niveau de risques ou les mesures à apporter, et nous avons apporté ces mesures. Donc, très concrètement
ROLAND SICARD
Qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut mettre des portiques de sécurité, augmenter les contrôles ?
FLEUR PELLERIN
Très concrètement, il y a des endroits où il faudra mettre des portiques de sécurité, il y en a d'autres où il n'y avait pas forcément de contrôles de sacs, des sacs à main par exemple, où il faudra mettre en place ce contrôle des sacs à main, c'est déjà le cas. J'ai regardé aussi ce qui se passait dans les cinémas, par exemple. Dans les cinémas, maintenant, il y a un contrôle des sacs à l'entrée, qui n'avait pas lieu auparavant, donc il faut, au cas par cas, réexaminer tout ce qu'il est nécessaire de faire, pour garantir aux artistes, aux équipes qui travaillent dans ces salles, et au public bien évidemment, qu'il puisse se rendre dans ces lieux de manière sereine.
ROLAND SICARD
Tout ça, ça demande des moyens, est-ce que les lieux de spectacles ont les moyens de mettre en oeuvre ces mesures ?
FLEUR PELLERIN
Non, c'est la raison pour laquelle j'ai souhaité leur venir en aide, parce que très rapidement, au-delà de ces questions de sécurité du public et des artistes qui se posaient, et des équipes, qui se posaient immédiatement, j'ai bien compris qu'il y aurait très rapidement, des difficultés financières pour beaucoup de petites salles et beaucoup de petits producteurs indépendants, notamment, à cause des annulations
ROLAND SICARD
Eux, ils disent qu'il faudrait des dizaines de millions.
FLEUR PELLERIN
Donc nous avons commencé à mettre en place, déjà, cette réponse en termes de sécurité, avec la Préfecture de police, donc là ce n'est pas une charge qui leur incombe financièrement, mais quand on déploie des militaires dans la rue ou devant les salles, ce sont des moyens qui sont mis à disposition par l'Etat et non pas assumés financièrement par les salles. Et puis après, j'ai effectivement été à l'initiative de la création d'un fonds de solidarité, pour aider ceux qui vont être dans des difficultés de trésorerie, à cause d'annulations de spectacles, à cause de la baisse de la fréquentation aussi, pour les aider à passer cette période.
ROLAND SICARD
C'est à quel niveau, ce fond ?
FLEUR PELLERIN
Pour l'instant, il est doté de 4 millions d'euros, mais bien évidemment, d'autres sociétés de perception et de répartition de droits d'auteurs, les sociétés qui gèrent les droits d'auteurs, ont d'ores et déjà annoncé qu'elles allaient rejoindre cette initiative et faire jouer la solidarité de la filière musicale.
ROLAND SICARD
Alors, vous parliez de la fréquentation des lieux de spectacles, est-ce qu'elle est nettement en baisse ? Vous avez des chiffres ?
FLEUR PELLERIN
Les premiers chiffres sont des chiffres de billetteries, donc ce sont des gens qui achètent pour des spectacles à venir, et effectivement, les chiffres montrent une baisse considérable, on parle de - 80 % pour les concerts au dernier relevé statistique. Donc c'est vrai qu'il y a une baisse. Ce que je constate aussi, moi, puisque je suis sortie quasiment tous les soirs cette semaine, pour aller à la rencontre des équipes et du public, c'est que le public est là, et il est là de manière très militante, avec l'envie de démontrer que par sa présence, la France restera un pays de culture, la France restera un pays où on aime la fête, la France restera un pays où aime toutes les esthétiques, où on se mélange, et cette dimension militante est pour moi très importante, et je l'ai ressenti extrêmement fortement dans les salles de spectacle, où le public c'est quand même rendu cette semaine.
ROLAND SICARD
Mais quand on parle de guerre, est-ce que d'une certaine façon ça n'incite pas les gens à se dire : « Bon ben c'est pas le moment de s'amuser ».
FLEUR PELLERIN
Non, parce que je pense que les Français ont bien en tête que cette guerre, elle est surtout idéologique, elle est évidemment sur le terrain, le président de la République et le Premier ministre l'ont dit à de nombreuses reprises, elle est sur le terrain, et si nous frappons Daesh en ce moment en Syrie, c'est aussi pour protéger la France contre ces foyers qui sont des foyers de fabrication de terroristes, en réalité, puisqu'on sait très bien que beaucoup d'entre eux ont été formés là-bas. Donc si nous frappons en Syrie, nous menons cette guerre sur le terrain en Syrie, c'est pour protéger la population française. Mais la guerre elle est aussi idéologique, c'est ce qu'a rappelé d'ailleurs un philosophe américain très récemment, dans les colonnes du Monde, c'est une guerre que nous devons mener contre l'obscurantisme, contre l'idéologie véhiculée par Daesh, contre une pratique de la religion qui n'est pas conforme, à l'évidence, aux valeurs de la république, ni aux statuts et à la place de la femme, par exemple, dans notre société, donc cette guerre idéologique, c'est une guerre, il faut employer ce mot-là, et je pense que c'est avec la culture que nous la gagnerons.
ROLAND SICARD
Merci.
FLEUR PELLERIN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 novembre 2015