Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur le patrimoine culturel et photographique du vingtième siècle, Paris le 17 septembre 2001.

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Circonstance : Inauguration de l'exposition "les patrimoines de l'architecture du XX ème siècle en France" à Paris le 17 septembre 2001

Texte intégral

Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous et je vous remercie d'accueillir cette exposition photographique sur Les patrimoines de l'architecture du XXe siècle en France dans ce bâtiment Uni-Dufour. Bâtiment récent déjà restauré du vivant des architectes-constructeurs, transformé par de nouveaux projets artistiques à partir de 1996, il est l'un des symboles de la sauvegarde de l'architecture moderne et contemporaine à Genève.
Réalisée à l'initiative du Ministère de la Culture et de la Communication avec sa Direction de l'Architecture et du Patrimoine et du Ministère des Affaires étrangères à travers l'Association française d'action artistique (AFAA), cette exposition photographique itinérante, présentée pour la première fois à Berlin pour l'année 2000 - décrétée par le Conseil de l'Europe "année du patrimoine du XXe siècle" -, circule actuellement en Suisse.
D'abord accueillie par le "Forum de l'architecture" au Kornhaus de Berne en avril dernier, elle a été présentée ensuite à l'Ecole Polytechnique fédérale de Zurich en mai et juin. Elle y a servi de support à un colloque préparé par l'Institut pour la conservation des monuments historiques rassemblant des spécialistes suisses, français et allemands exerçant dans le domaine du patrimoine du XXe siècle.
Ces actions s'inscrivent plus largement dans le cadre d'une coopération culturelle notablement renforcée entre la France et la Suisse. Les Entretiens culturels franco-suisses, qui se sont déroulés à Berne les 15 et 16 janvier derniers, ont défini pour les années à venir les priorités de la coopération bilatérale, parmi lesquelles l'architecture et le patrimoine. Dès lors, le Ministère de la Culture et de la Communication a proposé et envisagé une série de manifestations et d'échanges autour de ces thématiques.
De son côté, le Centre culturel suisse à Paris a présenté une exposition "Matière d'art - Architecture contemporaine en Suisse", sous l'égide du commissaire Jacques Lucan, du 5 mai au 1er juillet 2001.
Dans le contexte de cette exposition, en juin dernier, des journalistes français spécialisés en architecture, se sont rendus en Suisse, à Bâle, Bienne et Lausanne, à l'invitation de Présence suisse. Ce voyage de presse a été organisé en collaboration avec le Ministère de la Culture et de la Communication, le Centre culturel suisse à Paris et l'Ambassade de Suisse en France.
C'était l'occasion de découvrir ou de mieux apprécier in situ différentes réalisations récentes et significatives de l'architecture suisse, à l'honneur cette année, grâce aux architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron qui ont obtenu le prix Pritzker 2001 pour leur réalisation de la Tate Modern, le grand musée d'art moderne de Londres.
Par ailleurs, la reconnaissance en France des diplômes d'architectes délivrés par les écoles polytechniques fédérales de Zurich et de Lausanne, l'Institut d'architecture et d'urbanisme de Genève et l'Académie d'architecture de Mendrisio ouvre de fortes perpectives d'échanges en matière d'architecture et de patrimoine entre nos deux pays.
Afin de tirer le meilleur parti des contacts ainsi noués et de la dynamique enclenchée dans les domaines de l'architecture et du patrimoine, un séminaire professionnel franco-suisse est envisagé à Zurich en décembre prochain, sur le thème de l'articulation formation-profession. Il devrait permettre de mettre en perspective la situation des écoles d'architecture en France et en Suisse, les passerelles possibles entre ces écoles et la préparation des futurs architectes à la lumière des évolutions en cours et des nouvelles conditions de la pratique architecturale. Ce projet de séminaire est élaboré par le Ministère de la Culture et de la Communication avec la Fédération des architectes suisses, en liaison étroite avec l'Ambassade de France en Suisse, l'Ambassade de Suisse en France, le Département fédéral des Affaires Etrangères et l'Office fédéral de la Culture. Plusieurs partenaires seront associés, dont le Conseil national de l'Ordre des architectes français et les écoles d'architecture des deux pays.
Pour revenir au sujet qui nous intéresse plus particulièrement aujourd'hui, le patrimoine récent, inscrit dans le plan d'action bilatéral franco-suisse, est également un axe prioritaire du Ministère de la Culture et de la Communication français. Engagée depuis 1998, cette politique s'étend à la connaissance et la protection des témoins matériels et immatériels du XXe siècle, mais aussi à des opérations-pilotes de restauration d'espaces protégés et de bâtiments.
La présente exposition s'insère dans une série d'actions de sensibilisation et de diffusion qui ont été menées depuis l'année dernière. Conçue par Bernard Toulier, conservateur en chef du Patrimoine et commissaire de l'exposition, elle propose, à travers une présentation thématique, une anthologie des lieux et des monuments français qui bénéficient d'une protection juridique : des paysages urbains aux divers programmes architecturaux liés aux nouvelles manières d'habiter ou de produire, et aux modes de vie engendrés par notre civilisation de loisirs.
Neuf Français sur dix vivent aujourd'hui en ville dans des constructions neuves dont 60 % ont été réalisées durant les quatre dernières décennies. Cette densité de production écrasante des bâtiments et des paysages, sans commune mesure avec les siècles antérieurs, n'a laissé que peu de place à la mémoire : moins de 1400 bâtiments du XXe siècle étaient protégés à la fin de l'année dernière sur le territoire français, soit moins de 2,5 % de nos " monuments historiques ". Cette faible prise en compte du patrimoine récent dans les protections semble assez comparable aux statistiques établies sur la ville de Genève.
Des regards comparatifs et croisés sur nos patrimoines respectifs sont riches d'enseignements. Organisé à Genève il y a tout juste un an par l'Institut d'Architecture de l'Université de Genève -une des rares institutions universitaires européennes à dispenser une formation post-diplôme sur ce thème-, le colloque international sur La sauvegarde du patrimoine bâti du XXe siècle, en est une brillante illustration. La sauvegarde exige des savoirs nouveaux et divers, et ouvre la voie à de nouveaux métiers et de nouvelles pratiques associant l'historien de l'architecture, le projeteur et le maître d'ouvrage.
Ces échanges franco-suisses se sont poursuivis cette année dans le cadre du colloque interdisciplinaire sur Le patrimoine bâti du XXe siècle qui s'est déroulé à l'Ecole polytechnique de Lausanne en juin dernier.
Votre savoir-faire en matière de réutilisation, de réhabilitation et de restauration est largement cité en exemple en France. En amont, vous avez également développé et mis en pratique une méthodologie sur l'étude et l'évaluation de ce type de patrimoine, généralement mal connu et mal aimé. L'inventaire de L'architecture à Genève (1919-1975), confié par la Direction du Patrimoine et des Sites à l'Institut de théorie et d'histoire de l'Architecture (ITHA) de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, a donné des résultats remarquables, dont la publication en 1999 d'un ouvrage de référence rejoignant des travaux similaires comme celui consacré au canton de Berne.
Une meilleure connaissance du patrimoine récent et la sensibilisation des professionnels et du public sont les conditions indispensables pour transmettre cet héritage du XXe siècle. C'est le sens de la résolution adoptée par les Ministres de la culture européens en 2000 qui ont défini les objectifs des politiques communautaires en matière de qualité urbaine, architecturale et patrimoniale. L'amélioration du cadre de vie, cette réflexion sur le patrimoine récent et ses nouveaux usages, sa mise en valeur par des projets culturels alliant tradition et modernité sont des facteurs importants de cohésion sociale et de lutte contre l'exclusion.
Dans cet esprit, je souhaite que le patrimoine du XXe siècle, confronté à la création contemporaine, soit l'occasion de nouveaux échanges entre nos deux pays et que les spécialistes suisses dans ces domaines soient plus largement associés encore aux réseaux européens.
Je remercie tous ceux qui ont permis d'accueillir cette exposition et de nourrir la réflexion commune sur la continuité entre patrimoine d'hier, patrimoine d'aujourd'hui, création d'hier, création d'aujourd'hui.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.culture.gouv.fr, le 20 septembre 2001)