Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Je suis ravi de vous retrouver en direct avec Jean-Marie LE GUEN qui est donc ministre des Relations avec le Parlement, bonjour, bienvenue. Les questions ne manquent pas ce matin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci. Bonjour Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
L'opposition réclame des excuses de Claude BARTOLONE.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oh il a dit hier, notamment d'ailleurs, ce qu'il en était, c'est-à-dire qu'il trouve que cette phrase était tout à fait maladroite
GUILLAUME DURAND
Mais elle est de lui cette phrase ou c'est un communicant qui lui a mis dans la bouche ? « Neuilly, Versailles, la race blanche. »
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais attendez, d'abord il faudrait reprendre le contexte, l'ensemble, etc. C'est une phrase polémique
GUILLAUME DURAND
Absurde.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui est absurde ; oui, bien sûr, elle est absurde dite comme ça elle est totalement absurde, maintenant qu'il y ait un bloc réactionnaire, comme nous disons dans notre langage, un peu abscond au plan politique, c'est-à-dire qu'il y ait une droite dure qui ne sait plus faire la frontière avec le Front national, ça existe, même si on sait qu'il existe une autre droite qui est une droite républicaine, et d'ailleurs, j'allais dire, ce n'est pas à nous
GUILLAUME DURAND
Oui, mais enfin, les Versaillais contre les tatoués, les cheveux longs Bobos contre Neuilly, et en plus aller se faire soigner à l'hôpital amé non, mais, pardonnez-moi, il va se faire soigner à l'hôpital américain, qui est un excellent hôpital, mais qui n'est quand même pas non plus la caricature il aurait pu aller dans un hôpital du service public.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, le hasard fait que la personne qui le soigne est un ami personnel, c'est un ami personnel de Claude BARTOLONE, il est allé chez un médecin, il n'est pas allé dans un hôpital américain, voilà, si vous voulez absolument tout savoir. Mais puisqu'il faut parler de tout, on peut parler de tout, donc voilà. Il était avec un ami médecin, c'est un de ses meilleurs amis, il est allé se soigner chez un de ses meilleurs amis, ok ?
GUILLAUME DURAND
Accepté. Maintenant, Christian JACOB, Eric WOERTH et Bruno LE MAIRE disent que les propos qu'il a tenus sont des propos abjectes, je comprends qu'il ait fait une crise de tension après, parce que finalement, après une défaite en plus, il se rend bien compte qu'il a fait pardonnez-moi l'expression une énorme connerie.
JEAN-MARIE LE GUEN
Guillaume DURAND, on va passer à autre chose, il y a quand même des problèmes majeurs dans ce pays, et dans le monde, donc voilà, ce n'est pas la meilleure phrase qu'on ait dite, il l'a reconnu, point barre, les élections c'était la semaine dernière, maintenant passons à autre chose.
GUILLAUME DURAND
S'ils l'ont attaqué c'est parce qu'effectivement vous l'avez réélu et reconduit à la présidence de l'Assemblée nationale, or, disent-ils, le président de l'Assemblée nationale est le président vous êtes un parlementaire chevronné de tous les parlementaires, et ils considèrent que d'une certaine manière il est disqualifié.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais ils contestent parce que dans l'image populaire il a été battu, donc il doit démissionner, or la réalité, vous le savez, à moins qu'on soit dans la confusion générale, il a été élu député par les habitants du Pré-Saint-Gervais, Pantin, et ils ne l'ont pas désavoué au cours de cette élection. Il a été élu ensuite président par les parlementaires qui lui ont renouvelé leur confiance, donc voilà. Il était candidat à une autre élection, avec une autre périphérie électorale, qui était celle de la région, il n'était pas sortant, il n'a pas été désavoué. En plus c'est ça la France, c'est le bashing systématiquement. Il est candidat, comme il aurait pu être chef d'entreprise pour créer une nouvelle entreprise, ou comme il aurait pu être un nouvel artiste faisant un spectacle. Il n'a pas réussi, mais en nous soit dit ce n'est pas sa responsabilité qui est en cause, c'est au moins la nôtre, tous collectivement, gens de gauche. Eh bien voilà, il n'a pas réussi, il n'a pas réussi ! Mais on ne va pas non plus lui dire ça y est, vous êtes interdit professionnel. Qu'est-ce que c'est que cette façon de voir les choses ?
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, mais c'est un mandat d'être
JEAN-MARIE LE GUEN
Il a été mandaté par des électeurs à des élections législatives, qui l'ont élu, réélu, brillamment, au premier tour
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais il aurait pu tirer les conséquences de cette défaite et abandonner le perchoir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais quel rapport ?
GUILLAUME DURAND
Je pose la question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais parce que vous êtes patron d'une entreprise, vous en créez une autre, elle se plante, il faut que vous démissionnez de tout ? Je parle dans l'entreprise, mais je pourrais parler de sport, je pourrais parler de culture. En France on n'a pas le droit de tenter, on n'a pas le droit d'avoir un échec. Il a un échec, très relatif d'ailleurs, mais admettons que ce soit
GUILLAUME DURAND
C'est la première région de France, vous parlez d'un échec relatif !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais d'accord, mais on n'est pas obligé de réussir pour sinon plus personne ne tente rien. C'est quoi cette vision des choses ? Il était candidat, les gens, en démocratie, ne l'ont pas choisi, eh bien voilà ! Il est là, il le prend pour lui, mais on n'est pas là, on n'est pas condamné à se retirer sous la montagne.
GUILLAUME DURAND
Question. Est-ce que vous considérez, donc, que le Parti socialiste doit se dissoudre dans un ensemble plus vaste intégrant la gauche de la gauche et les Verts ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Présenté comme ça, évidemment, ça fait peur, mais on va
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est l'objectif ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, l'objectif c'est de trouver des formations politiques, on voit bien qu'on est un peu à la fin d'un cycle. Le Parti socialiste a été refondé sur lui-même, avant c'était la SFIO qui avait lentement dégénéré, qui était devenue un obstacle à la revitalisation de la gauche, et donc, sur la liste SFIO on avait greffé d'autres choses, et hop, ça avait été le Parti socialiste tel qu'il existe aujourd'hui. Et on voit bien, quelque part, qu'un nouveau cycle devra s'ouvrir, qui fera que d'une part on sera plus large encore, deuxièmement
GUILLAUME DURAND
Mais avant 2017 ou après ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Dans le mouvement. Je ne peux pas fixer un calendrier, Jean-Christophe CAMBADELIS lui-même souhaite relancer dès le début du mois de février un rassemblement plus large, sans qu'il y ait encore la disparition du Parti socialiste. Avançons. C'est comme le vélo, une fois qu'on sera lancé on verra bien comment on va avancer. Mais il faut faire de la politique autrement, il faut s'organiser autrement, il faut une surface plus large, il faut un imaginaire différent.
GUILLAUME DURAND
Mais vous vous souvenez qu'il y a 10 ans, dans un livre Manuel VALLS, déjà, disait qu'il fallait faire disparaître le Parti socialiste.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais il m'est arrivé de tenir des propos de ce type.
GUILLAUME DURAND
Absolument.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais parce que nous sommes un certain nombre à penser que cette formation, comme je vous le disais alors certains le pensent beaucoup, d'autres un peu moins que cette formation a connu son époque, glorieuse, et elle a apporté beaucoup de choses, à la gauche, au pays, mais que vraisemblablement elle doit muer, muter.
GUILLAUME DURAND
Mais ce matin, on est d'accord, ça va se faire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui. Oui. C'est immuable.
GUILLAUME DURAND
Vous comprenez mon silence, parce que c'est important, le Parti socialiste, pour la plupart des gens qui nous écoutent c'est dans le paysage politique depuis des années.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien oui ! Eh bien non, il faudra qu'il change, oui.
GUILLAUME DURAND
Donc avant 2017, parce qu'autrement
JEAN-MARIE LE GUEN
Le mouvement sera amorcé très largement avant 2017, de mon point de vue.
GUILLAUME DURAND
Donc ça veut dire que François HOLLANDE partira à la tête d'une autre formation politique à la conquête de l'Elysée.
JEAN-MARIE LE GUEN
D'un rassemblement plus large, sûrement.
GUILLAUME DURAND
Et le fait que quand on lit les sondages, SOFRES-Figaro, il ne passe pas le premier tour ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une photo à un moment donné, sans qu'il n'y ait de campagne, on connaît les données. On voit où se situe aujourd'hui le candidat du Parti socialiste, porté par le Parti socialiste, ou par la formation un peu plus large, on vient de faire 23 %, en gros, au premier tour des élections régionales, il y aura une offre politique un petit peu différente, une gravité encore plus grande, je pense que nous ne sommes pas très loin du ticket de qualification. Si je parlais en termes de pronostiqueur, de parieur, etc., mais je suis un acteur, et surtout je suis un citoyen, et donc moi ce qui m'intéresse c'est le projet politique et la dynamique qu'il y a derrière tout ça. Je ne regarde pas les choses comme si je commentais une course hippique, j'essaye de
GUILLAUME DURAND
Je le souhaite, ça ne ferait pas très sérieux.
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà, eh bien soyons tous à ce niveau de donc, les sondages ce n'est pas très sérieux, on va dire, voilà.
GUILLAUME DURAND
Mais enfin ce n'est quand même pas une bonne nouvelle, parce qu'on essaye de relativiser le résultat des régionales en disant finalement
JEAN-MARIE LE GUEN
On sort des élections régionales, on sait ce qu'il y a de bien et ce qu'il y a de pas bien dans la manière dont les Français nous regardent. Je pourrais vous dire, et vous faire la démonstration, que 23 % c'est plutôt dans le genre bien, mais je ne vais pas vous dire que c'est dans le genre suffisant. Voilà.
GUILLAUME DURAND
Si les gens font ces commentaires en disant d'ailleurs ils ont critiqué la sortie des régionales à droite, mais ils les critiquent aussi à gauche parce qu'il y a aussi cette idée
JEAN-MARIE LE GUEN
Il se passe des choses intéressantes à droite, moi je trouve que ce qui est en train de se passer, je ne parle pas du bureau des Républicains, qui n'intéresse pas grand monde, enfin sauf les commentateurs politiques que nous sommes, je me mets dedans, mais sinon, ce qui est important, c'est les prises de position de Xavier BERTRAND, de Christian ESTROSI, il y a des mouvements tectoniques qui sont en train de se passer. Il y a une libération de la parole. On a l'impression qu'on a une partie de la droite qui est en train de se libérer du surmoi extrémiste et du surmoi sarkozyste. C'est-à-dire que ces gens-là sont en train d'être
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire que vous nous diriez ce matin que le grand perdant de cette élection
JEAN-MARIE LE GUEN
Le grand pardon aussi le grand perdant, oui, oui, mais, je fais un commentaire qui mérite d'être évidemment critiqué et relativisé, mais je constate qu'il se passe des choses, à droite, assez importantes. Alors on peut simplement s'arrêter au fait que madame KOSCIUSKO-MORIZET a été virée manu militari, etc., etc., mais on voit aussi qu'un certain nombre de leaders importants de la droite, dans des régions relativement importantes, sont en train d'adopter la fin du « ni ni »
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais ils ne sont pas candidats aux présidentielles.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais attendez
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire qu'une partie d'entre eux pourraient rejoindre Alain JUPPE et se désolidariser de Nicolas SARKOZY, c'est ça que vous pensez ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, je dis qu'il se passe des choses à droite. Moi ce qui m'intéresse c'est ce que pense la base, après, le sommet, je n'ai pas de doute que le sommet s'alignera comme l'alignement des planètes, mais on verra bien ce qui se passe. Il se passe des choses à droite, où une décantation est en train de se faire, entre des gens qui, quelque part, pensent que la seule différence avec le Front national est une différence d'intérêt, c'est-à-dire le clan LE PEN contre nous les ex-UMP, et puis d'autres qui pensent que, pas du tout, il faut faire de la politique autrement. Et d'ailleurs cette décantation, dans le discours, elle est importante, et je pense aussi qu'il y a une décantation à faire chez des responsables de gauche, par exemple, qui n'arrêtent pas de projeter une image de la société française qui n'est pas la réalité. On est dans un discours volontiers absolument misérabiliste. Loin de moi de penser qu'il n'y a pas des difficultés dans notre pays, mais il y a une façon de regarder l'avenir, totalement nostalgique, totalement dans le dénigrement
GUILLAUME DURAND
Vous parlez de qui là, MELENCHON ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr. Mais attendez, c'est une culture dominante dans la société française, voilà.
GUILLAUME DURAND
J'ai plusieurs questions, il nous reste 2 minutes. Est-ce que vous prenez la main, si je puis dire, de Cécile DUFLOT, main tendue, interview dans Le Monde, mais qui demande gel des services publics ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, enfin je pense que pour l'instant on a l'impression moi je prends de bonne foi sa proposition, mais il faut qu'elle aille un peu plus loin, là ce qu'elle dit c'est un peu bricolé !
GUILLAUME DURAND
On est parti, on revient, ça ne vous intéresse pas ? Il faut qu'ils changent.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, mais elle ne revient même pas là, elle dit « viens avec moi, mais viens sur les positions », que je bricole d'ailleurs, sur un coin de table. Il y a très peu d'écologie dans ce qu'elle dit, elle tient un discours demi-gauchiste, ce n'est pas ça le
GUILLAUME DURAND
Ça n'a pas l'air de vous intéresser.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais qu'elle continue, elle peut continuer sur cette voie
GUILLAUME DURAND
Est-ce que ça veut dire que cette ouverture de cette formation qui est en cours pourrait être du côté du centre, justement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je crois à une recomposition française, pas par des appareils politiques, mais parce que je pense qu'il y a besoin de rassembler ce pays pour faire face aux menaces
GUILLAUME DURAND
Mais pas au gouvernement dans les semaines qui viennent ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je n'imagine pas, je ne vois pas de ça serait artificiel, et je ne le mesure pas, mais par contre, oui, une recomposition en profondeur du pays. On est dans la tripolarisation d'une part, c'est-à-dire il y a trois pôles à 30 %, et il faut pourtant une majorité forte pour opérer les mutations dont ce pays a besoin pour combattre les extrêmes.
GUILLAUME DURAND
Jean-Marie LE GUEN, vous êtes ministre des Relations avec le Parlement, j'ai une dernière question à vous poser, qui fait sourire, il faut bien le dire, les internautes comme on dit maintenant, c'est la question du pacte annoncé par Manuel VALLS concernant le chômage. Ça ne fait pas sourire à cause du chômage, c'est un drame en France, mais ça fait sourire parce que tout le monde dit il se réveille 3,5 ans après. Et le moins qu'on puisse dire c'est que les commentaires sont plus qu'ironiques.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je laisse aux ironiques et aux sceptiques leur capacité à être toujours ironiques et sceptiques. Ce que je crois c'est qu'il va falloir sortir des sentiers battus, et quoi qu'on en dise
GUILLAUME DURAND
Et on ne pouvait pas s'en rendre compte avant ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, les sentiers battus, vous en faites partie et moi aussi, on est tous des gens qui
GUILLAUME DURAND
Parlez pour vous, pas pour moi !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais si, mais si. Par exemple, la préférence française pour le chômage c'est un texte qui a été écrit par la Fondation Saint-Simon il y a plus de 30 ans, on est toujours dedans. Vous le savez, vous l'avez lu à l'époque, moi aussi, on a regardé ça, on a dit oh, finalement, est-ce que ce n'est pas une polémique ? Non, c'est une réalité. Moi j'écoute ce que propose la droite, ce que propose d'ailleurs la gauche de la gauche, et un certain nombre de mes amis, c'est toujours les mêmes mesures qu'il y a 30 ans, c'est toujours ces mesures qui n'ont pas été suffisantes, ce n'est pas la macroéconomie comme on dit. Il va falloir mettre les mains dans le cambouis, il va falloir prendre conscience qu'on a 1,5 million, 2 millions de nos compatriotes qui ne sont fondamentalement pas
GUILLAUME DURAND
Et c'est 100.000 chômeurs de plus depuis que François HOLLANDE est au pouvoir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, mais l'activité économique, tous les Français ont bien compris que nous n'avons pas une baguette magique pour transformer la conjoncture économique, même s'il peut y avoir des politiques qui vont dans le bon sens et des politiques qui vont dans le mauvais sens. En tout état de cause, le problème français c'est que nous avons 1,5 ou 2 millions de Français qui sont non qualifiés, non formés, non insérés, voilà. Et ça, ça demande une énergie, une énergie, pour surmonter cette difficulté, que personne, depuis 30 ans, n'a eue, ni à gauche, ni à droite, parce qu'il va falloir briser un certain nombre de tabous, eh bien nous allons nous y mettre.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Jean-Marie LE GUEN d'être venu sur l'antenne de Radio Classique ce matin, je rappelle que vous êtes ministre des Relations avec le Parlement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2015
Je suis ravi de vous retrouver en direct avec Jean-Marie LE GUEN qui est donc ministre des Relations avec le Parlement, bonjour, bienvenue. Les questions ne manquent pas ce matin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci. Bonjour Guillaume DURAND.
GUILLAUME DURAND
L'opposition réclame des excuses de Claude BARTOLONE.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oh il a dit hier, notamment d'ailleurs, ce qu'il en était, c'est-à-dire qu'il trouve que cette phrase était tout à fait maladroite
GUILLAUME DURAND
Mais elle est de lui cette phrase ou c'est un communicant qui lui a mis dans la bouche ? « Neuilly, Versailles, la race blanche. »
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais attendez, d'abord il faudrait reprendre le contexte, l'ensemble, etc. C'est une phrase polémique
GUILLAUME DURAND
Absurde.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui est absurde ; oui, bien sûr, elle est absurde dite comme ça elle est totalement absurde, maintenant qu'il y ait un bloc réactionnaire, comme nous disons dans notre langage, un peu abscond au plan politique, c'est-à-dire qu'il y ait une droite dure qui ne sait plus faire la frontière avec le Front national, ça existe, même si on sait qu'il existe une autre droite qui est une droite républicaine, et d'ailleurs, j'allais dire, ce n'est pas à nous
GUILLAUME DURAND
Oui, mais enfin, les Versaillais contre les tatoués, les cheveux longs Bobos contre Neuilly, et en plus aller se faire soigner à l'hôpital amé non, mais, pardonnez-moi, il va se faire soigner à l'hôpital américain, qui est un excellent hôpital, mais qui n'est quand même pas non plus la caricature il aurait pu aller dans un hôpital du service public.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, le hasard fait que la personne qui le soigne est un ami personnel, c'est un ami personnel de Claude BARTOLONE, il est allé chez un médecin, il n'est pas allé dans un hôpital américain, voilà, si vous voulez absolument tout savoir. Mais puisqu'il faut parler de tout, on peut parler de tout, donc voilà. Il était avec un ami médecin, c'est un de ses meilleurs amis, il est allé se soigner chez un de ses meilleurs amis, ok ?
GUILLAUME DURAND
Accepté. Maintenant, Christian JACOB, Eric WOERTH et Bruno LE MAIRE disent que les propos qu'il a tenus sont des propos abjectes, je comprends qu'il ait fait une crise de tension après, parce que finalement, après une défaite en plus, il se rend bien compte qu'il a fait pardonnez-moi l'expression une énorme connerie.
JEAN-MARIE LE GUEN
Guillaume DURAND, on va passer à autre chose, il y a quand même des problèmes majeurs dans ce pays, et dans le monde, donc voilà, ce n'est pas la meilleure phrase qu'on ait dite, il l'a reconnu, point barre, les élections c'était la semaine dernière, maintenant passons à autre chose.
GUILLAUME DURAND
S'ils l'ont attaqué c'est parce qu'effectivement vous l'avez réélu et reconduit à la présidence de l'Assemblée nationale, or, disent-ils, le président de l'Assemblée nationale est le président vous êtes un parlementaire chevronné de tous les parlementaires, et ils considèrent que d'une certaine manière il est disqualifié.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais ils contestent parce que dans l'image populaire il a été battu, donc il doit démissionner, or la réalité, vous le savez, à moins qu'on soit dans la confusion générale, il a été élu député par les habitants du Pré-Saint-Gervais, Pantin, et ils ne l'ont pas désavoué au cours de cette élection. Il a été élu ensuite président par les parlementaires qui lui ont renouvelé leur confiance, donc voilà. Il était candidat à une autre élection, avec une autre périphérie électorale, qui était celle de la région, il n'était pas sortant, il n'a pas été désavoué. En plus c'est ça la France, c'est le bashing systématiquement. Il est candidat, comme il aurait pu être chef d'entreprise pour créer une nouvelle entreprise, ou comme il aurait pu être un nouvel artiste faisant un spectacle. Il n'a pas réussi, mais en nous soit dit ce n'est pas sa responsabilité qui est en cause, c'est au moins la nôtre, tous collectivement, gens de gauche. Eh bien voilà, il n'a pas réussi, il n'a pas réussi ! Mais on ne va pas non plus lui dire ça y est, vous êtes interdit professionnel. Qu'est-ce que c'est que cette façon de voir les choses ?
GUILLAUME DURAND
Pardonnez-moi, mais c'est un mandat d'être
JEAN-MARIE LE GUEN
Il a été mandaté par des électeurs à des élections législatives, qui l'ont élu, réélu, brillamment, au premier tour
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais il aurait pu tirer les conséquences de cette défaite et abandonner le perchoir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais quel rapport ?
GUILLAUME DURAND
Je pose la question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais parce que vous êtes patron d'une entreprise, vous en créez une autre, elle se plante, il faut que vous démissionnez de tout ? Je parle dans l'entreprise, mais je pourrais parler de sport, je pourrais parler de culture. En France on n'a pas le droit de tenter, on n'a pas le droit d'avoir un échec. Il a un échec, très relatif d'ailleurs, mais admettons que ce soit
GUILLAUME DURAND
C'est la première région de France, vous parlez d'un échec relatif !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais d'accord, mais on n'est pas obligé de réussir pour sinon plus personne ne tente rien. C'est quoi cette vision des choses ? Il était candidat, les gens, en démocratie, ne l'ont pas choisi, eh bien voilà ! Il est là, il le prend pour lui, mais on n'est pas là, on n'est pas condamné à se retirer sous la montagne.
GUILLAUME DURAND
Question. Est-ce que vous considérez, donc, que le Parti socialiste doit se dissoudre dans un ensemble plus vaste intégrant la gauche de la gauche et les Verts ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Présenté comme ça, évidemment, ça fait peur, mais on va
GUILLAUME DURAND
Est-ce que c'est l'objectif ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, l'objectif c'est de trouver des formations politiques, on voit bien qu'on est un peu à la fin d'un cycle. Le Parti socialiste a été refondé sur lui-même, avant c'était la SFIO qui avait lentement dégénéré, qui était devenue un obstacle à la revitalisation de la gauche, et donc, sur la liste SFIO on avait greffé d'autres choses, et hop, ça avait été le Parti socialiste tel qu'il existe aujourd'hui. Et on voit bien, quelque part, qu'un nouveau cycle devra s'ouvrir, qui fera que d'une part on sera plus large encore, deuxièmement
GUILLAUME DURAND
Mais avant 2017 ou après ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Dans le mouvement. Je ne peux pas fixer un calendrier, Jean-Christophe CAMBADELIS lui-même souhaite relancer dès le début du mois de février un rassemblement plus large, sans qu'il y ait encore la disparition du Parti socialiste. Avançons. C'est comme le vélo, une fois qu'on sera lancé on verra bien comment on va avancer. Mais il faut faire de la politique autrement, il faut s'organiser autrement, il faut une surface plus large, il faut un imaginaire différent.
GUILLAUME DURAND
Mais vous vous souvenez qu'il y a 10 ans, dans un livre Manuel VALLS, déjà, disait qu'il fallait faire disparaître le Parti socialiste.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais il m'est arrivé de tenir des propos de ce type.
GUILLAUME DURAND
Absolument.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais parce que nous sommes un certain nombre à penser que cette formation, comme je vous le disais alors certains le pensent beaucoup, d'autres un peu moins que cette formation a connu son époque, glorieuse, et elle a apporté beaucoup de choses, à la gauche, au pays, mais que vraisemblablement elle doit muer, muter.
GUILLAUME DURAND
Mais ce matin, on est d'accord, ça va se faire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui. Oui. C'est immuable.
GUILLAUME DURAND
Vous comprenez mon silence, parce que c'est important, le Parti socialiste, pour la plupart des gens qui nous écoutent c'est dans le paysage politique depuis des années.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien oui ! Eh bien non, il faudra qu'il change, oui.
GUILLAUME DURAND
Donc avant 2017, parce qu'autrement
JEAN-MARIE LE GUEN
Le mouvement sera amorcé très largement avant 2017, de mon point de vue.
GUILLAUME DURAND
Donc ça veut dire que François HOLLANDE partira à la tête d'une autre formation politique à la conquête de l'Elysée.
JEAN-MARIE LE GUEN
D'un rassemblement plus large, sûrement.
GUILLAUME DURAND
Et le fait que quand on lit les sondages, SOFRES-Figaro, il ne passe pas le premier tour ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une photo à un moment donné, sans qu'il n'y ait de campagne, on connaît les données. On voit où se situe aujourd'hui le candidat du Parti socialiste, porté par le Parti socialiste, ou par la formation un peu plus large, on vient de faire 23 %, en gros, au premier tour des élections régionales, il y aura une offre politique un petit peu différente, une gravité encore plus grande, je pense que nous ne sommes pas très loin du ticket de qualification. Si je parlais en termes de pronostiqueur, de parieur, etc., mais je suis un acteur, et surtout je suis un citoyen, et donc moi ce qui m'intéresse c'est le projet politique et la dynamique qu'il y a derrière tout ça. Je ne regarde pas les choses comme si je commentais une course hippique, j'essaye de
GUILLAUME DURAND
Je le souhaite, ça ne ferait pas très sérieux.
JEAN-MARIE LE GUEN
Voilà, eh bien soyons tous à ce niveau de donc, les sondages ce n'est pas très sérieux, on va dire, voilà.
GUILLAUME DURAND
Mais enfin ce n'est quand même pas une bonne nouvelle, parce qu'on essaye de relativiser le résultat des régionales en disant finalement
JEAN-MARIE LE GUEN
On sort des élections régionales, on sait ce qu'il y a de bien et ce qu'il y a de pas bien dans la manière dont les Français nous regardent. Je pourrais vous dire, et vous faire la démonstration, que 23 % c'est plutôt dans le genre bien, mais je ne vais pas vous dire que c'est dans le genre suffisant. Voilà.
GUILLAUME DURAND
Si les gens font ces commentaires en disant d'ailleurs ils ont critiqué la sortie des régionales à droite, mais ils les critiquent aussi à gauche parce qu'il y a aussi cette idée
JEAN-MARIE LE GUEN
Il se passe des choses intéressantes à droite, moi je trouve que ce qui est en train de se passer, je ne parle pas du bureau des Républicains, qui n'intéresse pas grand monde, enfin sauf les commentateurs politiques que nous sommes, je me mets dedans, mais sinon, ce qui est important, c'est les prises de position de Xavier BERTRAND, de Christian ESTROSI, il y a des mouvements tectoniques qui sont en train de se passer. Il y a une libération de la parole. On a l'impression qu'on a une partie de la droite qui est en train de se libérer du surmoi extrémiste et du surmoi sarkozyste. C'est-à-dire que ces gens-là sont en train d'être
GUILLAUME DURAND
C'est-à-dire que vous nous diriez ce matin que le grand perdant de cette élection
JEAN-MARIE LE GUEN
Le grand pardon aussi le grand perdant, oui, oui, mais, je fais un commentaire qui mérite d'être évidemment critiqué et relativisé, mais je constate qu'il se passe des choses, à droite, assez importantes. Alors on peut simplement s'arrêter au fait que madame KOSCIUSKO-MORIZET a été virée manu militari, etc., etc., mais on voit aussi qu'un certain nombre de leaders importants de la droite, dans des régions relativement importantes, sont en train d'adopter la fin du « ni ni »
GUILLAUME DURAND
D'accord, mais ils ne sont pas candidats aux présidentielles.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, mais attendez
GUILLAUME DURAND
Vous voulez dire qu'une partie d'entre eux pourraient rejoindre Alain JUPPE et se désolidariser de Nicolas SARKOZY, c'est ça que vous pensez ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, je dis qu'il se passe des choses à droite. Moi ce qui m'intéresse c'est ce que pense la base, après, le sommet, je n'ai pas de doute que le sommet s'alignera comme l'alignement des planètes, mais on verra bien ce qui se passe. Il se passe des choses à droite, où une décantation est en train de se faire, entre des gens qui, quelque part, pensent que la seule différence avec le Front national est une différence d'intérêt, c'est-à-dire le clan LE PEN contre nous les ex-UMP, et puis d'autres qui pensent que, pas du tout, il faut faire de la politique autrement. Et d'ailleurs cette décantation, dans le discours, elle est importante, et je pense aussi qu'il y a une décantation à faire chez des responsables de gauche, par exemple, qui n'arrêtent pas de projeter une image de la société française qui n'est pas la réalité. On est dans un discours volontiers absolument misérabiliste. Loin de moi de penser qu'il n'y a pas des difficultés dans notre pays, mais il y a une façon de regarder l'avenir, totalement nostalgique, totalement dans le dénigrement
GUILLAUME DURAND
Vous parlez de qui là, MELENCHON ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr. Mais attendez, c'est une culture dominante dans la société française, voilà.
GUILLAUME DURAND
J'ai plusieurs questions, il nous reste 2 minutes. Est-ce que vous prenez la main, si je puis dire, de Cécile DUFLOT, main tendue, interview dans Le Monde, mais qui demande gel des services publics ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, enfin je pense que pour l'instant on a l'impression moi je prends de bonne foi sa proposition, mais il faut qu'elle aille un peu plus loin, là ce qu'elle dit c'est un peu bricolé !
GUILLAUME DURAND
On est parti, on revient, ça ne vous intéresse pas ? Il faut qu'ils changent.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, non, mais elle ne revient même pas là, elle dit « viens avec moi, mais viens sur les positions », que je bricole d'ailleurs, sur un coin de table. Il y a très peu d'écologie dans ce qu'elle dit, elle tient un discours demi-gauchiste, ce n'est pas ça le
GUILLAUME DURAND
Ça n'a pas l'air de vous intéresser.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais qu'elle continue, elle peut continuer sur cette voie
GUILLAUME DURAND
Est-ce que ça veut dire que cette ouverture de cette formation qui est en cours pourrait être du côté du centre, justement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je crois à une recomposition française, pas par des appareils politiques, mais parce que je pense qu'il y a besoin de rassembler ce pays pour faire face aux menaces
GUILLAUME DURAND
Mais pas au gouvernement dans les semaines qui viennent ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je n'imagine pas, je ne vois pas de ça serait artificiel, et je ne le mesure pas, mais par contre, oui, une recomposition en profondeur du pays. On est dans la tripolarisation d'une part, c'est-à-dire il y a trois pôles à 30 %, et il faut pourtant une majorité forte pour opérer les mutations dont ce pays a besoin pour combattre les extrêmes.
GUILLAUME DURAND
Jean-Marie LE GUEN, vous êtes ministre des Relations avec le Parlement, j'ai une dernière question à vous poser, qui fait sourire, il faut bien le dire, les internautes comme on dit maintenant, c'est la question du pacte annoncé par Manuel VALLS concernant le chômage. Ça ne fait pas sourire à cause du chômage, c'est un drame en France, mais ça fait sourire parce que tout le monde dit il se réveille 3,5 ans après. Et le moins qu'on puisse dire c'est que les commentaires sont plus qu'ironiques.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, je laisse aux ironiques et aux sceptiques leur capacité à être toujours ironiques et sceptiques. Ce que je crois c'est qu'il va falloir sortir des sentiers battus, et quoi qu'on en dise
GUILLAUME DURAND
Et on ne pouvait pas s'en rendre compte avant ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais écoutez, les sentiers battus, vous en faites partie et moi aussi, on est tous des gens qui
GUILLAUME DURAND
Parlez pour vous, pas pour moi !
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais si, mais si. Par exemple, la préférence française pour le chômage c'est un texte qui a été écrit par la Fondation Saint-Simon il y a plus de 30 ans, on est toujours dedans. Vous le savez, vous l'avez lu à l'époque, moi aussi, on a regardé ça, on a dit oh, finalement, est-ce que ce n'est pas une polémique ? Non, c'est une réalité. Moi j'écoute ce que propose la droite, ce que propose d'ailleurs la gauche de la gauche, et un certain nombre de mes amis, c'est toujours les mêmes mesures qu'il y a 30 ans, c'est toujours ces mesures qui n'ont pas été suffisantes, ce n'est pas la macroéconomie comme on dit. Il va falloir mettre les mains dans le cambouis, il va falloir prendre conscience qu'on a 1,5 million, 2 millions de nos compatriotes qui ne sont fondamentalement pas
GUILLAUME DURAND
Et c'est 100.000 chômeurs de plus depuis que François HOLLANDE est au pouvoir.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, mais l'activité économique, tous les Français ont bien compris que nous n'avons pas une baguette magique pour transformer la conjoncture économique, même s'il peut y avoir des politiques qui vont dans le bon sens et des politiques qui vont dans le mauvais sens. En tout état de cause, le problème français c'est que nous avons 1,5 ou 2 millions de Français qui sont non qualifiés, non formés, non insérés, voilà. Et ça, ça demande une énergie, une énergie, pour surmonter cette difficulté, que personne, depuis 30 ans, n'a eue, ni à gauche, ni à droite, parce qu'il va falloir briser un certain nombre de tabous, eh bien nous allons nous y mettre.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Jean-Marie LE GUEN d'être venu sur l'antenne de Radio Classique ce matin, je rappelle que vous êtes ministre des Relations avec le Parlement.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 décembre 2015