Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées, à l'autonomie et à l'enfance, sur le développement de la "silver économie" à destination des personnes âgées et la création d'emplois dans ce secteur, Paris le 29 septembre 2015.

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La réunion de ce comité de filière est fortement attendue de l'ensemble des acteurs de la silver économie. Je suis heureuse que celle-ci puisse enfin se tenir, et votre présence, Monsieur le Ministre, est un signe important de l'intérêt que vous portez à ce sujet, et du soutien que le ministère de l'Economie continuera d'y apporter dans les mois à venir.
Votre présence traduit les attentes fortes autour de la silver économie, une filière à laquelle le Gouvernement est aussi attentif qu'attaché. Nous savons le potentiel des entreprises françaises, leur expertise dans certains domaines de la silver économie, voire même leur place de leader. Depuis la dernière réunion du comité en décembre 2013, le gouvernement a fait preuve, au travers de nombreuses actions, d'un soutien remarquable.
Aujourd'hui, nous nous retrouvons, après deux ans, pour dresser un premier bilan, identifier les succès, mais aussi les pistes d'amélioration, afin d'engager le comité de filière dans l'avenir : celui d'une filière silver économie dynamique, structurée et efficace qui fasse de la France le leader mondial de ce marché en devenir.
Hier, lors de mon déplacement à Sophia Antipolis, j'ai entendu le message d'entreprises me disant que des verrous importants subsistaient dans le domaine de la silver économie, et qu'ils avaient besoin de l'Etat pour les ouvrir. Dont acte. Notre réunion et celles qui suivront dans les semaines qui viennent faciliteront un nouvel état des lieux. Je sais qu'avec vous, avec le Ministère de l'Economie, les CNAV et la CNSA et tant d'autres, nous pourrons trouver les clefs permettant de lever ces verrous et tracer de nouvelles perspectives pour la filière.
Bien évidemment l'exercice n'est pas simple. Cela tient à la spécificité de la silver économie. La silver économie ne se définit pas en fonction d'une technologie propre, par le cycle de transformation et de commercialisation d'une matière première. Non, la silver économie se caractérise par sa cible, les personnes âgées de 60 ans et plus ; une cible dont l'hétérogénéité ne peut être négligée tant elle offre des situations et des approches différentes lors du parcours de chacun.
Par cette spécificité et l'hétérogénéité de sa cible, la silver économie réunit des acteurs privés, publics, associatifs, elle exige de l'innovation technologique et sociale, elle mobilise les services comme l'industrie. Cela explique bien évidemment, la complexité à travailler et structurer une filière si transversale. Mais quel programme !
Le champ est vaste. Et les attentes sont fortes.
L'enquête nationale Silver économie réalisée par l'AFNOR en 2014 donne quelques pistes : chez les personnes âgées de 56 à 65 ans, plus des trois quarts des sondés souhaitent davantage d'information sur la nutrition ; deux tiers veulent mieux comprendre les outils technologiques. L'habitat et l'équipement de la maison ne sont pas en reste.
Même s'ils mentionnent ces sujets dans une moindre mesure, les tranches d'âge plus âgées (66-75 ans) se sentent tout autant concernées par ces sujets.
Au-delà de ces quelques chiffres l'enquête de l'AFNOR montre bien que l'objet n'est pas de susciter de nouveaux besoins : il est avant tout nécessaire de s'adapter aux besoins qui émergent et qui vont s'affirmer dans les années à venir. L'objet n'est pas le produit mais l'usage. Et mon souci est bien celui de répondre aux besoins des usagers, des personnes âgées et de leurs proches.
C'est pourquoi, notre objectif collectif est bien de réussir ce rendez-vous et le réussir à plusieurs titres.
Au titre du développement économique, que Monsieur le Ministre de l'Economie détaillera certainement dans son propos, mais dont il est important de marteler l'enjeu : celui de la création de 300 000 emplois attendus d'ici 2020, et d'une croissance représentant 0,25% par an.
Celui de l'opportunité qui rejoint les perspectives de développement économique : le marché des seniors est un marché en pleine expansion. En 2015, les seniors assurent à eux seuls plus de la moitié des dépenses (54%).
A cette opportunité de nature démographique s'ajoute celle constituée par le soutien du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement qui sera définitivement adopté d'ici la fin de l'année. Je le rappelle, ce projet vise à plusieurs objectifs, le premier d'entre eux : Permettre aux personnes âgées de vieillir à leur domicile.
Enfin, dernière raison et non des moindres de ne pas manquer ce rendez-vous : l'enjeu du bien vieillir des personnes de plus de 60 ans qui représenteront un habitant sur 3 dans notre pays en 2050, et qui appelle à une responsabilité collective.
L'allongement de l'espérance de vie est une chance. Et nous devons garantir que, quels que soient les parcours individuels de l'avancée en âge, il demeure une chance pour celles et ceux qui la vivent.
Le Gouvernement en a pris la mesure au travers d'un texte profondément contemporain qui mobilise la société toute entière autour du vieillissement. Ce texte mobilise 650 M€ par an issus de la CASA.
Nous agissons à la fois pour améliorer la prise en charge de la perte d'autonomie, mais également – et c'est là une avancée majeure – pour anticiper la perte d'autonomie et ainsi la retarder le plus possible. Les acteurs de la silver économie trouvent toute leur place au sein de ces deux grands objectifs et Vous avez un rôle à jouer dans l'atteinte de ces objectifs essentiels pour le quotidien de nos concitoyens.
Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement répond à ce souci et s'appuie pour cela sur le potentiel de la silver économie.
Dans une société au sein de laquelle les Français souhaitent très majoritairement vieillir le plus longtemps possible chez eux, le défi du vieillissement de la population ne peut bien évidemment se mener sans une réforme du domicile. La loi, par des mesures favorables à la diminution du reste à charge des personnes âgées contribuera à l'émergence d'une demande plus forte de produits nouveaux. Ces mesures ce sont la réforme de l'APA, et les aides techniques soutenues par la mise en place de la conférence des financeurs. La conférence des financeurs permettra en effet d'assurer au niveau local une meilleure coordination des acteurs finançant des actions de prévention afin de proposer à toutes les personnes âgées une réponse cohérente et adaptée à leurs besoins.
L'acte 2 de l'aide personnalisée à l'autonomie est un point saillant de la réforme que je porte, et concerne l'ensemble des acteurs des services à domicile. Grâce à cette réforme de justice sociale, les personnes âgées, et notamment les plus fragiles d'entre elles verront :
- Le nombre d'heures d'aide à domicile augmenter : les personnes avec une perte d'autonomie réduite bénéficieront d'une heure supplémentaire par semaine, et les plus dépendantes d'une heure par jour ;
- Une diminution importante de leur reste à charge ;
- L'exonération de toute participation financière pour les bénéficiaires du minimum vieillesse.
A côté de la réforme de l'APA se trouve une approche plus large de l'avancée en âge, car, comme je viens de le dire, le projet de loi ne cherche pas uniquement à répondre aux besoins qui existent et que nous constatons au quotidien. L'ambition de ce texte est bien de prévenir la perte d'autonomie.
Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement marque l'entrée dans le champ de la prévention, un champ qui appelle à une réponse bien plus large qu'une réponse sanitaire ou médico-sociale. Il se traduit à la fois par l'attribution des aides techniques par les conférences des financeurs, et par la mise en œuvre d'un plan national d'action de prévention de la perte d'autonomie. Sur ces actions, le Gouvernement mobilise 140M€.
Anticiper, le premier volet du projet de loi, c'est faciliter l'accès aux aides techniques modernes, telles que la domotique, le numérique ou la téléassistance, en appui aux aides humaines indispensables.
Les actions de prévention recouvrent l'objectif suivant : permettre à tous de savoir pour pouvoir. Le plan national d'action de prévention aborde les questions d'activité physique, de nutrition, de dépression, de bon usage du médicament. Il incarne une large partie de l'éventail des domaines concernés par le vieillissement. Il touche enfin à une cible particulièrement importante pour les acteurs de la silver économie. Ce que nous appelons les GIR 5 et 6, c'est-à-dire les personnes de plus de 60 ans encore autonomes.
Les attentes sont fortes pour que la silver économie trouve son marché. Aujourd'hui, elle le trouve trop peu en dehors de la commande publique. La filière doit être plus ouverte et s'intéresser aux seniors encore en autonomie. La silver économie ce n'est pas uniquement le marché de la perte d'autonomie.
De plus, adapter la société au vieillissement, c'est se centrer sur la personne, son parcours, son avancée en âge, son environnement, nous devons pour cela favoriser un accompagnement qui ne soit pas celui du soin, puis celui de l'aide au quotidien, en fonction de l'heure de la journée. Nous devons inscrire notre action dans une démarche de bientraitance.
C'est pourquoi le projet de loi est cherche aussi à décloisonner les interventions d'aide et de soins à domicile auprès de la personne, en favorisant le déploiement des services polyvalents d'aide et de soins à domicile, les SPASAD.
J'ai fixé un cap à 5 ans pour conduire le déploiement de ce modèle, soutenu financièrement dès 2015 par les ARS et la CNSA ; les SPASAD sont, dans le cadre du projet de loi, bien évidemment éligibles aux actions financées par la conférence des financeurs.
Les SPASAD incarnent l'innovation sociale et organisationnelle sur laquelle peut prendre appui la silver économie.
S'engager sur le soutien à domicile, c'est bien évidemment adapter les logements. Le logement est un instrument de prévention. L'engagement présidentiel est fort en la matière : de 2013 à 2017, 80 000 logements privés seront adaptés à la perte d'autonomie, dont près de 15 000 en 2015. Face à l'enjeu du vieillissement de la population, le Gouvernement a ainsi souhaité des mesures d'anticipation au projet de loi afin que celles-ci puissent se mettre en oeuvre au plus vite. Ainsi, sur les 40M€ prévus pour l'adaptation de ces logements, 20M€ ont fait l'objet d'un financement anticipé en 2015.
Ces mesures se traduisent également par :
- L'évolution de la liste des travaux éligibles aux financements afin d'y intégrer la domotique ;
- La prolongation en 2015 du crédit d'impôt pour l'adaptation des logements ;
- L'accès facilité au micro-crédit pour financer la part des travaux non couverte par les aides et qui représente 4M€ sur trois ans ;
- La mobilisation des bailleurs sociaux.
Il s'agit d'une véritable politique interministérielle.
La silver économie doit savoir trouver, au travers de ces mesures, des leviers de développement.
La silver économie doit être le marché des nouveaux usages. La réflexion doit s'ouvrir sur le design des objets, sur les nouvelles formes de tourisme, sur la domotique. La silver économie ne peut se limiter à répondre aux événements difficiles de la vie. C'est une filière positive et constructive.
Le changement de regard sur la vieillesse qu'appelle le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement doit être porté par tous, acteurs économiques compris. J'entendais hier une entreprise me décrire son engagement en faveur du recrutement des seniors mais surtout les freins culturels auxquels elle s'est trouvée confrontée dans cette démarche. Tous les acteurs doivent s'approprier l'ambition portée par le texte si nous voulons la traduire dans le quotidien.
Cette réunion du comité de filière doit participer de cette prise de conscience. Le Gouvernement a avancé, il a rempli en grande partie les objectifs qu'il s'était fixé en 2013. Le soutien des entreprises françaises à l'étranger par Business France est une réussite. Le logo Silver économie existe. Nous avons soutenu le développement des Silver régions. Nous avons, avec le concours de la caisse des dépôts et des consignations et le soutien des Institutions de prévoyance, mis en place le Fonds SISA (services innovants à la santé et à l'autonomie) pour accompagner en fonds propres des PME innovantes. Nous avons mis en place des prêts d'honneur.
Aujourd'hui nous devons ensemble définir la méthode et dessiner la feuille de route du contrat de filière. Le Gouvernement a créé le cadre, à vous de vous investir et de montrer que, dans une démarche collective, la France a tous les atouts pour devenir le leader mondial de la Silver économie.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 13 janvier 2016