Texte intégral
YVES CALVI
Olivier MAZEROLLE, vous recevez ce matin la ministre du Travail et de l'Emploi, Myriam El KHOMRI.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous avez déclenché une belle tempête en envisageant l'instauration d'une dégressivité dans l'assurance chômage. Alors, est-ce que c'est un vrai projet ou simplement une menace pour faire pression sur les partenaires sociaux, afin qu'ils trouvent une solution pour mettre fin à l'accumulation du déficit de l'assurance chômage ?
MYRIAM EL KHOMRI
Très clairement, les partenaires sociaux ont en charge la nouvelle convention, la négociation autour de la nouvelle convention d'assurance chômage. Et je souhaite qu'ils parviennent à un accord. Et nous devons absolument respecter leurs prérogatives. S'ils n'y arrivent pas, l'Etat prendra ses responsabilités, et donc l'Etat mettra en oeuvre les nouveaux paramètres de l'assurance chômage. Parmi ces paramètres, l'enjeu c'est véritablement de mesurer l'effet sur l'emploi des différents paramètres. Dans ces paramètres, c'est à la fois la question de la durée d'indemnisation, il y a la question de la durée d'affiliation, c'est-à-dire qu'au bout de quatre mois, on ne peut avoir des droits l'assurance chômage. Il y a ce que l'on appelle le coefficient de conversion. Le coefficient de conversion, c'est que, un jour cotisé est égal à un jour indemnisé. Il y a également le taux de remplacement, c'est-à-dire l'allocation que l'on perçoit par rapport au salaire précédent, et il y a la question de la dégressivité. Et l'enjeu, tous ces paramètres-là, nous ne préjugeons pas des résultats des études, mais nous devons étudier l'ensemble des paramètres dans ce cadre-là. Quel est
OLIVIER MAZEROLLE
D'accord, mais pardon, tous les paramètres que vous venez d'évoquer, ça veut dire moins d'indemnités pour les chômeurs. Par exemple, la durée d'indemnisation, ça peut durer elle peut être moins importante qu'elle ne l'est aujourd'hui. Pourtant, François HOLLANDE, en 2014, le même président de la République qu'aujourd'hui, disait : quand il y a beaucoup de chômage, c'est une très mauvaise idée de chercher à diminuer les revenus des chômeurs.
MYRIAM EL KHOMRI
Quel est aujourd'hui, les objectifs assignés à l'Assurance chômage ? C'est en effet de permettre aux personnes, qui sont victimes d'une situation économique, d'avoir un revenu de vie décent. C'est aussi d'accélérer et d'inciter au retour à l'emploi. Ce que nous souhaitons, c'est que cette négociation autour de la nouvelle convention assurance chômage, puisse être utile. Je vais vous donner un exemple très concret. Aujourd'hui, un demandeur d'emploi qui crée son entreprise, peut utiliser près de 45 % de son capital d'indemnisations, comme capital pour créer son entreprise. Voilà quelle est l'utilité aussi de l'assurance chômage. La question qui nous est posée aujourd'hui, nous avons une durée d'indemnisation qui est longue, ce n'est pas un problème qu'elle soit longue, mais l'enjeu c'est : comment nous pouvons faire pour qu'elle soit efficace et utile. Est-ce qu'on doit booster des droits à la formation dans ce cadre-là ? Est-ce qu'on doit accélérer la création d'entreprises pour ceux qui le souhaitent ? Voilà, c'est-à-dire quelle efficacité ça a sur le fonctionnement du marché du travail. Il est bien évident, il est bien sûr essentiel de permettre aux personnes d'avoir un revenu de vie décent, d'ailleurs durant la crise ça a servi justement d'amortisseur social, il faut bien évidemment le prendre en compte, et aujourd'hui, l'enjeu c'est que les partenaires sociaux arrivent à avoir un accord
OLIVIER MAZEROLLE
Mais enfin, vous vous rendez compte
MYRIAM EL KHOMRI
... et nous souhaitons qu'ils aient un accord.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais vous vous rendez compte, quand même, que pour les syndicats, comme pour une bonne partie de votre majorité, c'est un chiffon rouge cette histoire.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais je n'ai fait que dire qu'il y a de nombreux paramètres dans le cadre de la convention d'assurance chômage, et que sans préjuger du résultat, nous étudions toutes les pistes, leur effet sur l'emploi. Voilà quelle est la question qui nous est posée, parce que ça joue sur le fonctionnement du marché du travail, qu'il y a plusieurs paramètres qui sont en cause, et l'enjeu bien sûr c'est de ne pas diminuer le revenu des personnes qui sont au chômage.
OLIVIER MAZEROLLE
Mais alors, on va vous dire, en disant tout ça, vous accréditez l'idée selon laquelle, bon, il ya des chômeurs qui préfèrent rester au chômage plutôt que de reprendre un emploi.
MYRIAM EL KHOMRI
Mais pas du tout, pas du tout. Il faut regarder l'effet sur le retour à l'emploi. C'est comment cette durée d'indemnisation, comment cette indemnisation permet d'accélérer le retour à l'emploi. Les personnes qui sont demandeur d'emploi sont des victimes, il faut qu'elles aient un revenu de vie décent. Je ne peux pas être plus claire que cela. Cette négociation, elle relève des partenaires sociaux, je souhaite qu'il y ait un accord. S'il n'y a pas d'accord, nous prendrons nos responsabilités, et il est légitime que tout au long de la négociation, nous puissions étudier l'ensemble des pistes, sans préjuger de leur résultat, de leur efficacité, notamment de leur effet sur le retour à l'emploi.
OLIVIER MAZEROLLE
Donc le débat est ouvert. François HOLLANDE reçoit aujourd'hui les présidents de région, qui s'estiment être les mieux placés pour rentabiliser la formation et replacer les chômeurs, parce qu'ils disent : « Nous, nous savons ce dont nos entreprises ont besoin ». Est-ce que vous êtes prêts à leurs donner cette responsabilité ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, le président de la République a décidé de former 500 000 demandeurs d'emploi supplémentaires, nous souhaitons le faire en partant des besoins des entreprises. Les régions ont une compétence en matière de développement économique, ont une compétence en matière d'apprentissage, ont une compétence en matière de formation. Il est essentiel que nous arrivions, ensemble, à partager une stratégie très opérationnelle, en partant des besoins des territoires, bassin d'emploi par bassin d'emploi, et donc les régions sont
OLIVIER MAZEROLLE
Ils veulent cette responsabilité pleine et entière.
MYRIAM EL KHOMRI
Nous les rencontrons aujourd'hui, avec le président de la République, avec le Premier ministre, justement pour voir quelle serait la meilleure efficacité dans le cadre du fonctionnement de l'ensemble des acteurs, il s'agit du service public de l'emploi, il s'agit aussi de répondre plus précisément à la demande de certaines entreprises qui peinent à recruter, il s'agit aussi de la qualité du service qu'on peut
OLIVIER MAZEROLLE
Mais à Pôle emploi on vous dit : attendez, vous allez pas nous prendre notre boulot !
MYRIAM EL KHOMRI
Non mais, qu'est-ce que demandent les présidents de région ? Est-ce qu'ils souhaitent que les agents de Pôle emploi soient sous leur direction ? Est-ce qu'ils souhaitent que les financements de la formation soient prescrits par Pôle emploi, relèvent des régions ? Il y a plein de choses
OLIVIER MAZEROLLE
Oui, c'est ce qu'ils souhaitent, oui.
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a plein de choses, donc moi
OLIVIER MAZEROLLE
Mais c'est envisageable ?
MYRIAM EL KHOMRI
la seule chose qui m'intéresse, c'est le sens de la rencontre que nous aurons aujourd'hui avec le président de la République et le Premier ministre, la seule chose qui m'intéresse, c'est notre efficacité, notre efficacité collective, à la fois en direction des demandeurs d'emploi, mais également en direction des chefs d'entreprise.
OLIVIER MAZEROLLE
Pour contourner le blocage d'une majorité de syndicats dans une entreprise, vous envisagez que des syndicats représentant 30 % du personnel, puissent provoquer un référendum. Mais pourquoi ne pas immédiatement dire : quand il y a blocage, il y aura référendum, que les syndicats le demandent ou pas ?
MYRIAM EL KHOMRI
Alors, c'est la loi sur laquelle je suis en train de travailler. Nous souhaitons donner plus de place aux accords, notamment au niveau de l'entreprise. Renforcer cet accord d'entreprise, ça demande de mettre en face un principe, qui est un principe majoritaire, c'est-à-dire que les accords seront valides quand il y aura plus de 50 % des organisations syndicales qui seront pour. Mais, pour ne pas qu'il y ait de négociations qui soient bloquées, parce que nous le savons bien, 50 % c'est compliqué, nous donnons la possibilité, c'est une des propositions qui est sur la table aujourd'hui avec l'ensemble des partenaires sociaux, qui serait de dire : des syndicats qui s'engagent à 30 % peuvent demander une consultations des salariés
OLIVIER MAZEROLLE
Mais pourquoi attendre que les syndicats le demandent ? Pourquoi ne pas Regardez à la FNAC, par exemple, le personnel est plutôt pour le travail le dimanche, les syndicats n'en veulent pas, alors, pourquoi attendre ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, moi, je n'oppose pas. Je n'oppose pas les syndicats et les salariés. Les syndicats sont les représentants légitimes des salariés. Proposer que quand il y a 30 % d'organisations syndicales qui puissent faire une consultation des salariés, ce n'est pas un contournement des organisations syndicales, ce n'est pas un référendum à la main des Directions des entreprises, c'est permettre justement
OLIVIER MAZEROLLE
Mais vous leur permettez de continuer à bloquer.
MYRIAM EL KHOMRI
C'est permettre d'apporter un peu de modernité à notre système de dialogue social
OLIVIER MAZEROLLE
Un peu.
MYRIAM EL KHOMRI
Oui.
OLIVIER MAZEROLLE
Un peu mais pas trop.
MYRIAM EL KHOMRI
Non, c'est pas « un peu mais pas trop », c'est changer en effet les règles du dialogue social, pour le rendre plus dynamique, pour le rendre également, pour renforcer la légitimité des accords, c'est essentiel si nous souhaitons laisser plus de place à l'intelligence collective, aux acteurs du terrain qui sont les mieux placés pour connaitre les adaptations qui sont nécessaires.
OLIVIER MAZEROLLE
Merci Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
YVES CALVI
Une dernière question, Madame la Ministre, François LENGLET nous en parlait hier, sur l'antenne de RTL, la Suisse envisage d'offrir un revenu de base inconditionnel à tous ses citoyens, à hauteur de 2 300 par mois, une somme qui se substituerait totalement à toutes les aides sociales. Un revenu universel en France est-il envisageable et y êtes-vous favorable ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, le Conseil national du Numérique m'a remis un rapport, récemment, et préconise le revenu universel. Je trouve que c'est une belle idée, qu'il faut bien sûr étudier, c'est aussi le sens des rapports qui nous sont remis. Il faut l'étudier, après il y a un coût, bien évidemment, on a un système qui est particulier et donc ça demande beaucoup de choses, ça bouscule
OLIVIER MAZEROLLE
Pardon, mais vous savez que cette idée, en France, a été formulée pour la première fois lors d'une campagne présidentielle par Christine BOUTIN, c'était en 2002, tout le monde l'a traitée de folle à l'époque.
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, je crois que, aujourd'hui, vu le marché du travail tel qu'il est, vu le fait qu'il y a des ruptures dans une vie professionnelle, que nous avons souvent plusieurs employeurs, qu'il y a une diversité des statuts, je crois qu'il est important, quand on nous remet un rapport, c'est une des préconisations, de l'étudier aussi sérieusement.
YVES CALVI
En tout cas, avec cette curiosité qui est visiblement la vôtre, on va continuer de débattre sur l'antenne de RTL. A 08h20 nous aurons « Six minutes pour trancher », avec l'économiste Elie COHEN et le député Les Républicains, Frédéric LEFEBVRE. Merci à tous les deux.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 8 février 2016