Interview de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique dans "le Figaro" le 3 février 2016, sur le renflouement par l'Etat de l'entreprise Areva.

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Q - Un autre sauvetage a été annoncé, celui d'Areva. N'intervenez-vous pas trop tard ?
R - La situation du groupe résulte d'un contexte de marché très difficile - aggravé par la catastrophe de Fukushima -, d'erreurs stratégiques et managériales par le passé, et de comportements non coopératifs dans la filière, notamment entre EDF et Areva. Ces erreurs au sein de la filière sont aussi celles de l'État actionnaire qui n'avait pas pris la mesure de la situation.
J'ai pour ma part ouvert ce dossier en 2014, quand il est apparu que la réalité n'était pas celle que l'entreprise, constante dans son optimisme, nous indiquait. Nous avons donc décidé de clarifier la gouvernance de la filière nucléaire. Cela a été brutal : la vérité des prix a été faite, et cela a fait très mal. Mais si nous ne l'avions pas fait à ce moment-là, le groupe serait à plat aujourd'hui. Mais nous sommes déterminés à aller au bout de la remise en ordre de la filière nucléaire, en recentrant Areva sur ses métiers du cycle de l'uranium. Le métier réacteurs en revanche ne peut être porté par ce groupe. Les projets sont trop lourds pour ses capacités financières et commerciales. Nous lui donnons un avenir, comme filiale d'EDF, ce qui permet aussi de réaligner les intérêts de toute la filière, notamment vis-à-vis des marchés à l'export.
En termes financiers, la cession de 85% d'Areva NP et la recapitalisation de 5 milliards d'euros, que nous espérons ouvrir à d'autres investisseurs, permettront de consolider durablement la situation du groupe.
Q - Areva est renfloué, mais EDF est fragilisé. Faut-il s'inquiéter de la situation financière de l'électricien ? Est-il raisonnable d'investir dans deux EPR au Royaume-Uni, ce dont les syndicats du groupe s'inquiètent ?
R - EDF a un travail important à réaliser, notamment dans la perspective du «grand carénage» de son parc de centrales en France, très attendu par toute la filière. Et il doit le faire sous une forte contrainte avec des prix de l'électricité aujourd'hui très bas. Pour réaliser ses investissements à venir, l'entreprise doit dégager des marges de manoeuvre financières nouvelles.
Au-delà, Je pense qu'un projet industriel ambitieux qui offre de la visibilité à EDF et ses salariés peut être dessiné pour RTE, le réseau de transport d'électricité. Des investisseurs d'infrastructures et de réseau, comme la Caisse des Dépôts, pourraient y participer dans le cadre d'une ouverture du capital de RTE.
S'agissant du projet britannique, en tant qu'actionnaire, nous considérons à ce stade qu'il ne fait pas courir à l'entreprise de risque inconsidéré au plan industriel et financier. Comme dans tout projet, il y a des risques ; EDF doit prendre les dispositions nécessaires pour les maîtriser. C'est un beau projet qui fera travailler toute la filière nucléaire française et signera son renouveau, et je ne comprends pas l'attitude de certains qui par leurs critiques le décrédibilisent. Ne marquons pas de but contre notre propre camp !
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2016