Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie, sur la prévention de la radicalisation, Paris le 12 novembre 2015.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral


C'est un plaisir de vous retrouver aujourd'hui puisque cela fait un an que nous travaillons ensemble sur l'aide à la parentalité et sur la question de la radicalisation.
Nous l'avons dit et c'est là un point crucial sur lequel je souhaite insister : rien ne peut se faire sans les familles, qui sont en première ligne, à la fois pour le repérage et également pour la prévention de l'endoctrinement, de l'embrigadement. Elles sont d'ailleurs le partenaire privilégié lors des prises en charge.
Parce qu'elle va à l'opposé de ce que fait Daesh, c'est-à-dire la déshumanisation, la famille est le lieu où l'on réhumanise l'individu, où on lui rend son identité propre, sa place, sa singularité.
Lorsque le jeune quitte son nom d'état civil pour recourir à un nom d'emprunt, il y a toujours un endroit où on continuera à l'appeler Léa, Benjamin, Medhi ou Sabrina. Cet endroit, c'est sa famille.
Les parents dressent une limite à la déshumanisation, à la perte d'identité qui est une des caractéristiques de cet endoctrinement.
Nous avons identifié plusieurs types de familles avec à la fois des besoins et des ressources différentes. Les jeunes qui sont accompagnés et font l'objet d'une prise en charge, les jeunes qui ne sont pas pris en charge car ils n'ont pas rencontré les professionnels des structures adaptées, les jeunes qui ne sont pas pris en charge car ils sont déjà en Syrie.
Il est urgent d'identifier nos outils pour soutenir ces familles. Il est urgent de renforcer le travail avec les familles et de les rendre acteurs de la prévention.
En effet, je tiens absolument à attirer l'attention de tous sur le fait que ces familles connaissent très bien les processus d'embrigadement ; elles sont devenues expertes en ce domaine car elles ont passé des nuits sur internet à essayer de comprendre ce qui est arrivé à leur enfant.
Que s'est-il passé pour que ce processus qui avait commencé par une plus stricte observance des règles religieuses ou par une conversion à l'Islam aboutisse à ce que le jeune échappe totalement aux valeurs qui lui ont été transmises ?
C'est à partir de l'identification de ces différentes familles que nous avons mis en place nos outils :
• Premier outil : les Caisses d'Allocations Familiale (CAF) et ses 7 500 agents travailleurs sociaux qui sont en contact avec ces familles. La CNAF a formé et désigné dans chaque caisse un référent radicalisation qui sert de personne ressource pour les autres travailleurs sociaux de leur caisse.
• Deuxième outil : l'importance des aides à la parentalité mises en oeuvre par les CAF, les mouvements familiaux, les centres sociaux, toutes les structures que les familles sont amenées à fréquenter. Il faut se servir des connaissances que nous possédons déjà sur les familles qui sont totalement réadaptables pour aider les familles dans la prévention de la radicalisation
• Troisième outil : la prévention par les pairs. Lorsque les parents ont repéré le problème et sont dans une situation de vigilance, ils n'appellent pas forcément pour autant le numéro vert. Pour encourager les familles à solliciter le numéro vert, nous avons identifié un besoin intermédiaire entre les familles et le numéro vert. Nous oeuvrons ainsi à mettre en place une prévention communautaire, une prévention par les pairs, en s'appuyant sur les familles victimes qui deviennent acteurs de la prévention. Nous soutenons la constitution d'une association nationale des familles victimes de radicalisation. Cette association a vocation à promouvoir les groupes de parole, l'échange d'expérience, le travail sur les fratries. Ces familles se sentent coupables. Il faut lever cette culpabilité, pour les aider et parce qu'elles peuvent nous aider, il faut qu'elles soient utiles, il faut qu'elles soient associées aux dispositifs. Il existe un réel besoin chez ces familles de réparer ce que leur enfant a brisé. Nous soutenons la création d'une telle association, en lui donnant des moyens et en encourageant sa mise en réseau.
Enfin, en parallèle, il est indispensable de créer de l'expertise, du savoir, de la recherche sur ce processus de radicalisation et son impact sur les familles, les fratries... Il faut que les sciences humaines de manière pluridisciplinaires se mobilisent. Nous en avons besoin car c'est à la fois une course de vitesse et une course de fond.
Je vous remercie.
Source http://www.interieur.gouv.fr, le 1er mars 2016

MOTS CLÉS