Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche à France 2 le 10 mars 2016, sur les manifestations des mouvements étudiants et lycéens contre le projet de réforme du code du travail.

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Média : France 2

Texte intégral


ROLAND SICARD
Bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
Les étudiants et les lycéens étaient hier dans la rue, ils appelaient à la mobilisation, est-ce que vous considérez que cette mobilisation est pour eux, pour leurs organisations un succès ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une mobilisation sérieuse qu'il faut écouter et le gouvernement est complètement dans le dialogue depuis le début de la semaine et il va continuer à l'être, donc il faut que chacun de ceux qui ont participé à cette mobilisation et qui ont un certain nombre d'inquiétudes à faire valoir mais aussi des aspirations, je parle notamment de la jeunesse, puissent être entendus.
ROLAND SICARD
Est-ce que c'est un avertissement au gouvernement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
C'est une participation au débat et se faisant je commente notamment ce qui a été dit dans les organisations de jeunesse et les jeunes qui se sont mobilisés hier, on a eu une petite centaine d'établissements qui ont été bloqués, on a eu plusieurs milliers voire dizaines de milliers de jeunes qui sont sortis dans les rues et donc je crois qu'il faut les entendre et faire d'eux des interlocuteurs, notamment s'agissant d'un gouvernement comme le nôtre qui est totalement légitime à le faire aussi. Nous avons, je le rappelle donné la priorité à la jeunesse dans ce quinquennat, eh bien il faut entendre ce qu'ils ont à nous dire et les rassurer aussi. Rassurer, les inquiétudes qu'ils ont émis, je le répète, ce texte contrairement à un certain nombre de textes par le passé n'est pas un texte qui fait des jeunes une catégorie à part qui serait moins bien traitée que les autres salariés. C'est un texte beaucoup plus général sur le droit du travail, il n'en reste pas moins que les jeunes en tant que futurs salariés sont concernés.
ROLAND SICARD
Vous dites que les jeunes doivent être écoutés, est-ce que ça veut dire que Manuel VALLS va les recevoir à Matignon ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, le Premier ministre va recevoir les organisations de jeunesse assez rapidement d'ailleurs pour pouvoir…
ROLAND SICARD
Quand ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Pour pouvoir continuer le dialogue avec elles, dans les prochains jours parce que c'est important que ces organisations…
ROLAND SICARD
Avant la réunion de lundi avec les autres syndicats ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, c'est le Premier ministre qui fera son agenda, mais en tout cas il y a en effet de la part du gouvernement une volonté d'être à l'écoute, de répondre encore une fois aux inquiétudes des jeunes, de leur démontrer aussi en quoi est-ce que les mesures qui sont d'ores et déjà dans ce texte, mais qui peuvent être améliorées, sont de nature à sortir le jeune de l'ornière, car c'est quand même juste l'objectif de ce texte. On est dans un marché du travail qui dysfonctionne parce qu'il laisse une large majorité de la population et notamment les plus jeunes en dehors du marché du travail et en dehors des contrats les plus sécurisés. Donc l'objectif de ce texte, c'est de faire notamment du CDI, la norme et de faire en sorte que les jeunes y accèdent plus facilement. Donc il s'agit à la fois d'expliquer cela à ceux qui en doutent encore, mais aussi de prendre leurs remarques, leurs ajouts pour améliorer le texte qui continue à être travaillé. Je rappelle que nous discutons en ce moment même d'un texte qui n'est pas encore arbitré, qui sera présenté au conseil des ministres le…
ROLAND SICARD
Justement, est-ce qu'il n'a pas été présenté trop tôt, est-ce que la négociation n'a pas été trop tardive ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ca vous savez, ce sont les aléas des fuites dans la presse de textes qui ne sont pas encore ficelés, puisque c'est ainsi que les choses se sont passées, le texte qui a été dévoilé dans la presse, l'a été à un moment où les arbitrages n'étaient pas rendus.
ROLAND SICARD
Manuel VALLS a reculé l'examen en conseil des ministres de deux semaines, est-ce qu'il n'aurait pas mieux valu prendre ces deux semaines avant ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais précisément la décision du gouvernement de prendre 15 jours de plus en dit long sur sa capacité d'écoute, de dialogue et de respect aussi des différentes inquiétudes qui ont été émises par les partenaires sociaux. Donc prendre 15 jours de plus, c'est se donner davantage de chance de trouver le consensus, donc le président de la République a dit qu'il était essentiel sur ce texte. Il ne s'agit pas de réformer contre les gens, il s'agit de convaincre chacun qu'on ne peut plus rester dans un système aussi bloqué que celui d'aujourd'hui, tout le monde a conscience que quelque chose ne va pas. Quand autant de gens dans notre pays n'ont aucune perspective, ont un avenir complètement bouché, on ne peut pas faire comme si tout allait bien et continuer. Et donc depuis 2012 nous avons fait de la lutte contre le chômage, notre priorité, un certain nombre de mesures importantes ont déjà été prises notamment pour renforcer la capacité des entreprises à embaucher, il faut aller plus loin sur la structure même du marché du travail.
ROLAND SICARD
Vous disiez qu'il fallait améliorer le texte, qu'est-ce qui peut être amélioré, on parle notamment de surtaxer les CDD, est-ce que ça c'est une piste sérieuse ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, moi je pense qu'à ce stade le meilleur service que nous puissions rendre au dialogue qui est en cours entre le gouvernement et les partenaires sociaux, c'est que chacun soit à sa place dans son rôle et que tout le monde ne se mêle pas des discussions qui sont en cours. Donc moi je laisse ces discussions aux partenaires sociaux, dans la plus grande sérénité possible, la seule chose que je vous dirais c'est que dans ce texte, il est par exemple une mesure qui me semble être un progrès social évident, c'est le compte personnel d'activité. Ce compte personnel d'activité qui va permettre à chaque salarié, à chaque travailleur de capitaliser ses droits et de les sécuriser, même quand il change de statut ou d'entreprise, quand il devient chômeur, quand il se met en formation, c'est un progrès considérable. Eh bien ce compte personnel d'activité, notamment du point de vue des jeunes, on pourrait espérer l'améliorer encore pour faire en sorte que les jeunes y trouvent encore leur compte au moment de l'entrée dans la vie active. Comment faire en sorte que ceux par exemple qui sont le moins diplômés puissent partir avec des crédits d'avance de droit à la formation pour se préparer mieux au marché du travail. Il y a un certain nombre de sujets de sécurisation et de protection dans ce CPA qui méritent encore d'être travaillés.
ROLAND SICARD
Nicolas SARKOZY disait hier que les jeunes étaient instrumentalisés, est-ce que vous avez aussi ce sentiment ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi je trouve ça toujours très intéressant quand Nicolas SARKOZY prend la parole, parce que ça permet à tout le monde d'y voir plus clair et notamment à ceux d'ailleurs qui étaient dans la rue hier, je leur dis, voilà vous avez désormais une vision très claire des alternatives possibles à ce que fait ce gouvernement.
ROLAND SICARD
Mais il soutient votre texte.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Mais Nicolas SARKOZY dans son interview dans un grand journal évoque la suppression de 300 000 fonctionnaires par exemple, ça fait partie de ses projets, alors je vous le dis, est-ce que vous pensez qu'avec 300 000 fonctionnaires de moins on aura cette priorité qui est donnée aujourd'hui à l'éducation ? Parce que 300 000 fonctionnaires de moins, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire moins d'instituteurs, ça veut dire moins, bien sûr de policiers, de gendarmes, ça veut dire moins de personnels dans les hôpitaux, donc l'alternative pour tous ceux qui se demandent si la politique conduite actuellement par ce gouvernement est la bonne, eh bien c'est celle que propose Nicolas SARKOZY. C'est de renier sur nos services publics, c'est de cesser d'investir dans la jeunesse puisqu'on parlait de la jeunesse tout à l'heure. Il ne faut jamais oublier que ce gouvernement, sous la présidence de François HOLLANDE a fait notamment de l'éducation la priorité et l'éducation, c'est ce qui permet à cette jeunesse d'être dans quelques années bien qualifiées pour entrer dans de bonnes conditions sur le marché du travail et se donner le maximum de chances de trouver un emploi pérenne.
ROLAND SICARD
Une actualité chasse l'autre et la semaine prochaine on reviendra sur la déchéance de nationalité, le Sénat a adopté l'idée d'un texte qui est différent de celui de l'Assemblée, ça veut dire que le texte sera enterré, il n'aboutira jamais ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ecoutez, la procédure parlementaire est en cours, en effet le Sénat semble parti sur un texte qui ne serait pas exactement celui de l'Assemblée nationale, donc il va y avoir, j'imagine à ce stade une discussion entre les deux chambres pour s'entendre sur un texte commun et s'il n'y a pas de texte commun, alors eh bien nous verrons. Nous verrons quelle suite donner à ce texte. Aujourd'hui au fond ce qui importe plus que tout, c'est de nous donner les moyens de protéger notre pays contre de prochains risques de terrorisme et il y a un certain nombre de mesures qui sont contenues dans la réforme constitutionnelle qui a été proposée par le gouvernement qui nous permettent de protéger davantage notre pays, il y a aussi une responsabilité parlementaire qui se joue.
ROLAND SICARD
Merci.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 11 mars 2016