Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, sur le rôle de l'armée de l'air, à Mont de Marsan le 10 mars 2016.

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Circonstance : Adresse aux aviateurs de la base aérienne 118 de Mont de Marsan (Landes), le 10 mars 2016

Texte intégral


Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le chef d'état-major de l'armée de l'Air,
Officiers, sous-officiers, militaires du rang et personnel civil de la base aérienne 118 « colonel Rozanoff »,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être avec vous aujourd'hui.
C'est un déplacement que j'envisageais depuis longtemps. Il arrive enfin. Nous sommes ici, sur la base aérienne de Mont-de-Marsan, au cœur de l'armée de l'Air d'aujourd'hui et de demain. Mais l'Histoire n'est jamais loin, et vous me permettrez de commencer par partager un souvenir avec vous.
J'ai eu l'occasion, très récemment, de me recueillir à la nécropole de Douaumont, qui porte le souvenir des centaines de milliers de vies qui se sont brisées au cours de la bataille de Verdun, dont nous célébrons cette année le centenaire.
Cette bataille, c'est aussi l'invention de la guerre aérienne. A Verdun, pour la première fois, deux flottes de combat se sont affrontées pour gagner la maîtrise du ciel, pour obtenir ce que nous appelons aujourd'hui la supériorité aérienne.
La visite que je viens de faire aujourd'hui, sur votre belle base aérienne, m'a donc renvoyé à cette Histoire. Elle m'a montré comment, depuis Verdun, mais aussi depuis la formidable épopée dont le régiment de chasse 2/30 « Normandie Niémen » est le dépositaire, l'armée de l'air et ses aviateurs se sont illustrés dans tous les engagements militaires de la France.
Cent ans après Verdun, il y a une permanence dans la mission que vous assumez – garantir cette supériorité aérienne –, au service d'objectifs qui vous placent au cœur des enjeux de défense et de sécurité de notre pays.
Je retiens d'abord de cette visite, des présentations qui m'ont été faites, des échanges que j'ai eus, le spectre important des missions que vous effectuez en permanence sur ce site et à partir de lui.
Votre base aérienne a toujours eu cette vocation opérationnelle première. Les appareils prestigieux qu'elle a mis en œuvre en apportent la confirmation. Je pense au Mirage IV pour assurer la mission de dissuasion, que vous armez toujours mais d'une manière différente ; je pense au Mirage F1, dont la dernière unité a quitté récemment le service actif ici ; je pense aujourd'hui, bien sûr,aux Rafale du « Normandie Niémen » et du « Côte d'argent », puis du « Lorraine » à compter de cet été. Je n'oublie pas ici les contrôleurs de « Marina » qui veillent dans l'ombre mais concourent à la même mission.
Le premier des défis que nous devons relever aujourd'hui est celui posé par le terrorisme d'inspiration djihadiste. La menace qu'il fait peser sur nous s'exprime désormais sur notre territoire comme à l'extérieur de nos frontières. Pour répondre à cette menace, l'armée de l'Air et singulièrement votre base aérienne ont un rôle décisif à jouer.
Je veux aujourd'hui vous témoigner de la reconnaissance de nos concitoyens, pour l'engagement exceptionnel de tous les aviateurs, mobilisés à l'unisson de nos forces dans la situation exceptionnelle que nous connaissons depuis un peu plus d'un an maintenant.
Avec la décision du Président de la république, en septembre 2015, d'effectuer des missions de reconnaissance puis de frapper au-dessus du territoire syrien, votre engagement a connu une nouvelle intensité. Ce faisant, votre détermination n'a jamais failli, et le personnel qui se relayait déjà sur les deux bases projetées dans le cadre de Chammal a démontré une excellence et un courage qui sont dignes d'admiration. J'ai eu l'occasion de le leur dire de vive voix. J'ai d'ailleurs rencontré certains d'entre vous en Jordanie le 1er janvier de cette année. Je tenais en tout cas à le redire devant vous et devant vos chefs.
Mais au-delà de votre rôle, déterminant, pour garantir notre « sécurité de l'avant », vous êtes vous-mêmes des sentinelles en vous faisant les gardiens de notre espace aérien et de nos approches aériennes.
J'ai été frappé, au cours de ma visite, par la technicité et la précision de vos équipages. Je mesure aujourd'hui un peu plus encore la complexité de cette mission permanente pour la protection de notre territoire et de sa population, que vous effectuez avec beaucoup d'abnégation.
Cette mission est impressionnante, parce qu'elle repose sur la mise en réseau de nombreuses capacités et de nombreux savoir-faire, mais aussi sur une réactivité de tous les instants, et bien entendu sur vous, hommes et femmes de l'armée de l'Air, dont j'entends dire, partout où je me déplace, qu'elle est l'une des meilleures au monde.
Fiers de votre passé, pleinement engagés pour relever les défis du présent, j'ai également rencontré aujourd'hui des aviateurs qui se tournaient vers l'avenir.
J'ai apprécié de découvrir aujourd'hui de visu un projet que je sais emblématique de votre transformation. Le centre d'expertise aérienne militaire, créé le 1er septembre 2015, constitue désormais un « Air Warfare Center ». J'ai bien compris, après l'exposé pédagogique qui m'a été fait, comment le retour d'expérience des guerres que vous menez pouvait ainsi alimenter la réflexion doctrinale, enrichir les expérimentations et nourrir les savoir-faire tactiques. J'ai mesuré combien le rapprochement physique, permis par la création de ce centre, favorisait des synergies très bienvenues.
Ce centre a un rôle important à jouer dans les années qui viennent. Alors que le Rafale à l'export est appelé à essaimer encore – c'est en tout cas le vœu que je forme avec vous –, ce centre pourrait aussi être un lieu d'échanges, par exemple pour un « Club des usagers du Rafale », à l'image de celui que j'ai déjà créé pour le drone Reaper. C'est en tout cas une idée que je propose.
Il est clair que l'innovation, qui est inscrite depuis Verdun dans l'ADN des aviateurs, est plus que jamais à favoriser, pour répondre aux nouveaux enjeux de la guerre aérienne.
Je sais que vos équipes sont très actives. Je souhaite qu'elles redoublent cependant d'efforts, pour contribuer à la réflexion que j'ai lancée sur un sujet que je considère comme stratégique pour l'avenir des forces armées. Il s'agit du futur système de combat aérien. Le centre d'expertise aérienne pourra apporter, le moment venu – j'en suis convaincu – toute sa puissance de réflexion à ces importantes études.
Dans le même temps que vous répondez aux défis du présent et vous tournez vers l'avenir, je sais l'effort que l'armée de l'Air a fourni pour faire évoluer ses organisations, rationaliser ses implantations, mieux structurer ses processus. Ces évolutions permanentes, qu'il faut évidemment poursuivre, contribuent également à la modernisation de vos équipements.
Dans le cadre de l'actualisation de la loi de programmation militaire, j'ai pris plusieurs décisions dans ce domaine, qui visent toutes à répondre au contexte sécuritaire dans lequel nous évoluons désormais.
Je veux d'abord signaler l'effort budgétaire supplémentaire qui est consenti au profit de l'entretien programmé des matériels. J'ai constaté, lors de ma visite à l'escadron de soutien technique spécialisé « Chalosse », toute l'énergie et l'ingéniosité déployées par le personnel pour régénérer le potentiel des appareils et autoriser ainsi le retour à un meilleur niveau d'activité aérienne. Il y a là pour moi aujourd'hui une priorité impérieuse.
Je suis personnellement attentif à l'érosion relative et momentanée de la préparation des aviateurs, notamment des plus jeunes, qui me remonte par votre chef d'état-major. Je le redis ici, il est essentiel que l'on puisse retrouver un niveau satisfaisant d'activités, qui permette aux équipages d'opérer avec le meilleur niveau de préparation possible. En tout cas, c'est un objectif auquel je tiens beaucoup.
Conscient du besoin en « optionnels », j'ai également décidé en 2015 de doubler le nombre de pods de désignation laser TALIOS, en cours d'acquisition.
Dans le domaine des armements, j'ai demandé à la fin 2015 l'acquisition de bombes supplémentaires, pour augmenter les stocks dans l'éventualité, toujours possible, d'un durcissement des opérations.
La base de Mont de Marsan n'est bien évidemment pas seule concernée. Au bénéfice de l'armée de l'Air dans son ensemble, j'ai ainsi commandé en début d'année 4 C130J, pour répondre rapidement aux besoins de projection des forces sur les théâtres, tandis que les livraisons d'A400M se poursuivent. Dans le domaine du renseignement, 2016 verra la livraison du deuxième système Reaper, complétant le premier que j'ai commandé en 2013. Je compte également lancer la réalisation du projet FOMEDEC pour la formation rénovée des équipages chasse à la fin de cette année. Je prévois encore de commander en 2017 la modernisation de 55 Mirage 2000D, en complément de nos Rafale.
Au plan des ressources humaines, dans le contexte que j'ai rappelé pour commencer, le Président de la République m'a demandé d'annuler toutes les déflations d'effectifs qui étaient encore prévues jusqu'en 2019. Ces annulations concerneront bien sûr aussi l'armée de l'Air. Elles doivent permettre de redéployer des effectifs au profit des missions prioritaires, assurées par les forces opérationnelles, le renseignement, la cyberdéfense et la cybersecurité.
Dans cette perspective, l'armée de l'air doit aussi préserver ses cadres et ses compétences rares au sein de ses escadres. Ces ressources contribuent aux succès que nous enregistrons – je l'ai encore vérifié aujourd'hui – mais ils permettront aussi d'assurer la formation et l'accueil des spécialistes étrangers dans le cadre de contrats d'export du Rafale.
Je sais enfin les sacrifices qui peuvent vous être demandés, pour assurer la sécurité de la France, à la fois sur le théâtre national et à l'extérieur de nos frontières, dans les temps troublés que nous connaissons.
Je mesure en particulier la pression opérationnelle qui s'exerce sur vous, avec l'armement constant des quatre bases projetées au Sahel, au Levant et aux Emirats, avec aussi la nécessaire et constante protection de votre site, j'ai aussi eu l'occasion de m'en rendre compte, les exigences de maintien en condition opérationnelle et bientôt l'accompagnement et la formation de partenaires étrangers. Vous avez déjà commencé avec beaucoup de qualité ces formations. Je suis conscient que tout cela peut entraîner des ruptures d'équilibre professionnel et personnel.
Soyez assurés de ma préoccupation personnelle sur ce sujet. C'est aussi pour cette raison que j'ai demandé, conformément aux vœux du Président de la République, l'étude de nouvelles mesures d'amélioration de la condition du personnel militaire. A travers ce plan, je souhaite que nous étudiions en particulier une meilleure prise en compte de l'environnement familial et un volet rémunération qui puisse compenser la suractivité que vous vivez.

La base aérienne de Mont-de-Marsan, au cœur des Landes, accueillera bientôt un nouvel escadron en provenance de Saint-Dizier. C'est dire si cette base aérienne opérationnelle, en plein essor, riche de ses nombreux spécialistes, spécifique par la diversité des missions et la co-implantation d'unités opérationnelles et d'un centre unique d'expertise aérienne, continuera à contribuer au succès des armes françaises. Chacun dans votre rôle, militaire ou civil, vous avez toutes les raisons d'en être fiers.
Votre engagement pour la sécurité des Français peut être difficile. Il est plus que jamais essentiel. A chaque fois que je me rends sur le terrain, au contact de nos forces, je suis moi-même fier d'exercer – à vos côtés – la responsabilité qui m'a été confiée. Je le suis tout particulièrement aujourd'hui.
Bravo à vous. Vous avez ma confiance et vous pouvez plus que jamais compter sur moi pour relever les grands défis qui nous attendent.
Vive la République !Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 22 mars 2016