Interview de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, dans " Le Figaro" du 5 juin 1999, sur l'organisation du retrait des troupes serbes du Kosovo, la mise en place du plan de paix et la proposition française d'une administration européenne du Kosovo.

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Texte intégral

Q - Après le résultat obtenu à Belgrade, quels sont les points les plus difficiles encore à régler ?
R - Nos priorités des prochains jours sont des arrangements détaillés entre les responsables militaires de l'Otan et la RFY (République fédérale de Yougoslavie) pour organiser le retrait (et le déminage) ; le début, le plus tôt possible, de ce retrait, sa vérification, sa mise en oeuvre complète ; la transcription solennelle, d'urgence, de tous les volets de la solution dans une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui nous impose de trancher les dernières questions en suspens sur l'administration internationale transitoire et la Kfor (Force de sécurité du Kosovo), dont les premiers éléments doivent se tenir prêts à entrer au Kosovo. Et dès que possible, bien sûr, et compte tenu de ce qui précède, la suspension des frappes.
Quelles que soient la place exacte de la Russie dans la chaîne de commandement et la façon dont le contingent russe sera commandé, nous maintiendrons l'unité de politique et de commandement des forces qui assureront la sécurité dans tout le Kosovo.
Q - Peut-on envisager une paix définitive au Kosovo pour le Sommet du G8 des 18 et 19 juin, à Cologne ?
R - Parler de paix définitive est un peu hâtif, tant notre tâche est encore lourde, mais je veux croire que, les 18 et 19 juin, nous serons tous très occupés à bâtir la paix.
Q - Milosevic peut-il encore rester au pouvoir ?
R - La meilleure chose pour l'avenir du peuple serbe, et pour ses voisins, serait qu'il prenne conscience du bilan politiquement, militairement économiquement et humainement désastreux de la politique ultranationaliste menée depuis dix ans par ses dirigeants ; qu'il réalise que ses intérêts - le peuple serbe a, comme les autres, des intérêts légitimes - ne doivent plus jamais être défendus par ces moyens intolérables dans l'Europe moderne ; qu'il en tire lui-même les conséquences dans une refondation démocratique et pacifique qui lui ouvrira les portes de la réinsertion dans la communauté internationale.
Q - Le maintien de l'intégrité de la RFY n'est-il pas un leurre ?
R - Nous avons préservé, de Rambouillet à aujourd'hui, l'intégrité et la souveraineté de la RFY. Cela ne dépend pas du jugement que nous portons, à un moment donné sur les dirigeants de Belgrade, mais découle de notre sens des responsabilités à long terme par rapport à une région déjà trop éprouvée, et que nous ne voulons pas déstabiliser plus encore. Naturellement, compte tenu de ce qui s'est passé, la souveraineté de la RFY sur le Kosovo est limitée par l'instauration d'une administration civile et d'une force internationale.
Q - A-t-on de vrais moyens de vérifier le désarmement de l'UCK ?
R - En signant les Accords de Rambouillet, en soutenant, par la bouche de son dirigeant, Hashim Thaci, le plan accepté par Belgrade, l'UCK a accepté de se "démilitariser'' et de se transformer en force politique.
Q - L'Union européenne sera-t-elle chargée de l'administration civile provisoire du Kosovo ?
R - La France a proposé qu'une personnalité issue de l'Union européenne, assistée de représentants de l'UE, de l'OSCE, du HCR, des Etats-Unis et de la Russie, administre le Kosovo. Quelle que soit la formule retenue, le rôle des Européens devra être central.
Q - Quel rôle pour la France dans la solution qui se dessine ?
R - Pour sa mise en oeuvre, pour consolider la paix, aider la RFY à retrouver un avenir, sécuriser, démocratiser, développer les Balkans, la France restera en première ligne.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 juin 1999)