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S'interroger sur « les valeurs hospitalières », comme vous le faites aujourd'hui, c'est mener une réflexion profondément d'actualité. C'est revenir sur le rôle que doit jouer l'hôpital public, dans une période où les Français expriment plus que jamais leur attachement au pacte républicain.
En installant la semaine dernière le comité de suivi des groupements hospitaliers de territoire (GHT), j'ai pu mesurer une nouvelle fois la cohésion de l'ensemble des professionnels réunis. Au-delà des prises de position de chacun, il y a chez les hospitaliers cette capacité à se rassembler autour de valeurs qui comptent.
S'interroger sur ces valeurs hospitalières justement, c'est réfléchir à l'évolution du système de santé : c'est chercher à replacer l'hôpital au cur des attentes des Français. Votre rôle est ici central : faire vivre les valeurs historiques de l'hôpital public tout en ayant à cur de diffuser l'innovation, les nouvelles pratiques médicales et plus encore une nouvelle façon de prendre en charge, au-delà des seuls murs de l'hôpital. En d'autres mots, s'interroger sur les valeurs, c'est réinventer le service public pour garantir sa pérennité.
Pour cela, je sais que je peux compter sur un corps de la fonction publique reconnu pour ses compétences et sa capacité à conduire des réformes majeures. Certains veulent faire croire que l'hôpital ne serait pas bien géré. Mais qui peut oser dire cela aujourd'hui lorsque l'on sait avec quelle réactivité il a pris en charge des centaines de victimes au moment des attentats ? Qui peut oser dire cela alors que les premières mondiales s'y succèdent à un rythme impressionnant ? Qui peut dire cela, enfin, alors qu'il assume une part considérable de l'effort de redressement porté au niveau national ?
Je veux dire ici toute ma reconnaissance à l'ensemble des hospitaliers et plus particulièrement aux directeurs d'hôpitaux. Vous exercez un métier difficile à un moment où la question de l'attractivité de l'hôpital public est posée. C'est pour cela que j'ai pris des mesures fortes avec le plan attractivité pour les professionnels médicaux. En ce qui concerne les directeurs, au moment de mettre en uvre les groupements hospitaliers de territoires, je sais quelles sont vos attentes en matière d'évolution de votre métier, mais aussi en matière de reconnaissance. J'y reviendrai.
I. Pérenniser les valeurs de l'hôpital public, c'est innover pour réinventer le service public hospitalier.
Je me suis battue pour que le service public soit réintroduit dans la loi. Pas par dogmatisme ou par conservatisme, mais justement parce que le service public est une valeur d'avenir. Pour moi, le service public hospitalier c'est de la clarté pour nos concitoyens qui ont le droit de savoir à quel type d'établissement de santé ils s'adressent et quels soins ils peuvent recevoir. C'est aussi de la reconnaissance pour celles qui y travaillent et sont animés par un engagement profond pour les valeurs d'égalité et de fraternité.
Avec la loi de modernisation de notre système de santé, le service public hospitalier est désormais structuré autour d'un bloc d'obligations indissociables que sont l'absence de dépassements d'honoraires, la permanence de l'accueil et l'égalité d'accès aux soins. Ce sont autant de garanties pour nos concitoyens.
Pour garantir la pérennité de ce système, vous le savez, il faut aussi innover dans les pratiques et les organisations.
C'est pourquoi j'ai fait le choix d'engager un certain nombre de réformes structurelles autour desquelles je vous sais particulièrement engagés. La réalité économique nous contraint autant qu'elle nous incite à nous réinventer. Le service public hospitalier sera une valeur d'avenir si nous savons garantir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale et être capables de mieux dépenser.
Ces transformations structurelles constituent l'architecture du plan triennal d'économies. L'effort demandé est important mais il est atteignable. Pour y parvenir, je sais pouvoir compter sur votre capacité à dialoguer avec l'ensemble de la communauté hospitalière pour avancer sur ces réformes, répondre aux inquiétudes et lever les incompréhensions.
Je veux saluer votre action qui a contribué aux bons résultats de maîtrise de l'ONDAM hospitalier et par conséquent aux bons résultats des comptes de la sécurité sociale l'année dernière dont le déficit a reculé de plus de 2,4 milliards d'euros par rapport à 2014.
Les résultats sont là également en matière d'évolution des prises en charge, pour mieux les adapter aux nouveaux besoins et aux nouvelles pratiques médicales. C'est ainsi le cas avec le développement de la chirurgie ambulatoire dans vos établissements.
C'est en matière de médecine ambulatoire qu'il nous faut désormais faire porter davantage l'effort.
Nous ne devons recourir à l'hospitalisation avec hébergement que lorsque c'est nécessaire et privilégier, à chaque fois que cela est possible, les alternatives à l'hospitalisation.
Cette exigence c'est d'abord celle de l'amélioration de la qualité et de la sécurité des prises en charge.
Innover, c'est aussi prendre en compte les transformations à l'hôpital induites par l'arrivée de nouvelles technologies. Avec le numérique, c'est toute l'organisation de notre système de santé qui évolue, en particulier la relation entre les professionnels de santé et le patient. Cette évolution, il faut l'anticiper et l'accompagner. L'innovation à l'hôpital, c'est aussi la possibilité pour les professionnels d'interagir entre eux, quel que soit leur lieu d'exercice (ville, hôpital, médico-social). C'est ce même effacement des frontières qui devra présider au bon fonctionnement des groupements hospitaliers de territoire (GHT).
II. L'hôpital de demain s'inscrit dans un territoire pour s'adapter aux besoins de la population. Aussi, je compte sur votre mobilisation pour garantir une mise en uvre effective des groupements hospitaliers de territoire (GHT).
Votre association a toujours soutenu les coopérations territoriales et la stratégie de groupe, qui sont les piliers d'un service public hospitalier efficace et durable. Or aujourd'hui vous le savez, moins d'un établissement sur quatre fait partie d'une communauté hospitalière de territoire et parmi celles qui ont été créées, toutes ne s'appuient pas sur un projet médical commun.
C'est pourquoi vous m'avez soutenue tout au long du processus législatif pour inscrire définitivement dans la loi l'obligation pour les établissements de santé d'adhérer à un groupement hospitalier de territoire (GHT). Les GHT sont l'un des dispositifs les plus structurants de la loi. Ils consolident l'égalité d'accès aux soins pour tous, en tout point du territoire, tout en laissant aux établissements la liberté nécessaire pour définir le projet médical.
Pour que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) fonctionnent correctement, la mobilisation de l'ensemble des acteurs de la communauté hospitalière sera indispensable, au premier rang desquels les directeurs d'hôpital, les cadres dirigeants et les responsables médicaux.
Votre engagement sera déterminant tout d'abord pour définir le projet médical partagé. Celui-ci doit permettre que chaque Français bénéficie d'une prise en charge adaptée à ses besoins lorsqu'il pousse la porte d'un hôpital. L'offre de soins que vous proposerez devra donc être organisée, lisible et accessible. D'ici le 1er juillet, il faudra avoir proposé des orientations à partir desquelles travailler.
Ensuite, votre engagement est déterminant pour définir les périmètres des GHT afin de savoir qui travaille avec qui et autour de quelle ambition. Sur ces questions, la concertation doit être de mise avec les directeurs d'ARS, les élus et les représentants de la FHF.
III. Votre profession, nous l'avons vu, se redessine, avec de nouvelles missions pour rendre l'hôpital plus efficient et plus ouvert. Votre formation, aussi, sera amenée à évoluer
La mise en place des GHT fera évoluer votre métier. Comme le montre votre enquête récente sur l'évolution et la transformation du métier de directeur d'hôpital, la moitié des directeurs d'hôpitaux interrogés voit la mise en place des GHT comme une opportunité de développer une dimension plus managériale. Mais cela veut aussi dire qu'il me reste une autre moitié à convaincre. J'entends que la mise en uvre des GHT puisse conduire certains directeurs à s'interroger sur leur métier, leur poste ou leur carrière. C'est légitime et il faut apporter des réponses à ces interrogations.
S'il est une évolution forte à attendre, il s'agit bien de la dimension territoriale que prend de plus en plus le métier de directeur d'hôpital. Ce mouvement s'est engagé avant les GHT mais il a vocation à s'amplifier. Cela vaut pour les chefs d'établissements bien sûr mais aussi pour l'ensemble des directeurs adjoints qui verront le cadre de leur exercice quotidien rénové.
Cela exige de nouvelles compétences, de nouvelles façons de travailler auxquelles les directeurs d'hôpital doivent être formés. Je sais que c'est une préoccupation forte de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé publique de Rennes (EHESP) à laquelle je suis très attachée et je sais que des élèves directeurs d'hôpital sont dans la salle. Je veux saluer leur engagement et leur dire que j'attends beaucoup d'eux pour incarner ces évolutions à l'avenir.
Au-delà de la formation, nous devrons aussi revoir à terme les profils de postes et les évolutions de carrière de chacun.
Mesdames, messieurs,
Puisque vos journées portent sur les valeurs, je veux en retenir une qui me tient à cur et à la défense de laquelle votre association s'est honorée. Il s'agit de l'égalité. Vous avez été les premiers à vous engager aussi clairement sur la question de la parité. C'est un enjeu de société sur lequel nous devons avancer, afin que l'hôpital public reste une institution exemplaire de notre République sociale.
Je suis moi-même comme vous le savez très engagée dans ce combat. Et il porte ses fruits puisque aujourd'hui on compte trois fois plus de femmes directrices générales de CHU qu'en 2012. Pour la seule année 2015, j'ai veillé à ce que la majorité des nominations de directeur de CHU promeuve des femmes. Nous devons poursuivre sur cette voie.
Je vous remercie.
Source http://social-sante.gouv.fr, le 5 avril 2016