Texte intégral
Madame la Présidente de la commission des affaires européennes, Mesdames et Messieurs les Députés,
je me réjouis, tout d'abord, d'être devant vous cet après-midi afin de participer à ce débat relatif à la mise en oeuvre du plan Juncker, sur la base du rapport d'information de MM. Ramzy Hammadi et Arnaud Richard, dont je tiens à saluer l'excellent travail. Je tiens également à remercier la commission des affaires européennes et sa présidente, d'avoir inscrit ce sujet à l'ordre du jour de votre assemblée, quelques jours seulement avant la publication par la Commission européenne de son rapport d'évaluation à mi-parcours du plan Juncker, dont l'examen par les chefs d'État et de gouvernement est prévu lors du prochain Conseil européen des 28 et 29 juin.
L'Europe avait besoin du plan Juncker : depuis la crise financière de 2008, l'Union européenne connaissait des niveaux beaucoup trop faibles d'investissement public et privé, situation préjudiciable à son avenir économique comme à son potentiel de croissance.
C'est pourquoi le président de la République en avait fait son cheval de bataille lors du Conseil européen de juin 2012, comme l'a rappelé Gilles Savary.
Certes, mais je n'ai évoqué que la demande du président de la République portant sur le soutien à l'investissement et à la croissance.
Une première décision avait alors été prise : augmenter de 10 milliards d'euros le capital de la BEI pour lui permettre de financer de plus nombreux projets, à hauteur de 60 milliards d'euros. Ces aides ont d'ailleurs entraîné, dans notre pays, d'une augmentation très conséquente des prêts accordés par la BEI, j'y reviendrai.
Toutefois, le déficit d'investissement public et privé dans l'Union européenne restait trop important. Prenons les chiffres de la fin 2014 : alors que le produit intérieur brut et la consommation étaient pratiquement redescendus aux niveaux de 2007, le montant total des investissements était encore inférieur de 15% à celui constaté en 2007. Nous n'étions donc pas vraiment sortis de la crise. Certes, dans nombre d'États membres de l'Union européenne, la croissance redémarrait - d'ailleurs, cette tendance se confirme -, mais l'investissement et donc la préparation de l'avenir prenaient du retard, tout comme le soutien à l'activité et à l'emploi.
C'est pourquoi la mise en oeuvre urgente d'un plan d'investissement massif dans l'Union européenne, à partir de 2012, dès l'élection du nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait été une demande extrêmement pressante de la France. La feuille de route économique de l'Union européenne ne pouvait en effet se résumer au seul pacte de stabilité et de croissance, c'est-à-dire à la consolidation budgétaire, même si celle-ci est nécessaire.
Aujourd'hui, avec le président Jean-Claude Juncker, nous sommes parvenus à bâtir un triptyque combinant les objectifs de consolidation budgétaire, mais à un rythme compatible avec la situation de chacun des États membres, la conduite de réformes - et nous en menons, parfois parce qu'elles ne l'ont pas été auparavant - et, enfin, le soutien aux investissements.
L'Europe doit en effet se mobiliser pour l'économie réelle en permettant à ses entreprises, à ses industries ainsi qu'à ses acteurs publics d'investir dans les domaines déterminants pour l'avenir : le soutien à l'innovation, la modernisation de l'appareil productif et son adaptation aux nouveaux défis écologique et numérique.
En 2014, la France a donc défendu résolument, auprès du nouveau collège des commissaires, la priorité à la croissance et aux investissements. Puis, elle a logiquement soutenu la proposition présentée par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, d'engager ce plan pour l'investissement en Europe.
L'idée du plan Juncker repose sur un objectif simple : permettre le financement de davantage de projets d'investissements publics et privés, notamment de projets plus risqués que ceux jusqu'à présent soutenus par la BEI, par d'autres banques ou par des fonds d'investissement.
La crise financière a en effet accru l'aversion des investisseurs pour les risque et un nombre considérable de projets, pourtant potentiellement générateurs de forte valeur ajoutée et d'emplois, se sont trouvés en défaut de financement, à cause du niveau de garanties exigé.
Telle est la vocation spécifique du plan Juncker et du FEIS : permettre le financement de projets plus risqués - parce que souvent plus novateurs et portant sur des domaines stratégiques pour l'avenir -, grâce à la garantie du budget européen, en s'appuyant sur l'expertise de la BEI et d'un comité d'investissement créé spécifiquement pour examiner et sélectionner les projets.
En accord avec le Parlement européen, qui a eu à se prononcer très rapidement sur le règlement européen portant création du FEIS, des priorités ont été identifiées : les secteurs les plus stratégiques pour l'avenir, à savoir la recherche, l'innovation, l'énergie, les infrastructures, les technologies de l'information et de la communication, la protection de l'environnement ainsi que la promotion du capital humain.
Même s'il faut attendre quelques jours pour que la Commission européenne publie un document totalement complet, quel bilan peut-on tirer, en ce milieu d'année 2016 ?
D'abord, l'adoption des instruments juridiques et la mise en place du FEIS et des comités d'investissement ont été très rapides. C'était important, quand on connaît la lenteur que peuvent parfois prendre les décisions européennes à se concrétiser.
Ensuite, le plan Juncker s'est, à son tour, déployé très rapidement. À l'heure où nous débattons, il fonctionne et finance des projets. Il est vrai que, lors de sa création, un doute subsistait à cet égard. Je me souviens de nos échanges et de nos interrogations, dans cette assemblée, juste après sa présentation par Jean-Claude Juncker : quelle serait la réalité du mécanisme ? allait-il fonctionner ? à quelle vitesse serait-il mis en oeuvre ?
Aujourd'hui, des projets ont pu être lancés grâce au plan Juncker, on peut visiter les sites où ils sont développés et rencontrer les acteurs qui les portent.
Au 19 mai 2016, étaient recensés 249 décisions d'approbation de projet prises par les instances de la BEI et du FEIS. Cette dénomination «approbation de projets» implique des prêts de la BEI, des prises de participation sous forme de garanties ou d'entrées au capital, accordées soit à des entreprises - grandes ou moyennes -, soit à des fonds d'investissement, soit à des consortiums regroupant des acteurs privés et publics, soit même à des acteurs publics. La montée en puissance du plan se déroule donc conformément à la feuille de route initiale.
En termes de montants, les projets approuvés engagent 12,8 milliards d'euros de financements, essentiellement sous forme de prêts, permettant de mobiliser 100 milliards d'euros d'investissements, soit 32% de l'objectif initial du plan, fixé à 315 milliards d'euros. Au terme de cette phase de lancement, les montants mobilisés devraient croître encore plus vite, avec un effet de levier encore plus important.
Les chiffres que je viens de vous communiquer portaient sur l'ensemble de l'Union. En France, quels sont les résultats observés ?
D'abord, notre pays est le deuxième bénéficiaire en nombre de projets approuvés dans le cadre du FEIS. Trente-trois ont été retenus : dix-sept sur le volet PME porté par le FEIS et seize sur le volet infrastructures et innovation, porté directement par la BEI. La France est en outre le premier pays bénéficiaire pour ce second volet.
Notre pays est surtout le premier pays bénéficiaire en termes de montant total des projets approuvés : 2,3 milliards d'euros d'engagements pour des projets représentant un montant total de 12,4 milliards d'euros d'investissements. Ces projets, grâce à la contribution du plan Juncker, peuvent donc être montés. Il convient alors de comptabiliser non seulement l'apport direct au titre de ce plan, qui prend généralement la forme d'un prêt de la BEI à un taux extrêmement avantageux, mais également les investissements supplémentaires que cela permet ; en effet, l'accord du FEIS entraîne la participation au projet d'autres banques et investisseurs, privés ou publics.
Un tiers des financements identifiables portent sur des montants inférieurs ou égaux à 50 millions d'euros, ce qui répond à la volonté initiale d'encourager des investissements plus risqués, et pas seulement des grands projets engageant plusieurs centaines de millions d'euros.
Par ailleurs, le secteur de l'industrie représente 3% des projets et 25% des financements.
Dans le même temps, en dehors du plan Juncker, le volume de prêts classiques obtenus par la France auprès de la BEI atteint des niveaux sans précédent : 8,7 milliards d'euros en 2015, contre 4,6 milliards d'euros en 2012, grâce à l'augmentation de capital de 10 milliards d'euros.
Je l'ai mentionnée tout à l'heure : elle avait été voulue par le président de la République lors du Conseil européen de juin 2012.
Les très bons résultats du plan Juncker en France ont été rendus possibles par la forte mobilisation de nos acteurs institutionnels et d'abord du Commissariat général à l'investissement, de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d'investissement.
Je rappelle que les porteurs de projets présentent directement ceux-ci au comité d'investissement du plan Juncker : ce ne sont pas la France, l'Italie, l'Allemagne ou la Grèce qui défendent des projets, en négociant un financement proportionnel à leur poids géographique, économique ou démographique ; ce sont les porteurs de projets eux-mêmes qui doivent se présenter devant ce comité d'investissement.
Néanmoins, ce dispositif étant nouveau et peut-être un peu complexe à comprendre, pour les entreprises comme pour tous les autres porteurs de projets, nous avons considéré qu'il pouvait être utile de leur transmettre des informations et de les informer que leurs projets étaient éligibles au plan Juncker. Le Commissariat général à l'investissement, placé auprès du Premier ministre, a ainsi entrepris un travail très important - avant même, d'ailleurs, que le FEIS soit mis en place, en fait dès que nous avons acquis la certitude que le plan Juncker serait adopté -, visant à transmettre aux réseaux d'entreprises ainsi qu'à un certain nombre d'acteurs publics et privés, toutes les informations relatives aux conditions dans lesquelles leurs projets pouvaient être soumis. C'est évidemment l'une des raisons pour lesquelles la France est l'un des principaux pays bénéficiaires.
Nous voulons d'ailleurs, et nous l'avons indiqué à nombre de nos partenaires, faire partager cette expérience à d'autres États membres. Par exemple, M. le député a estimé qu'il serait bien de faire davantage bénéficier la Grèce du plan Juncker - car elle en bénéficie déjà. Nous avons eu des échanges et sommes prêts à transmettre le savoir-faire technique, opérationnel, financier à d'autres États membres, afin que leurs entreprises, leurs porteurs de projets, bénéficient du plan Juncker.
En France, de très nombreux projets ont pu être développés ; je vais vous donner quelques exemples, dont certains ont déjà été mentionnés. Le fonds d'infrastructures Capenergie 3, qui a bénéficié d'une participation à hauteur de 50 millions d'euros, va pouvoir financer des parcs éoliens, des fermes photovoltaïques et des méthaniseurs, en France et en Europe, pour 1 milliard d'euro. Pas moins de 40.000 foyers résidentiels bénéficieront d'actions d'efficacité énergétique - sujet que vous avez évoqué, Madame la Présidente -, grâce aux 400 millions d'euros de financements de la BEI. Celle-ci a également investi 18 millions d'euros au sein du fonds Ginkgo 2, pour dépolluer des sites industriels situés en centre-ville. Dernier exemple, dans le secteur agroalimentaire, la société coopérative agricole Les Maîtres Laitiers du Cotentin va recevoir 55 millions d'euros de financement pour l'exploitation d'une nouvelle usine de traitement du lait, à Méautis, en Normandie. La diversité de ces exemples - et d'autres pourraient être cités - montre que vraiment tous les secteurs de l'économie peuvent bénéficier du plan Juncker.
Enfin, et cela me semble très intéressant, au-delà de tous ces projets, qui représentent tout de même un certain volume, la Banque publique d'investissement, ainsi que quelques autres réseaux bancaires, dans tous les départements, distribuent à des petites entreprises, parfois de moins de dix salariés, des prêts, accordés à des taux particulièrement favorables, parce qu'ils relèvent du plan Juncker et bénéficient de cette garantie sur le budget de l'Union européenne.
Sur chacun de vos territoires, dans chacune de vos circonscriptions, j'en suis certain, vous apprendrez que des entreprises ont pu bénéficier d'un financement au titre du plan Juncker. Elles n'auront pas eu à aller déposer un dossier à Luxembourg, au siège de la BEI, mais, grâce à ce dispositif, la Banque publique d'investissement, -BPIFRANCE - leur aura accordé un prêt. J'ai eu l'occasion de visiter certaines d'entre elles, comme GD Laser, entreprise du Loiret spécialisée dans le secteur d'avenir du laser.
Le 11 avril dernier, avec le Premier ministre, nous sommes allés rencontrer, à Luxembourg, les dirigeants de la BEI, en particulier son président, M. Werner Hoyer, et son vice-président français, M. Ambroise Fayolle. Nous avons alors assisté à la signature de nombreux accords avec des entreprises françaises bénéficiaires du plan Juncker ou susceptibles de passer un accord pour développer leurs projets.
Le rapport d'information de la commission des affaires européennes soulève également la question très importante, dont on débat depuis le lancement du dispositif, des éventuels effets d'éviction ou d'aubaine que pourrait entraîner ce plan : effets d'éviction car des projets pourraient être financés au détriment d'autres, moins risqués mais tout aussi nécessaires ; effets d'aubaine car certains projets financés par le plan auraient de toute façon été financés sans lui.
L'examen des 249 décisions prises jusqu'à présent par la BEI et le FEIS montre plutôt l'efficacité du principe d'additionnalité, auquel la France est très attachée. En effet, sans le plan Juncker, la plupart des projets financés n'auraient pas pu voir le jour et certains autres auraient connu un développement moins important. Ce principe d'additionnalité est très important : même des projets recevant d'autres aides européennes, par exemple des fonds structurels du FEDER, peuvent bénéficier du plan Juncker. Certes, sans ce dernier, ils auraient donc tout de même existé, mais, grâce à lui, ils ont souvent pris une beaucoup plus grande ampleur.
Au vu de son succès, comme vous, mesdames et messieurs les députés, nous considérons que le plan Juncker doit être pérennisé et amplifié. Je ne sais pas si l'on peut déjà donner des montants mais rien, je pense, ne peut contredire l'ordre de grandeur évoqué.
Une question peut cependant être posée : faut-il simplement s'appuyer sur le mécanisme existant, qui, je le rappelle, repose sur une garantie sur le budget de l'Union européenne ? ou bien, sur la base de l'expérience réussie de cette première phase du plan Juncker - qui doit encore se déployer afin de réaliser les deux tiers restant pour atteindre l'objectif -, faut-il imaginer que d'autres instruments, potentiellement mobilisables et à faire évoluer, puissent servir à financer des investissements, dans les mêmes domaines, à l'échelle de l'Union européenne ? C'est un débat que nous devons peut-être ouvrir avec nos partenaires.
Il existe par exemple un fonds de secours, qui, lui aussi, joue très bien son rôle, mobilisé notamment pour le plan d'aide à la Grèce : le Mécanisme européen de stabilité. Dans l'état actuel des choses, ce dispositif doit uniquement servir pour répondre aux difficultés financières d'un État membre ou de son secteur bancaire. En s'inspirant de la réussite de cette sorte de FMI européen, ne pourrait-on pas imaginer un dispositif du même type, dédié au soutien aux investissements dans les domaines d'avenir ? Il serait utile d'ouvrir la réflexion car, en termes de fonds mobilisables, le MES possède un potentiel encore plus élevé que le plan Juncker.
Des complémentarités peuvent aussi être imaginées entre le plan Juncker continuant à monter en puissance et d'autres mécanismes restant à créer.
Ce qui est ce certain, en tout cas, comme l'a souligné la présidente, c'est que ce plan a apporté une contribution forte à la croissance et qu'il a été très largement orienté vers la transition énergétique. Aujourd'hui, les projets dans le domaine de l'énergie représentent 41% des projets Juncker de la BEI. Il faut d'ailleurs envisager une montée en puissance dans d'autres domaines, en particulier le numérique, secteur absolument décisif pour l'avenir de l'économie européenne et son positionnement dans la mondialisation.
Il faut enfin le faire connaître, aux acteurs économiques, car d'autres pourraient en bénéficier - en France, même si nous sommes très bien placés, mais aussi dans d'autres pays de l'Union européenne -, et aux citoyens parce que c'est une illustration d'une Europe au service de la création d'emplois et de la croissance, finalement d'une Europe concrète.
Les attentes européennes et nationales à l'égard du plan Juncker sont importantes, votre rapport d'information le souligne. Elles montrent à quel point il a suscité peut-être des questions mais aussi des espoirs. Aujourd'hui, ses premiers succès confirment que l'intuition du président de la Commission était la bonne, cela a été dit. L'Europe devait se mobiliser pour les investissements, elle devait mieux utiliser un certain nombre de ses outils, en particulier le budget de l'Union européenne, pour créer un effet de levier en faveur de la relance des investissements.
Les attentes qui s'expriment, selon nous, sont un bon signe : elles indiquent que le plan commence à être identifié ; on sait qu'il est disponible, qu'il est utile. Mais il ne faut pas décevoir ces attentes.
À cet égard, votre rapport d'information, vos propositions, la visibilité que, par ses travaux, l'Assemblée nationale a donnée au plan Juncker sont importants. Ce sera évidemment l'un des éléments sur lesquels s'appuiera le gouvernement pour formuler, au cours des prochaines semaines, des propositions visant à le pérenniser et à l'amplifier, au profit des investissements en Europe.
(Interventions des parlementaires)
Vous avez raison, Monsieur le Député : la politique de la BCE, qualifiée de quantitative easing ou d'assouplissement quantitatif, consistant en des injections de liquidités, a aussi fortement contribué à la reprise économique et au retour de la croissance en Europe. Indirectement, vous vous demandez si cela ne contribue pas également à la constitution de bulles financières.
Évidemment, il faut être attentif à cet aspect. La BCE l'est vigilante et un certain nombre de décisions ont été prises, suite à la crise financière, pour lutter contre les risques de nouvelles crises : la surveillance bancaire a été renforcée - c'est tout l'objet de l'union bancaire - et des freins de secours ou des outils d'intervention, comme le Mécanisme européen de stabilité ; que je viens d'évoquer, ont été mis en place.
Il reste nécessaire de soutenir le crédit. Ainsi, en plus du plan Juncker, qui a une vocation particulière - soutenir les projets les plus risqués -, il a fallu procéder à des injections de liquidités pour que les banques recommencent à prêter davantage, et à de meilleurs taux, aux entreprises et aux ménages. Nous avions aussi souhaité que le taux de change soit plus favorable à nos exportations, que l'euro baisse par rapport au dollar ; cette politique de la BCE y a contribué.
Je ne sais pas si votre proposition - un quantitative easing citoyen, avec des liquidités versées directement aux ménages - répond à la situation. Car il y a un autre débat, à propos de ce qu'on appelle la «monnaie hélicoptère» - j'ignore si c'est à cela que vous faisiez référence. Pour consolider encore plus le redémarrage économique, la BCE ou d'autres banques centrales devraient-elles distribuer de l'argent aux ménages ou aux citoyens ? Les économistes en débattent mais ce n'est vraiment pas d'actualité. Cela n'a jamais été fait, cela risquerait de déstabiliser l'économie de façon totalement imprévisible. Il existe d'autres outils de redistribution pour améliorer le pouvoir d'achat et favoriser les investissements des ménages.
Nous soutenons donc la politique de la BCE, en complément, évidemment, du plan Juncker.
(Interventions des parlementaires)
Madame la Députée, le plan Juncker a pour objectif de financer des projets dans des secteurs clés comme la recherche, l'innovation, l'énergie, les infrastructures, les technologies de l'information ou la protection de l'environnement. L'investissement dans la recherche représente donc l'une des priorités pour l'Europe. Il apparaît explicitement dans le règlement du FEIS que les projets de recherche, de développement et d'innovation, ainsi que ceux d'éducation et de formation, sont éligibles à la garantie de l'Union européenne.
D'après le dernier décompte de la Commission, près d'un quart - 23% exactement - des projets approuvés au titre du plan Juncker concernent la recherche, le développement et l'innovation. Il convient également de garder à l'esprit que la BEI intervient, dans le cadre de ses activités traditionnelles, en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par exemple, le plan Campus ou l'accélérateur de particules du CERN - Organisation européenne pour la recherche nucléaire - ont bénéficié de l'appui de la BEI.
Néanmoins, il faut continuer à encourager le financement des projets dans ce domaine, pour qu'il y en ait davantage, afin de favoriser la montée en gamme des produits français et leur compétitivité. Je tiens à rappeler qu'il existe également d'autres outils pour financer la recherche, au plan européen mais aussi au plan français. Comme vous l'avez mentionné, le PIA, doté de près de 47 milliards d'euros, piloté par le Commissariat général à l'investissement, a été mis en place par l'État pour financer des investissements innovants en France, par le biais du fonds national de valorisation.
Au plan européen, le programme Horizon 2020, je le rappelle aussi, finance à hauteur d'environ 75 milliards d'euros l'innovation et la recherche au sein de l'Union européenne, pour la période 2014-2020. La plupart de nos universités et de nos grands organismes de recherche en bénéficient. De surcroît, le FEDER peut financer un certain nombre de projets dans le domaine de la recherche et du développement, en particulier pour ce qui concerne les universités et les entreprises.
Le soutien à la recherche est donc une priorité. Le plan Juncker y contribue, en complément d'autres dispositifs.
(Interventions des parlementaires)
Le plan Juncker n'a effectivement pas été pensé pour financer directement de petits projets, même si, comme je l'ai dit, de petites entreprises peuvent accéder à des financements par l'intermédiaire, en particulier, de la BEI. Il n'a pas non plus été conçu comme un instrument destiné à dispenser des subventions ; il fournit des prêts ou des prises de participation dans des capitaux.
Le regroupement de petits projets peut être encouragé, dans le cadre des plateformes d'investissement. Pour financer des petits projets, la combinaison de subventions de fonds structurels européens et de ressources de la BEI est possible. C'est ce qu'illustre bien l'opération en faveur de la troisième révolution industrielle, approuvée dans le Nord-Pas-de-Calais.
Par ailleurs, les financements traditionnels de la BEI restent une voie intéressante pour les collectivités. Il y aussi, dans ce domaine, un enjeu d'information et d'accompagnement. C'est pourquoi les préfets, les DIRECCTE - directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi -, le Commissariat général à l'investissement et les réseaux locaux de BPIFRANCE et de la Caisse des dépôts sont mobilisés pour faire connaître le plan, expliquer son fonctionnement et, le cas échéant, aider au montage des dossiers. Nous avons encore un grand effort à accomplir dans ce domaine.
Tous les projets ne peuvent sans doute pas relever du plan Juncker, vous avez raison de le dire. Pour certains projets de collectivités locales, il existe d'autres systèmes d'aides européennes. Le FEDER peut les soutenir, pour peu qu'ils relèvent des priorités du programme opérationnel négocié par chaque région avec l'Union européenne pour la période 2014-2020. Des prêts directs de la BEI peuvent également être accordés à des collectivités locales pour financer des projets. Je pense néanmoins qu'il existe une grande marge de progression possible pour structurer des regroupements de petits projets.
Au cours de ce débat, nous avons déjà évoqué, par exemple, le projet d'isolation thermique de 40.000 logements. Il est évident que, si chacun des bailleurs sociaux concernés avait voulu bénéficier lui-même du plan Juncker pour quelques dizaines ou centaines de logements, il n'y serait pas parvenu. C'est le regroupement de plusieurs porteurs de projets dans un même fonds, à la manière d'un consortium, qui a permis d'obtenir le financement par le plan Juncker.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, le secteur de la pêche demeure un secteur spécifique, non identifié comme secteur prioritaire du plan. Cependant, les porteurs de projets peuvent proposer des projets financièrement viables et répondant aux objectifs du plan Juncker pour des flottes de pêcheurs - par exemple, ceux qui viseraient à réduire leur impact environnemental et climatique, comme vous l'avez mentionné, ou à introduire des techniques de pêche innovantes.
Par ailleurs, et c'est l'essentiel, des fonds structurels européens sont alloués à ce secteur par le biais du FEAMP, vous l'avez rappelé. Ce fonds aide les pêcheurs à adopter des pratiques de pêche durable. Il aide les populations côtières à diversifier leurs activités économiques. Il finance des projets destinés à créer des emplois et à améliorer la qualité de vie le long du littoral européen. Je veux souligner qu'il est doté de 6,4 milliards d'euros pour la période 2014-2020.
Je crois qu'il faut être ouvert à vos propositions, en faisant en sorte que les projets susceptibles d'être soutenus répondent aux objectifs généraux du plan Juncker, en particulier en matière d'innovation ou d'environnement, puisque c'est la règle. Mais il importe surtout de continuer à bien utiliser le FEAMP, qui dispose des fonds disponibles pour soutenir le secteur et les activités de la pêche.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Rapporteur, je regrette le ton polémique de votre intervention. De toute évidence, vous l'avez dit vous-même, nous sommes d'accord sur un point : le succès du plan Juncker.
Mais nous sommes en désaccord sur un autre : l'idée que nous voudrions tirer la couverture à nous. Vos propos ne correspondent pas, je crois, à ce que l'on pense à Bruxelles, notamment du côté du président de la Commission européenne. En vérité, avant 2012, la seule stratégie envisagée, dans les instances européennes, pour sortir de la crise, c'était l'austérité et la consolidation budgétaire ; tel était le thème central de la Commission Barroso.
Lorsque le président de la République, François Hollande, a été élu, il a demandé d'inscrire la question du soutien à l'investissement et à la croissance à l'ordre du jour des travaux du Conseil européen. Ce fut bien le cas lors du premier Conseil où il a siégé, en juin 2012, réunion au terme de laquelle la Commission européenne a proposé un pacte pour la croissance de 120 milliards d'euros reprenant à son compte la proposition du président de la République. À ce stade, le seul point qui représentait une réelle avancée - je l'ai expliqué très précisément tout à l'heure -, ce fut l'augmentation de 10 milliards d'euros du capital de la BEI.
Cette somme a permis à la BEI d'accroître de 60 milliards d'euros ses soutiens à l'investissement en Europe.
Vous avez donc raison : on n'en était pas à 120 milliards mais à 60 milliards d'euros. Et c'est après avoir été élu que, sur la base des débats de la campagne électorale qu'il avait eus, en tant que candidat à l'investiture, avec les membres du Conseil européen puis devant le Parlement européen, Jean-Claude Juncker a proposé ce plan. Il s'agissait bien d'une réponse à cette attente, devenue très large, d'une politique d'investissements.
Nous considérons donc que la France doit être fière du plan Juncker, qui représente aussi un succès pour notre pays.
Je suis heureux que nous partagions ce jugement et ravi pour tous ceux qui, depuis plusieurs années, réclamaient la priorité aux investissements. Nous nous rejoignons sur ce point ; ne polémiquons donc pas.
(Interventions des parlementaires)
Monsieur le Député, la politique économique que nous avons soutenue à l'échelle européenne consiste à combiner plusieurs outils : la politique monétaire ; une politique budgétaire moins focalisée sur la consolidation budgétaire, afin de ne plus contraindre des pays qui n'étaient pas sortis de la crise à mener des politiques d'austérité, porteuses d'un effet récessif ; une politique de soutien aux investissements ; une politique d'encouragement aux réformes structurelles. C'est l'ensemble de ces outils qui peut contribuer, et qui contribue aujourd'hui, au redémarrage de la croissance.
La politique monétaire a en particulier pour vocation de permettre au secteur bancaire de prêter davantage aux acteurs économiques. En même temps, je l'ai déjà rappelé, elle a permis de baisser le cours de l'euro par rapport à celui d'autres monnaies, en particulier du dollar.
Est-elle de nature à créer des bulles spéculatives ? C'est l'objet même de la surveillance financière, notamment bancaire : les marchés financiers doivent être encadrés et régulés car il importe de veiller à ce que ne réapparaissent pas des bulles.
Mais, aujourd'hui, la BCE doit être soutenue dans sa volonté de continuer à pratiquer l'assouplissement quantitatif et d'injecter des liquidités. En effet, aux termes de ses statuts, elle doit maintenir l'inflation en-dessous de 2% - plafond loin d'être atteint puisque l'inflation est aujourd'hui presque nulle. Comme la BCE ne souhaite pas que s'installe un risque de déflation, facteur possible de récession, tant qu'on n'avoisine pas les 2%, elle a raison de soutenir le crédit.
Le quantitative easing ne représente d'ailleurs qu'une des modalités possibles de cette politique, à côté de la baisse des taux directeurs. Tout cela permet de disposer d'un crédit abondant, à des coûts très peu élevés, voire avec des taux négatifs, et donc de recréer des capacités de financement de l'économie réelle. Il s'agit d'un des instruments possibles, non du seul.
Je me réjouis donc qu'un débat ait été consacré au plan Juncker.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 mai 2016