Texte intégral
YVES CALVI
Olivier MAZEROLLE, vous recevez ce matin Myriam El KHOMRI, ministre du Travail.
OLIVIER MAZEROLLE
Bonjour Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Bonjour.
OLIVIER MAZEROLLE
Voyous, terroristes, les propos de Pierre GATTAZ à l'encontre de la CGT signent-ils la mort du grand projet de François HOLLANDE d'instaurer, en France, un dialogue social apaisé ?
MYRIAM EL KHOMRI
Il y a beaucoup d'outrance dans les mots de Pierre GATTAZ, ses mots sont choquants, bien évidemment, et c'est vrai que durant les trois derniers mois, il y a eu en effet de la part de certains représentants syndicaux ou patronaux, du monde patronal, des propos très outranciers, et donc qui ne montrent pas qu'il y a un respect des partenaires, il y a eu aussi parfois de Philippe MARTINEZ des mots qui ont été durs, de la même manière donc
OLIVIER MAZEROLLE
Mais pas voyous ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, non, moi, je condamne bien évidemment les propos hier de Pierre GATTAZ, donc c'est évident que si vous souhaitez parce que le président de la République appelle à l'émergence d'une vraie sociale démocratie à la française, et donc pour cela, il faut qu'il y ait un respect des partenaires de jeu, et en l'occurrence, et c'est pour cela, et comme nous continuons à le faire, il est essentiel que nous puissions, si on veut créer de la confiance, il faut qu'il y ait bien évidemment de la loyauté, du respect des différents partenaires, et c'est vrai que dans notre pays, malheureusement, on est bien souvent dans cette culture de l'affrontement, hors, ce que prône cette loi, et ce qu'elle souhaite mettre en oeuvre, c'est une vraie culture du compromis. Donc c'est vrai que ça n'aide pas. Ça n'aide pas au débat.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors, je vous propose d'écouter ce que disait Philippe MARTINEZ hier soir, il était en débat sur l'antenne de RTL, avec Laurent BERGER.
PHILIPPE MARTINEZ
C'est le gouvernement qui a choisi de ne pas discuter avec une partie des organisations syndicales, en tout cas, pas avec la CGT. Donc il y a besoin, pour sortir de cette crise, de continuer les concertations, parce que, tel qu'il est, le projet est un recul pour les droits des salariés.
OLIVIER MAZEROLLE
Vous le snobez Philippe MARTINEZ ?
MYRIAM EL KHOMRI
Absolument pas. Le gouvernement n'a eu de cesse de concerter depuis huit mois, notamment sur l'article 2, est-ce ma faute à moi si la CGT n'a pas daigné venir en janvier, si monsieur MARTINEZ, avec qui j'avais un rendez-vous en mars, n'est pas venu, c'est cette réalité-là qu'il faut que l'ensemble des Français aussi entende. Donc nous avons traité tous les partenaires sociaux avec le même égard, avec la même attention, bien évidemment. Certains sont venus et ont fait des propositions. D'autres ont préféré la politique de la chaise vide. Ça a été le cas de la CGT, je le regrette, mais c'est la réalité sur les huit derniers mois qui se sont écoulés.
OLIVIER MAZEROLLE
Il va jusqu'à dire que vous avez même refusé un débat public avec lui, il ne l'a pas dit à l'antenne, mais il l'a dit hors antenne.
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien, je vais vous dire les choses très clairement, Libération nous a proposé de venir débattre l'un et l'autre, moi, je considère que lorsque monsieur MARTINEZ ne vient pas à un rendez-vous que nous avons en tête à tête, ce débat, nous devons l'avoir d'abord dans notre bureau, comme avec l'ensemble des partenaires sociaux, et non pas dans un média. Et c'est légitime, c'est mon rôle, je suis ministre du Dialogue social, je traite l'ensemble des partenaires sociaux de la même manière, nous avons eu, suite au rapport Combrexelle, des rencontres avec l'ensemble des organisations syndicales et patronales, nous avons même, à la suite de la remise du rapport de Jean-Denis COMBREXELLE, qui veut laisser plus de place à la négociation collective, nous avons proposé à l'ensemble des organisations syndicales et patronales, si elles souhaitaient négocier sur ce sujet, comme ils l'ont fait par ailleurs sur le compte personnel d'activité. Ils ne l'ont pas souhaité. A partir de là, nous avons fait de la concertation, ce qu'on appelle en bilatéral, et malheureusement, la CGT n'a pas daigné venir à de nombreuses reprises.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors est-ce que vous avez le sentiment aujourd'hui qu'il y a un changement de ton chez lui, il dit : il faut discuter, est-ce que vous êtes prête à prendre la balle au bond ?
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, moi, ce que je note, c'est que le préalable à la discussion était d'abord le retrait du texte, depuis quelques heures, depuis ce débat qu'il a eu, ce débat avec Laurent BERGER, un bon débat, et qui est important, qui montre deux visions du syndicalisme dans notre pays, monsieur MARTINEZ dit : discutons. Si le préalable, c'est le démantèlement du texte, et notamment son article 2, non, ce n'est pas possible. Donc oui, moi, je suis nous avons montré notre capacité d'écoute et de dialogue, d'ailleurs, c'est ces discussions
OLIVIER MAZEROLLE
Mais est-ce que vous allez l'appeler pour savoir s'il met un préalable ou pas ?
MYRIAM EL KHOMRI
Eh bien écoutez, nous allons voir, mais en tout cas, aujourd'hui, le débat, il se fait au Sénat. Nous commençons le débat le 13 juin prochain au Sénat. Donc le processus parlementaire est en route, et moi, je dis les choses très clairement, aujourd'hui, nous avons montré notre capacité d'écoute et de dialogue, vous avez bien vu que ce texte n'a eu de cesse d'être amélioré, amendé, d'abord dans le cadre des rencontres que nous avons eues avec les organisations syndicales, d'ailleurs, il a été tellement amendé que des organisations syndicales qui refusaient le projet de loi depuis mars, dites organisations syndicales, notamment la CFDT, mais pas seulement, soutiennent ce texte parce que justement, nous avions apporté des améliorations, et puis, dans le cadre du débat parlementaire, c'est près de 700 amendements que nous avons intégrés à ce texte. Donc nous, vous voyez bien que le gouvernement n'est pas dans une position figée d'intransigeance, nous n'avons eu de cesse d'améliorer ce texte pour qu'il trouve un bon équilibre
OLIVIER MAZEROLLE
Quand même, Madame El KHOMRI, Manuel VALLS a appelé l'autre jour tous les responsables syndicaux, y compris Philippe MARTINEZ, est-ce que vous dites : voilà, retrouvons-nous tous ensemble, parce que ça vaut le coup de discuter ?
MYRIAM EL KHOMRI
J'attends de la part de la CGT des propositions, depuis quelques heures, on entend : discutons, mais vous avez bien vu que nous n'avons eu de cesse de discuter, de dialoguer, et la CGT, à ce moment-là, son préalable était le retrait du texte. Maintenant, je voudrais savoir quel est le préalable de la CGT, si c'est le démantèlement du texte, notamment de son article 2, nous n'arriverons pas à trouver un compromis. Donc j'attends de la part de la CGT qu'elle ne soit pas qu'un syndicat d'opposition, mais un syndicat de propositions.
OLIVIER MAZEROLLE
Alors comment on en sort ? C'est la question que je posais tout à l'heure, parce que, on voit le gouvernement qui se dit : bon, eh bien, on va peut-être arranger les choses dans d'autres négociations, par exemple, la SNCF, on a vu que le gouvernement a imposé à la direction des dispositions qu'elle n'était pas prête à accepter, résultat des courses, la CFDT retire son mot d'ordre de grève à la SNCF, mais pas la CGT ; est-ce qu'on peut faire du troc comme ça ?
MYRIAM EL KHOMRI
Pas de truc ni de troc, le gouvernement traite les problèmes là où ils se posent, que ce soit dans l'aérien, dans le rail ou que ce soit à la RATP. Et nous le traitons, nous le traitons par la négociation, nous prônons le dialogue social, dans ces entreprises, ça n'a pas toujours nous ne sommes pas sur des problématiques uqi ont un rapport direct avec la loi qui va être présentée bientôt au Sénat, la loi Travail. Mais nous traitons les problématiques telles qu'elles se posent par le dialogue social, et donc il faut avancer, examiner chacune des situations, et voilà ce dont il s'agit, donc s'agissant de la SNCF, de l'aérien ou encore de la RATP. Donc il n'y a pas de troc, ce n'est pas des arrangements, il y a cette réforme ferroviaire qui a concomitance des calendriers qui est arrivée à ce moment-là, et donc les enjeux, c'est de répondre aux salariés qui sont concernés dans ce cadre-là
OLIVIER MAZEROLLE
Est-ce que vous vous sentez suffisamment soutenue, parce que les poids-lourds du gouvernement, il y a Manuel VALLS, d'accord, mais à part lui, on ne peut pas dire que, ils montent beaucoup au créneau, les autres ministres ?
MYRIAM EL KHOMRI
Je me sens tout à fait soutenue, soutenue d'abord par le président de la République, soutenue par le Premier ministre
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'a jamais expliqué aux Français en quoi cette loi était positive, le président de la République
MYRIAM EL KHOMRI
Ecoutez, reprenez la tribune du président HOLLANDE, c'était en juin 2011, dans Le Monde
OLIVIER MAZEROLLE
Il n'était pas encore président
MYRIAM EL KHOMRI
Il n'était pas encore président, et il portait cette vision de la sociale démocratie à la française, et l'enjeu de ce projet de loi, c'est qu'au moins, nous arrivons, à la fois, à améliorer la compétitivité de notre économie, mais également créer des nouveaux droits pour les salariés. Et ce que je note hier, dans le débat, Laurent BERGER a cité les avancées de ce texte, le compte personnel d'activité, la Garantie Jeunes universelle, et les nombreux droits pour les salariés. Ce que je note, c'est que Philippe MARTINEZ, hier, a enfin validé ces avancées au sein de ce projet de loi. Et je pense que c'est essentiel aussi pour que nous puissions avoir un débat serein et apaisé.
OLIVIER MAZEROLLE
En tout cas, vous attendez maintenant que Philippe MARTINEZ vous dise s'il y a des préalables ou s'il n'y en a plus. Merci Myriam El KHOMRI.
MYRIAM EL KHOMRI
Merci.
YVES CALVI
Du coup, une dernière question, Madame la Ministre, au final, qu'est-ce qui est négociable du point de vue gouvernemental, encore au moment où nous parlons, si on veut retourner autour de la table ?
MYRIAM EL KHOMRI
Mais, aujourd'hui, ce texte, et notamment son article 2, est l'article qui a été concerté depuis plus de huit mois, qui est l'article essentiel, qui permet de créer de démocratie sociale dans l'entreprise, ça, dialoguer, améliorer, oui, toujours, mais absolument pas dénaturer ce texte ni cette philosophie-là. La primauté de l'accord d'entreprise, c'est un élément central de ce texte, c'est ce qui nous permettra à la fois de créer de la souplesse par la négociation, et dans une économie mondialisée, c'est ce dont notre pays a besoin. Donc nous restons particulièrement fermes par rapport à cela. Mais vous l'avez bien vu, 700 amendements, l'accord d'organisations syndicales réformistes, ceci a bien montré que le texte a évolué, et que nous avons réussi à faire un compromis
OLIVIER MAZEROLLE
Qu'est-ce que vous pouvez nous dire sur la modulation des heures supplémentaires ?
MYRIAM EL KHOMRI
Non, mais je ne suis pas là pour le dialogue social, ça ne se fait pas non plus chez les médias, enfin, voilà, il y a un respect des partenaires, et aujourd'hui, non, non, je dis aujourd'hui, on est dans le processus parlementaire, et je vous le dis très clairement, l'enjeu aujourd'hui, c'est le débat au Sénat, qui commencera le 13 juin prochain.
YVES CALVI
Et très clairement en tout cas, dans vos propos, rien n'est négociable concernant l'article 2, tel que vous venez de nous le rappeler. Merci à l'un et à l'autre
MYRIAM EL KHOMRI
Merci à vous.
Source : service d'information du Gouvernement; le 1er juin 2016