Déclaration de Mme Martine Pinville, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, sur le développement de l'économie sociale au niveau européen, Paris le 17 juin 2016.

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Circonstance : Ouverture de l'évènement international Economie sociale et solidaire "Scale me Up", Paris le 17 juin 2016

Texte intégral

Monsieur Nicolas SCHMIT, Ministre Luxembourgeois en charge du Travail, de l'Emploi et de l'Economie Sociale et Solidaire,
Madame Rania ANTONOPOULOS, Ministre grecque déléguée au Travail et à la Solidarité Sociale,
Monsieur Luigi BOBBA, Sous-secrétaire d'Etat italien auprès du Ministre du Travail et des Politiques Sociales,
Monsieur Tadej SLAPNIK, Secrétaire d'Etat slovène au Cabinet du Premier Ministre,
Monsieur Zied LADHARI, Ministre tunisien de la Formation Professionnelle et de l'Emploi,
Madame Fatema MAROUAN, Ministre marocaine de l'Artisanat, de l'Economie Sociale et Solidaire,
Monsieur l'Ambassadeur de la République de Chypre en France,
Messieurs et Mesdames les Chefs d'unités de la Commission Européenne,
Madame le Ministre Conseiller de l'Ambassade de Finlande en France,
Madame Antoinette Guhl, adjointe à la Maire de Paris,
Et bien sûr, tous ceux que je n'aurais pas salués et qui constituent des acteurs clés de l'économie sociale et solidaire en France et en Europe,
Mesdames, Messieurs,
Good afternoon everybody and welcome. I am very glad to be with you today to tackle the very ambitious issue of Social Economy in Europe. As you can hear, my English is not perfect, so if you don't mind, I shall pursue this address in French.
Je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui à Paris autour d'un projet européen, malgré la triste nouvelle qui nous est parvenue hier soir. Je souhaiterais rendre hommage à l'une de nos concitoyennes européennes, ancienne députée du Parlement Européen et femme politique de conviction, Jo Cox, qui a perdu la vie hier soir en Grande-Bretagne.
Si nous sommes aujourd'hui rassemblés autour d'un projet qui me tient à coeur, nous sommes avant tout réunis comme européens autour d'une conviction : c'est par nos actions communes, par le développement d'une Europe plus solidaire que nous parviendrons à lutter contre le repli sur soi.
Notre Europe, celle que nos aînés ont bâtie tout au long du XXème siècle, cette Europe est aujourd'hui remise en cause. Notre modèle économique européen est sur le point de subir un tournant.
Face à la crise que nous traversons, le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker l'avait dit très justement dès 2015 : « Ce n'est pas le moment d'utiliser les recettes habituelles ». Alors commençons par regarder chez nous les alternatives économiques crédibles qui se développent.
Les solutions collectives et d'intérêt général qui s'installent progressivement et presque naturellement pour prendre le relai d'une économie à bout de souffle. Et mettons les mots dessus : je parle de l'économie sociale.
Le projet que je porte aujourd'hui est le fruit d'une dynamique européenne. Je parle de la dynamique de l'économie sociale concrétisée en décembre dernier au Luxembourg lors de la conférence « Boosting social entreprises in Europe ».
Cette dynamique est aujourd'hui conduite par mes homologues européens mais aussi tunisiens et marocains qui nous font l'honneur de leur présence aujourd'hui.
Tous nous feront part tout à l'heure de leurs riches expériences en termes d'initiatives économiques innovantes, solidaires et durables.
Mais je peux déjà vous dire que leur présence aujourd'hui témoigne de leur engagement pour repenser l'Europe de demain et d'engager pour cela des actions communes, au-delà du cadre institutionnel que l'on connait.
Ce n'est que très récemment que l'économie sociale a fait son apparition dans les textes européens, et que des bases solides ont déjà vu le jour.
Permettez-moi de rappeler brièvement quelques dates clés de l'émergence de cette économie :
- En 2011, la commission européenne lance « l'initiative pour l'entrepreneuriat social » avec pour ambition d'améliorer la situation des entreprises sociales en Europe (leur visibilité, l'accès au financement et leur environnement juridique).
- 3 ans plus tard (2014), de nombreux progrès sont déjà là : lors d'une Conférence à Strasbourg, les résultats de l'initiative sont présentés et de nouvelles actions à mener sont définies. La dynamique est alors lancée.
- La Conférence de Rome en 2014 et la déclaration de Murcia en 2015 signée entre le Portugal et l'Espagne, ont ensuite été autant d'occasions de faire progresser le cadre européen de l'économie sociale.
- Nous avons aussi la Stratégie Europe « 20-20 » qui prévoit le développement de mécanismes financiers propices à l'économie sociale.
- Enfin, le Groupe d'experts de la Commission sur l'entrepreneuriat social (GECES) déposera à l'automne un rapport général très attendu.
Vous l'aurez noté, la reconnaissance de l'économie sociale comme un modèle à part entière est récente. Et le soutien de l'Union européenne nous est précieux pour parvenir à dépasser ces prémisses et installer cette économie durablement.
Mais au-delà de ce cadre institutionnel, nous avons décidé de renforcer notre coopération et d'agir ensemble pour faire de l'économie sociale une priorité politique aux niveaux national et transnational.
En décembre dernier, avec mes homologues luxembourgeois, italien, espagnol, slovène et slovaque, nous nous sommes réunis au Luxembourg, à l'issue de la conférence que j'évoquais plus tôt.
Notre ambition commune était claire : développer l'économie sociale en Europe à travers des projets bilatéraux ambitieux, innovants et surtout, concrets. La Déclaration de Luxembourg pour l'Economie sociale et solidaire que nous avons signée scelle ainsi une feuille de route pour l'économie sociale en Europe.
Nous avons alors imaginé un projet européen commun. Je vous avais promis une grande manifestation à Paris en juin. La voici : c'est aujourd'hui avec une beaucoup de joie que je m'apprête à vous présenter Scale Me Up.
Nous le savons, parler d'économie sociale et solidaire, c'est reconnaître la grande diversité de ses formes et les contextes historiques propres à chaque pays. Le périmètre d'action est donc vaste, en matière géographique, mais surtout dans la multitude des initiatives qui sont menées.
Nous le savons aussi, une entreprise sur dix en Europe répond aujourd'hui au modèle d'économie sociale. Ce sont 11 millions d'Européens qui y travaillent chaque jour. Nous ne pouvons que nous réjouir de l'ampleur que ce nouveau modèle économique a pris en quelques années seulement.
L'engagement de la France dans l'économie sociale et solidaire est ferme. Il y a deux ans, nous avons souhaité révéler toute la force et la légitimité de ce nouveau modèle avec une loi dédiée.
Cette loi se distingue par sa volonté d'inclure le plus grand nombre d'acteurs, locaux et nationaux de l'économie sociale et solidaire. Je parle tout autant d'acteurs dont l'objectif est d'être socialement utile, que d'acteurs qui placent le salarié au coeur de la gouvernance.
C'est une conception ouverte et inclusive de l'Economie Sociale et Solidaire qui est donc promue à travers cette loi, et je sais que de nombreux pays européens la partagent.
Cette convergence d'une Europe réactive, dynamique et forte de ses solidarités, est une chance qu'il faut savoir saisir. Et c'est ce que j'ai souhaité faire en lançant avec vous un appel à projets à dimension européenne.
Vous me direz : pourquoi lancer un appel à projets alors que les initiatives fleurissent déjà partout ?
Chacun dans nos pays dispose d'un vivier riche, diversifié et innovant d'entreprises. Mais que l'on soit au Luxembourg, en Italie ou en Grèce, le cadre de l'économie sociale n'est pas le même. Et pourtant, c'est ici, dans nos différences et loin de toute volonté de standardisation que l'appel à projet trouve son sens.
Il ne s'agit pas d'homogénéiser nos modèles mais de faire travailler ensemble des entrepreneurs aux valeurs et aux intérêts communs.
Scale Me Up c'est valoriser ensemble un marché que l'opinion publique méconnait et les investisseurs sous-estiment encore trop souvent ; c'est démultiplier ensemble les réseaux locaux, nationaux et transnationaux ; c'est aussi convaincre la Commission européenne, ensemble, qu'il est urgent d'inscrire l'Economie Sociale et Solidaire comme une priorité politique à part entière. Car après le temps des déclarations, est venu celui de l'action et de la preuve. Ces preuves, nous les obtiendrons en impulsant une « coopération renforcée » à l'échelle européenne dans ce domaine de l'économie sociale. Ce cadre prévu dans la Déclaration de Luxembourg prévoit qu'un minimum de neuf États membres établisse une coopération accrue dans un domaine choisi, leur permettant ainsi de progresser selon des rythmes et des objectifs différents des autres pays.
S'engager dans cette démarche de coopération renforcée est un processus long, exigeant. Il impose la mobilisation des Etats, mais aussi de la Commission européenne. Scale Me Up a vocation à y contribuer.
De nombreux acteurs de l'économie sociale ont fait le déplacement ici aujourd'hui et je les en remercie. Vous incarnez l'ambition de la France et de l'Europe, de rendre cette économie plus accessible et plus importante encore.
Je sais déjà la richesse et l'intelligence des initiatives que vous portez. L'économie sociale a cette particularité : ceux qui la font vivre sont eux-mêmes animés par le besoin de s'impliquer toujours plus et de chercher dans le collectif des façons d'entreprendre différemment.
Cet appel à projets est l'occasion d'exprimer tout le potentiel de l'économie sociale que vous incarnez et de montrer, par la réalisation de projets européens et internationaux, votre capacité à apporter des solutions nouvelles aux enjeux que connait notre vieux continent.
Je l'ai dit : l'appel à projets que je lance aujourd'hui est un projet fondamentalement européen. C'est pourquoi tous les pays qui en sont partenaires seront membres du jury et participeront à la sélection des projets retenus.
Le principe est simple : il s'agit de récompenser en septembre prochain, 6 initiatives d'innovation sociale conduites à travers l'Europe.
Les projets devront prendre la forme d'une coopération, d'un partenariat, ou d'un essaimage, entre une entreprise et un partenaire européens de pays différents.
Les entreprises lauréates bénéficieront ensuite d'un accompagnement personnalisé et accéléré. Cette séquence d'accélération permettra de « booster » les projets qui, nous l'espérons, changeront d'échelle et deviendront des « pépites de l'innovation sociale » en Europe.
Les entrepreneurs ici présents le savent bien : pour innover il faut entreprendre, et pour entreprendre il faut oser.
Tout à l'heure, vous découvrirez des projets d'entrepreneurs qui ont su créer des partenariats et mettre en oeuvre des projets à dimension sociale avec brio.
Ces entrepreneurs ont fait des mots du philosophe Sénèque un principe fondamental : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas. C'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles ».
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Osons à notre tour, malgré les difficultés et les obstacles que nous traversons, mettre l'économie sociale au coeur de nos priorités politiques.
Osons et faisons dès aujourd'hui le choix d'une Europe citoyenne, pour offrir dès à présent un monde plus durable et plus humain.
Que l'on parle de vieillissement de la population, de protection de l'environnement, de santé, de mobilité ou de chômage : nos gouvernements ont besoin de l'économie sociale pour y apporter des réponses crédibles, collectives et durables.
En effet, il ne serait pas juste de réduire l'économie sociale à de simples considérations économiques, et il n'est plus tolérable de le voir réduit à un modèle de « secours » ou de « réparation » face aux au chômage et à l'exclusion. L'ambition de l'économie sociale est bien plus vaste.
Partout en Europe mais aussi au Maroc et en Tunisie, nos citoyens et en particulier notre jeunesse se mobilisent en quête de « sens ». Ce sont de nouveaux modes de gouvernance qui se développent, des initiatives spontanées et collaboratives qui émergent.
A Paris, à Angoulême d'où je viens et partout en Europe, nos villes sont animées d'une effervescence citoyenne nouvelle. Il n'y a pas de doute : l'économie sociale, si l'on y prête bien attention, est partout.
Avec Scale Me Up, je veux montrer à tous les Européens que nous sommes prêts à travailler main dans la main avec les acteurs de l'économie sociale, à les soutenir et à leur offrir les moyens nécessaires à la réalisation de projets durables.
Les initiatives citoyennes ont besoin des pouvoirs publics tout comme nos gouvernements doivent intégrer dès à présent ces nouvelles dynamiques qui dépassent nos territoires et nos frontières.
Parce qu'elle dispose de toutes les qualités nécessaires pour incarner l'alternative de notre modèle économique européen, l'économie sociale, posera donc si nous le voulons, les bases d'une Europe durable et solidaire.
Je peux vous assurer que l'engagement de la France dans cette voie est total.
Je vous remercie.
Thank you very much.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 20 juin 2016