Déclaration de M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur les relations franco-russes, le Brexit, la situation en Ukraine, la question israélo-palestinienne, le confit syrien, les sanctions européennes contre la Russie et sur l'attentat à Istanbul, à Paris le 29 juin 2016.

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Circonstance : Conférence de presse conjointe avec Sergueï Lavrov, ministre des affaires étrangères russe, à Paris le 29 juin 2016

Texte intégral


* Russie - Relations bilatérales - Lutte contre le terrorisme - Syrie - Ukraine - Haut-Karabagh - OTAN
Mesdames et Messieurs,
Monsieur le Ministre, cher Sergueï,
C'est un plaisir de vous recevoir aujourd'hui ici à Paris. Nous avons eu l'occasion, depuis ma prise de fonction de nous voir souvent. Tous ces contacts et ces échanges témoignent de notre volonté commune de dialogue. Un dialogue qui, bien sûr, est un dialogue sincère où nous voyons très vite les points de convergence, les points de débats mais aussi les points de divergence. C'est en tout cas l'état d'esprit qui préside à nos relations, des relations de franchise d'abord entre la France et la Russie, mais aussi des relations qui ont pour objectif premier et essentiel d'être constructives, en jouant aussi notre rôle, le meilleur possible sur l'ensemble des questions qui aujourd'hui concernent la planète.
(...)
Bien sûr, nous avons parlé de beaucoup d'autres sujets, nous avons évoqué la situation en Europe à l'issue du référendum britannique. J'ai assuré Sergueï Lavrov que l'Europe, si elle est triste de voir le Royaume-Uni la quitter, a toute la force nécessaire pour faire face. Les chefs d'Etat et de gouvernements qui se sont réunis ce matin à Bruxelles ont envoyé un message d'unité des 27, et cela en faveur d'une sortie dans l'ordre du Royaume-Uni, mais dans la clarté, en respectant les règles et les procédures du Traité de Lisbonne, et en particulier l'article 50 de ce Traité qui prévoit cette situation.
Bien sûr, le Royaume-Uni restera un partenaire essentiel de l'Europe, de la France, notamment en ce qui concerne les relations bilatérales, en particulier dans le domaine de la sécurité et des relations extérieures.
Sur la scène internationale, la France et la Russie sont des partenaires qui doivent travailler ensemble. Je l'ai dit, nous avons des points d'accord et de désaccord que nous évoquons sincèrement. Mais nous avons des motifs de satisfaction. Notre relation bilatérale est intense, elle l'est notamment dans le domaine culturel riche et diversifiée qui correspond vous le savez à des liens historiques entre le peuple français et le peuple russe. Et 2016 est justement l'année franco-russe du tourisme culturel avec des dizaines d'événements qui sont organisés dans nos deux pays et tout cela ne peut que contribuer à renforcer notre confiance mutuelle. Mais nous avons aussi des relations économiques fortes et je crois durables. Nos entreprises sont en Russie, elles sont restées et elles souhaitent se développer. De nombreux groupes français poursuivent leurs activités malgré un contexte difficile. Le potentiel de nos relations économiques est sous-exploité et il y a donc encore beaucoup de perspectives de développement et d'échanges. J'ai évoqué la nécessaire mise en oeuvre des accords de Minsk, qui permettrait, en tout cas c'est notre approche, une sortie des sanctions, qui je le rappelle ont été introduites en réaction à la crise en Ukraine.
Puis, sur les grandes crises internationales, nous avons abordé ces sujets en cherchant à tout prix des convergences, notamment l'Ukraine que je viens d'évoquer : nous avons eu un échange sur l'état d'avancement des échanges au sein du Format Normandie, et chacun doit faire preuve d'esprit constructif pour aboutir à des résultats concrets. La Russie a bien-sûr son rôle à jouer, le gouvernement ukrainien le sien, et la France, dans le cadre du Format Normandie, avec l'Allemagne, continuera de tout faire, et à chaque fois que cela sera nécessaire proposera des réunions au plus haut niveau pour arriver à une solution satisfaisante.
Nous avons évoqué le dossier du Haut-Karabagh. Sergueï Lavrov m'a informé des résultats de la réunion du 20 juin à Saint-Pétersbourg entre le Président Poutine et ses homologues arméniens et azerbaïdjanais, le Président Poutine d'ailleurs l'évoquera avec le Président Hollande, et j'ai rappelé notre disponibilité pour tenir une nouvelle réunion à Paris pour engager de nouvelles négociations.
Sur les dossiers du Proche Orient, nous avons fait le point sur l'initiative pour la paix que la France a prise, qui a donné lieu à une réunion à Paris le 3 juin à laquelle la Russie était représentée. Sergueï m'a assuré de son soutien à cette initiative et je l'ai informé de l'intention de la France d'organiser une nouvelle réunion en marge de l'Assemblée générale des Nations Unies, et j'ai également émis le voeu, la Russie étant membre du Quartet, que le rapport du Quartet puisse être publié le plus rapidement possible. Il est très attendu et sera une contribution très utile pour la suite.
S'agissant de la Syrie, nous avons bien-sûr abordé la situation sur le terrain. La date du 1er août approche et nous devons progresser sur la transition politique, parce que la seule solution ce n'est pas la solution militaire, c'est la solution politique et aujourd'hui les choses sont bloquées. Cette date a été fixée par le Conseil de sécurité et correspond donc à un engagement de tous ses membres. L'urgence est d'obtenir une amélioration de la situation sur le terrain, qui permette l'accès de l'aide humanitaire à toutes les populations et il faut favoriser la reprise des négociations politiques. Il n'y a pas d'autre solution, mais tous les pays concernés doivent y contribuer, c'est ce que j'ai dit la semaine dernière à notre collègue iranien Zarif , comme je l'ai dit encore hier au représentant de l'Arabie Saoudite.
Pour terminer, un mot sur les relations Otan-Russie, le Sommet de l'Otan aura lieu à Varsovie les 8 et 9 juillet prochains, et j'ai redit à Sergueï Lavrov notre approche en vue de cette rencontre : solidarité entre alliés mais aussi transparence vis-à-vis de la Russie, nous ne souhaitons pas que le sommet de Varsovie soit un sommet de la confrontation, nous voulons au contraire le dialogue et c'est le sens de la proposition que la France a faite et que j'ai formulée très tôt, je l'avais dit d'ailleurs à Moscou lorsque j'ai rencontré le Président Poutine et Sergueï Lavrov, c'est de tenir une deuxième réunion du Conseil Otan-Russie. La Russie a exprimé un accord mais elle souhaite que cette réunion ait lieu au plus tôt après le Sommet de Varsovie pour évidemment examiner de façon transparente toutes les décisions qui auront pu être prises. Encore une fois, je me réjouis, Sergueï, de cet échange long, fort et riche où rien n'a été laissé de côté, et c'est je crois l'état d'esprit qui préside désormais à nos relations qu'elles soient au niveau des pays tout entiers, de la France et de la Russie, mais aussi au niveau personnel et l'engagement que nous, les ministres, pouvons avoir pour être utiles à nos deux pays et à la relation entre la France et la Russie.
(...)
Q - Sur la Russie, si l'on suit la logique des résolutions votées par l'Assemblée nationale et le Sénat français, quand selon vous l'Union européenne pourrait-elle lever les sanctions contre la Russie ? Merci.
R - L'Union européenne - réunissait hier et aujourd'hui le Conseil européen avec les chefs d'État et de gouvernement - a décidé d'invoquer l'article 50 du Traité pour entamer des négociations avec le Royaume-Uni dans toutes ces composantes, sans intervenir sous quelque forme d'ingérence que ce soit dans ce pays, sur l'organisation du Royaume-Uni. Et nous souhaitons que cette négociation puisse avoir lieu le plus tôt possible, nous souhaitons qu'un gouvernement britannique reçoive le mandat d'engager cette négociation dans l'intérêt des parties pour que demain nous ayons une négociation claire, transparente et responsable et qui établisse les liens qui existeront désormais entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, et ce qui n'interdira pas, et ce qui ne va pas stopper en aucun cas les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et les autres pays du monde.
C'est le cas, notamment pour la France, nous avons déjà des accords en matière de défense, en matière de protection des frontières, et c'est bien sûr notre présence que nous avons ensemble, souvent, sur les questions stratégiques - nous sommes deux pays membres du Conseil de sécurité ? se poursuivront, et cela sera vrai pour les autres pays.
Deuxième question que vous avez posée, c'est la question des sanctions. J'ai eu plusieurs fois l'occasion de le dire, je l'ai évoqué brièvement dans mon propos d'accueil, mon propos liminaire, les sanctions ne sont pas un but en soi. Nous souhaitons d'ailleurs qu'elles soient levées le plus vite possible, mais comme elles ont une origine, c'est-à-dire la situation ukrainienne et que pour la résoudre, a été mis en place un format, une méthode, le format Normandie, auxquels participent la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine, pour mettre en oeuvre des accords qui sont intervenus à Minsk, c'est les accords de Minsk. Il y a des progrès mais qui aujourd'hui ne sont pas suffisants à nos yeux et donc le message que j'ai adressé à la Russie et qui est celui que le président de la République a aussi évoqué, c'est que nous souhaitons ces avancées et que nous ne sommes pas fermés à des rapports d'étape au fur et à mesure pour que nous allions dans cette direction qui est souhaitée, c'est-à-dire à la fois les accords de Minsk mais aussi la levée des sanctions. C'est possible, il y a beaucoup d'efforts à faire. Nous essayons d'y contribuer de toutes nos forces, de toute notre conviction et la Russie a à prendre sa part mais l'Ukraine aussi a sa part à prendre.
Voilà dans quel esprit nous avons échangé.
* Turquie - Attentat à l'aéroport d'Istanbul
(...)
Bien sûr, nous avons évoqué ensemble l'attentat odieux qui vient de se produire en Turquie et qui a frappé à nouveau, à l'aéroport international turc à Istanbul. 41 morts, c'est le bilan à l'heure où nous vous parlons et une fois de plus, nous constatons que le terrorisme a frappé, mais il frappe partout. Il frappe partout, en France, en Russie et sur tous les continents. Je voudrais ici, en cet instant, renouveler la solidarité de la France au peuple turc tout entier mais aussi à toutes les familles des victimes.
Cet événement tragique témoigne, s'il en était besoin, une nouvelle fois de la nécessité d'une coopération internationale accrue contre le terrorisme, et notamment celui causé par Daech, qui appelle une mobilisation de l'ensemble de la communauté internationale. La Russie et la France luttent résolument contre ce fléau qui fait peser des menaces sur la paix, la sécurité internationale et la cohésion de nos sociétés. Nous pouvons faire mieux ensemble, nous l'avons d'ailleurs évoqué à l'occasion de ce déjeuner.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er juillet 2016