Texte intégral
Monsieur le Président du conseil d'administration d'Atout France,
Monsieur le Directeur général d'Atout France,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
Je suis désolé d'interrompre le déroulement normal de cette assemblée générale mais je pense que vous comprenez bien que, compte tenu des circonstances, même si l'agenda du ministre des affaires étrangères et du développement international est toujours un peu chaotique, là il l'est beaucoup plus avec les décisions qui ont été prises par le peuple britannique il y a près d'une semaine maintenant.
Je souhaitais cependant être là à la fin de votre assemblée générale pour rappeler l'importance que j'attache non pas seulement aux travaux de l'assemblée générale mais à l'action qui est la vôtre tout au long de l'année avec l'ensemble des forces que vous représentez.
Le tourisme est un enjeu extrêmement important pour notre pays, un enjeu économique ; je vous rappelle les chiffres que vous connaissez par coeur : 7% de notre PIB et 2 millions d'emplois. Pour le faire prospérer, cet atout nécessite un engagement constant. Depuis ma prise de fonctions, je mets toute mon énergie au service de ce secteur vital pour le développement économique de notre pays. Je continuerai à le faire avec vous.
L'assemblée générale d'Atout France est un moment fort qui permet à toute la communauté du tourisme d'examiner les défis auxquels elle est confrontée. Je remercie Mme Emma Delfau, commissaire du gouvernement, d'avoir animé vos travaux et de m'avoir accueilli il y a quelques instants.
Je remercie également Philippe Faure et le directeur général, Christian Mantéi, qui, au quotidien, font vivre cette belle maison qu'est Atout France. Ils ont toute ma confiance pour mettre en oeuvre les grands axes du nouveau contrat d'objectifs et de performance passé avec l'État.
À en juger par les performances, l'année 2015 a été une grande année pour le tourisme. Avec plus de 85 millions de visiteurs internationaux, soit une hausse de 1% sur un an, nous pouvons être fiers d'être toujours la première destination touristique au monde. Cette réussite, c'est à vous que nous la devons, nous la devons à tous les acteurs de la filière. Il nous faut continuer à tout faire pour accompagner cette croissance, cette croissance qui n'est pas acquise et, vous le savez bien, tout particulièrement dans le contexte actuel. Parce qu'il faut parler franchement, les bons résultats ne sauraient occulter l'inquiétude légitime que je sens grandir au sein de la profession. Cette inquiétude, elle tient d'abord aux conséquences des attentats que nous avons connus l'an dernier et ils ont, il est vrai, cassé une dynamique, une progression historique de la fréquentation que j'évoquais à l'instant. Il en en résulte une chute des arrivées de touristes internationaux à Paris, avec 15% en moins pour la fin de l'année 2015.
Si, depuis le début de l'année, cette érosion s'estompe peu à peu, à l'échelle du pays, il reste une difficulté qui est importante, c'est Paris. Même avec l'effet positif de l'Euro de football, c'est une réalité qu'il faut regarder en face.
À cette situation se sont ajoutées des circonstances ponctuelles et exceptionnelles. Les mouvements sociaux des dernières semaines, particulièrement à Paris, les inondations et plus généralement les conditions météorologiques n'ont pas été favorables ces dernières semaines. Tout cela a pesé, à l'évidence, sur les réservations estivales.
Comme si cela ne suffisait pas, voilà que les Britanniques décident le Brexit. Je rappelle cela parce que la clientèle britannique est la première clientèle étrangère en France. Or, la dévaluation de la livre sterling aura mécaniquement un effet sur le budget-vacance de ces touristes.
Devant une telle situation, le pire serait de se résigner à l'inaction en attendant que cela aille mieux. Ce n'est évidemment pas mon choix et je sais que ce n'est pas le vôtre.
Je crois qu'il est important de tenir un discours, non pas un discours qui nie les réalités mais un discours qui soit entraînant, qui soit dynamique et qui, lui-même, ne génère pas d'angoisses supplémentaires.
C'est la raison pour laquelle, dès le 1er mars, j'ai voulu réuni les professionnels et les partenaires du tourisme pour tirer les conséquences des attentats sur la filière.
Cette rencontre a permis d'affiner le plan de relance de la destination France, dont j'ai présenté le volet parisien, le 30 mai dernier, depuis la Tour Eiffel, avec Anne Hidalgo et Jérôme Chartier ; parce que je crois aussi qu'il est important que les élus des territoires, les services des territoires, les équipes de tourisme des territoires se sentent pleinement mobilisés parce que leur rôle est indispensable. Je le sais aussi par expérience : j'ai été maire longtemps, comme vous le savez, et je sais que cette mobilisation doit se faire à tous les échelons. Bien sûr, il faut un message national, un message fort mais il faut aussi mobiliser là où sont les acteurs, le plus proche possible du terrain.
Cette campagne que nous avons lancée est pilotée par Atout France avec des acteurs régionaux comme l'office du tourisme et des congrès d'Ile-de-France et le comité régional de tourisme de l'Ile-de-France. Elle comprend des actions d'affichage et de réputation en ligne et est déjà déployée dans seize pays, aussi bien en Europe que sur les marchés stratégiques plus lointains.
Cette rencontre du 1er mars avec les acteurs du tourisme que j'évoquais à l'instant a donc été bénéfique. Je veux pérenniser ce moment d'échanges à travers un «comité d'urgence économique pour le tourisme» spécialement consacré au tourisme, qui permettra, je l'espère, de prendre régulièrement le pouls de la profession et d'examiner les chiffres de fréquentation au plus près de la réalité, ainsi que l'impact de nos mesures de relance. Il est important de les évaluer pour les corriger, les améliorer, cela me paraît essentiel.
Je présiderai la première réunion de ce comité en juillet prochain. Ces rencontres ne seront évidemment pas exclusives des autres formats de travail sur les réformes dans le secteur du tourisme, j'y reviendrai dans un instant.
Avant d'évoquer ces chantiers, je voudrais dire un mot sur un sujet qui préoccupe nombre d'entre vous. Je veux parler de l'impact du développement de l'économie numérique sur votre secteur. C'est évidemment une chance, une chance d'innovation et je ne peux que vous encourager à investir massivement dans les nouvelles technologies. Vous le savez, d'après votre expérience professionnelle, que l'on peut faire beaucoup plus de choses et différemment et plus efficacement pour répondre aux attentes et exploiter de nouvelles opportunités.
Mais, en même temps, le numérique où l'économie collaborative qui ne serait pas régulée avec des règles de concurrence équitables pourrait provoquer des dégâts. Donc, il faut maîtriser cette révolution, en quelque sorte, nouvelle révolution industrielle comme l'histoire en a connue. Il faut être là, prêts à agir intelligemment. Et cela ne m'a pas échappé qu'il existe une tension depuis plusieurs mois qui est remontée avec les plateformes de location de meublés de tourisme et les hôteliers. J'en comprends les raisons pour en avoir discuté avec tout le monde, mais il ne serait pas souhaitable que cette tension continue de monter parce qu'elle sera préjudiciable à la nécessaire unité de de l'équipe de France du tourisme. Il faut donc avancer, trouver des réponses et des solutions.
C'est pourquoi nous devons offrir un cadre qui permette le développement des nouvelles pratiques numériques, dans le respect des obligations de chacun. C'est ce que j'ai dit aux représentants de l'hôtellerie, comme à ceux des plateformes que je recevais ce matin : à la fois, n'ayons pas peur de l'innovation et, en même temps, soyons responsables et acceptons de discuter pour trouver un bon équilibre et des règles qui soient claires et équitables.
C'est la raison pour laquelle j'ai insisté pour que le projet de loi - qui avance bien - pour une «République numérique» renforce les conditions d'une concurrence loyale entre tous. Une fois cette loi adoptée, j'espère que nous pourrons avancer ensemble, en laissant les polémiques derrière nous. Je pense qu'il y a encore des choses à perfectionner, nous rechercherons ensemble le moyen d'y parvenir. Je crois que c'est par le dialogue que nous réussirons en étant à la fois lucides et inventifs.
J'en viens enfin à ce qui nous réunit pour cette assemblée générale d'Atout France : quelle stratégie mettre en oeuvre pour améliorer notre offre et mieux promouvoir la destination France ? C'est cela l'enjeu.
Nous avons la feuille de route. Elle résulte des travaux des assises du tourisme et du conseil de promotion du tourisme. Elle peut être adaptée ou complétée, mais l'heure n'est plus à l'audit. L'heure et la priorité, c'est l'action. Cela a commencé l'an dernier, cela doit se poursuivre et s'intensifier cette année et les années à venir. C'est pourquoi le contrat d'objectifs et de performance pour Atout France est utile et nécessaire et il faut le mettre en oeuvre.
Cette mise en oeuvre a notamment déjà commencé avec une nouvelle stratégie numérique sur le site France.fr ou la création de la conférence des formations d'excellence dans le domaine du tourisme, annoncée le 8 octobre et qui avance à grands pas. Elle permettra de donner une meilleure visibilité aux offres françaises de formations aux métiers du tourisme. C'est un sujet extrêmement important, nous en avons déjà discuté à plusieurs reprises avec les professionnels du tourisme. La filière doit se perfectionner et elle doit perfectionner les compétences. Ceci est un défi extraordinaire qui, en même temps, offre des perspectives.
Nous continuons également à travailler avec la caisse des dépôts et bpifrance au déploiement du fonds d'un milliard d'euros, France développement tourisme, afin de rénover nos infrastructures d'hébergement et d'en créer de nouvelles. Rénover les structures d'hébergement, c'est une nécessité pour améliorer l'offre française. Là, il y a des moyens, il faut les utiliser et puis il faut trouver de nouvelles offres.
Naturellement, nous devons aller plus loin car les chantiers sont nombreux. C'est pourquoi je souhaite que se tienne à l'automne une deuxième conférence nationale du tourisme. C'est important de se retrouver pour un temps fort de travail, d'échanges, cela nous donnera un peu de recul et cela nous permettre de faire le point sur la mise en oeuvre des actions engagées et de préparer une nouvelle feuille de route pour les mois suivants. Il ne faut pas s'endormir. C'est pour cela que je vous propose ce rendez-vous.
Parmi les actions qui continueront à nous mobiliser, je pense naturellement à l'investissement. Le gouvernement vient d'annoncer un nouveau programme d'investissements d'avenir. J'ai obtenu que le tourisme soit une priorité et que plusieurs centaines de millions d'euros au moins y soient consacrés. Pour que cela marche, il va falloir proposer des projets. J'ai eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises avec le commissaire général à l'investissement, Louis Schweitzer, qui est évidemment partant et qui dit : «je n'interviendrai pas pour donner des subventions comme cela, il faut des projets». Donc, cela dépend de la filière ; plus la filière sera à l'initiative, plus ces millions, ces centaines de millions vont être mobilisés. Pour cela, il est important que les projets soient des projets identifiés, innovants et, en même temps, qui soient ancrés dans les territoires et qui jetteront les bases du tourisme de demain, pour prendre un peu d'avance. Et ce financement doit vous y aider.
Et comme je parle des territoires, j'évoquais mon expérience personnelle mais je ne suis pas tenu de parler que de Nantes, ce serait un peu réducteur, mais je sais bien que le rôle des collectivités locales est essentiel. Maintenant, il faut qu'elles s'organisent davantage : la loi qui définit les nouvelles répartitions des compétences, la loi NOTRe doit être mise en oeuvre, elle définit avec plus de précision ce que chacun doit faire et ce n'est pas plus mal. Cela ne se fait pas comme cela parce qu'il y a des habitudes de prises, il faut transférer certaines compétences du département à la région, de la région aux relations avec la métropole. Il faut s'organiser mais il ne faut pas perdre de temps.
C'est la raison pour laquelle j'ai invité, à la conférence des ambassadeurs qui se tiendra à la fin de l'été, les collectivités territoriales, les régions, notamment les régions dans leur nouveau format et les métropoles, à participer à une séance de travail sur cette question, en général, de la diplomatie du territoire, évidemment tout ce que l'on peut faire en soutien à l'export et à l'innovation - et les régions ont un rôle important aux côtés des métropoles. Mais il y a aussi ce volet tourisme qui est un élément extraordinaire de capacité pour l'avenir dans nos territoires. Et ceci sera bien entendu à l'ordre du jour. Ce que je souhaite, c'est que, lorsque nous tiendrons notre prochaine conférence nationale du tourisme, au-delà de cet échange lors de la conférence des ambassadeurs, que la conférence fasse des propositions concrètes sur tous ces points.
Enfin, nous le savons, la sécurité est une donnée avec laquelle nous devrons composer et je compte faire de ce thème un axe important des travaux d'ici l'automne.
Pour préparer cette conférence nationale du tourisme, je sais que je peux compter sur votre énergie et vos idées. C'est pourquoi j'ai demandé à Matthias Fekl, à Martine Pinville et à Philippe Faure de mobiliser la commission «stratégie» d'Atout France, dont le mandat a été renforcé en 2015, pour préparer cette échéance et faire des propositions. Une conférence réussie, c'est une conférence bien préparée.
Mesdames et Messieurs,
Oui, je le dis, je le répète, le tourisme représente une chance formidable pour l'emploi, le développement économique et le rayonnement de notre pays. Il faut même davantage le faire savoir aux Françaises et aux Français que nous avons cet atout, que nous avons cette chance. Bien sûr, ils se rendent compte que leur pays est visité, qu'il y a beaucoup d'étrangers qui viennent d'Europe et du monde entier en France. Ils s'en rendent compte mais ils ne connaissent pas toujours l'enjeu économique et social que cela représente, je dirais même, pour la jeunesse, le potentiel d'emplois en perspective que cela représente. On a une idée des métiers mais une idée vague et l'on n'a sûrement pas une idée exacte de la diversité des métiers qui existent dans la filière. Je pense qu'il y a là aussi une promotion à faire de ces métiers pour les rendre plus attractifs. Bien entendu, il y a certains métiers qui sont plus durs que d'autres dans cette filière : je pense aux métiers de l'hôtellerie ou de la restauration qui parfois peuvent rebuter. Mais, là aussi, des efforts sont faits : les organisations patronales ou syndicales discutent du moyen de trouver le meilleur équilibre pour que ces métiers continuent d'être attractifs. Ce n'est pas toujours en termes de salaires mais c'est aussi en termes de conditions d'horaires ou de travail, on le comprend. Et puis, il y a aussi tous ces métiers qui vont naître et qu'il faut promouvoir.
Et puis, je crois que l'enjeu du tourisme est aussi un enjeu culturel et politique majeurs. Dans tous mes déplacements, je ne manque pas une occasion d'assurer la promotion de nos atouts. Parmi ces atouts, je mesure à chaque fois l'atout touristique, l'atout culturel, qui sont souvent d'ailleurs très liés. Il ne faut donc pas manquer une occasion d'être fiers aussi de ce que nous sommes, de le dire, de la proclamer, de l'affirmer, parce que, au fond, on nous regarde comme ça, la France ; il y a souvent, pour paraphraser, une certaine idée de la France à l'étranger qui est une idée positive ; ne soyons pas négatifs à notre propre égard, soyons au contraire exigeants bien entendu pour améliorer tout ce que nous pouvons faire pour rendre notre pays plus attractif. Je suis sûr qu'il y a des parts de progrès considérables à faire.
Mais, en même temps, nous avons des atouts et nous avons, je crois, aussi des compétences. Nous avons souvent beaucoup d'enthousiasme et je crois que c'est sur cela aussi que nous devons nous appuyer.
Les équipes, elles sont aussi au ministère des affaires étrangères et du développement international, elles sont à la direction générale des entreprises et avec les services d'Atout France, qui travaillent étroitement ensemble et qui veulent démontrer que la plus belle destination du monde reste aussi la destination la plus accueillante et la plus aimée, parce que les femmes et les hommes qui la font découvrir - c'est-à-dire vous-mêmes Mesdames et Messieurs les professionnels - aiment leur métier, s'y consacrent avec énergie et avec talent.
Pour cela, je vous remercie. Vous pouvez compter sur mon engagement, mon soutien autant qu'il sera possible, avec les équipes que j'ai l'honneur de diriger dans ce beau ministère des affaires étrangères et du développement international, avec les opérateurs, dont Atout France bien sûr. Nous allons poursuivre ce combat, parce que c'est un combat, mais il y a beaucoup de combattants, vous en faites partie, nous réussirons ensemble.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 juillet 2016