Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur l'accès à la culture et aux pratiques culturelles dans les quartiers, Lille le 17 septembre 2015.

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Circonstance : Conférence de rentrée de l'Institut des administrations des entreprises à Lille le 17 septembre 2015

Texte intégral

Monsieur le Président, Cher Pierre,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs les étudiants,
Mesdames et Messieurs les professionnels de la culture,
Mesdames, Messieurs,

La culture renvoie à des questions essentielles. Celles de notre identité et de notre destin commun.
Nous le voyons en ce moment à travers la violence verbale dont certains font preuve à l'encontre des réfugiés syriens : notre rapport à l'autre est fragile, notre capacité à l'humanité et à la solidarité menacée si nous n'y prenons garde.
C'est pourquoi je prends systématiquement le contre-pied des propos que je juge contribuer à une cristallisation de la xénophobie dans notre pays, dans notre région.
En ouvrant les esprits, la culture contribue à lutter contre l'ignorance, les peurs, l'indifférence, l'intolérance.
En ouvrant des perspectives, la culture crée des richesses, valorise des parcours. Elle est un bien qui – c'est sa force – gagne à être partagé. Pour toutes ces raisons, je crois profondément que les 5,5 millions d'habitants des quartiers prioritaires ne peuvent en être éloignés.
Mon rôle est de redonner à la ville son rôle de creuset et de lui restituer sa capacité d'intégration, en favorisant la mixité sociale. L'art n'est pas la propriété d'une certaine élite qui aurait seule la clé pour accéder à la création artistique.
La culture sous toutes ses formes est un outil précieux de mon action, et la politique de la ville contribue à son développement à travers notamment un engagement financier significatif (de 10 millions d'euros en 2015), qui vise à favoriser la participation des habitants de toutes les générations à des projets adaptés à leurs besoins et à leurs envies, et à ouvrir les quartiers les plus défavorisés à la culture.
L'accès à la culture et aux pratiques artistiques est en effet un enjeu majeur dans les quartiers.
La pratique culturelle favorise le partage d'un patrimoine commun, éveille à la création, valorise l'expression de toutes les cultures.
Comme l'éducation, l'accès à la culture est l'une des conditions premières de l'émancipation.
Chant lyrique, initiation à la pratique d'instruments de musique, soutien au théâtre d'improvisation, découverte de monuments historiques situés à proximité du lieu de résidence ou organisation d'expositions sur l'histoire du quartier sont autant de moyens pour créer du lien et ouvrir des horizons.
Au-delà de la pratique culturelle, l'art joue également un rôle majeur dans notre représentation du monde. Enrichir les représentations de notre société plurielle, lutter contre les préjugés, donner une juste image des quartiers populaires sont donc évidemment au cœur de mon action.
Le soutien du ministère à la production d'œuvres audiovisuelles, cinématographiques ou multimédia occupe une place essentielle dans son action en faveur d'une culture partagée.
Ce rôle éducatif de l'image, et notamment du cinéma, je veux le développer.
C'est la raison pour laquelle mon ministère appuie les actions innovantes qui permettent d'organiser, à l'occasion de projections de films, des temps d'échanges et de réflexion.
Appuyer la culture dans la ville, c'est aussi donner à voir la création artistiques des quartiers, et changer le regard que l'on porte sur leurs habitants, pour finalement leur redonner la parole.
Pour cela, je crois qu'il faut reconnaitre et valoriser les médias locaux et travailler sur les expressions culturelles, sur la mémoire des quartiers populaires.
Enfin, rendre intelligible et visible un langage, une expression artistique, c'est les rendre accessibles, c'est faire évoluer notre perception à tous de ce qu'est notre bien culturel commun.
S'ouvrir à la culture urbaine, c'est lutter contre les conservatismes, c'est questionner l'ordre de notre société, c'est faire bouger la définition de la communauté dans laquelle nous choisissons d'évoluer ensemble.
La politique de la ville ne peut pas tout toute seule. C'est pourquoi, au-delà de la mobilisation des politiques et des moyens dont j'ai la charge, je travaille également à mobiliser les autres ministères autour de nos questions, et notamment le ministère de la Culture et de la Communication.
Ce dernier a décidé de consacrer 30% de l'enveloppe dédiée à l'éducation artistique et culturelle aux jeunes des quartiers de la politique de la ville.
La convention triennale pour les quartiers populaires passée avec la ministre de la culture, Mme Fleur Pellerin, définit également le cadre de pilotage interministériel avec un quadruple objectif :
- faciliter l'accès aux équipements culturels dans les quartiers grâce à un état des lieux des équipements culturels disponibles et au lancement d'une nouvelle étape de la politique d'ouverture de ces équipements vers les publics des quartiers de la politique de la ville ;
- valoriser les projets éducatifs artistiques et culturels à travers un volet éducatif et culturel dans les nouveaux contrats de ville et grâce à une politique d'accroissement du nombre d'élèves issus des quartiers de la politique de la ville dans les écoles d'enseignement supérieur artistique et culturel ;
- encourager les échanges et la création dans les quartiers prioritaires en implantant des résidences d'artistes dans les quartiers et œuvrant à la promotion des créateurs qui en sont issus ;
- et enfin développer des médias de proximité avec le dispositif « médias dans les quartiers », et le lancement d'un appel à projet pour les médias citoyens en avril dernier par le ministère de la culture, avec l'appui du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports. Cet appel à projets, doté d'un millions d'euros, a pour objectif affiché d'aider à la vitalité de ces médias de proximité qui œuvrent quotidiennement au vivre-ensemble, et participent à l'éducation à l'information et à la liberté d'expression.
La culture est aussi l'un des piliers de l'intervention dans les quartiers de l' l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, « l'Acsé »: autour de 13 millions d'euros permettent de financer l'ouverture d'institutions culturelles et patrimoniales à tous les publics, l'accès aux pratiques artistiques, la lutte contre l'enclavement culturel et l'image de la diversité. Je souhaite d'ailleurs que ce budget soit sanctuarisé.
Enfin, cette mobilisation passe bien évidemment aussi par l'implication des établissements culturels nationaux et de proximité au sein des contrats de ville. Beaucoup agissent déjà au bénéfice des habitants, soit à leur propre initiative, soit dans le cadre de la politique de la ville. Nous travaillons également à l'implantation de lieux d'excellence pour la diffusion culturelle dans les quartiers de la politique de la ville, à l'image de la Tour Médicis à Clichy Montfermeil.
La culture est le fil rouge de la citoyenneté, un pilier fondamental de l'établissement de l'égalité républicaine dans les quartiers.
A la peur et aux crispations identitaires, la culture oppose le fourmillement de la création, la curiosité, le besoin de comprendre et d'exprimer.
La création artistique donne à la République les moyens de fonder la reconnaissance des mémoires individuelles, des parcours de vie qui se construisent en son sein et font évoluer la société française dans son ensemble.
C'est pourquoi je veux que tous les futurs contrats de ville aient la culture comme « fil rouge » de leurs actions.
Mesdames et Messieurs, je crois, nous croyons tous ici, que l'égalité passe nécessairement par le déploiement d'une culture partagée, exigeante, où chacun se retrouve et puisse s'élever.
Or c'est cette recherche de l'égalité qui fonde notre identité.
Je sais les attentes à cet égard et c'est cette vision de la culture que je m'engage à porter à travers la politique de la ville.
Je vous remercie.Source http://www.patrickkanner.fr, le 7 juillet 2016