Interview de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, avec France 2 le 26 juillet 2016, sur le terrorisme et le tourisme en France, les relations commerciales franco-britanniques et sur l'élection présidentielle de 2017.

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Média : France 2

Texte intégral


THOMAS HERVE
Tout de suite c'est Gilles BORNSTEIN qui reçoit le secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur et du Tourisme, Matthias FEKL, bonjour messieurs.
GILLES BORNSTEIN
Bonjour Thomas, bonjour à tous, bonjour Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Bonjour Gilles BORNSTEIN.
GILLES BORNSTEIN
La France avait eu du mal, le tourisme français avait eu du mal à se remettre des attentats précédents, peut-il ne se remettre de celui de Nice ?
MATTHIAS FEKL
On va y travailler, vous savez que le tourisme est porté haut et fort, le président en a fait une priorité nationale depuis 2012 et donc il y a beaucoup de choses qui sont faites et nous étions hier à Nice avec Emmanuel MACRON et Martine PINVILLE justement pour rencontrer les acteurs du tourisme et voir avec eux comment avancer, parce que dans ce genre de situation vous avez toujours d'abord une vague d'annulations immédiates qui suit le choc et puis ensuite ce qui est important c'est de voir comment ça reprend, donc nous étions à Nice pour à la fois marquer notre solidarité avec les victimes, leurs proches, la ville et voir comment avancer. C'est un secteur absolument majeur pour Nice et pour la région, c'est aussi un secteur...
GILLES BORNSTEIN
Combien d'emplois ça représente une saison touristique sur la Côte d'Azur ?
MATTHIAS FEKL
Au niveau national ça représente deux millions d'emplois et sur la Côte d'Azur les chiffres varient en fonction des emplois directs ou indirects mais on sait que c'est un des poumons économiques de la région et que le chiffre d'affaires c'est cinq milliards d'euros de chiffre d'affaires direct rien que sur le département et autant de chiffre d'affaires induit, donc on voit bien que si les choses ne vont pas bien ce sera très mauvais ; Et donc nous étions là sur du concret, à la fois voir comment à l'international valoriser la ville de Nice qui est adorée dans le monde entier...
GILLES BORNSTEIN
Mais vous expliquez aux gens : « venez sur la Côte d'Azur, venez en France, il n'y a pas de problème » alors qu'on sait qu'il y a des problèmes, enfin est-ce qu'on peut concilier attractivité et sécurité ?
MATTHIAS FEKL
Il y a plusieurs aspects ! D'abord on sait très bien que le risque zéro n'existe plus nulle part, nulle part en France et nulle part en Europe, et, là-dessus – sans être dans le catastrophisme permanent – il faut dire les choses, d'ailleurs les gens le voient très bien et c'est un fléau qui frappe le monde entier et ça continuera évidemment, donc tout est mis en oeuvre et Bernard CAZENEUVE et l'ensemble du gouvernement travaillent là-dessus. J'en profite pour dire que les polémiques sur ces sujets-là évidemment apportent de l‘eau au moulin à tous ceux qui disent : « on ne va peut-être pas y aller », il est très important que le pays réagisse dans...
GILLES BORNSTEIN
Qu'est-ce que vous voulez dire, que Christian ESTROSI fait du mal à sa ville ?
MATTHIAS FEKL
Non. La ville de Nice a été frappée, donc moi je ne vais pas être là dans les polémiques, mais il est très important que le pays réagisse dans l'unité et réagisse sans polémique stérile, inutile et parfois franchement totalement indécente. Nous avons la chance d'avoir un grand ministre de l'Intérieur, sans doute l‘un des plus grands ministres de l'Intérieur de la Vème République, qui travaille, qui est à pied d'oeuvre depuis des mois dans un contexte extrêmement tendu et qui met tout en oeuvre pour que la situation soit maîtrisée, et donc là-dessus il faut vraiment porter à l'international ce message-là, rien n'est pire à l'international vous savez que des messages où vous avez un pays après avoir été frappé par le terrorisme qui donne l'impression de se diviser et donc la France qui est un pays aimé dans le monde - la première destination touristique au monde avec 85 millions de touristes accueillis encore l'an dernier – doit offrir ce visage-là d'un pays ouvert, d'un pays où l'hospitalité n'est pas un vain mot. C'est cela qui est en jeu aussi pour Nice !
GILLES BORNSTEIN
Vous voyez beaucoup en tant que ministre du Commerce extérieur que vous êtes aussi, ce qu'on voit de la France à l'étranger correspond-il à la réalité ? Je vous demande ça parce que parfois ici on a l'impression qu'on montre à l'étranger un pays en guerre générale, à feu et à sang, et de surcroît où la grève est permanente ?
MATTHIAS FEKL
Non. Il y a cette image-là, qui est véhiculée d'ailleurs par beaucoup de médias, notamment anglo-saxons - avec des intérêts derrière et qui ne veulent pas toujours du bien à la France – mais...
GILLES BORNSTEIN
C'est-à-dire qu'il y a des médias qui ont intérêt au french bashing ?
MATTHIAS FEKL
Ah ! Eh bien ce qui est sûr c'est que quand vous avez une grève en France elle fait très vite la une de certains médias, quand vous avez la même grève en Allemagne ça ne sera pas la même chose, la LUFTHANSA fait plus grève qu'AIR FRANCE, donc il faut aussi regarder les chiffres, la réalité des choses ; Et notre pays est un grand pays aimé comme tel dans le monde entier et d'ailleurs beaucoup plus aimé et apprécié souvent à l'étranger que parfois par nous-mêmes, il y a une tendance à l'autodénigrement en France qui est fâcheuse. Encore une fois la France est vue comme une grande puissance, un grand pays qui rayonne dans le monde entier et un pays que les gens sont heureux de venir visiter, on n'est pas pour rien la première destination au monde loin devant les Etats-Unis, l'Espagne et d'autres pays, c'est parce qu'il y a le patrimoine, la culture, le savoir-vivre français - la gastronomie, tout ce qui fait l'excellence française - qui est apprécié.
GILLES BORNSTEIN
Toujours avec votre casquette de secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, le Brexit risque-t-il de plomber le commerce extérieur français ?
MATTHIAS FEKL
C'est notre premier excédent commercial ,15 milliards d'euros...
GILLES BORNSTEIN
Avec la Grande-Bretagne ?
MATTHIAS FEKL
Avec la Grande-Bretagne, 30.000 entreprises qui y travaillent, donc il y a un impact extrêmement fort et il faut évidemment qu'on travaille là-dessus. Mais il y a plusieurs sujets...
GILLES BORNSTEIN
De ce point de vue-là la baisse de la Livre n'est pas une mauvaise nouvelle, les produits français seront plus chers en Angleterre ?
MATTHIAS FEKL
Alors ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour les exportations...
GILLES BORNSTEIN
Seront plus chers en Angleterre ?
MATTHIAS FEKL
Non. C'est, comment dire, le premier vecteur de transmission à l'économie française c'est le tourisme et les décisions des touristes Anglais de venir ou non et, justement, la dépréciation de la....
GILLES BORNSTEIN
Là ils auront moins, en francs ils auront moins d'argent...
MATTHIAS FEKL
Absolument ! Et ce qu'on constate pour cette saison...
GILLES BORNSTEIN
Donc, ils viendront moins en France...
MATTHIAS FEKL
Non, c'est plutôt qu'ils viennent autant cette saison...
GILLES BORNSTEIN
En euros en France ?
MATTHIAS FEKL
Mais ils dépenseront sans doute moins, c'est mécanique, quand vous avez 20 % de pouvoir d'achat en moins ça se traduit dans... donc, ça, c'est le premier aspect. Le deuxième aspect des exportations, on est convaincus que les choses se rétabliront à terme sur le cours de la Livre - parce qu'‘il y a des fondamentaux qui sont robustes dans l'économie du Royaume uni – ce qui est important c'est de voir comment vont se gérer maintenant les relations commerciales avec le Royaume uni, comment va être le lien avec ce grand pays et, là-dessus, notre position est très claire : on ne peut pas être dedans et dehors, on ne peut pas avoir voté le Brexit et ensuite vouloir quasiment rester dans l'Union sans en avoir les contraintes, les contributions budgétaires, etc. Donc, il faut de la clarté et il faut ensuite évidemment travailler étroitement, ça restera un voisin, ça restera un grand pays partenaire et ami sur de nombreux domaines. Mais, encore une fois, le peuple britannique a voté, il faut respecter ce vote et rien ne serait pire – y compris pour l'Union européenne – une nouvelle fois de s'asseoir sur le vote d'un peuple.
GILLES BORNSTEIN
La décision des peuples !
MATTHIAS FEKL
Ca été le cas bien souvent, y compris en France, et c'est très préjudiciable.
GILLES BORNSTEIN
Quelques mots de politique, si vous le voulez bien, pour terminer. François HOLLANDE est-il aujourd'hui en état de se représenter, que peut-il espérer alors qu'il stagne à 20 % de popularité ?
MATTHIAS FEKL
Je crois qu'il n'est pas du tout aujourd'hui dans ça, on vient d'être frappés par le terrorisme...
GILLES BORNSTEIN
Enfin il doit donner sa décision dans trois – quatre mois...
MATTHIAS FEKL
Oui, mais...
GILLES BORNSTEIN
Donc, ça approche quand même ?
MATTHIAS FEKL
Il la donnera, je crois qu'il n'y a aucun doute là-dessus, mais on est un pays confronté au terrorisme et à tout ce qui va avec en termes de déstabilisation de notre corps social ou du pacte républicain et donc là-dessus ce qui est important aujourd'hui c'est deux choses, d'abord que le chef de l'Etat incarne l'unité nationale et, ensuite, qu'il donne du sens à sa candidature s'il souhaite l'être. Moi je ne crois pas du tout à la thèse...
GILLES BORNSTEIN
Mais est-ce que, pour vous, il reste le meilleur des candidats à gauche ?
MATTHIAS FEKL
Mais ça dépend du sens qu'il donne à la candidature, quel est le projet...
GILLES BORNSTEIN
Alors, justement.
MATTHIAS FEKL
Quels sont sur les années qui viennent les thèmes à mettre en avant ?
GILLES BORNSTEIN
Ce n'est pas facile de répondre à ça en quelques secondes mais on voit que la gauche social-démocrate est en panne de logiciel...
MATTHIAS FEKL
Dans toute l'Europe d'ailleurs !
GILLES BORNSTEIN
Dans toute l'Europe, quels projets la gauche et François HOLLANDE doivent-ils porter pour l'avenir ?
MATTHIAS FEKL
Quelques balises, parce qu'il faudra reparler du sujet plus approfondi, mais...
GILLES BORNSTEIN
Absolument.
MATTHIAS FEKL
Il y a d'abord la crise démocratique, j'ai fait des propositions là-dessus, mais il faut en finir avec la Vème République, mettre en place un nouveau régime et qui soit plus démocratique au niveau des institutions, au niveau de la participation dans l'entreprise, au niveau de la démocratie locale, les Français doivent avoir l'impression – et plus que l'impression – qu'ils participent aux décisions au-delà des élections ; et ensuite l'Europe, et l'Europe telle qu'on la connait aujourd'hui est morte – et c'est un Européen convaincu qui vous le dit – il faut reprendre les choses de fond en combles, l'Europe à la carte, l'Europe des vrais projets, l'Europe pour les jeunes avec l'Erasmus pour tous ; et puis il faut redonner du sens à ce que veut dire être Français, vivre en France ensemble avec un pays qui a été nourri par des vagues d'immigration successive, des apports culturels différents, c'est tout cela qui est en jeu. Mais il faudra approfondir les choses parce qu'en 20 secondes un problème...
GILLES BORNSTEIN
Ce n'est pas facile !
MATTHIAS FEKL
C'est un peu court.
GILLES BORNSTEIN
Absolument. Merci beaucoup Matthias FEKL d'être venu, merci Thomas, très bonne journée à tout le monde.
THOMAS HERVE
Merci à tous les deux. Dans un instant, on se retrouve avec une très, très grande maison qui a décidé de sortir un parfum royal.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 28 juillet 2016