Texte intégral
RENAUD PILA
Bonjour Clotilde VALTER.
CLOTILDE VALTER
Bonjour.
RENAUD PILA
Merci beaucoup d'être avec nous ce matin. Vous êtes secrétaire d'Etat chargée de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Alors, bien sûr, le terrorisme a dominé l'actualité au mois de juillet...
CLOTILDE VALTER
Tout à fait.
RENAUD PILA
Du coup, on a eu peu de commentaires sur le chiffre du chômage du mois de juin. Il y a eu une nouvelle hausse. Est-ce que vous avez été déçue et est-ce que le pari, le fameux pari d'inverser la courbe du chômage est... sera finalement pas atteint, abandonné ?
CLOTILDE VALTER
La question n'est pas là. Il y a eu une augmentation, effectivement, mais relativement faible, de 5 400 demandeurs d'emploi en plus, mais la tendance dans le long terme se maintient, c'est-à-dire qu'on a - 55 000 depuis le début de l'année, et c'est la première fois depuis 2008 qu'on a deux trimestres successifs, de baisse du nombre de demandeurs d'emploi. Donc c'est un élément important, il faut analyser les choses, depuis 2008, depuis la crise...
RENAUD PILA
Depuis la crise.
CLOTILDE VALTER
... et en tendance longue.
RENAUD PILA
C'est vrai, quand on regarde, les mois de mars et avril, notamment, avaient été bons sur le front de l'emploi. Qu'est-ce qu'il manque, selon vous, pour que l'embellie persiste mois après mois. Qu'est-ce qu'il manque ?
CLOTILDE VALTER
Qu'est-ce qu'il manque ? Je pense que qu'il y a peut-être un manque de confiance, il y a peut-être la situation et l'environnement auxquels vous faisiez référence, mais il y a aussi des éléments en tendance longue, qui font que ça s'améliore, il y a les hypothèses de croissance, il y a les éléments structurels de politique économique, je pense au pacte...
RENAUD PILA
L'hypothèse de croissance, au deuxième trimestre il y a eu une stagnation, vous trouvez que la reprise s'essouffle ?
CLOTILDE VALTER
Je ne sais pas si la reprise s'essouffle, on ne le sait pas encore, on est dans une situation qui est particulière, il y a eu le Brexit, il y a eu des éléments, quand même, qui ont créé un peu d'incertitudes. Mais en tout état de cause, on mesure les résultats du pacte de responsabilité, du CICE, avec une reconstitution des marges des entreprises. On a aussi, depuis le début de l'année, l'aide TPE PME, avec plus de 500 000 dossiers, donc, recrutements, qui ont été engagés par les TPE PME, donc on voit qu'il y a une demande très importante de recrutement...
RENAUD PILA
Ce système fonctionne, ce système fonctionne bien ?
CLOTILDE VALTER
Ce système fonctionne et fonctionne très très vite, avec une forte dynamique, et puis effectivement il y a aussi le plan 500 000 formations supplémentaires, qui permet de mieux adapter les profils des demandeurs d'emploi, aux besoins des entreprises. On le sait, il y a une forte transformation de notre économie, vers le numérique, vers la transition énergétique, et ce plan de formation...
RENAUD PILA
Il faut former les chômeurs. Alors, vous avez mis beaucoup beaucoup, vous mettez de l'argent sur la table, un milliard d'euros...
CLOTILDE VALTER
Un milliard d'euros, c'est ça.
RENAUD PILA
Un milliard d'euros, sur un plan de 500 000 chômeurs...
CLOTILDE VALTER
Formations supplémentaires...
RENAUD PILA
... formations, c'est ça.
CLOTILDE VALTER
Tout à fait, c'est un doublement par rapport à 2015.
RENAUD PILA
Alors, ce matin, le Canard Enchainé affirme que les consignes de Pôle emploi c'est de je cite le Canard Enchainé « planquer les chômeurs ». Qu'est-ce que vous répondez au Canard Enchainé ?
CLOTILDE VALTER
Je réponds que cet article est plutôt, est caricatural, je pense. Je pense que s'il suffisait que l'Etat ou que le gouvernement actionne Pôle emploi pour que la courbe du chômage s'inverse ou évolue de façon considérable, je pense que ça se saurait et il y aurait d'autres gouvernements qui l'auraient fait depuis très longtemps. Je pense que, en plus, c'est méconnaitre ce qu'est ce plan 500 000 formations, puisque ce plan 500 000 formations fonctionne sur la base du quadripartisme, c'est-à-dire que ce sont les régions qui ont signé des conventions avec l'Etat, ce sont elles qui ont la compétence en matière de formation professionnelle, il y a 18 conventions qui ont été signées, il y a une seule région, Rhône-Alpes-Auvergne, qui n'a pas signé avec l'Etat, donc c'est elles qui ont la main sur le dispositif. Deuxièmement, nous travaillons...
RENAUD PILA
Donc, comme il y a plusieurs acteurs, il ne peut pas y avoir de favoritisme ou de...
CLOTILDE VALTER
Tout à fait. Et de la même façon, donc, elles travaillent avec l'Etat, mais aussi il y a un acteur qui est majeur, que sont les partenaires sociaux, et qui sont extrêmement vigilants sur la qualité des formations. Et deuxièmement, moi je tiens à souligner la qualité de la façon dont ce plan a été préparé et mis en oeuvre dans les régions, puisque les services de l'Etat, des régions, et les acteurs économiques, les partenaires sociaux, ont travaillé sur les territoires, à faire un diagnostic des besoins de formation des entreprises, au plus près du terrain, et donc...
RENAUD PILA
Mais alors, ce qu'on pointe souvent pardon de vous couper ce qu'on pointe souvent, c'est que beaucoup de chômeurs s'inscrivent dans les formations, et soit n'y vont pas, soit, notamment, un sur trois, parait-il, ne termine pas sa formation. Ces chiffres sont quand même sévères.
CLOTILDE VALTER
Je pense que la France, globalement, a un problème avec la formation, et c'est vrai qu'il nous faut convaincre, et ça je pense que c'est une action de long terme, que la formation permet d'accéder plus rapidement à l'emploi. Et c'est vrai que les demandeurs d'emploi sont souvent les moins qualifiés, les moins adaptés à l'emploi. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'une formation supplémentaire leur permet de mieux répondre aux besoins des entreprises, et si on a lancé ce plan, si le président de la République a pris cette initiative, c'est qu'il y avait déjà des initiatives comparables, qui avaient été prises par Michel SAPIN, avec un plan, d'abord, de 30 000 formations supplémentaires, puis de 100 000, et que son plan avait montré son efficacité, c'est-à-dire un retour plus rapide des demandeurs d'emploi vers l'activité professionnelle.
RENAUD PILA
Ce sont les demandeurs d'emploi les moins qualifiés, qui ont fait le moins d'études, qui sont les plus difficiles à convaincre sur la formation, il y a un rapport compliqué à la formation ?
CLOTILDE VALTER
Je pense qu'il y a un rapport compliqué à la formation...
RENAUD PILA
Pourquoi ?
CLOTILDE VALTER
Parce qu'il y a leur parcours de vie, quelquefois un échec scolaire, et lorsque l'on a été longtemps dans une activité dans une entreprise, qu'on a eu une carrière longue dans une entreprise, qu'on est licencié, qu'on a eu une rupture, il y a un deuil et il y a aussi un doute sur sa capacité de faire autre chose que ce qu'on a fait pendant des années.
RENAUD PILA
Une impression, un peu, de retourner à l'école, quelque part on n'a pas envie de retourner à l'école.
CLOTILDE VALTER
Et l'impression surtout, effectivement, quand on vous le demande, de retourner à l'école. Donc il faut convaincre que la formation est un moyen de retour à l'emploi très rapide, et c'est ce à quoi nous nous attachons avec Myriam El KHOMRI.
RENAUD PILA
Il y a le nombre de formation, le nombre de personnes à former, mais il y a également la qualité de la formation. Alors, on voit par exemple qu'en Allemagne, les organismes de formation sont rémunérés aux résultats, il faut qu'ils arrivent à avoir des résultats et placer les chômeurs. Est-ce que les organismes de formations en France sont rémunérés aux résultats ? Est-ce que cette mesure peut être souhaitable ?
CLOTILDE VALTER
On n'a pas un système qui fonctionne de la même façon qu'en Allemagne, sauf qu'il y a eu une réforme très importante qui a été conduite en 2014 par Michel SAPIN, et là on a inversé, je dirais, la logique de la formation. Avant, c'était l'entreprise qui préparait un plan de formation et quelque part qui imposait ou du moins influençait fortement les salariés dans les formations qu'ils suivaient, là, on décide, on a décidé, et c'était inscrit dans la loi, que la personne est l'acteur, c'est-à-dire décide de sa propre formation.
RENAUD PILA
Il y a une démarche plus personnelle.
CLOTILDE VALTER
Et c'est vrai, il y a une démarche, et il y a une démarche qui s'inscrit dans des souhaits, dans la volonté de s'orienter, dans les choix que l'on fait, et qui permet surtout, à chacun, d'être mieux dans son travail, dans sa formation, de choisir, et par conséquent, c'est là où les organismes de formation sont remis en question, parce qu'ils n'ont plus, je dirais, des prestations en quantités importantes pour des entreprises, mais ils doivent répondre à des demandes individuelles. Et ça change la logique du système et ça permet de mieux adapter là aussi à l'emploi et de mieux permettre la montée en qualification.
RENAUD PILA
Clotilde VALTER, autre dossier, cette fameuse loi travail, des mois de manifestations, des mois de conflit social. Les députés frondeurs socialistes ont déposé un recours devant le Conseil constitutionnel, il doit donner sa décision dans les heures qui viennent, parait-il demain. Est-ce que vous êtes optimiste sur la décision du Conseil constitutionnel ?
CLOTILDE VALTER
Ecoutez, le Conseil constitutionnel, délibère, je dirais, en toute indépendance et selon les critères qui lui sont propres, et donc le gouvernement, moi-même et Myriam El KHOMRI, faisons confiance au Conseil constitutionnel qui va faire son travail et qui fera...
RENAUD PILA
Vous avez regretté ce recours des frondeurs socialistes, qui sont quand même vos camarades, qui sont socialistes ?
CLOTILDE VALTER
Oui, mais en même temps, tout député et tout sénateur peut saisir le Conseil constitutionnel, donc là aussi, il faut aussi respecter le Parlement, respecter les parlementaires, et c'est ce que nous faisons, ce que nous avons fait.
RENAUD PILA
Si la loi passe l'obstacle du Conseil constitutionnel, il faudra encore qu'elle soit publiée au Journal Officiel, ses dispositions devront être appliquées. Quand seront-elles appliquées et laquelle sera appliquée en premier ? Certaines c'est en 2017, on voit que c'est long, toujours, de mettre en application une loi, quelle dispositions seront les premières appliquées ?
CLOTILDE VALTER
Je pense que sur la promulgation, je crois que c'est le président de la République qui en décide, et je n'ai aucun doute sur le fait qu'il promulguera la loi après que le Conseil constitutionnel a rendu sa décision. Ensuite, sur la mise en oeuvre...
RENAUD PILA
Concrètement, il y a eu tellement de débats sur la loi travail, que les gens ne savent même plus trop ce qu'il y a dedans. Quel est le point qui sera le premier appliqué ?
CLOTILDE VALTER
Il y a toute une série de dispositions qui s'appliqueront immédiatement, et ensuite il y aura des dispositions, quand même, là aussi, qui sont soumises à des procédures de consultation, d'instances, et qui de ce fait peuvent prendre du temps. Mais là-dessus, le président de la République a donné à Myriam El KHOMRI et à moi-même, des orientations extrêmement fermes, c'est-à-dire de faire en sorte que la loi soit appliquée le plus vite possible et selon le calendrier le plus serré possible, et c'est ce à quoi nous allons nous attacher.
RENAUD PILA
Elle aura des effets directs, cette loi, sur l'emploi, sur la réduction du chômage ?
CLOTILDE VALTER
Je pense qu'elle va surtout permettre d'adapter le fonctionnement... de s'adapter localement à l'activité et aux contraintes liées aux entreprises. Notre réseau d'entreprises est un réseau de PME, de TPE, nous connaissons tous cela dans nos territoires, et c'est vrai que les entreprises, mais aussi les salariés, quand on rencontre des PME, TPE, elles ont besoin de pouvoir s'adapter sur une commande, sur un marché, et en même temps je voudrais rappeler qu'il y a, ces accords d'entreprise, il y en a entre 35 et 40 000 chaque année, et qu'ils sont signés par tous les syndicats, y compris ceux qui... la plupart des syndicats, et que ceux qui se sont le plus opposés à la loi, sont signataires entre 70 et 80 % de ces accords d'entreprise. Donc je crois que c'est s'adapter et donner la possibilité de s'adapter.
RENAUD PILA
Un peu plus de souplesse, s'adapter.
CLOTILDE VALTER
Mais en même temps, nous avons voulu, dans ce texte, des protections pour les salariés, le monde du travail évolue et il y a besoin, à travers la formation, à travers le compte personnel d'activité, de donner aux salariés des garanties et des protections supplémentaires, pour faire face à cette économie nouvelle.
RENAUD PILA
Clotilde VALTER, une dernière question, plus politique, sur votre collègue de Bercy, Emmanuel MACRON. Il a fait un meeting au mois de juillet, il annonce une tournée en France à partir de début septembre, à la rencontre des Français, en quasi-candidat. Franchement, les Français n'y comprennent plus grand-chose, et vous ? Il est ministre ou il n'est pas ministre ?
CLOTILDE VALTER
Eh bien Emmanuel MACRON est incontestablement membre du gouvernement, il est ministre de l'Economie et des Finances, il fait son travail...
RENAUD PILA
Ça vous choque ce parcours ?
CLOTILDE VALTER
Je pense qu'il y a deux éléments. Emmanuel MACRON est un atout, incontestablement, pour le gouvernement, et il est très reconnu sur le secteur d'activité dont il a la charge, en même temps, c'est vrai qu'il est souhaitable qu'il s'inscrive dans le collectif. Un gouvernement, c'est un collectif, une majorité, c'est un collectif.
RENAUD PILA
C'est terminé. Clotilde VALTER, merci beaucoup d'avoir été avec nous ce matin sur LCI.
CLOTILDE VALTER
Merci, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2016