Texte intégral
Monsieur le Questeur,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire d'emblée toute ma satisfaction pour la tenue, au Sénat, sous le patronage du Questeur Claude Huriet, de ce colloque, organisé par Handicap International, et destiné à marquer l'entrée en vigueur de la convention d'Ottawa relative à l'interdiction des mines antipersonnel.
Les mines antipersonnel révoltent la conscience humaine. Elles tuent, elles blessent, elles mutilent, lâchement, des civils, des enfants, fauchés dans leur élan juvénile et innocent, des habitants de villages, déjà marqués par les horreurs de la guerre.
Les images de corps mutilés, amputés, défigurés ont beaucoup contribué, ces dernières années, à la prise de conscience de la barbarie et de l'injustice de ces engins, comme de l'impérieuse nécessité de lutter contre ce fléau.
Des contrées entières sont, à ce jour, interdites d'accès, de surcroît dans les théâtres des conflits les plus impitoyables de ces dernières années. Au Cambodge, en Angola, au Nicaragua, en Afghanistan, au Laos, au Mozambique, la vie et l'intégrité physique et morale de milliers d'êtres humains sont encore quotidiennement mises en danger par l'existence de la plus lâche des armes, celle qui nuit encore des jours, des semaines, des années après avoir été mise en place et oubliée.
Si l'on cherche aujourd'hui à faire le point de la lutte contre les mines antipersonnel, on peut à la fois se féliciter de l'ampleur et de l'importance des dispositions, internationales et nationales, prises pour les interdire, et constater l'immensité de la tâche restant à accomplir.
La convention d'Ottawa, signée en décembre 1997, entrera en vigueur le 1er mars prochain. Elle est le fruit d'une mobilisation volontariste de nombreuses organisations non gouvernementales et de certains Etats, au premier rang desquels je salue le Canada. Elle s'inscrit dans la continuité d'autres instruments internationaux, moins contraignants, qui se sont succédé depuis un premier protocole datant de 1980. Elle a fait l'objet de négociations ardues, qui ont conjugué, pour la première fois dans l'histoire des relations internationales, l'action et les efforts de gouvernements et d'associations humanitaires. Cette convention innove, en ce qu'elle interdit, sans exception ni ambiguïté, l'emploi, la mise au point, la production, le stockage et le transfert des mines antipersonnel.
Alors que plus de soixante Etats ont déjà ratifié ce texte moins de 18 mois après sa signature, je regrette de constater qu'une douzaine d'Etats, et non des moindres, n'ont pas adhéré à la convention et que près de cinquante Gouvernements n'ont pas encore fait connaître leur volonté de se sentir liés par ses stipulations. Convaincu que l'universalité d'un tel engagement constitue une condition essentielle de la réalité de sa portée, je lance très solennellement un appel pour que tous les Etats s'engagent résolument dans la voie de l'interdiction totale des mines antipersonnel.
La France, qui est devenue un ardent défenseur de cette cause, a contribué activement aux négociations d'Ottawa. Elle a été le premier membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies à ratifier, l'été dernier, la convention. Concomitamment, elle a adopté en droit interne des dispositions législatives assortissant de sanctions pénales les éventuelles violations de la convention d'Ottawa. Les décrets d'application de cette loi sont quasiment prêts et entreront en vigueur dans les tout prochains mois ; la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, où siégeront notamment deux sénateurs, sera alors mise en place. Enfin et surtout, la France a d'ores et déjà entamé la destruction de son stock de mines, laquelle se poursuit à un rythme permettant d'atteindre d'ici la fin de l'an 2000 l'objectif de destruction complète.
Mais il reste encore beaucoup à faire pour éliminer les immenses quantités de mines qui polluent la surface de la terre .
Un éminent officier général français a observé que le déminage relevait de la responsabilité des autorités civiles et non militaires. En pratique, l'immense travail de localisation des champs de mines, de destruction des engins, d'apprentissage du danger des mines, de formation des démineurs, de suivi médical et psychologique des blessés, incombe aux organisations non gouvernementales. Celles-ci sont souvent présentes sur le front des mines depuis de nombreuses années ; c'est la cas d'Handicap International, qui a entamé son combat en 1982. La tenue, au Sénat, de ce colloque, est pour moi l'occasion de rendre, à titre personnel comme au nom de l'institution sénatoriale, un hommage particulièrement appuyé à cette courageuse et persévérante association.
Mais le déminage ne doit pas se limiter à la destruction des mines qui, fût-elle réalisée, ne saurait suffire. Il faut encore que soit rendu possible le retour à la normale, et assurées la réinstallation des habitants sur leur lieu de vie, la réappropriation de leur environnement par les populations, la reconversion d'un champ de mines en cultures et en activités économiques.
Ce phénomène de globalisation du déminage et de son suivi est coûteux en temps, en termes financiers et en investissement humain. C'est pourquoi la continuité de l'aide aux organisations non gouvernementales auxquelles incombe le déminage est vitale et si importante. Tout d'abord, elles doivent continuer de recevoir l'appui de l'opinion publique, dont seuls l'engagement et le dévouement permettent de faire progresser une cause si vaste. Elles ont également besoin de relais emblématiques et mobilisateurs, venant d'horizons aussi différents que la défunte Princesse de Galles, MM. Xavier Emmanuelli et David Ginola. Il leur faut également le soutien actif et solide des Gouvernements. Je formule donc le souhait que les opérations de déminage entreprises par les organisations non gouvernementales, et au premier chef par Handicap International, bénéficient de moyens accrus de la part du budget de coopération du ministère des affaires étrangères.
C'est précisément sur ce terrain de la sensibilisation que ce type de colloque trouve toute son utilité. En effet, il permet la rencontre, le dialogue et les échanges entre tous les acteurs de la lutte contre les mines antipersonnel : membres du mouvement associatif, humanitaires, médecins, représentants des Etats et des organisations internationales, diplomates et militaires.
Je souhaite donc la bienvenue aux participants à notre réunion de ce matin et adresse mes chaleureuses félicitations et mon amical soutien au Questeur Huriet qui en a une nouvelle fois pris l'initiative. Je salue à cette occasion son action inlassable, qui s'inscrit depuis de nombreuses années, au service d'une cause aussi noble, urgente et indispensable que la réalisation d'un monde sans mines antipersonnel.
Je vous remercie et souhaite plein succès à vos travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 8 juin 1999)
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de vous dire d'emblée toute ma satisfaction pour la tenue, au Sénat, sous le patronage du Questeur Claude Huriet, de ce colloque, organisé par Handicap International, et destiné à marquer l'entrée en vigueur de la convention d'Ottawa relative à l'interdiction des mines antipersonnel.
Les mines antipersonnel révoltent la conscience humaine. Elles tuent, elles blessent, elles mutilent, lâchement, des civils, des enfants, fauchés dans leur élan juvénile et innocent, des habitants de villages, déjà marqués par les horreurs de la guerre.
Les images de corps mutilés, amputés, défigurés ont beaucoup contribué, ces dernières années, à la prise de conscience de la barbarie et de l'injustice de ces engins, comme de l'impérieuse nécessité de lutter contre ce fléau.
Des contrées entières sont, à ce jour, interdites d'accès, de surcroît dans les théâtres des conflits les plus impitoyables de ces dernières années. Au Cambodge, en Angola, au Nicaragua, en Afghanistan, au Laos, au Mozambique, la vie et l'intégrité physique et morale de milliers d'êtres humains sont encore quotidiennement mises en danger par l'existence de la plus lâche des armes, celle qui nuit encore des jours, des semaines, des années après avoir été mise en place et oubliée.
Si l'on cherche aujourd'hui à faire le point de la lutte contre les mines antipersonnel, on peut à la fois se féliciter de l'ampleur et de l'importance des dispositions, internationales et nationales, prises pour les interdire, et constater l'immensité de la tâche restant à accomplir.
La convention d'Ottawa, signée en décembre 1997, entrera en vigueur le 1er mars prochain. Elle est le fruit d'une mobilisation volontariste de nombreuses organisations non gouvernementales et de certains Etats, au premier rang desquels je salue le Canada. Elle s'inscrit dans la continuité d'autres instruments internationaux, moins contraignants, qui se sont succédé depuis un premier protocole datant de 1980. Elle a fait l'objet de négociations ardues, qui ont conjugué, pour la première fois dans l'histoire des relations internationales, l'action et les efforts de gouvernements et d'associations humanitaires. Cette convention innove, en ce qu'elle interdit, sans exception ni ambiguïté, l'emploi, la mise au point, la production, le stockage et le transfert des mines antipersonnel.
Alors que plus de soixante Etats ont déjà ratifié ce texte moins de 18 mois après sa signature, je regrette de constater qu'une douzaine d'Etats, et non des moindres, n'ont pas adhéré à la convention et que près de cinquante Gouvernements n'ont pas encore fait connaître leur volonté de se sentir liés par ses stipulations. Convaincu que l'universalité d'un tel engagement constitue une condition essentielle de la réalité de sa portée, je lance très solennellement un appel pour que tous les Etats s'engagent résolument dans la voie de l'interdiction totale des mines antipersonnel.
La France, qui est devenue un ardent défenseur de cette cause, a contribué activement aux négociations d'Ottawa. Elle a été le premier membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies à ratifier, l'été dernier, la convention. Concomitamment, elle a adopté en droit interne des dispositions législatives assortissant de sanctions pénales les éventuelles violations de la convention d'Ottawa. Les décrets d'application de cette loi sont quasiment prêts et entreront en vigueur dans les tout prochains mois ; la commission nationale pour l'élimination des mines antipersonnel, où siégeront notamment deux sénateurs, sera alors mise en place. Enfin et surtout, la France a d'ores et déjà entamé la destruction de son stock de mines, laquelle se poursuit à un rythme permettant d'atteindre d'ici la fin de l'an 2000 l'objectif de destruction complète.
Mais il reste encore beaucoup à faire pour éliminer les immenses quantités de mines qui polluent la surface de la terre .
Un éminent officier général français a observé que le déminage relevait de la responsabilité des autorités civiles et non militaires. En pratique, l'immense travail de localisation des champs de mines, de destruction des engins, d'apprentissage du danger des mines, de formation des démineurs, de suivi médical et psychologique des blessés, incombe aux organisations non gouvernementales. Celles-ci sont souvent présentes sur le front des mines depuis de nombreuses années ; c'est la cas d'Handicap International, qui a entamé son combat en 1982. La tenue, au Sénat, de ce colloque, est pour moi l'occasion de rendre, à titre personnel comme au nom de l'institution sénatoriale, un hommage particulièrement appuyé à cette courageuse et persévérante association.
Mais le déminage ne doit pas se limiter à la destruction des mines qui, fût-elle réalisée, ne saurait suffire. Il faut encore que soit rendu possible le retour à la normale, et assurées la réinstallation des habitants sur leur lieu de vie, la réappropriation de leur environnement par les populations, la reconversion d'un champ de mines en cultures et en activités économiques.
Ce phénomène de globalisation du déminage et de son suivi est coûteux en temps, en termes financiers et en investissement humain. C'est pourquoi la continuité de l'aide aux organisations non gouvernementales auxquelles incombe le déminage est vitale et si importante. Tout d'abord, elles doivent continuer de recevoir l'appui de l'opinion publique, dont seuls l'engagement et le dévouement permettent de faire progresser une cause si vaste. Elles ont également besoin de relais emblématiques et mobilisateurs, venant d'horizons aussi différents que la défunte Princesse de Galles, MM. Xavier Emmanuelli et David Ginola. Il leur faut également le soutien actif et solide des Gouvernements. Je formule donc le souhait que les opérations de déminage entreprises par les organisations non gouvernementales, et au premier chef par Handicap International, bénéficient de moyens accrus de la part du budget de coopération du ministère des affaires étrangères.
C'est précisément sur ce terrain de la sensibilisation que ce type de colloque trouve toute son utilité. En effet, il permet la rencontre, le dialogue et les échanges entre tous les acteurs de la lutte contre les mines antipersonnel : membres du mouvement associatif, humanitaires, médecins, représentants des Etats et des organisations internationales, diplomates et militaires.
Je souhaite donc la bienvenue aux participants à notre réunion de ce matin et adresse mes chaleureuses félicitations et mon amical soutien au Questeur Huriet qui en a une nouvelle fois pris l'initiative. Je salue à cette occasion son action inlassable, qui s'inscrit depuis de nombreuses années, au service d'une cause aussi noble, urgente et indispensable que la réalisation d'un monde sans mines antipersonnel.
Je vous remercie et souhaite plein succès à vos travaux.
(Source http://www.senat.fr, le 8 juin 1999)