Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la culture de l'engagement et le partage des pratiques culturelles, Paris le 13 juillet 2016.

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Face au sentiment d'exclusion sociale que partagent certains de nos concitoyens issus des quartiers prioritaires, nous devons apporter des réponses en termes d'emploi, de logement, de rénovation urbaine.
Ce sont là les sujets lourds, les sujets classiques de la politique de la ville. Aussi indispensables soient ces réponses, elles ne sont pas suffisantes.
Elles ne permettent pas à elles seules de restaurer l'idée d'un projet commun, d'un destin commun, c'est-à-dire l'idée que nous sommes une nation et qu'à ce titre nous sommes liés les uns les autres.
Pour cela, pour bâtir une société de cohésion, nous avons besoin de symboles.
Je crois qu'un symbole fort pour notre pays est celui de l'engagement des citoyens.
Que des citoyens trouvent le temps et l'énergie de se consacrer aux autres, d'aider leurs semblables, et ce faisant leur pays, est pour moi un formidable motif d'optimisme.
C'est ainsi que l'on donne de la chair à cette si belle, mais parfois si abstraite, notion de fraternité.
Aussi, le Gouvernement s'attèle-t-il à diffuser une véritable culture de l'engagement, dès l'école et tout au long de la vie.
Je me réjouis d'ailleurs de l'adoption du projet de loi Egalité Citoyenneté en première lecture à l'Assemblée Nationale la semaine dernière. La promotion de l'engagement en est un thème central.
Le sport est lui aussi véhicule de symboles.
Nous en avons eu une démonstration éclatante avec l'Euro qui vient de se terminer.
Les paroles de Didier Deschamps, les gestes de joie des Bleus, la liesse des supporters, tout cela génère le sentiment d'avoir quelque chose en commun.
Quand Moussa Sissoko retourne sans sa ville d'Aulnay-sous-Bois pour remercier ses soutiens, l'émotion n'est pas feinte, la conscience d'être ensemble palpable.
Et bien sûr – c'est ce qui nous réunit aujourd'hui – une autre activité qui produit ces précieux symboles, dont c'est même la vocation pour ne pas dire la définition, c'est la culture.
Ne pas pouvoir accéder à ces symboles, c'est une forme d'exclusion en tant que telle. Elle se cumule parfois à d'autres, et c'est le rôle de la puissance publique que de la combattre.
Pour qu'on ne retrouve pas toujours les mêmes populations dans les musées, dans les salles de concert, dans les bibliothèques, nous devons intervenir avec volontarisme.
Il s'agit à la fois d'amener le public vers les œuvres et les œuvres vers le public. Ce double mouvement est facile à énoncer, difficile à réaliser.
Il s'agit de sortir des stéréotypes et des habitudes.
La culture urbaine est une richesse, et je me félicite qu'avec Audrey Azoulay nous ayons pu organiser les rendez-vous du Hip Hop que nous allons pérenniser.
Mais cette forme d'expression artistique n'est pas la seule à avoir droit de cité dans nos quartiers.
A une jeunesse qui se heurte parfois violemment au « désenchantement du monde », nous devons au contraire offrir des occasions multiples et diverses de s'émerveiller.
C'est avec cette ambition qu'un volet « culture » est désormais inscrit dans plus de 400 contrats de villes.
Je veux ici saluer le travail de la préfecture d'Ile-de-France qui a permis le jumelage des 22 Zones de Sécurité Prioritaire d'Ile de France avec plusieurs institutions culturelles.
J'encourage également les établissements culturels à poursuivre leurs efforts dans la mise en place de conventions favorisant l'accès pour les habitants des territoires prioritaires.
La convention signée aujourd'hui est née de la collaboration entre la préfecture d'Île-de-France, le Ministère de la Culture et de la Communication, le Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et trois institutions culturelles historiques : la Bibliothèque Nationale de France (BNF), l'Opéra de Paris et la Philharmonie.
Trois institutions qui sont trop souvent perçues comme représentatives d'une culture parisienne, bourgeoise, élitiste, par les jeunes habitants des quartiers populaires.
Or, les trésors qu'elles recèlent ou qu'elles mettent en scène, sont des points de passage vers l'universalité.
Nous devons démontrer que l'intellectuel n'est pas nécessairement abstrait ni le raffiné, confidentiel.
Au-delà de la portée symbolique de cette démarche, je veux souligner l'exigence qui doit être la nôtre dans la mise en œuvre effective de ces partenariats.
Nous devons notamment veiller à deux principes :
- Le principe d'un appariement systématique entre les établissements publics culturels et contrats de ville formalisant les démarches de médiation et d'accès à l'offre culturelle développée par les établissements.
- L'implication des établissements d'enseignement supérieur « culture » dans les quartiers notamment par leur inscription dans les démarches des « filières d'excellence »
Avec Hélène Geoffroy, secrétaire d'Etat à la Ville, nous travaillons également à élaborer des actions complémentaires telles que :
- l'ouverture de grands musées aux centres de loisirs de la périphérie de Paris avec des horaires réservés,
- l'élargissement des horaires de bibliothèques et médiathèques le soir et le week-end,
- les grandes commémorations qui mettent en valeur les réalisations culturelles des habitants,
- ou encore la mise en place de phases intermédiaires de chantiers qui permettent l'expression créative des citoyens.
Je profite de cette occasion pour annoncer la signature d'une prochaine convention entre les scènes marseillaises et le ministère de la Ville pour le développement de la culture dans les quartiers.
Il nous reste encore beaucoup à faire.
Nous en avons conscience, et nous en avons la volonté.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 25 juillet 2016