Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF et candidat à l'élection présidentielle, à TF1 le 27 novembre 2001, sur les raisons de sa candidature à l'élection présidentielle.

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Texte intégral

PATRICK POIVRE D'ARVOR
Et conquérir Paris et la Tour Eiffel, quand on vient de Navarre, c'était le rêve de François BAYROU qui, je vous le disais en titre, a officiellement annoncé sa candidature à l'élection présidentielle ce matin à Pau. Le président de l'UDF souhaite assurer la relève pour la France, et dénonce une absence de renouvellement à la tête du pays. François BAYROU, bonsoir, vous êtes avec nous, on voit bien ce qu'est le positionnement des principaux candidats à la présidentielle, mais qu'est-ce qui fait qu'on pourrait voter pour vous plutôt que pour Alain MADELIN ou Jacques CHIRAC, mais très précisément ?
FRANÇOIS BAYROU
Oh, c'est assez simple, Jacques CHIRAC, c'est une équipe dont tout le monde sait qu'elle a 25 ans, et je crois qu'elle ne se renouvellera pas.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Donc, c'est un vieux pour vous ?
FRANÇOIS BAYROU
Non, ça n'est pas une question d'âge, mais regardez la politique française, il y a des années et des années que chaque fois que les électeurs, à chaque élection, choisissent de sanctionner les sortants, ils n'ont d'autre choix que de remettre l'équipe précédente. En France, les sortants ne sortent jamais.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Oui, mais ça, c'est une question d'homme, les idées maintenant ?
FRANÇOIS BAYROU
Ils se contentent d'attendre tranquillement et ils reviennent la prochaine fois. Alors les idées maintenant, puisque, en effet c'est le plus important.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Qu'est-ce qui vous différencie d'eux par exemple ?
FRANÇOIS BAYROU
Je vais essayer de le dire très clairement. Premièrement, il faut installer la responsabilité dans la société française, c'est une société d'irresponsabilité, vous le savez très bien parce que vos électeurs vous le disent, chaque fois qu'ils cherchent un responsable.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Téléspectateurs là
FRANÇOIS BAYROU
Auditeurs et téléspectateurs. Chaque fois qu'ils cherchent un responsable pour proposer une idée ou pour obtenir une explication, on ne trouve jamais personne. Moi, je propose qu'on remette la responsabilité à tous les échelons
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Parce que vous n'êtes pas énarque, par exemple
FRANÇOIS BAYROU
Que le président de la République soit responsable, qu'il gouverne vraiment la France au lieu d'être spectateur, que le Parlement fasse son travail, que les élus locaux soient responsables, par exemple en matière de sécurité, c'est-à-dire que les Français puissent trouver une personne pour leur répondre si ça ne va pas ; ça, c'est une première idée. Ma deuxième idée, vous le savez bien, c'est qu'il faut bien qu'on clarifie la question de l'Europe, pour l'instant, elle ne l'est pas, je suis un européen.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Vous êtes plus européen que Jacques CHIRAC par exemple ?
FRANÇOIS BAYROU
Ah, je crois que oui, je suis européen et je défends
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Vous l'avez converti à vos idées peut-être ?
FRANÇOIS BAYROU
C'est très bien, mais pour l'instant, on n'en voit pas les résultats. Et je voudrais enfin que l'Etat agisse au lieu de parler. J'ai écouté plusieurs des reportages que vous venez de donner à l'instant, en France, pour se faire entendre, il n'y a qu'un moyen, c'est de descendre dans la rue. Tout à l'heure, ils étaient encore 7 000, les agents hospitaliers, vous le disiez, pourquoi ? Parce que personne ne vous écoute et personne ne vous entend si vous ne descendez pas dans la rue. Cette société
PATRICK POIVRE D'ARVOR
La question que je vous posais, c'est peut-être parce que vous n'êtes pas énarque, vous, et que ce sont des énarques qui nous gouvernent ?
FRANÇOIS BAYROU
Oui, je pense que ce sont des énarques qui nous gouvernent, dans chaque camp, chaque camp des grands partis
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Aussi bien Lionel JOSPIN que Jacques CHIRAC ?
FRANÇOIS BAYROU
Aussi bien Lionel JOSPIN que Jacques CHIRAC, que les Premiers ministres précédents, et ça donne une culture qui fait qu'on croit qu'on a raison à Paris, et qu'on n'écoute jamais ceux qui, sur le terrain, s'expriment et veulent vous parler, il faut que ça change. Et pour que ça change, il n'y a qu'une manière, c'est la relève, ce que j'appelle la relève, c'est-à-dire un changement d'équipe et un changement de méthodes. Et heureusement, les élections de 2002 viennent pour que ce combat soit mené, je veux le mener.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Alors " relève " justement, c'est le titre du livre que vous publiez demain. Mais est-ce que ce n'est pas plutôt relève pour 2007 que pour 2002, parce que vraiment, il faudrait un miracle pour que vous soyez au deuxième tour de l'élection, là ?
FRANÇOIS BAYROU
Je ne le crois pas. Il faut courir chaque course et mener chaque combat.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Même en partant de 4, 5 % des sondages ?
FRANÇOIS BAYROU
Même en partant bas, pour vous savez bien, quand on est outsider, quand on n'est pas favori, on part bas, et on se bat, et en se battant, on monte. Je suis persuadé que ce besoin de la France de changements, je crois que les Français sont exactement comme je suis, ils n'en peuvent plus d'entendre les mêmes mots, dans les bouches différentes d'un Parti ou de l'autre, regardez, on parle de sécurité, tout le monde dit, on se met en face de votre écran, on dit : tolérance zéro ! Eh bien, en réalité, c'est impunité 95 % Tout le monde le sait, personne ne le dit. Si on se fixe comme objectif d'agir au lieu de parler, de ne plus rester avec ces vieux mots qui, vraiment, nous encombrent les oreilles, il va falloir mener le combat, je suis décidé à le mener.
PATRICK POIVRE D'ARVOR
Je vous remercie François BAYROU
(source http://www.udf.org, le 29 novembre 2001)