Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui au forum Convergences, pour saluer l'engagement de femmes et d'hommes qui partagent une vision commune de la solidarité internationale et qui s'engagent en faveur d'un monde plus juste, plus durable et plus équitable.
Parmi vous, je vois de très nombreux jeunes. Je viens d'ailleurs de parcourir l'espace baptisé Youth We Can !. Cette présence de la jeunesse me réjouit, et je dois dire qu'elle conforte un optimisme que je retire de mes nombreux déplacements à l'étranger. Très souvent, en Afrique, en Asie, en Amérique, je rencontre des jeunes qui, comme vous, s'engagent pour faire bouger le monde. On entend parfois que les jeunes seraient égoïstes, passifs, matérialistes et pourtant, c'est bel et bien le contraire. Je salue votre mobilisation. La jeunesse est la boussole qui nous rappelle notre responsabilité envers les générations futures. Mais elle est surtout une incroyable source de dynamisme et d'audace à travers les solutions qu'elle invente. Notre rôle, c'est de l'aider à concrétiser cette audace. J'y reviendrai tout à l'heure.
Jamais la conscience des déséquilibres du monde n'a été aussi grande, jamais l'ambition de changer le monde pour le rendre plus juste et plus durable n'a été aussi partagée. Nous en avons été les témoins et les acteurs, l'an dernier avec la conclusion de deux accords historiques : l'accord de New York sur les objectifs du développement durable pour 2030, et l'accord de Paris sur le climat. Historiques, ces accords le sont d'abord par leur caractère universel, puisque chacun d'eux lie plus de 190 pays. Mais c'est surtout leur conception profondément novatrice qui, longtemps, marquera les esprits : fruit de longues négociations, très largement ouvertes, au-delà des États, à la société civile, aux territoires, aux acteurs économiques et sociaux, ces accords sont en rupture avec la vision traditionnelle du développement. Il ne s'agit plus de considérer celui-ci comme une voie à sens unique où les problèmes sont au Sud et les solutions au Nord. Il s'agit, pour la première fois, de reconnaître que nous sommes tous redevables de l'état critique de notre planète et que nous avons, ensemble, le pouvoir d'agir. À New York puis à Paris, pour la première fois, nous avons esquissé une voie partagée pour éradiquer l'extrême pauvreté, pour corriger les inégalités et pour protéger notre planète.
Des progrès décisifs ont été réalisés et pourtant, nous savons bien que ces accords peuvent rester lettre morte si nous ne nous attelons pas immédiatement, ardemment, à leur mise en oeuvre. C'est l'enjeu, dès à présent, de la ratification de l'accord de Paris. Sa ratification par les États-Unis et la Chine est évidemment une étape fondamentale, d'une part car ces pays sont les deux premiers émetteurs de carbone, d'autre part parce qu'elle ouvre la voie à une entrée en vigueur de l'accord à la fin de l'année. Le Parlement français a autorisé la ratification de l'accord. La France exhorte chaque État membre à faire de même, afin que l'Union européenne puisse le ratifier.
Au-delà, la lutte contre le changement climatique nécessite également d'accélérer la mobilisation des ressources promises. À cet égard, le président de la République a annoncé, lors du G20, la première émission d'obligations vertes par un État. Nous espérons que cet exemple sera suivi d'autres initiatives en ce sens.
L'urgence, c'est aussi de faire radicalement évoluer nos façons de produire, de consommer, de voyager, de nous nourrir et de nous soigner. Il nous faut apprendre à profiter des richesses de la planète tout en préservant son potentiel de régénération. Dans cette perspective, ce sont d'abord les moyens de financer les projets permettant de transformer notre modèle de croissance, que nous devons trouver.
La France se veut exemplaire à cet égard. Depuis 4 ans, le gouvernement a entrepris de rénover en profondeur notre politique de développement. C'est l'objet de la loi d'orientation et de programmation de 2014 et des stratégies thématiques qui en découlent. C'est aussi le sens de nos efforts pour renouer avec une trajectoire ascendante de notre aide publique au développement. L'an dernier, le président de la République a souhaité accroître à hauteur de 4 milliards d'euros supplémentaires par an d'ici 2020 l'activité de l'agence française de développement, dont la moitié dédiée au climat. Parallèlement, pour donner corps à notre priorité en faveur des plus fragiles, il a décidé d'allouer 400 millions supplémentaires par an d'ici 2020 sous forme de dons. La mise en oeuvre de ces engagements a commencé et sera confirmée lors du prochain budget qui sera présenté au Parlement pour 2017.
Ces moyens sont essentiels pour nous permettre d'intervenir dans les pays vulnérables ou en crise, et sur des thématiques sociales : santé, protection sociale, éducation et formation professionnelle. Ils permettent aussi de financer les actions des ONG françaises - à hauteur de 72 millions d'euros en 2016 contre 42 il y a quatre ans - et vous êtes bien placés pour savoir que les meilleurs projets ne peuvent aboutir que si leurs porteurs parviennent à les financer. Je vous invite donc à utiliser pleinement les possibilités offertes par l'AFD pour financer vos projets sur le terrain de l'humanitaire, du développement ou du combat pour les droits.
Comme je le disais à l'instant, la réalisation des objectifs du développement durable requiert une modification radicale de nos habitudes. C'est pourquoi l'innovation doit être au coeur de nos politiques de développement. Le rôle de la puissance publique, c'est de favoriser l'innovation partout où le potentiel existe. C'est ainsi que j'ai eu le grand plaisir d'inaugurer avant l'été, en compagnie de la ministre sénégalaise de la recherche, un campus de l'innovation pour la planète développé par l'Institut de recherche pour le développement. Ce campus se situe à Bondy, en Seine-Saint-Denis, dans un territoire dont on retient bien souvent les difficultés en occultant le potentiel incroyable de sa jeunesse multiculturelle. Ce campus est représentatif de notre approche, qui parie sur l'expertise de tous les acteurs : du secteur privé, du monde associatif, des ONG, mais aussi des entrepreneurs, des PME, des collectivités locales et des réseaux qui se tissent de plus en plus vite sur la toile.
Le numérique est, bien souvent, au coeur de ces innovations. Nous avons d'ailleurs lancé un plan d'action «Développement et Numérique» avec Orange, Babyloan et bien d'autres acteurs du secteur, afin de faire émerger son potentiel dans les pays en développement. Les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans les domaines de la santé, du secteur bancaire, mais aussi de l'éducation. Nous voyons depuis quelques années émerger les Massive Open Online Courses, les MOOC - des cours en ligne qui permettent de transmettre des savoirs à distance. Ce sont de formidables contenus pour accompagner le défi d'une éducation de qualité et pour tous.
Le numérique facilite aussi la participation des citoyens à l'action collective. C'est là un autre levier de développement. Nous accueillerons en décembre à Paris le sommet du Partenariat pour un gouvernement ouvert : près de 70 pays et de nombreuses organisations de la société civile réunis pour échanger autour de leurs expériences en matière de mise en ligne des données. Ces données permettent une plus grande transparence de la vie publique, une participation accrue des citoyens dans les processus décisionnels, et contribuent au renforcement de nos démocraties.
Le numérique est en passe de devenir un langage universel de la jeunesse. Et je voudrais justement dire un mot de ces jeunes qui s'engagent avec force, audace et foi en faveur de la solidarité internationale, et que nous devons accompagner dans leurs initiatives.
Au Sud comme au Nord, la jeunesse du monde est confrontée aux enjeux de l'entrée dans la vie adulte, de l'intégration sociale et économique, de la mobilité, de l'engagement citoyen.
Mais je pense tout particulièrement à ceux qui ont pris la route pour fuir la guerre, les désastres climatiques, au péril de leur vie, et qui se retrouvent dans un pays inconnu, dans un environnement inconnu et qu'ils doivent s'approprier. Pour la première fois depuis la Seconde guerre mondiale, il y a plus de 60 millions de réfugiés dans le monde. Et si je dis cela, c'est parce que c'est aussi vous qui trouverez les solutions pour les accueillir, vous qui aspirez à devenir des entrepreneurs sociaux.
Certains le font déjà, comme l'entreprise sociale SINGA qui favorise l'émergence d'espaces d'échanges et de collaborations entre réfugiés et sociétés d'accueil.
Il y a ces jeunes qui partent. Il y a aussi ceux qui restent, ceux qui demeurent dans les zones sensibles, qui luttent pour leur survie, pour se maintenir à un niveau de vie décent et qui voient les outils de leur émancipation tomber en ruine. C'est à eux que nous devons apporter notre soutien. Ces jeunes ont droit à l'éducation, qui est un puissant facteur d'intégration et de cohésion sociale et un rempart contre l'obscurantisme et le terrorisme.
Je pense cette fois au travail remarquable réalisé par l'entreprise sociale Kiron, basée outre-Rhin mais qui se développe en France, et qui a créé une «Université internationale pour les réfugiés» leur permettant de conserver un accès à l'éducation.
La jeunesse est donc confrontée à des défis sans précédent. Mais elle est aussi impatiente de s'engager pour les relever. Les jeunes veulent devenir des acteurs du changement. C'est tout l'intérêt des dispositifs de volontariat et de mobilité qui favorisent l'autonomie des jeunes et leur insertion dans la société, et leur permettent de contribuer au débat public.
Le plan «Priorité Jeunesse» du gouvernement prévoit ainsi de favoriser la mobilité des jeunes Français ayant le moins d'opportunités de départ : les jeunes gens peu diplômés, résidant en zones rurales ou dans des quartiers prioritaires. L'enjeu est d'améliorer leurs conditions afin qu'ils réussissent, en les accompagnant vers l'autonomie et l'insertion professionnelle.
Le ministère des affaires étrangères et ses opérateurs contribuent à cette priorité à travers des dispositifs tels que les chantiers de jeunes qui permettent à des groupes de jeunes Français d'en rencontrer d'autres autour de la réalisation de projets de solidarité internationale à l'étranger, ou les missions de volontariat de solidarité internationale dans les pays en développement. C'est aussi le cas avec le volontariat international en entreprises ou dans les ambassades et les Instituts français ou encore l'apprentissage, y compris dans les directions dites «politiques» du Quai d'Orsay. Au total, à travers le service civique, ce sont plus de 1.000 volontaires qui se sont engagés, l'an dernier, dans plus de 90 pays à travers le monde pour des missions d'intérêt général.
Il y a donc beaucoup de possibilités offertes aux jeunes Français de s'ouvrir au monde - que ce soit pour aider, pour apprendre, ou pour acquérir une expérience professionnelle. Je souhaite que ces opportunités soient mieux connues de tous les jeunes et deviennent plus accessibles, y compris aux moins privilégiés. J'ai demandé à mes services de travailler en ce sens.
Le Forum Convergences et votre présence ici témoignent de l'engagement d'acteurs de plus en plus nombreux en faveur des questions de développement et de solidarité internationale. Je suis convaincu de la richesse des identités plurielles qui dialoguent et se mélangent, convaincu des apports mutuels des acteurs du secteur public, du monde de l'entreprise, de la société civile, du monde académique et des médias. Vos apports favorisent le dialogue, ouvrent à la découverte de l'altérité et contribuent à l'innovation pour un monde plus juste et durable. Nous pouvons être fiers de la contribution de la France, et en particulier de sa jeunesse, dans la lutte contre la pauvreté et pour la préservation de l'environnement. Merci de chercher ainsi à faire la différence et de montrer le vrai visage de la France, une France fidèle à ses valeurs, qui refuse la résignation et le repli et qui veut porter haut son message universel de paix, de solidarité et de fraternité.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 septembre 2016