Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur le changement progressif de la monnaie fiduciaire avant le passage à la monnaie scripturale : pièces et billets en euros, Paris le 10 juillet 2001.

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Circonstance : Clôture de la conférence Euro organisée par la Banque de France à Paris le 10 juillet 2001

Texte intégral


CLÔTURE DE LA CONFÉRENCE EURO ORGANISÉE
PAR LA BANQUE DE FRANCE
Intervention de M. Laurent FABIUS,
Ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie
10 JUILLET 2001
Madame la présidente de la Commission économique et monétaire du Parlement européen,
Monsieur le président de la Banque centrale européenne,
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes à 175 jours du 1er janvier 2002. Avec l'attrait propre aux nombres ronds, c'est cette date du 1er janvier que la plupart de nos concitoyens ont retenu pour le passage complet à l'euro. En réalité - et c'est une première idée que je veux souligner - il s'agit là de l'aboutissement d'un processus et non de son origine. Nous devons vite communiquer ce sentiment à ceux de nos concitoyens qui auraient tendance à attendre la fin du compte à rebours.
Les travaux du conseil économique et financier qui s'est tenu à Bruxelles, et dont je reviens à l'instant, ne m'ont pas permis d'être plus tôt parmi vous. Je vous prie de m'en excuser. Je sais la qualité des travaux de cette Conférence euro qui, comme celles qui se sont déjà tenues ou se tiendront dans les autres pays de la zone euro, s'insère dans la campagne d'information des banques centrales de l'Eurosystème sur le passage complet à l'euro et le retrait de nos monnaies nationales.
Cette réunion, strictement comprise, concerne le changement de nos monnaies fiduciaires, l'introduction réussie des pièces et billets en euros, ainsi que la campagne d'information de l'Eurosystème, centrée autour de la reconnaissance matérielle des nouveaux instruments de paiement.
Avant même l'euro fiduciaire, pendant la préparation de son arrivée, par notamment les pouvoirs publics, les banques, les transporteurs de fonds et les commerçants, il doit y avoir une spectaculaire progression de l'euro scriptural c'est-à-dire, pour tous, de l'usage des chèques en euros ainsi que des paiements par cartes. C'est cette progression que nous nous efforçons d'obtenir. Elle suppose la mise à disposition en grand nombre des moyens de paiement en euros, la généralisation de leur acceptation et le réflexe chez nos concitoyens d'y avoir recours. Nous nous sommes engagés en France de manière résolue dans cette direction pour deux raisons :
le passage à l'euro fiduciaire est une opération suffisamment complexe pour ne pas devoir y mêler un retrait du franc scriptural mal préparé. L'apprentissage d'automatismes nouveaux à une aussi large échelle ne se fera sans doute pas sans erreurs, il faut donc éviter que cela se produise dans le même temps que le retrait des pièces et billets en francs.
en outre, construire un nouvel espace monétaire prend du temps, apprendre à s'y mouvoir à l'aise aussi. L'utilisation anticipée de l'euro (chèques et cartes) est le meilleur instrument pédagogique. C'est une deuxième idée que je veux souligner.
Vous avez abordé la question des pièces et des billets nouveaux, et notamment celle de la pré-alimentation des banques et des établissements assimilés. Puis, dans un second temps, celle des commerces et des autres entités concernées, c'est-à-dire de tous ceux qui auront besoin de rendre la monnaie dès le 1er janvier 2002. J'observe que parmi ceux-ci, on trouve aussi des gens qui ne sont pas des commerçants : je pense à des personnes aussi diverses que les infirmières libérales ou encore les gardiens de HLM qui reçoivent des paiements de loyers en espèces. C'est un sujet de première importance, dont dépend en grande partie le retrait ordonné des francs, notamment celui des dizaines de milliers de tonnes de pièces.
Chaque entreprise et chaque commerçant fait et devra faire ses prévisions avec justesse pour ses besoins. Prévoir trop large, c'est mettre les autres en difficulté à travers des risques de pénurie, et rajouter au retour des francs début 2002, le retour des euros qu'un excès de prudence aura d'abord fait stocker, puis qu'un souci de bonne gestion fera ensuite renvoyer. Prévoir trop serré, ce serait courir le risque de la panne, et celle-ci peut être contagieuse. Il faut donc prévoir juste.
Les questions posées sont aussi des questions de sécurité. Vous savez l'attention que nous y portons, le caractère exceptionnel de cette opération exigeant une réalisation à la hauteur de la conception. Nos meilleurs efforts sont engagés dans cette affaire, pour laquelle la police, la gendarmerie et en France les forces armées vont collaborer plusieurs mois durant.
Dans ce contexte, outre les campagnes que les pouvoirs publics français ont réalisées et réaliseront, il y a l'importante campagne que le système européen des banques centrales va engager à partir du 30 août prochain sur la monnaie fiduciaire, sa reconnaissance matérielle, sa bonne acceptation par tous. C'est une autre idée sur laquelle j'insiste : nos concitoyens souhaitent qu'on leur montre les billets et les pièces, en tout cas à quoi ils vont ressembler. Désormais, c'est essentiel et nous allons le faire.
Dans un domaine où doivent primer la subsidiarité et la décentralisation, les nouveaux instruments de paiement sont ce que nous avons de plus profondément commun. Il importait donc que la campagne d'information le fasse éprouver par chacun et, pour cela, qu'elle soit menée à l'échelle de la zone euro tout entière -et même à l'extérieur puisqu'il s'agit de ne pas ignorer que l'euro sera aussi utilisé à l'extérieur de la zone euro.
Le paradoxe est qu'il sera question des pièces et des billets après que l'on aura communiqué sur les chèques et les cartes. La monnaie scripturale a suivi historiquement le fiduciaire ; mais s'agissant de l'euro, elle doit le précéder afin que l'introduction de ce dernier se passe bien. C'est donc à la fin d'un processus long de plusieurs années que l'euro deviendra visible par tous. Cette phase sera très importante, parce que beaucoup ont besoin de le voir pour y croire vraiment, comme beaucoup ont besoin du retrait physique des pièces et des billets en monnaie nationale pour prendre la pleine mesure de l'avènement de l'euro. Ce jour là, en effet, beaucoup de questions pleinement fondées dans l'entre-deux de la période présente perdront de leur acuité.
Une de ces questions ne devrait pas perdre en intensité : celle de la stabilité des prix. C'est une affaire de premier plan. Ceux de nos concitoyens qui éprouvent davantage de difficulté la posent d'ailleurs avec plus d'inquiétude que les autres. La responsabilité des entreprises est grande, celle des pouvoirs publics aussi. En France, nous sommes et nous serons très vigilants, en liaison avec les consommateurs. Il n'est pas de bonne monnaie sans confiance.
Mesdames, Messieurs,
Nous entrons désormais dans la dernière ligne droite de la préparation du passage à l'euro. C'est sans doute, comme Ministre de l'Économie et des Finances, la première de mes tâches, car c'est la réforme d'ordre économique et financier sans doute la plus importante depuis 50 ans. Nous prenons toutes les dispositions pour réussir. Je voudrais saluer l'effort de tous ceux qui se consacrent à cette réussite : le terme est proche qui récompensera notre endurance. A chacun d'utiliser maintenant au mieux les mois qui nous restent. Les pouvoirs publics, comme, j'en suis certain, l'Eurosystème, feront tout pour qu'il en soit ainsi.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 27 juillet 2001)