Texte intégral
STEPHANE SOUMIER
Axelle LEMAIRE est donc avec nous, secrétaire d'Etat pas ministre déléguée, Axelle LEMAIRE, pas encore, secrétaire d'Etat...
AXELLE LEMAIRE
Il n'y en a pas dans ce gouvernement, en fait.
STEPHANE SOUMIER
Il n'y en a pas. Oui, voilà, c'est ça. Secrétaire d'Etat, donc c'est l'innovation, qui nous intéresse, évidemment, là, ce matin. Donc vous avez hérité de ce portefeuille, après le départ d'Emmanuel MACRON. Est-il vraiment temps, encore, de faire quelque chose ? On est quand même à quoi, quelques mois de la présidentielle, et on se demande si vous avez les moyens de véritablement de lancer de l'innovation sur l'innovation.
AXELLE LEMAIRE
Alors, d'abord, il reste huit mois, il reste un outil, un levier, qui est puissant, qui est la loi de finance et la loi de finance rectificative, qui permet quand même de faire passer des orientations, donc le compte entrepreneur/investisseur, éventuellement, en serait une, et puis tout n'est pas dans la loi, et moi je veux faire dans l'innovation de manière générale, ce que j'ai fait dans le numérique, c'est-à-dire une amplification. Aujourd'hui il y a une anormalité qui est que la France dépense beaucoup, dans le privé comme dans le public, en matière de R&D, de Recherche & Développement, mais nos classements internationaux ne sont pas assez satisfaisants, moi je veux qu'on se hisse, qu'on se hisse, qu'on se hisse, dans le numérique, dans la Tech, dans les start-ups. Paris est devenue la seconde place européenne depuis ce semestre 2016, en levée de fonds. Ce n'est pas moi qui le dis, mais...
STEPHANE SOUMIER
Non, au classement d'Ernst & Young, mais...
AXELLE LEMAIRE
Ce sont des études objectives, qui montrent...
STEPHANE SOUMIER
Il a grève des levées de fonds pour DEEZER, pour OVH, etc., qui sont, enfin, on ne parle plus de start-ups, là, on parle quand même d'entreprises de taille intermédiaire.
AXELLE LEMAIRE
Ah mais il faudrait savoir ! C'est ce qu'on souhaite !
STEPHANE SOUMIER
Oui, absolument, bravo.
AXELLE LEMAIRE
C'est ce qu'on souhaite...
STEPHANE SOUMIER
Bravo à vous.
AXELLE LEMAIRE
... d'avoir des licornes et des entreprises à puissance internationale, qui puissent connaitre une croissance en Europe. Donc là on est en plein dedans, mais il faut faire ça, alors, on le voit aussi dans les biotechs et dans la Medtech, tout le secteur des biotechnologies, de la e-santé, de la médecine, portés par les technologies innovantes, vraiment, connaissent une courbe de croissance en ce moment et Paris commence à s'imposer comme une place incontournable, il faut faire ça dans tous les secteurs innovants.
STEPHANE SOUMIER
Le crédit d'impôt recherche, il fonctionne correctement ?
AXELLE LEMAIRE
Il fonctionne correctement, moi j'aimerais qu'il soit encore plus orienté vers le très innovant, c'est-à-dire que ça ne soit pas au final une subvention déguisée, qui finance des budgets de R&D, d'entreprises qui devraient de toute façon faire de la R&D, mais il n'est pas lieu d'apporter sur le crédit d'impôt recherche, des changements fondamentaux des sites. Pourquoi ? Parce que la stabilité est une condition absolue de l'investissement, y compris étranger, et donc... Non, moi j'aimerais jouer sur les instruments, pour qu'ils soient mieux ciblés sur l'innovation, et puis continuer à travailler avec Thierry MANDON, qui est en charge de la Recherche, pour que les transferts de technologies, depuis la recherche publique, vers le secteur privé, les entreprises innovantes, soient plus optimaux, plus efficaces, parce qu'en réalité c'est là que le bas blesse, les demandes sont encore trop cloisonnées.
STEPHANE SOUMIER
Mais, et j'en finirai là-dessus, on entend beaucoup de députés, d'élus socialistes, dire, regretter que le crédit d'impôt recherche bénéficie aux grands groupes.
AXELLE LEMAIRE
Alors...
STEPHANE SOUMIER
Est-ce que la ministre de l'Innovation regrette cela aussi ?
AXELLE LEMAIRE
Les... Ça dépend comment les grands groupes font de l'innovation. C'est-à-dire que si c'est de l'innovation totalement fermée, qui leur permet d'emporter des pars de marché à l'international, mais sans qu'il y ait des externalités positives, c'est-à-dire sans emporter tout un écosystème, notamment des start-ups et des PME ETI, innovantes avec eux, alors oui, on peut se poser la question, et la revue stratégique qui est menée en ce moment par France Stratégie, vise à répondre à cette question. C'est un excellent mécanisme, le crédit d'impôt recherche. Je vous assure que lorsque je me déplace à l'étranger, c'est l'outil numéro 1 qui est cité par tous les leaders économiques, par tous les investisseurs, comme étant ce qui fait la différence entre la France et les autres pays. Il faut à tout prix le maintenir, mais il faut que son utilisation soit la plus bénéfique possible, pour tout le territoire, voyez, pour l'écosystème et pas uniquement pour l'entreprise ciblée.
STEPHANE SOUMIER
Je le dis juste d'un mot comme ça, mais l'ensemble de ceux qui nous écoutent et qui nous regardent et qui aiment l'économie, quand ils ont entendu un ministre parler d'externalité positive, je crois que leur rythme cardiaque s'est accéléré.
AXELLE LEMAIRE
Ça y est, vous êtes un homme heureux !
STEPHANE SOUMIER
Mais non, mais, franchement, parler sérieusement d'économie, ça fait du bien, Madame LEMAIRE, et, voilà, je vous en remercie. Juste un mot, compte entrepreneur/investisseur, là on va être franc, on va faire de la politique, Michel SAPIN n'en voulait pas. Vous me le confirmez ?
AXELLE LEMAIRE
Moi je fais le pari que Michel SAPIN...
STEPHANE SOUMIER
Ah, vous avez fait « oui », alors... non non, il n'en voulait pas, vous me le confirmez...
AXELLE LEMAIRE
Ah non, je ne sais pas s'il n'en voulait pas, je pense qu'il a eu une démarche assez objective qui a été de dire : « Combien ça coûte ? », et quand...
STEPHANE SOUMIER
Je vais dire les choses, et comme on parle d'externalité positive, on parle de choses sérieuses, c'était l'idée d'Emmanuel MACRON, et donc il fallait la balayer d'un revers de main, quelque soit la qualité de cette idée.
AXELLE LEMAIRE
D'accord.
STEPHANE SOUMIER
C'est un peu ça qui s'est passé, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Alors, je vous avoue très franchement, je ne sais pas ce que Michel SAPIN en pensait avant le départ d'Emmanuel MACRON, tout simplement parce que...
STEPHANE SOUMIER
Bon, en tout cas, là, il vous a confirmé qu'il voulait le faire.
AXELLE LEMAIRE
Mais on s'est confirmé ensemble, la semaine dernière et à plusieurs reprises, qu'on avance, et on avance plutôt bien sur le sujet, là on est sur des questions d'arbitrage budgétaire, quand même, et puis de champs d'application, mais Michel SAPIN, comme moi, on souhaite créer un compte d'épargne qui permette de mobiliser un certain type d'épargne, au profit des start-ups, pour que, ceux qu'on appelle les business angels, sont ceux qui sont des entrepreneurs dans l'âme et qui ont de l'argent à investir, eh bien orientent cet argent vers la création de valeurs économiques et d'emploi, qui aujourd'hui passe par l'innovation, par les entrepreneurs.
STEPHANE SOUMIER
Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a eu, alors, celui qui sera le premier concerné, je pense, par ce compte investisseur/entrepreneur, peut-être même le seul... non non, je plaisante, mais Marc SIMONCINI a tweeté hier soir : « Réunion de crise pour 400 emplois à Belfort voilà, c'est derrière vous, là réunion d'urgence à l'Elysée pour 400 emplois menacés, et contre le matraquage fiscal et réglementaire de ceux qui essaient d'en créer ». Qu'est-ce qu'on fait, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
Eh bien, Marc SIMONCINI essaie de faire de la politique, mais je pense qu'il ne faut pas opposer la situation d'ALSTOM, qui est grave et qui concerne des ouvriers, qui aujourd'hui voient leur emploi menacé, qui derrière pourraient avoir un risque de rupture totale et absolue de parcours professionnel, on a quand même une entreprise industrielle fleuron, qui permet à la France d'être présente sur tous les marchés en Asie, en Amérique, etc., et puis de l'autre côté, il y a cette question de l'orientation de l'épargne pour la création de valeurs par les start-ups et par l'innovation. Ne pas opposer l'un et l'autre. Il faut tirer l'industrie et le secteur industriel vers l'innovation, pour qu'il soit plus qualitatif, pour que sa compétitivité ne passe pas uniquement par la compétitivité prix, mais aussi par la compétitivité, la différence par la valeur ajoutée, par de la qualité du produit, des services, mais, et pour autant, il faut revoir les circuits de financement de l'innovation, pour s'assurer, là, pour le coup, qu'on soit vraiment compétitifs par rapport à l'autre.
STEPHANE SOUMIER
Il soutient Emmanuel MACRON, Marc SIMONCINI, et alors, vous lui envoyez un SCUD, ça m'avait échappé moi-même, d'ailleurs, c'est dans le cadre d'un article du Monde, qui fait un portrait général d'Emmanuel MACRON : « Il est super fort pour écouter, capter et saisir les opportunités, mais son bilan, c'est la vente en douce d'ALCATEL à NOKIA, ou la fusion avortée d'ORANGE BOUYGUES ».
AXELLE LEMAIRE
Alors, on n'était pas informé d'ALSTOM...
STEPHANE SOUMIER
Ça se passait si mal que ça entre vous, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
On n'était pas informé d'ALSTOM... Non, mon regret, je vais vous dire, vous l'avez dit, soyons professionnels, quand on est professionnel, on sait qu'il faut travailler en équipe et on le fait au service des français et non pas de soi-même. Moi, quand toute la machine administrativo-ministérielle est placée au service d'un homme, ça me gêne et ça me gêne d'un point de vue éthique. Après, on peut le regretter, parce que je pense qu'il y avait des belles choses à faire, et donc c'est un choix personnel, individuel, que j'ai du mal à comprendre, parce que c'est pas pour ça, moi, que j'ai décidé de faire de la politique, c'est pas pour me servir, c'est pour servir les autres. Après, je pense que ce qui est important, c'est d'évaluer objectivement ou le plus objectivement possible, le bilan à la tête de ce ministère. Il reste huit mois, il y a encore de choses à faire, et oui, Emmanuel MACRON aura eu un discours proactif sur l'innovation, c'est bien, et donc pour ça il faut l'amplifier encore, accélérer cette dynamique, mais il n'est pas question d'être en rupture par rapport à ce discours qu'il a pu porter.
STEPHANE SOUMIER
Cette énergie, là, que je vois, cette compétence, cette détermination, je me permets, vous allez la mettre au service de qui, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
Moi je la mets au service des Français...
STEPHANE SOUMIER
Non... oh c'est la première réponse langue de bois depuis le début de cette interview. Bravo !
AXELLE LEMAIRE
Alors, je vais vous dire, je suis nulle en tactique. Je suis nulle, c'est pas mon truc.
STEPHANE SOUMIER
C'est vrai ?
AXELLE LEMAIRE
Moi, j'ai une espèce de... Alors ça peut paraitre vraiment hyper-anglo-saxons de dire ça, mais j'ai une culture du résultat, au sens où, quand on fait de la politique, c'est comme quand on fait du business, il faut, on est élu sur un mandat, un mandat qui nous a été donné, et il faut ensuite qu'on soit jugé sur nos résultats. Pour moi, les résultats, ils sont plutôt au vert, mais ils ne sont pas encore confirmés. L'économie va mieux et on vient de très très loin. Il faut continuer ce chemin, pour que les modifications qui ont été engagées, elles soient structurelles, elles soient profondes et donc irréversibles.
STEPHANE SOUMIER
Et là, alors, rapidement, mais d'un mot, parce que vous êtes, alors, vous étiez, ministre maintenant, donc vous avez démissionné, mais élue de la troisième circonscription des Français hors de France, et en gros c'est à 80 % le Royaume-Uni, cette circonscription, vous avez-vous-même d'ailleurs vécu de nombreuses années à Londres, je crois, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Oui, tout à fait.
STEPHANE SOUMIER
Là, votre enjeu très immédiat, alors c'est par exemple d'essayer de ramener des Fintechs, donc la technologie de la finance, qui sont installées à Londres, vers Paris. Comment est-ce que vous pouvez faire ça ?
AXELLE LEMAIRE
Alors, il y a deux enjeux. Il y a d'abord celui du respect de la libre-circulation des personnes. Pourquoi ? Parce que ça fait partie des quatre piliers du marché unique européen, et que je trouve que le gouvernement britannique tient un discours contradictoire, dit, « on veut avoir accès au marché unique, mais on veut pouvoir mettre le oh-là à la libre circulation ». Non, c'est pas la vision que défend le président de la République et le gouvernement français. Sur ce sujet, je crois qu'on sera très clair, et cela concerne les ressortissants français qui ont fait le choix de vivre au Royaume-Uni et que ce choix doit être respecté. Ensuite il y a un enjeu d'attractivité économique pour la France et en particulier pour la place de Paris. Moi je ne suis par persuadée que ça soit uniquement le cadre fiscal qui peut être plus attractif, mais je crois que le cadre réglementaire joue beaucoup. Ce que je souhaite, c'est faire de Paris la place de la régulation intelligente, de la smart-reg, de la sound-reg, ça veut dire que lorsqu'on transpose des directives bancaires et financières en particulier, on le fait avec une certaine souplesse, on ne le fait pas en restreignant plus encore, et pourquoi les fintechs sont parties à Londres ? A cause de la proximité avec la City et les investisseurs, mais aussi parce que c'est très facile d'obtenir à Londres le fameux agrément, le passeport qui permet ensuite d'atteindre tous les pays européens. Et donc je travaille avec l'AMF, avec l'ACPR, donc avec les régulateurs français qui ont créé cet été un guichet innovation, pour que notre régulation soit protectrice des Français, protectrice des consommateurs de services bancaires et financiers, mais soit aussi adaptée, ouverte, business friendly, pour les entreprises très innovantes.
STEPHANE SOUMIER
Et qu'il n'y ait pas la même régulation pour BNP Paribas et pour LENDIX.
AXELLE LEMAIRE
Et c'est tout à fait normal, on voit bien que les enjeux macroéconomiques ne sont pas du tout les mêmes.
STEPHANE SOUMIER
Merci beaucoup d'être venue nous voir, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Merci à vous.
STEPHANE SOUMIER
Merci infiniment.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 septembre 2016
Axelle LEMAIRE est donc avec nous, secrétaire d'Etat pas ministre déléguée, Axelle LEMAIRE, pas encore, secrétaire d'Etat...
AXELLE LEMAIRE
Il n'y en a pas dans ce gouvernement, en fait.
STEPHANE SOUMIER
Il n'y en a pas. Oui, voilà, c'est ça. Secrétaire d'Etat, donc c'est l'innovation, qui nous intéresse, évidemment, là, ce matin. Donc vous avez hérité de ce portefeuille, après le départ d'Emmanuel MACRON. Est-il vraiment temps, encore, de faire quelque chose ? On est quand même à quoi, quelques mois de la présidentielle, et on se demande si vous avez les moyens de véritablement de lancer de l'innovation sur l'innovation.
AXELLE LEMAIRE
Alors, d'abord, il reste huit mois, il reste un outil, un levier, qui est puissant, qui est la loi de finance et la loi de finance rectificative, qui permet quand même de faire passer des orientations, donc le compte entrepreneur/investisseur, éventuellement, en serait une, et puis tout n'est pas dans la loi, et moi je veux faire dans l'innovation de manière générale, ce que j'ai fait dans le numérique, c'est-à-dire une amplification. Aujourd'hui il y a une anormalité qui est que la France dépense beaucoup, dans le privé comme dans le public, en matière de R&D, de Recherche & Développement, mais nos classements internationaux ne sont pas assez satisfaisants, moi je veux qu'on se hisse, qu'on se hisse, qu'on se hisse, dans le numérique, dans la Tech, dans les start-ups. Paris est devenue la seconde place européenne depuis ce semestre 2016, en levée de fonds. Ce n'est pas moi qui le dis, mais...
STEPHANE SOUMIER
Non, au classement d'Ernst & Young, mais...
AXELLE LEMAIRE
Ce sont des études objectives, qui montrent...
STEPHANE SOUMIER
Il a grève des levées de fonds pour DEEZER, pour OVH, etc., qui sont, enfin, on ne parle plus de start-ups, là, on parle quand même d'entreprises de taille intermédiaire.
AXELLE LEMAIRE
Ah mais il faudrait savoir ! C'est ce qu'on souhaite !
STEPHANE SOUMIER
Oui, absolument, bravo.
AXELLE LEMAIRE
C'est ce qu'on souhaite...
STEPHANE SOUMIER
Bravo à vous.
AXELLE LEMAIRE
... d'avoir des licornes et des entreprises à puissance internationale, qui puissent connaitre une croissance en Europe. Donc là on est en plein dedans, mais il faut faire ça, alors, on le voit aussi dans les biotechs et dans la Medtech, tout le secteur des biotechnologies, de la e-santé, de la médecine, portés par les technologies innovantes, vraiment, connaissent une courbe de croissance en ce moment et Paris commence à s'imposer comme une place incontournable, il faut faire ça dans tous les secteurs innovants.
STEPHANE SOUMIER
Le crédit d'impôt recherche, il fonctionne correctement ?
AXELLE LEMAIRE
Il fonctionne correctement, moi j'aimerais qu'il soit encore plus orienté vers le très innovant, c'est-à-dire que ça ne soit pas au final une subvention déguisée, qui finance des budgets de R&D, d'entreprises qui devraient de toute façon faire de la R&D, mais il n'est pas lieu d'apporter sur le crédit d'impôt recherche, des changements fondamentaux des sites. Pourquoi ? Parce que la stabilité est une condition absolue de l'investissement, y compris étranger, et donc... Non, moi j'aimerais jouer sur les instruments, pour qu'ils soient mieux ciblés sur l'innovation, et puis continuer à travailler avec Thierry MANDON, qui est en charge de la Recherche, pour que les transferts de technologies, depuis la recherche publique, vers le secteur privé, les entreprises innovantes, soient plus optimaux, plus efficaces, parce qu'en réalité c'est là que le bas blesse, les demandes sont encore trop cloisonnées.
STEPHANE SOUMIER
Mais, et j'en finirai là-dessus, on entend beaucoup de députés, d'élus socialistes, dire, regretter que le crédit d'impôt recherche bénéficie aux grands groupes.
AXELLE LEMAIRE
Alors...
STEPHANE SOUMIER
Est-ce que la ministre de l'Innovation regrette cela aussi ?
AXELLE LEMAIRE
Les... Ça dépend comment les grands groupes font de l'innovation. C'est-à-dire que si c'est de l'innovation totalement fermée, qui leur permet d'emporter des pars de marché à l'international, mais sans qu'il y ait des externalités positives, c'est-à-dire sans emporter tout un écosystème, notamment des start-ups et des PME ETI, innovantes avec eux, alors oui, on peut se poser la question, et la revue stratégique qui est menée en ce moment par France Stratégie, vise à répondre à cette question. C'est un excellent mécanisme, le crédit d'impôt recherche. Je vous assure que lorsque je me déplace à l'étranger, c'est l'outil numéro 1 qui est cité par tous les leaders économiques, par tous les investisseurs, comme étant ce qui fait la différence entre la France et les autres pays. Il faut à tout prix le maintenir, mais il faut que son utilisation soit la plus bénéfique possible, pour tout le territoire, voyez, pour l'écosystème et pas uniquement pour l'entreprise ciblée.
STEPHANE SOUMIER
Je le dis juste d'un mot comme ça, mais l'ensemble de ceux qui nous écoutent et qui nous regardent et qui aiment l'économie, quand ils ont entendu un ministre parler d'externalité positive, je crois que leur rythme cardiaque s'est accéléré.
AXELLE LEMAIRE
Ça y est, vous êtes un homme heureux !
STEPHANE SOUMIER
Mais non, mais, franchement, parler sérieusement d'économie, ça fait du bien, Madame LEMAIRE, et, voilà, je vous en remercie. Juste un mot, compte entrepreneur/investisseur, là on va être franc, on va faire de la politique, Michel SAPIN n'en voulait pas. Vous me le confirmez ?
AXELLE LEMAIRE
Moi je fais le pari que Michel SAPIN...
STEPHANE SOUMIER
Ah, vous avez fait « oui », alors... non non, il n'en voulait pas, vous me le confirmez...
AXELLE LEMAIRE
Ah non, je ne sais pas s'il n'en voulait pas, je pense qu'il a eu une démarche assez objective qui a été de dire : « Combien ça coûte ? », et quand...
STEPHANE SOUMIER
Je vais dire les choses, et comme on parle d'externalité positive, on parle de choses sérieuses, c'était l'idée d'Emmanuel MACRON, et donc il fallait la balayer d'un revers de main, quelque soit la qualité de cette idée.
AXELLE LEMAIRE
D'accord.
STEPHANE SOUMIER
C'est un peu ça qui s'est passé, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Alors, je vous avoue très franchement, je ne sais pas ce que Michel SAPIN en pensait avant le départ d'Emmanuel MACRON, tout simplement parce que...
STEPHANE SOUMIER
Bon, en tout cas, là, il vous a confirmé qu'il voulait le faire.
AXELLE LEMAIRE
Mais on s'est confirmé ensemble, la semaine dernière et à plusieurs reprises, qu'on avance, et on avance plutôt bien sur le sujet, là on est sur des questions d'arbitrage budgétaire, quand même, et puis de champs d'application, mais Michel SAPIN, comme moi, on souhaite créer un compte d'épargne qui permette de mobiliser un certain type d'épargne, au profit des start-ups, pour que, ceux qu'on appelle les business angels, sont ceux qui sont des entrepreneurs dans l'âme et qui ont de l'argent à investir, eh bien orientent cet argent vers la création de valeurs économiques et d'emploi, qui aujourd'hui passe par l'innovation, par les entrepreneurs.
STEPHANE SOUMIER
Je ne sais pas si vous avez vu, mais il y a eu, alors, celui qui sera le premier concerné, je pense, par ce compte investisseur/entrepreneur, peut-être même le seul... non non, je plaisante, mais Marc SIMONCINI a tweeté hier soir : « Réunion de crise pour 400 emplois à Belfort voilà, c'est derrière vous, là réunion d'urgence à l'Elysée pour 400 emplois menacés, et contre le matraquage fiscal et réglementaire de ceux qui essaient d'en créer ». Qu'est-ce qu'on fait, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
Eh bien, Marc SIMONCINI essaie de faire de la politique, mais je pense qu'il ne faut pas opposer la situation d'ALSTOM, qui est grave et qui concerne des ouvriers, qui aujourd'hui voient leur emploi menacé, qui derrière pourraient avoir un risque de rupture totale et absolue de parcours professionnel, on a quand même une entreprise industrielle fleuron, qui permet à la France d'être présente sur tous les marchés en Asie, en Amérique, etc., et puis de l'autre côté, il y a cette question de l'orientation de l'épargne pour la création de valeurs par les start-ups et par l'innovation. Ne pas opposer l'un et l'autre. Il faut tirer l'industrie et le secteur industriel vers l'innovation, pour qu'il soit plus qualitatif, pour que sa compétitivité ne passe pas uniquement par la compétitivité prix, mais aussi par la compétitivité, la différence par la valeur ajoutée, par de la qualité du produit, des services, mais, et pour autant, il faut revoir les circuits de financement de l'innovation, pour s'assurer, là, pour le coup, qu'on soit vraiment compétitifs par rapport à l'autre.
STEPHANE SOUMIER
Il soutient Emmanuel MACRON, Marc SIMONCINI, et alors, vous lui envoyez un SCUD, ça m'avait échappé moi-même, d'ailleurs, c'est dans le cadre d'un article du Monde, qui fait un portrait général d'Emmanuel MACRON : « Il est super fort pour écouter, capter et saisir les opportunités, mais son bilan, c'est la vente en douce d'ALCATEL à NOKIA, ou la fusion avortée d'ORANGE BOUYGUES ».
AXELLE LEMAIRE
Alors, on n'était pas informé d'ALSTOM...
STEPHANE SOUMIER
Ça se passait si mal que ça entre vous, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
On n'était pas informé d'ALSTOM... Non, mon regret, je vais vous dire, vous l'avez dit, soyons professionnels, quand on est professionnel, on sait qu'il faut travailler en équipe et on le fait au service des français et non pas de soi-même. Moi, quand toute la machine administrativo-ministérielle est placée au service d'un homme, ça me gêne et ça me gêne d'un point de vue éthique. Après, on peut le regretter, parce que je pense qu'il y avait des belles choses à faire, et donc c'est un choix personnel, individuel, que j'ai du mal à comprendre, parce que c'est pas pour ça, moi, que j'ai décidé de faire de la politique, c'est pas pour me servir, c'est pour servir les autres. Après, je pense que ce qui est important, c'est d'évaluer objectivement ou le plus objectivement possible, le bilan à la tête de ce ministère. Il reste huit mois, il y a encore de choses à faire, et oui, Emmanuel MACRON aura eu un discours proactif sur l'innovation, c'est bien, et donc pour ça il faut l'amplifier encore, accélérer cette dynamique, mais il n'est pas question d'être en rupture par rapport à ce discours qu'il a pu porter.
STEPHANE SOUMIER
Cette énergie, là, que je vois, cette compétence, cette détermination, je me permets, vous allez la mettre au service de qui, Axelle LEMAIRE ?
AXELLE LEMAIRE
Moi je la mets au service des Français...
STEPHANE SOUMIER
Non... oh c'est la première réponse langue de bois depuis le début de cette interview. Bravo !
AXELLE LEMAIRE
Alors, je vais vous dire, je suis nulle en tactique. Je suis nulle, c'est pas mon truc.
STEPHANE SOUMIER
C'est vrai ?
AXELLE LEMAIRE
Moi, j'ai une espèce de... Alors ça peut paraitre vraiment hyper-anglo-saxons de dire ça, mais j'ai une culture du résultat, au sens où, quand on fait de la politique, c'est comme quand on fait du business, il faut, on est élu sur un mandat, un mandat qui nous a été donné, et il faut ensuite qu'on soit jugé sur nos résultats. Pour moi, les résultats, ils sont plutôt au vert, mais ils ne sont pas encore confirmés. L'économie va mieux et on vient de très très loin. Il faut continuer ce chemin, pour que les modifications qui ont été engagées, elles soient structurelles, elles soient profondes et donc irréversibles.
STEPHANE SOUMIER
Et là, alors, rapidement, mais d'un mot, parce que vous êtes, alors, vous étiez, ministre maintenant, donc vous avez démissionné, mais élue de la troisième circonscription des Français hors de France, et en gros c'est à 80 % le Royaume-Uni, cette circonscription, vous avez-vous-même d'ailleurs vécu de nombreuses années à Londres, je crois, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Oui, tout à fait.
STEPHANE SOUMIER
Là, votre enjeu très immédiat, alors c'est par exemple d'essayer de ramener des Fintechs, donc la technologie de la finance, qui sont installées à Londres, vers Paris. Comment est-ce que vous pouvez faire ça ?
AXELLE LEMAIRE
Alors, il y a deux enjeux. Il y a d'abord celui du respect de la libre-circulation des personnes. Pourquoi ? Parce que ça fait partie des quatre piliers du marché unique européen, et que je trouve que le gouvernement britannique tient un discours contradictoire, dit, « on veut avoir accès au marché unique, mais on veut pouvoir mettre le oh-là à la libre circulation ». Non, c'est pas la vision que défend le président de la République et le gouvernement français. Sur ce sujet, je crois qu'on sera très clair, et cela concerne les ressortissants français qui ont fait le choix de vivre au Royaume-Uni et que ce choix doit être respecté. Ensuite il y a un enjeu d'attractivité économique pour la France et en particulier pour la place de Paris. Moi je ne suis par persuadée que ça soit uniquement le cadre fiscal qui peut être plus attractif, mais je crois que le cadre réglementaire joue beaucoup. Ce que je souhaite, c'est faire de Paris la place de la régulation intelligente, de la smart-reg, de la sound-reg, ça veut dire que lorsqu'on transpose des directives bancaires et financières en particulier, on le fait avec une certaine souplesse, on ne le fait pas en restreignant plus encore, et pourquoi les fintechs sont parties à Londres ? A cause de la proximité avec la City et les investisseurs, mais aussi parce que c'est très facile d'obtenir à Londres le fameux agrément, le passeport qui permet ensuite d'atteindre tous les pays européens. Et donc je travaille avec l'AMF, avec l'ACPR, donc avec les régulateurs français qui ont créé cet été un guichet innovation, pour que notre régulation soit protectrice des Français, protectrice des consommateurs de services bancaires et financiers, mais soit aussi adaptée, ouverte, business friendly, pour les entreprises très innovantes.
STEPHANE SOUMIER
Et qu'il n'y ait pas la même régulation pour BNP Paribas et pour LENDIX.
AXELLE LEMAIRE
Et c'est tout à fait normal, on voit bien que les enjeux macroéconomiques ne sont pas du tout les mêmes.
STEPHANE SOUMIER
Merci beaucoup d'être venue nous voir, Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Merci à vous.
STEPHANE SOUMIER
Merci infiniment.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 septembre 2016