Texte intégral
YVES CALVI
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez Audrey AZOULAY, ministre de la Culture et de la Communication.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Audrey AZOULAY.
AUDREY AZOULAY
Bonjour Elizabeth MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci d'être dans ce studio, d'autant que vous êtes très discrète depuis votre entrer au gouvernement en février dernier. On en sera plus sur vous, je l'espère, dans une dizaine de minutes. J'imagine que vous avez écouté avec attention hier le discours de François HOLLANDE. C'était un discours de candidat, ça y est, le président dans la campagne.
AUDREY AZOULAY
Je crois qu'il a dit qu'il ne voulait pas se laisser dicter le temps et qu'il prendrait sa décision d'ici la fin de l'année, mais ce qui est sûr c'est que c'était un discours dans lequel il a donné une vision pour l'avenir de la France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il a été au-delà, il a dit qu'il ne laisserait pas la France être abimée, c'est donc bien qu'il pense à l'avenir et qu'il veut s'engager.
AUDREY AZOULAY
C'est donc bien qu'il pense à l'avenir de la France, qu'il reste engagé et qu'il s'engage pour les années à venir dans cette vision. Je crois qu'il a dessiné un clivage qui est un clivage réel, et qui est pour lui la défense d'une France qui est forte mais qui défend son état de droit, qui défend son modèle de protection sociale, qui défend ses valeurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
On va en reparler bien sûr, mais on va dire que ça a soulagé beaucoup d'Hollandais, hier ce discours, parce qu'ils ont pu juger à quel point était palpable l'envie d'en découdre du président. Il a raison, le chef de l'Etat, de se positionner maintenant ?
AUDREY AZOULAY
Je crois qu'il a raison, dans sa fonction, de toute façon, de montrer quelle est sa vision pour la France, et qu'aujourd'hui on est dans une période qui est critique, je pense, pour notre pays, et où la parole des hommes publics est très importante, la parole des hommes politiques est très importante, parce que je pense qu'on peut, dans ces périodes, qui sont des période de doutes, entrainer notre pays sur des voies très différentes, et moi je suis particulièrement contente de la vision qu'il a tracée.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous souhaitez qu'il soit candidat ?
AUDREY AZOULAY
S'il l'est, j'en serais très heureuse et je le soutiendrais.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et sa cote reste très basse dans les sondages, vous le savez, est-ce qu'il peut forcer le destin ?
AUDREY AZOULAY
On est très loin de l'élection, ce sont des sondages. Encore une fois, lui-même ne s'est pas prononcé comme candidat, mais il est à la tâche, il est au travail, comme moi-même, comme le gouvernement l'est, et nous verrons les Français décideront.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors hier, il a dit non à une loi de circonstance, aux lois de circonstance en général, il pensait naturellement à Nicolas SARKOZY, qui avait proposé, qui a proposé une loi sur le burkini. D'abord, sur ce sujet du burkini, on ne vous a pas entendue. Vous trouvez que ça n'en vaut pas la peine ?
AUDREY AZOULAY
Je trouve que c'est une polémique à laquelle on a donné énormément de place, politiquement, médiatiquement, et qu'on n'est pas forcément obligé de tomber dans tous les pièges qu'on nous tend. Cette polémique, je crois, fait exactement le jeu de ceux qui attaquent la France.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous, sur le fond, est-ce que vous tolérez cette tenue du burkini sur les plages, ou pas ?
AUDREY AZOULAY
Sur le fond, évidemment, ça ne correspond pas à mes valeurs, ça ne correspond pas aux valeurs que l'on défend pour les femmes, à l'égalité hommes/femmes, mais je crois que cette politique qui serait de faire, soit une loi, soit des arrêtés systématiques, serait en réalité dommageable, stigmatisante et nous aliènerait...
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc vous êtes contre l'interdiction qui serait, selon vous, contreproductive.
AUDREY AZOULAY
Je suis contre une politique systématique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, pas de loi nationale.
AUDREY AZOULAY
Absolument.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et vous soutenez les maires qui, pour des besoins d'ordre public, peuvent publier des arrêtés, à condition évidemment qu'ils soient compatibles avec le droit.
AUDREY AZOULAY
Exactement, et c'est ce que le Conseil d'Etat a dit, et je dois dire que pour ma part, j'en suis tout à fait satisfaite de cette position.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais je disais tout à l'heure qu'on aimerait bien en savoir un peu plus sur vous. En tant que femme, ce burkini, ça vous choque, ça vous émeut, ça vous bouleverse ou vous estimez que le droit des femmes fait qu'elles peuvent un peu s'habiller comme on veut sur une plage ?
AUDREY AZOULAY
Non, je crois qu'on mélange tout dans cette politique, pardon, dans cette polémique. On mélange tout. Moi, je ne pense pas que ça soit quelques chose de souhaitable pour les femmes, mais je pense qu'il faut de la pédagogie, de l'explication, et pas de l'interdiction systématique, parce que sinon ça ne serait pas compris, ce serait clivant et ça peut être stigmatisant pour toute une partie des Françaises.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, Manuel VALLS, qui lui est très remonté, évidemment, contre ce type de tenue, qui selon lui, il n'y a pas de débat, sont une forme de prosélytisme et finalement de l'islamisme caché, pour vous Manuel VALLS a tort ?
AUDREY AZOULAY
Je pense qu'encore une fois ça ne correspond pas à nos valeurs, et pas plus à celles de Manuel VALLS qu'aux miennes ou à celles, je dirais, de la gauche en général, qui a toujours défendu le droit des femmes, et ce gouvernement en particulier. Je dis ça à un moment où on lance une campagne intéressante et importante contre le sexisme, donc ça, ça ne fait aucun débat. La question est de savoir si ensuite on est nous-mêmes victimes d'une polémique qu'on nous tend, d'un piège qu'on nous tend, et demain ça sera autre chose.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça c'est un argument très controversé et c'est vrai que Manuel VALLS avait répondu que ça n'était pas un argument qu'on pouvait entendre pour empêcher la lutte contre le burkini, donc vous trouvez ça brutal, finalement, les prises de position très fermes, contre le burkini.
AUDREY AZOULAY
Encore une fois, non, vous m'avez mal comprise. Je pense que la réponse...
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous n'êtes pas favorable au burkini, mais vous dites : pas d'interdiction par une loi.
AUDREY AZOULAY
Voilà, je n'y suis absolument pas, mais je dis : « Ne tombons pas dans les pièges ».
ELIZABETH MARTICHOUX
Trois jeunes femmes ont été interpellées dans l'enquête sur la voiture contenant des bombonnes de gaz. Radicalisées, fanatisées, prêtes à passer à l'acte. C'est tout à fait impressionnant. La culture peut-elle jouer un rôle pour prévenir ce type de dérive ?
AUDREY AZOULAY
La première réponse, je crois, c'est celle d'abord de nos forces de sécurité et d'enquête, que je voudrais remercier et saluer, et ça, vraiment, elles ont fait un travail et elles font toujours un travail exceptionnel alors qu'elles sont très mobilisées, donc je tiens à les saluer. Et bien sûr, sur le long terme, je pense que la seule réponse, la seule réponse durable pour la France, c'est aussi la réponse qui a les clefs de notre sécurité, c'est l'éducation et c'est la culture, et c'est comme ça qu'on ouvrira aussi, qu'on partagera ces valeurs, et aujourd'hui on est face à des phénomènes quasiment sectaires, de radicalisation. Quand on en est à ce stade, c'est très difficile d'agir par la culture et l'éducation, mais c'est en amont qu'il faut le faire.
ELIZABETH MARTICHOUX
En amont, c'est-à-dire ?
AUDREY AZOULAY
En amont, c'est-à-dire par l'éducation, par un partage de valeurs...
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous, vous avez des initiatives, par exemple, avec l'éducation, pour introduire de la culture qui préviendrait ce type de comportements, enfin, qui essaierait ?
AUDREY AZOULAY
Je pense qu'on ne doit pas lui assigner un but particulier et la culture ne peut pas tout, mais ce qu'elle peut faire, c'est d'abord faire partager des valeurs, c'est être présente au plus tôt à l'école, et c'est ce à quoi je travaille, par exemple en lançant, là, à la rentrée, avec Najat VALLAUD-BELKACEM, un certain nombre, une centaines de résidences d'artistes dans les écoles. C'est ce que l'on fait aussi en soutenant l'ouverture des bibliothèques le dimanche, parce que je crois que c'est cet accès aussi, direct, au quotidien, à la culture, qui peut ouvrir les esprits, c'est ce que nous faisons dans l'ensemble de notre politique d'éducation, artistique et culturelle.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ouvrir les jeunes à d'autres perspectives que la haine de la France ou la tentation mortifère de l'Islam. Vous êtes ministre de la Communication, Audrey AZOULAY, France Info, la nouvelle chaine tout info de service public a une semaine. C'est une chaine info en plus ou elle est déjà indispensable dans le paysage ?
AUDREY AZOULAY
D'abord, c'est un projet qui vient de loin, on était les seuls en Europe à ne pas avoir un service public, y compris à la télévision, d'information continue. Il y avait eu des projets, qui avaient été stoppés en leur temps, donc on revient sur une anomalie, et l'objectif de ce nouveau service, qui est à la fois à la télévision, qui est aussi numérique et en radio, bien sûr, avec France Info, c'est de proposer une information continue, de service public, donc qui a vocation à apporter sa différence.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ça c'est le principe, maintenant, comment la ministre de tutelle juge-t-elle le résultat ?
AUDREY AZOULAY
Pour l'instant, je les trouve tout à fait encourageants. D'abord ils ont réussi assez vite à lancer ce projet. Je voudrais féliciter les équipes de France Télévisions, les équipes de Radio France, France 24, l'Ina qui y a contribué, donc avec les moyens dont ils disposaient déjà, ils ont créé quelque chose de nouveau, et alors après il faut leur laisser le temps de se développer, mais ce que j'ai vu, je lai trouvé tout à fait intéressant.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, c'est la chaine d'info du service public, c'est la chaine, donc, des contribuables. Vous leur dites tout de suite, aux auditeurs de RTL, combien elle coûte ?
AUDREY AZOULAY
Il a deux 12 millions d'euros d'investissements, et le reste, pour l'instant c'est des mises en commun de moyens.
ELIZABETH MARTICHOUX
A budgets constants, et à France Télévisions et à Radio France ?
AUDREY AZOULAY
Oui, ils ont investi, vous avez vu, dans des nouveaux studios, vous pourriez les voir, mais c'est surtout une mise en commun, en réalité, de forces qui existent déjà dans le service public.
ELIZABETH MARTICHOUX
France Info ne veut pas être mesurée en audiences. Vous trouvez ça normal ?
AUDREY AZOULAY
La chaine, vous voulez dire ? Eh bien peut-être qu'on leur laisse le temps de se... de démarrer.
ELIZABETH MARTICHOUX
Elle a dit qu'elle ne voulait pas, effectivement, être soumise à...
AUDREY AZOULAY
Il y a une différence, aussi, principale, entre les médias publics et les médias privés, c'est que l'audience n'est pas forcément la seule mesure de réussite et ce n'est pas celle que, en tout cas, les pouvoirs publics lui assignent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Oui, mais ce n'est pas important pour les Français, contribuables, encore une fois, de savoir si leur chaine est utile ou non ?
AUDREY AZOULAY
L'utilité n'est...
ELIZABETH MARTICHOUX
Même si c'est la mesure, c'est l'audience.
AUDREY AZOULAY
Justement, l'audience n'est pas la seule mesure d'utilité. On a Arte, dont on est très fier et très content, d'avoir une chaine publique franco-allemande, culturelle. On ne mesure pas sa réussite uniquement à son audience, même si bien sûr elle est importante, et d'ailleurs elle progresse.
ELIZABETH MARTICHOUX
Certains appellent France Info la chaine HOLLANDE, sous-entendant qu'elle a été lancée pour servir le président candidat s'il l'est. Vous leur répondez quoi ?
AUDREY AZOULAY
Je leur réponds que c'est très mal connaitre les rédactions du service public, dont l'indépendance est bien connue et doit être protégée.
ELIZABETH MARTICHOUX
A laquelle vous veillez, cette indépendance.
AUDREY AZOULAY
Bien sûr, c'est une grande différence.
ELIZABETH MARTICHOUX
Dans la zone de turbulences électorales dans laquelle on entre.
AUDREY AZOULAY
Regardez, si vous comparez ce qui a été fait dans les différents, les deux mandats, le mandat précédent de Nicolas SARKOZY et celui de François HOLLANDE, Nicolas SARKOZY avait choisi de nommer lui-même directement les patrons de l'audiovisuel public, ce sur quoi nous sommes revenus tout de suite, en confiant au CSA cette mission.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et lui, a l'intention de revenir sur chaine d'info, d'ailleurs, il l'écrit dans son livre, il estime qu'il y a une chaine de service public en trop.
AUDREY AZOULAY
Ce n'est pas une surprise, puisqu'en 2003, c'est la droite qui avait arrêté un projet de chaine d'information du service public.
ELIZABETH MARTICHOUX
Fin juin, pour faire passer l'accord des intermittents, Madame la Ministre, le gouvernement a accepté de mettre au pot 90 millions d'euros annuels, pour développer l'emploi stable. Est-ce que vous avez avancé sur la mise en musique de cet argent du gouvernement, qui va alimenter l'intermittence, d'une certaine façon ?
AUDREY AZOULAY
La première chose, je pense qu'il faut dire, c'est qu'il faut saluer cet accord qui a eu lieu sur l'intermittence, c'est un sujet qui revenait et sur lequel il y avait toujours beaucoup d'inquiétudes. Il y a eu un accord historique qui a été trouvé, avec des économies, très importantes, sur le régime des intermittents, et en même temps des droits nouveaux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pas tout à fait aussi importantes que le souhaitaient le MEDEF et la CGT, c'est pour ça qu'on vous a demandé, en tout cas qu'ils ont exigé du gouvernement qu'il mette au pot. Ces 90 millions, à quoi vont-ils servir ?
AUDREY AZOULAY
Alors, donc ça, c'est en dehors du régime de l'intermittent, ce sont des aides à l'emploi qui vont exister, qui vont être commencées en octobre de cette année, et qui vont se dérouler sur toute l'année qui suit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc à partir d'octobre.
AUDREY AZOULAY
A partir d'octobre, les dossiers pourront être déposés et en fait notre objectif, quel est-il ? Il est simple, c'est d'aider à l'emploi dans le secteur du spectacle, aider à l'emploi culturel, pour que soit des contrats soient plus longs pour aider à l'embauche de jeunes artistes, pour aider par exemple des intermittentes qui reviennent de congés maternité à reprendre le travail, donc favoriser cet emploi pérenne, dans le secteur du spectacle, en accompagnant les entreprises qui embauchent.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le spectacle vivant et le spectacle enregistré, comme on dit, ça veut dire toutes les entreprises de production...
AUDREY AZOULAY
Tout à fait, ça veut dire aussi le cinéma, l'audiovisuel.
ELIZABETH MARTICHOUX
L'audiovisuel.
AUDREY AZOULAY
Absolument.
ELIZABETH MARTICHOUX
A partir d'octobre, ces mesures.
AUDREY AZOULAY
Absolument.
ELIZABETH MARTICHOUX
Encore un mot. Emmanuel MACRON a claqué la porte du gouvernement. C'est une trahison, comme le disent beaucoup de proches de François HOLLANDE ?
AUDREY AZOULAY
Je pense que tout dépend de ce qu'il va faire. C'est quelqu'un de talent, d'ailleurs il faut reconnaitre à François HOLLANDE le soin, enfin, le mérite d'avoir décelé ce talent, de l'avoir pris dans son équipe, d'abord, à son cabinet, puis de l'avoir nommé ministre, et ensuite, le sujet, c'est : que va-t-il faire de ce talent ? Est-ce qu'il va être une force de division ou une force qui va apporter à son camp.
ELIZABETH MARTICHOUX
Le phénomène MACRON a l'air de prendre, d'après un sondage TNS Sofres pour Le Figaro. Vous, votre opinion, c'est que, effectivement, il peut en faire quelque chose d'utile ?
AUDREY AZOULAY
Moi je pense qu'il y a un besoin de renouveau, et qui correspond à ces besoins de renouveau, un visage nouveau, la question c'est : le talent c'est bien, mais c'est, qu'est-ce qu'on en fait ?
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous avez attrapé le virus de la politique ?
AUDREY AZOULAY
De l'intérêt général, je l'avais déjà, et maintenant je le sers différemment.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous voudriez être élue, Audrey AZOULAY ?
AUDREY AZOULAY
En écoutant le discours de François HOLLANDE hier, ça m'a donné envie, oui.
ELIZABETH MARTICHOUX
Peut-être aux législatives, on retrouvera donc la candidate Audrey AZOULAY.
AUDREY AZOULAY
Nous verrons.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci beaucoup d'avoir été avec nous.
AUDREY AZOULAY
Merci.
YVES CALVI
Un discours où il a donné une vision pour l'avenir de la France, vient de nous dire la ministre de la Culture, qui par ailleurs ajoute que si François HOLLANDE est candidat, eh bien tout simplement elle le soutiendra. Merci à toutes les deux.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 septembre 2016