Texte intégral
FRÉDÉRIC RIVIERE
Bonjour Laurence ROSSIGNOL.
LAURENCE ROSSIGNOL
Bonjour.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez suivi hier le discours de François HOLLANDE à la Salle Wagram bien entendu, discours consacré mais pas seulement à la démocratie face au terrorisme. Est-ce que vous avez encore des doutes ce matin sur le fait que François HOLLANDE sera candidat à l'élection présidentielle ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Alors je n'ai d'abord pas de doute sur le fait que François HOLLANDE va être président jusqu'au bout de son mandat. Je n'ai pas de doute non plus sur le fait qu'il va défendre la démocratie dans son exercice de président, mais aussi dans tout ce qu'il apportera et dira à la France. Et puis ensuite je souhaite que François HOLLANDE soit candidat, en effet, pour défendre les idées qu'il a énoncées hier, le bilan de ce quinquennat qui est un bilan dont nous n'avons pas à rougir. Nous pouvons être fier de ce que nous avons fait dans un contexte particulièrement difficile sur le plan aussi bien économique, social, sur l'action de sécurité bien entendu, et effectivement je crois qu'aujourd'hui François HOLLANDE a de quoi être candidat. Son bilan, sa vision, tout ce qu'il a dit hier lui permet d'être candidat, mais vous aurez observé qu'il n'a pas bougé son calendrier.
FREDERIC RIVIERE
Oui.
LAURENCE ROSSIGNOL
Il est toujours dans le calendrier qu'il a annoncé, mais c'est normal, il est dans son rôle, hier quand il parle aux Français sur une question aussi central que celle de la démocratie et de la sécurité.
FREDERIC RIVIERE
Alors vous l'avez évoqué, il s'est présenté en défenseur, en garant en quelque sorte de la démocratie. Est-ce à dire que sans François HOLLANDE la démocratie serait en danger aujourd'hui ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Non, enfin, votre question est un peu raccourcie. Il y a besoin aujourd'hui de grandes voix dans le pays, voire républicaines pour défendre pas simplement la démocratie mais en l'espèce l'état de droit, les renoncements possibles, les gesticulations, ce que à quoi nous amènent les gesticulations des candidats de la droite. J'entendais des critiques faites par Nicolas SARKOZY hier après le discours du président.
FREDERIC RIVIERE
Le président qui s'en est pris à Nicolas SARKOZY, ça n'a échappé à personne.
LAURENCE ROSSIGNOL
Oui mais enfin c'est beaucoup plus subtil, allusif et en plus ce n'est pas faux, quand le président évoque le fait qu'il y a à droite des gens qui pensent qu'il faut changer la constitution, abandonner l'état de droit, adapter en permanence le droit aux circonstances, c'est vrai c'est un objectif. Quand Nicolas SARKOZY, en revanche, nous taxe d'impuissance au moment même à la seconde précise où les policiers sont en train d'arrêter trois jeunes femmes radicalisées qui s'apprêtaient à commettre des attentats, quand il nous accuse d'attendre que les attentats aient eu lieu pour arrêter les coupables alors que depuis deux ans le gouvernement et le ministre de l'Intérieur et tous nos services et même pas simplement les services de sécurité, l'ensemble même des services qui sont les services à la population sont mobilisés pour la prévention, pour identifier, repérer, agir pour prévenir les attentats, c'est une critique qui est à la fois outrancière comme souvent, fausse et ce n'est pas du tout dans le même registre que ce que le président a dit hier, mais effectivement il a pointé qu'aujourd'hui pour lutter contre le terrorisme il faut défendre l'état de droit et il faut le faire avec l'état droit.
FREDERIC RIVIERE
Sa vision de l'état de droit. Le président de la République hier s'est exprimé sur un sujet sur lequel il était resté jusqu'à maintenant assez discret et qui vous concerne la place, les signes religieux dans l'espace public. Débat relancé au mois d'août par l'interdiction du burkini sur certaines plages, il n'y aura pas a dit François HOLLANDE de législation, de circonstance aussi inapplicable qu'inconstitutionnelle, c'est une prise de distance avec le Premier ministre, Manuel VALLS, qui a soutenu lui les arrêtés anti-burkini, pris par plusieurs communes. Il y a vraiment aujourd'hui, au sommet de l'Etat et au sein du gouvernement une fracture sur cette question.
LAURENCE ROSSIGNOL
Je ne le crois pas, d'abord parce que le Premier ministre n'a jamais, à aucun moment, évoqué la nécessité de légiférer.
FREDERIC RIVIERE
Il a soutenu les arrêtés anti burkini.
LAURENCE ROSSIGNOL
Ce qu'il a dit, et ce que j'ai dit aussi était que ces arrêtés...
FREDERIC RIVIERE
Vous, vous avez dit il faut les soutenir sans arrière pensée.
LAURENCE ROSSIGNOL
Voilà ! Il faut les soutenir quand ils n'ont été pris avec des arrières pensés. Il faut les soutenir à chaque fois qu'ils sont indispensables parce qu'il peut y avoir des troubles à l'ordre public, et c'est la différence d'ailleurs entre certains arrêtés et la position du maire du Touquet qui avait pris un arrêté anti burkini sur une plage où personne n'avait jamais vu de burkini, mais qu'il avait fait parce qu'il voulait être dans le débat sur le burkini. Le Premier ministre n'a jamais rien dit d'autre. Et le président de la République a dit hier effectivement ce qu'est la position unanime : il ne sert à rien et il serait extrêmement dangereux de légiférer à tout va pour interdire. On ne combattra pas l'Islam politique. Le projet de société qui est porté par l'islam radical part des interdits. Il faut le combattre politiquement, il faut le combattre en disant quelle est la nature de ce projet, qu'est-ce qu'il y a derrière tous ces interdits vestimentaires, toutes ces injonctions qui sont faites aux femmes de cacher leur corps, de cacher leur visage, de se cacher elles-mêmes. Toutes ces injonctions qui sont faites aussi aux jeunes enfants, de ne pas voir le corps des femmes. Derrière tout ça il y a
FREDERIC RIVIERE
Le corps des femmes aujourd'hui devient un enjeu de pouvoir au fond.
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais ça a toujours été ça, toutes les sociétés traditionnelles ont toujours fait du corps des femmes et de leur sexualité un enjeu de contrôle. Qui contrôle le corps des femmes ? Et toutes les sociétés traditionnelles étaient au moins d'accord sur une chose, ce n'est pas elles qui le contrôlent, ce n'est pas elles qui en ont la libre disposition, c'est pour cela d'ailleurs que dans les revendications, dans les droits des femmes, la question du droit de disposer de son corps, de la liberté et de l'émancipation est la condition pour l'égalité entre les femmes et les hommes.
FREDERIC RIVIERE
Alors vous avez lancé hier un plan de mobilisation contre le sexisme, ce combat contre le burkini ou la mode islamique, dont on a beaucoup parlé, ces derniers mois, relève t-il de la lutte contre le sexisme ?
LAURENCE ROSSIGNOL
La lutte contre le sexisme elle est bien plus vaste.
FREDERIC RIVIERE
Oui mais est-ce que ces points là en font partie ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Elle est bien plus vaste, la première chose que je voudrais dire c'est qu'on a effectivement beaucoup parlé de ces sujets là ; moi-même ma position est connue. Mais je sais aussi que le sexisme, les inégalités, la stigmatisation des femmes, la marginalisation des femmes elle ne s'exerce pas que dans des milieux désignés, elle est partout, elle est dans ce quartier, elle est dans l'entreprise, elle est parfois dans la famille.
FREDERIC RIVIERE
Dans le monde politique aussi.
LAURENCE ROSSIGNOL
Elle est dans le monde politique, elle est dans la rue, dans l'espace public et il n'y a pas aujourd'hui de raison de pointer les uns du doigt pour exonérer les autres. Tout cela est un ensemble, tout cela est un ensemble qui vise toujours d'un certain point de vue soit ramener les femmes à la place qui était la leur précédemment, celle dont elles sont sorties ; soit à les bloquer dans leur avancée vers l'égalité. Et tout cela d'un certain point de vue est un ensemble qui a des liens, il y a des liens entre les différents comportements sexistes dans une société. Toutes nos microsociétés humaines que je viens d'évoquer sont imprégnées par ces comportements, ces stéréotypes, ces attitudes qui toutes visent à délégitimer les femmes, les déstabiliser et les empêcher de se déployer comme elles peuvent le faire.
FREDERIC RIVIERE
Vous avez évoqué l'opération terroriste hier soir, trois femmes arrêtées, on parle d'un réseau d'islamistes radicales, un réseau féminin, qu'est-ce que ça vous inspire ?
LAURENCE ROSSIGNOL
Mais moi j'ai toujours pensé que la conception qu'on avait, le jugement qu'on avait sur les femmes radicalisées, victimes, était une erreur, je pense que ce sont des militantes politiques très déterminées, qui ont réfléchi et qui savent ce qu'elles font et qui veulent être dans le djihad, dans la confrontation avec nos sociétés, elles veulent y être comme les hommes. Il faut lire le livre d'un journaliste Martin SUC (SIC) sur les femmes de djihadistes et on comprend que ce ne sont pas des petits êtres fragiles et soumis, ce sont des vraies combattantes, elles aspirent à l'être et ça fait longtemps que j'observe avec attention ce qui se passe du côté des femmes parce que je sais que certaines d'entre elles piaffent de participer.
FREDERIC RIVIERE
Merci Laurence ROSSIGNOL. Bonne journée.
LAURENCE ROSSIGNOL
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 septembre 2016