Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, à LCI le 26 septembre 2001, sur la perspective d'une intervention militaire américaine, la politique gouvernementale, le budget 2002 et la question d'une relance de la consommation.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser Les parlementaires communistes se réunissent aujourd'hui à Bobigny. Hier soir, J.-M. Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée, a annoncé que L. Jospin s'adressera au Parlement le 2 ou le 3 octobre. Il y aura débat, peut-être un vote. Quelle sera l'attitude des parlementaires communistes dans le cadre de ce grand mouvement ?
- "C'est une situation extrêmement importante et complexe. Que le Parlement se réussisse, que le Premier ministre vienne s'expliquer devant le Parlement c'est déjà quelque chose de très important. Il est évident que nous avons d'emblée, vous l'avez noté, condamné avec une extrême vigueur le terrorisme qui n'est absolument pas une solution au problème et qui au contraire écarte les solutions politiques. Il reste qu'il faut éradiquer ce terrorisme, ces réseaux mais pas n'importe comment et pas dans n'importe quelles conditions. On ne va pas se mettre derrière Bush la fleur au fusil dans une sorte de coalition aveugle. De ce point de vue, ce qu'a dit le Premier ministre, il y a deux jours je crois, visant à ce qu'il y ait concertation, me semble évident. En ce qui nous concerne, nous souhaitons que cela se fasse sous l'égide de l'Onu."
Cela veut dire pas d'engagement militaire ?
- "Cela peut vouloir dire un engagement militaire mais dans des conditions qui restent à déterminer par la communauté internationale et pas unilatéralement par M. Bush."
La solidarité affirmée avec les Américains, ce serait donc des mots pour l'instant ?
- "Non, c'est une solidarité profonde."
Vous-mêmes, vous vous êtes exprimé en anglais à la Fête de l'Humanité ?
- "Je pense effectivement qu'il faut assurer au peuple américain cette solidarité face au terrorisme, face à cette violence aveugle mais en même temps ce n'est pas pour autant, je le répète, que l'on doit s'engager dans je ne sais quelle croisade, telle que l'a définie le Président Bush."
Ils sont revenus en arrière.
- "Oui, mais on parle de combats de civilisations. En gros, s'il y a un problème de civilisations dans le monde il faut aussi regarder ce qui est à l'origine des grandes inégalités et des frustrations qui permettent au terrorisme de se développer. Donc ce sont autant d'éléments qui me semblent aujourd'hui extrêmement importants."
Si demain, on vous demandait, ou la semaine prochaine, de voter un éventuel engagement militaire sous l'égide de l'Onu, que feriez-vous ?
- "Il faut que nous en discutions avec les partenaires de la France. Il faut voir dans quelles conditions effectivement cet engagement se ferait. Je répète qu'il y a la nécessité de s'attaquer au terrorisme dans ses racines profondes. En tout état de cause, s'il doit y avoir intervention à caractère militaire, c'est surtout en redonnant le primat à la politique qu'on peut apporter des réponses aux questions qui sont posées."
Même dans ce cadre-là ?
- "Oui absolument. Je crois vraiment qu'aujourd'hui il y a la nécessité de sortir de cette situation par le haut, par des réponses politiques, par des réponses où, une fois de plus, ce ne sont pas les peuples qui en subissent les conséquences et qui trinquent. Regardez en Afghanistan."
Est-ce qu'il ne faut pas déloger les taliban ?
- "Les Taliban ne sont pas si forts qu'on ne l'imagine. Il ne faut pas confondre les taliban avec le peuple afghan et à la population afghane. Il y a aussi des forces qui résistent aux taliban. Il faut voir que dans ce pays il y a des réseaux qui soutiennent les taliban, des Etats qui soutiennent les taliban et qui parfois d'ailleurs curieusement se retrouvent dans une coalition avec les Américains, ces derniers jours, au moins en paroles, si tout cela est regardé dans sa complexité et avec le discernement nécessaire, on peut effectivement faire reculer et éradiquer le terrorisme et notamment mettre un terme à cette folle aventure des taliban en Afghanistan."
Pour en revenir à la politique française et à la France : vous aviez dénoncé la politique palichonne du Premier ministre au moment des universités d'été du Parti communiste. Dimanche, dernier il y a eu des sénatoriales et le PC a gagné quatre sièges en général dans l'union avec le PS. Alors l'union a du bon quand même ?
- "L'union a du bon pour le PS et pour le PC. C'est évident. A chaque fois qu'on est uni, on arrive effectivement à faire avancer des positions notamment au plan électoral. Je pense que pour que cette union soit solide, il faut, avec ses partenaires, avoir le courage de tenir un langage de vérité. Moi j'estime que la politique conduite aujourd'hui par le Gouvernement a certainement trouvé déjà des résultats significatifs auxquels on a contribué mais cela ne suffit pas. Ce n'est cette politique à gauche qu'une bonne partie des couches populaires qui font confiance à la gauche plurielle attendent aujourd'hui. Il y a donc la nécessité d'une politique plus à gauche, bien à gauche."
Sur quoi allez-vous mettre l'accent aujourd'hui par exemple ?
- "Aujourd'hui, il y a un débat aux journées parlementaires sur à la fois les questions du budget..."
Le financement de la Sécu, les 35 heures ?
- "Le budget qui est présenté par L. Fabius incontestablement est sous une certaine pression des choix libéraux européens. On voit bien qu'il s'inscrit dans le passage obligé de la Banque centrale européenne. Il est même timide par rapport aux possibilités qu'offrent les marges, aujourd'hui, y compris dans les critères européens. Je pense que c'est un budget qu'il faut infléchir dans un sens meilleur et plus à gauche. C'est évident."
Plus à gauche mais on reproche aussi à L. Fabius de tabler sur une croissance de 2,5 %. Les analystes disent que c'est irréaliste.
- "Je pense qu'on n'ira pas à la croissance telle que l'imagine L. Fabius aujourd'hui, s'il ne prend pas d'autres mesures par rapport à la consommation, telle que l'augmentation des salaires, des dispositions qui relancent réellement la consommation et qui permettent une vraie croissance, on n'ira pas à cette croissance. Je pense qu'il y a des éléments liés et à la récession naissante aux Etats-Unis avant même les attentats, mais pas seulement. Il y a dans la politique française, dans la politique qui est trop inféodée à la démarche de la Banque centrale européenne et aux critères européens..."
C'est le choix des Français.
- "C'est un choix qui peut être discuté aussi parce qu'il y a des Français qui proposaient d'autres choix et ils n'étaient pas un petit nombre. Je crois qu'il faut aujourd'hui entendre un certain nombre de choses. Et depuis Maastricht, il y a eu 1997 et un changement politique en France."
Enfin ce choix a été entériné. Une question sur la campagne présidentielle : elle est un peu mise en sourdine, pas chez les Verts apparemment, puisqu'il semblerait que leur candidat soit contesté. Vous disiez que vous n'aviez pas comptabilisé les gaffes de M. Lipietz. Vous pensez que bientôt vous n'aurez plus à le faire du tout ?
- "Je ne veux pas rentrer dans ce débat très difficile pour les Verts. Ce sont incontestablement des turbulences qui gênent ce parti. Mais c'est son affaire. Il a désigné un candidat démocratiquement. S'il doit trouver une autre solution, aujourd'hui, elle doit être - c'est ce qui se dit chez les Verts en ce moment - démocratique. En tous les cas je n'ai pas à m'immiscer dans les affaires des Verts."
A la lumière de cette affaire, vous espérez rester le deuxième parti de la majorité plurielle ?
- "Je crois que les élections sénatoriales ont fait une démonstration importante. Tout ce qui se disait au lendemain des municipales sur l'effondrement du Parti communiste qui devait disparaître se révèle aujourd'hui autrement avec les grands électeurs. c'est-à-dire ce qui a été réellement le résultat des municipales. Avec les sénatoriales, on voit que le Parti communiste est une force sans laquelle il n'y a pas de majorité plurielle et en tous les cas, sans laquelle on ne pourra pas résister à la droite dans la prochaine période. Le Parti communiste est vraiment effectivement en situation de pouvoir apporter à la majorité cette contribution."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 septembre 2001)