Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur en réponse à une question sur le rôle de la diplomatie française dans la recherche d'une solution au conflit en Syrie, à l'Assemblée nationale le 12 octobre 2016.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par M. André Chassaigne, député (Gauche démocrate et républicaine) du Puy-de-Dôme, à l'Assemblée nationale le 12 octobre 2016

Texte intégral

Monsieur le Président, vous l'avez dit et chacun a cela à l'esprit, Alep est aujourd'hui une ville bombardée, martyrisée, dont les 250.000 habitants sont assiégés et affamés, les principales victimes appartenant à la population civile - des femmes, des hommes, des enfants.
Des crimes de guerre y sont commis et ce qui se passe est une tragédie. Cette tragédie a un responsable. Bien sûr, il ne faut jamais être caricatural et la situation en Syrie et en Irak, comme au Proche et au Moyen-Orient, est d'une très grande complexité, mais cette tragédie a un responsable : c'est le régime d'Assad, appuyé et soutenu à bout de bras par la Russie et l'Iran. Et sans le soutien massif de la Russie ce régime et Assad seraient dans l'incapacité de livrer cette bataille d'Alep.
Face à cette tragédie, qui interpelle la conscience mondiale, nous n'avons pas le droit à l'impuissance. Nous ne pouvons pas assister au massacre de civils, au pilonnage délibéré des hôpitaux - et vous avez en tête, Monsieur le Président, le témoignage de tous les humanitaires sur l'incapacité qui est la leur de venir en aide à ces civils. Nous ne pouvons rester impuissants et nous contenter de déplorer cette situation.
Pour la France, puisque vous m'interrogez sur notre position, l'urgence, c'est la trêve, c'est un cessez-le-feu qui permette enfin à l'aide humanitaire de parvenir aux quartiers assiégés. Et l'urgence des urgences, c'est l'évacuation des blessés et l'acheminement des indispensables secours médicaux. Et c'est au nom de cette urgence que nous avons soumis une résolution au vote du conseil de sécurité des Nations unies.
Le ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, il l'a rappelé hier, s'est rendu à Moscou la semaine dernière puis à Washington pour créer les conditions d'une adoption. La Russie a décidé, dans les conditions que vous connaissez, d'opposer son veto à cette résolution qui n'a donc pu être adoptée, mais les initiatives russes n'étaient soutenues que par quelques pays.
La Russie a choisi une attitude d'obstruction. De notre point de vue, cette attitude est injustifiable. Je vais vous dire précisément ce que je crois. La Russie est un grand pays, par son histoire, sa culture. C'est un pays en grande partie européen, un pays qui a une relation historique avec la France, un pays qui a payé un lourd tribut au cours du deuxième conflit mondial. C'est pour cela que la Russie et la France siègent ensemble au conseil de sécurité des Nations unies et qu'elles sont l'une et l'autre membres permanents de ce conseil.
Nous pouvons avoir des objectifs communs, y compris pour lutter contre le terrorisme, en Syrie, en Irak et partout dans le monde car les Russes peuvent être et ont été, comme nous, victimes du terrorisme.
Mais parce que la Russie est un grand pays, parce qu'elle a une responsabilité que lui a donné l'Histoire, parce que nous avons cette relation avec elle, nous l'appelons à assumer ses responsabilités pour faire cesser ces massacres.
Nous continuerons à discuter avec les Russes et avec leurs dirigeants, pas en vain mais pour avancer, pour sauver Alep, pour soutenir un accord de cessez-le-feu, pour trouver une solution de paix. Le président de la République, il faut être sérieux sur un tel sujet, était prêt à recevoir le président Poutine le 19 octobre pas pour l'accompagner dans une visite culturelle ou à caractère religieux mais pour discuter de ce plan en vue d'imposer un cessez-le-feu à Alep.
Pouvait-on imaginer une visite du président russe à Paris pour inaugurer une exposition consacrée à l'art russe ou bien encore l'église orthodoxe sans que soit organisée une discussion directe, comme elle a déjà eu lieu au G20, à Moscou, à Paris, entre le président de la République et le président Poutine ? Ce n'était pas possible. Le choix a donc été fait de tirer les leçons du fait que cette discussion n'était, hélas, pas possible.
Nous avons pris acte de ce renoncement, mais le dialogue se poursuit.
Les mêmes qui aujourd'hui cherchent ici à m'interrompre oublient quel a été le rôle du président de la République et de la chancelière Merkel pour trouver ensemble une solution en Ukraine, car c'est par le dialogue que l'on réussit. Et je suis étonné de constater que celui qui cherche à m'interrompre, après avoir été hier le plus pro-américain, est aujourd'hui le plus pro-russe.
Mais j'en reviens à ma réponse au président qui a posé une question sérieuse : nous n'abandonnerons pas nos efforts et nous poursuivrons sans relâche notre mobilisation pour Alep et la Syrie. Face aux crimes de guerre commis à Alep contre les civils et les infrastructures de santé, l'impunité ne peut être tolérée. Nous en appelons à la Russie pour qu'elle assume ses responsabilités de grand pays.
Nous, en tant que grand pays, membre permanent du conseil de sécurité, parce la France est une voix écoutée et respectée, nous assumerons nos responsabilités.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 17 octobre 2016