Interview de M. Pascal Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports à Europe 1 le 7 septembre 2016, sur la politique de la ville dans les quartiers et le chômage.

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Média : Europe 1

Texte intégral


JULIE LECLERC
L'interview vérité d'Europe 1. Thomas, vous recevez ce matin Patrick KANNER, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports.
THOMAS SOTTO
Il y a deux jours, Emmanuel MACRON est allé en banlieue, à Bobigny, il a dénoncé le clientélisme et les trop nombreuses promesses et concessions faites par le passé aux habitants des quartiers populaires, parlant de quartiers plombés par le chômage de masse, où il n'y a plus de mobilité géographique. Bonjour Patrick KANNER.
PATRICK KANNER
Bonjour.
THOMAS SOTTO
Emmanuel MACRON fait votre bilan, plutôt que votre dépôt de bilan. Celui qui était encore ministre de l'Economie il y a huit jours, fait le constat d'un échec implacable.
PATRICK KANNER
Ecoutez, j'aime beaucoup Emmanuel MACRON, nous avons siégé côte à côte au Conseil des ministres, mais en même temps, je remarque qu'il voyage beaucoup, Emmanuel en banlieue, Emmanuel à la plage, Emmanuel au camping, Emmanuel en campagne, Emmanuel... je ne sais pas, on ne va pas réagir à chaque fois qu'Emmanuel MACRON fait un déplacement et critique le gouvernement auquel il a appartenu.
THOMAS SOTTO
Ah mais il dit les choses assez clairement. Il faut ne plus être ministre pour dire les choses, aujourd'hui ?
PATRICK KANNER
En tout cas, ce qui est certain, c'est qu'il a quitté le gouvernement sans avoir terminé le job. Il n'a pas terminé le job, et notamment dans les banlieues. Ensemble, nous avons porté la création de l'agence France Entrepreneur, pour développer l'économie dans les quartiers, ça vient de commencer. Ensemble, nous avons créé la grande école du numérique, qui permet à des jeunes en grandes difficultés de pouvoir, sans diplôme, se mettre aux métiers du numérique, et de trouver du boulot en la matière. Ensemble, on a créé des structures, comme Talents des Cités, Entreprise et Quartier, qui permettent là aussi de développer l'économie. L'économie, elle n'est pas tout, d'ailleurs je crois qu'il faut dire à Emmanuel, que dans les quartiers il y a aussi de l'éducation, il y a de la sécurité, il y a de la citoyenneté, il y a de la rénovation urbaine, un million d'euros par an de rénovation urbaine.
THOMAS SOTTO
Vous dites quoi ? Qu'Emmanuel MACRON n'est pas légitime aujourd'hui en ayant déserté le gouvernement, en quelques sortes ?
PATRICK KANNER
Non, je dis simplement qu'il ne connait pas complètement ses dossiers, en tout cas ce dossier-là. Le reste... Mais ce dossier-là, c'est un dossier extrêmement complexe, extrêmement difficile, il y a 5,5 millions de Français qui vivent dans ces quartiers, il ne faut pas les humilier, il ne faut pas les considérer comme étant des sous-citoyens, et quelque part, dans la critique d'Emmanuel MACRON, qui devrait mieux se renseigner sur ce qui a été fait et sur ce qu'il a fait lui-même, et encore une fois, je veux bien vous en apporter quelques témoignages.
THOMAS SOTTO
Alors, on va laisser la polémique politique de côté. Le juge de paix, c'est le chômage, Patrick KANNER, rapport de l'Observatoire national de la politique de la Ville publié en mai, bilan : en deux ans les banlieues populaires se sont enfoncées dans la récession, là où ailleurs ça va un peu mieux. Le taux de chômage des 15/64 ans, c'est 26,7 %, selon les derniers chiffres disponibles, voilà, alors que c'est beaucoup moins chez...
PATRICK KANNER
C'est un rapport qui porte, vous savez, sur l'économie antérieure.
THOMAS SOTTO
Sur 2014.
PATRICK KANNER
2014, tous les deux ans...
THOMAS SOTTO
C'est tous les deux ans, donc on attend le prochain.
PATRICK KANNER
... on attend le prochain. Il y a eu un grand, gros effort...
THOMAS SOTTO
Je peux aussi vous dire qu'en Seine-Saint-Denis aujourd'hui, voilà, on st sur des taux qui sont beaucoup plus élevés qu'à Paris, par exemple.
PATRICK KANNER
Mais personne ne le nie. Personne ne le nie. Simplement, une fois qu'on a nommé les choses, il faut agir. Et il est vrai qu'aujourd'hui ces quartiers souffrent de ségrégations sur le plan territorial et social, d'ailleurs le Premier ministre l'a dit lui-même, apartheid, ethnique, territorial et social, donc on ne nous cache pas la vérité, naturellement, mais ce n'est pas en enfonçant quelque part, en humiliant les quartiers, qu'on améliore leur situation. Donc moi je considère que le travail est en train d'être fait, que c'est un travail qui est long, que le travail des politiques n'est pas le temps des habitants, que les habitants veulent bien sûr que ça aille tout de suite. Vous savez, quand il y a à peu près un mois et demi je vais « faire sauter » une tour à Marseille, eh bien ça a mis trois ans, trois ans et demi, parce qu'il a fallu reloger les personnes, et maintenant tout le monde considère que cette tour, qui était vraiment un lieu extrêmement de non-droit, eh bien permet de voir ce quartier de Marseille évoluer positivement, malgré les difficultés que l'on connait aujourd'hui.
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous avez le sentiment, Patrick KANNER, qu'en 2016, aujourd'hui, donc, les jeunes de banlieue vivent mieux qu'en 2012 ? François HOLLANDE avait demandé très clairement à être jugé là-dessus, il l'avait même redit le soir de son élection.
PATRICK KANNER
Les jeunes de banlieue, aujourd'hui, sont en difficultés, ils connaissent un taux de chômage qui est supérieur à la moyenne nationale, et en même temps, on concentre sur ces jeunes, toutes les politiques d'insertion, je pense à la garantie jeunes, je pense au service civique, je pense aussi aux emplois d'avenir. On leur permet de créer leur entreprise, Agence France Entrepreneur, créée avec Emmanuel MACRON. On leur permet d'être plus reconnus, y compris par les moyens éducatifs.
THOMAS SOTTO
Est-ce qu'aujourd'hui, finalement, la phrase de François HOLLANDE est simple : est-ce qu'ils vivent mieux en 2016, qu'en 2007, qu'en 2012 ?
PATRICK KANNER
Moi je le dis, les jeunes en France, pas qu'en banlieue, vivront mieux en 2017 qu'en 2012. Et notamment un chiffre, vous parliez de chômage, le chômage des jeunes aujourd'hui est retombé au niveau de 2012. C'est encore très largement insuffisant, mais nous progressons. Simplement, je demande à être jugé sur un bilan exhaustif, et non pas, comme cela, à l'emporte-pièce, en fonction de tel ou tel déplacement.
THOMAS SOTTO
Vous évoquiez à l'instant le service civique, c'est évidemment intéressant à bien des égards, le service civique, mais pour lutter contre le chômage, c'est pas le problème, les jeunes ils ne veulent pas simplement qu'on les occupe et qu'on leur donne une indemnité, ils veulent un vrai job, construire une carrière, et ça, ils n'y arrivent pas aujourd'hui.
PATRICK KANNER
Bien sûr, mais attendez, le service civique n'a jamais été une mesure pour l'emploi, c'est une mesure qui...
THOMAS SOTTO
Non mais ça sert à sortir des statistiques de l'emploi, des jeunes qui …
PATRICK KANNER
Ça sert toujours à des jeunes, de pouvoir se créer des réseaux, de pouvoir investir dans des associations, de pouvoir montrer leur utilité. Hier, je signais, et je vais vous donner un exemple très concret. Hier, je signais avec Gérard MESTRALLET, un grand patron, patron d'ENGIE, SUEZ, la convention annuelle avec FACE, Fondation Agir Contre l'Exclusion, dont il est le président, un patron de progrès, permettez-moi l'expression. Et Gérard MESTRALLET avait quelques exemples autour de lui, et notamment de jeunes en service civique, qui après avoir fait leur service civique, avaient trouvé du boulot dans les entreprises. Donc, le service civique, c'est un levier, ce n'est pas une mesure pour l'emploi, mais c'est un levier, et je vous assure que tous les jeunes qui ont fait cette expérience, s'en sortent extrêmement modifiés et positivement modifiés.
THOMAS SOTTO
Patrick KANNER, on tombe le costume, la cravate, on met le survêtement, c'est au ministre des Sports que je m'adresse à présent. C'est le début des Jeux Paralympiques à Rio, et vous lancez d'ailleurs une campagne, voilà : « Sérieusement, des aveugles qui jouent au foot », « De toute façon l'handisport, c'est pas du sport », « Non mais les Jeux Paralympiques, tout le monde s'en fout », « Sa médaille, elle doit être en chocolat, non ? ». Ça s'appelle « Coup de sifflet », comme campagne. Que dites-vous...
PATRICK KANNER
Campagne décalée, vous avez compris.
THOMAS SOTTO
Oui, bien sûr, bien sûr. Que dites-vous à ceux encore nombreux qui regardent de loin, pour ne pas dire de haut, le sport paralympique ?
PATRICK KANNER
Alors, c'est pour ça que cette campagne a été faite, c'est-à-dire énoncer les discriminations, énoncer les préjugés pour mieux les dénoncer. Pour mieux les dénoncer. Il est vrai que le sport paralympique est un sport extraordinaire, nous avons donc 126, et merci d'ailleurs d'avoir relié ça depuis ce matin sur votre radio, 126 athlètes exceptionnels qui vont gagner...
THOMAS SOTTO
On en reparlera jusqu'au 18 septembre, des Jeux Paralympiques.
PATRICK KANNER
Qui vont gagner je l'espère plus que 45 médailles, c'était leur chiffre...
THOMAS SOTTO
C'est quoi l'objectif, alors ? 45 à Londres, 52 à Pékin, là c'est quoi ?
PATRICK KANNER
On espère qu'ils seront autour de 60.
THOMAS SOTTO
Allez, 60.
PATRICK KANNER
Autour de 60, allez, je prends un risque, et d'être dans le Top 10 des Nations. En tout cas, ils nous émettent des ondes positives. Moi j'étais avec François HOLLANDE à leur départ le 1er septembre pour Rio, je peux vous dire qu'ils sont exceptionnels et qu'ils montrent simplement que, en France, eh bien il y a des potentialités et que le handicap n'est en aucun cas une fatalité potentielle.
THOMAS SOTTO
Et donc on va dire tout simplement pour finir : allez les Bleus !
PATRICK KANNER
Allez les Bleus !
THOMAS SOTTO
Merci Patrick KANNER d'être venu ce matin sur Europe 1.
source : Service d'information du Gouvernement, le 20 septembre 2016