Interview de M. Matthias Fekl, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à la promotion du tourisme et aux Français de l'étranger, avec RMC le 16 novembre 2016, sur la candidature d'Emmanuel Macron à la présidentielle de 2017 et sur les relations commerciales entre la Chine et l'Union européenne.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Matthias FEKL, bonjour.
MATTHIAS FEKL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes secrétaire d'État au Commerce extérieur, membre du gouvernement. La candidature d'Emmanuel MACRON, c'est une bonne nouvelle ?
MATTHIAS FEKL
Il y a deux critères pour jauger, juger, évaluer une candidature. C'est le projet et c'est ensuite est-ce qu'elle permet ou non de gagner. Mais moi, je ne me retrouve pas du tout dans cette démarche, je l'ai dit déjà à de nombreuses reprises, parce que je ne pense pas que les recettes d'il y a trente ans - c'est-à-dire le libéralisme, c'est-à-dire le blairisme - soient adaptées à la période que nous traversons. Je ne pense pas que nous ayons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il a des recettes d'il y a trente ans, MACRON, d'après ce qu'il a commencé à annoncer ?
MATTHIAS FEKL
Il me semble que ce sont des recettes très anciennes. Le social-libéralisme, qui était à la mode dans les années quatre-vingts mais qui a conduit aussi à ce que nous voyons aujourd'hui, c'est-à-dire de la désindustrialisation, c'est-à-dire des pertes de repères, la suppression de règles dans l'économie mondiale, tout cela me semble très peu souhaitable et totalement à contre-courant de ce dont nous avons besoin.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais politiquement, c'est un coup terrible porté à François HOLLANDE, franchement Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Ça, je ne sais pas. Ce qui compte, c'est le fond, le projet, les idées, qu'est-ce qu'on défend pour le pays. C'est là-dessus que chacun doit se déterminer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais c'est de la trahison ? C'est quoi ? Comment le jugez-vous ?
MATTHIAS FEKL
Ça, je n'en sais rien.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Peu importe ?
MATTHIAS FEKL
C'est à eux deux de régler ça, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De régler ça, oui.
MATTHIAS FEKL
Moi, je ne suis pas là-dedans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez-le suivre ou pas ?
MATTHIAS FEKL
Non. Je viens de vous dire que je ne me retrouvais pas dans le fond, loin de là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais quand par exemple il dit : “Je veux bousculer les choses et je veux, par exemple, mettre à terre le RSI.? Je prends un exemple comme ça. C'est bien, non ?
MATTHIAS FEKL
C'est surtout dommage de ne pas l'avoir fait quand il était au pouvoir et qu'il était en responsabilité. Il y a beaucoup de choses à faire. Moi, je vois chez moi en Lot-et-Garonne que le RSI est un problème pour beaucoup d'artisans, beaucoup de PME, donc il faut y travailler. Mais la politique, ce n'est pas juste de balancer des mots et des slogans. Vous savez, plus profondément, quand je vois que tous les lobbies de Paris se sentent chez eux dans le bureau d'un homme politique, qu'ils mobilisent tous leurs relais médiatiques pour faire le packaging et le marketing, j'ai un bout de méfiance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? Qu'est-ce que vous voulez dire par-là ?
MATTHIAS FEKL
Vous voyez bien qui sponsorise la campagne ; vous voyez bien d'où vient l'argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De MACRON ? D'où vient l'argent ?
MATTHIAS FEKL
C'est à lui de le dire mais il y a beaucoup de contributions de ce qu'on dit. On ne trouve pas trois millions d'euros comme ça, dans une pochette-surprise.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est quoi ? Le candidat de la haute finance ? C'est le candidat des marchés ?
MATTHIAS FEKL
C'est le candidat de tous ceux d'abord qui ont intérêt à faire exploser la gauche. A ce titre, je n'ai jamais compris en réalité sa nomination. On savait très bien que tout ça, c'était une bombe à retardement placée au coeur d'une famille politique. La bombe a explosé, chacun peut en tirer les conséquences. Ensuite, encore une fois, ce qui compte pour demain c'est le rassemblement et l'unité de notre famille politique. C'est là-dessus qu'il faut travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, l'unité à gauche !
MATTHIAS FEKL
Elle n'est pas réalisée aujourd'hui, c'est le moins qu'on puisse dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non seulement elle n'est pas réalisée, mais elle vole même en éclats. C'est vrai, Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Oui, mais c'est terrible parce que quand vous avez en face la droite qu'on voit dans les débats, avec une surenchère sur combien on supprime de fonctionnaires dans les hôpitaux, dans la sécurité, dans le service postal, dans la santé, et cetera, quand vous avez l'extrême droite avec ses solutions, chacun là-dessus doit assumer sa part de responsabilité et se dire comment il contribue à la victoire de la gauche en 2017. C'est le seul vrai sujet en réalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avant le 13 décembre, il va falloir décider ; accord commercial avec la Chine. Est-ce que la Chine va obtenir le statut d'économie de marché ? Est-ce que l'Europe va le lui accorder ?
MATTHIAS FEKL
Non. La Chine n'est pas une économie de marché. L'Europe là-dessus a évolué d'ailleurs. Ça fait deux ans…
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Europe dit non ?
MATTHIAS FEKL
Alors d'abord le contexte, après je vous répondrai…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, parce que le Parlement européen a voté contre ce statut.
MATTHIAS FEKL
Oui. La Commission européenne a fait une proposition il y a quelques jours, qu'on est en train d'expertiser sur un plan juridique parce qu'il y a beaucoup de choses : comment est-ce qu'on défend nos entreprises ; comment est-ce qu'on fait en sorte que nos usines ne ferment pas mais qu'elles puissent produire ; comment on lutte contre le dumping, la concurrence déloyale. C'est ça les sujets sur la table et c'est un enjeu majeur pour des dizaines, peut-être des centaines de milliers d'emplois en Europe à très brève échéance. Il y a une mobilisation totale de la France là-dessus, ça va deux ans que je travaille sur ce sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais que va dire l'Europe aux Chinois ?
MATTHIAS FEKL
L'Europe, aujourd'hui ce qu'elle a proposé, c'est de ne pas octroyer ce statut et de faire au-delà des mots statut ou pas statut, que demain on puisse avoir de meilleurs outils de ce qu'on appelle la défense commerciale, la réciprocité ; comment, quand vous avez de la concurrence déloyale, vous pouvez répondre, et le combat global là-dessus qui est à mener. Mais ce n'est pas quelque chose contre la Chine, c'est quelque chose à l'heure de la mondialisation, face aux Etats-Unis, face aux émergents. Comment on met des règles et comment est-ce qu'on met de la réciprocité dans les échanges ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors est-ce que l'Europe doit se protéger plus ?
MATTHIAS FEKL
Évidemment. Elle doit s'affirmer. Je suis profondément Européen mais à condition que l'Europe protège et qu'elle s'affirme. C'est ce qu'elle fait en Irlande quand, avec APPLE, elle lutte contre le scandale de l'optimisation fiscale qui supprime des impôts pour les grandes entreprises, qui supprime ensuite des services publics. C'est ce qu'elle doit faire aussi sur les sujets commerciaux, d'où la position sur le TAFTA avec la demande de fin de négociation ; d'où le plaidoyer permanent pour qu'il y ait des règles, de la démocratie avec le vote des parlements ; qu'il y ait de la transparence et qu'on puisse faire ce que d'autres font sans aucune vergogne. C'est-à-dire que quand il y a de la concurrence déloyale, on doit pouvoir répondre rapidement et efficacement. C'est un combat absolument majeur avec des préoccupations et des impacts immédiats ensuite dans nos territoires sur l'emploi, sur les usines, sur l'industrie, et sur les salariés. Ce qui se décide-là est absolument majeur et c'est pourquoi la France, avec d'autres en Europe, est extrêmement ferme sur ces sujets.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci, Matthias FEKL.
MATTHIAS FEKL
Merci à vous.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être venu nous voir.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 novembre 2016