Texte intégral
Q - Le nombre de touristes étrangers devrait vraisemblablement passer sous la barre des 80 millions cette année. L'objectif des 100 millions à l'horizon 2020 est-il encore accessible voire crédible ?
R - La possibilité d'atteindre cet objectif dépend d'un certain nombre de facteurs. À l'évidence, nous étions bien sur le chemin en 2015. À ce stade, le nombre d'arrivées internationales est en recul de 8% cette année, au regard du cumul sur janvier-octobre. Mais je ne pense pas que le ralentissement soit structurel. Il n'y a pas que les attentats qui ont joué. Il y a eu des mouvements sociaux et des inondations. Ceci étant, le secteur a bien résisté. Et le fléchissement de certains marchés, asiatiques en particulier, est lié à tous ces facteurs. Mais l'Asie ne représente que 3% de la fréquentation. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer le phénomène compte tenu du potentiel de sa clientèle. Nous avons accueilli 2,2 millions de visiteurs chinois en 2015. Ils pourraient être 5 millions à l'horizon 2020. Il y a aussi un enjeu en termes de recettes. La dépense moyenne des touristes asiatiques - de l'ordre de 1.600 euros par séjour - est le double de celle de la clientèle américaine.
Q - Face à la question sécuritaire, quand les mesures récemment décidées seront-elles mises en oeuvre ?
R - Elles le sont déjà. Parmi les mesures du dernier comité interministériel sur le tourisme, le gouvernement a débloqué 15,5 millions d'euros pour sécuriser les lieux touristiques. Il est insupportable que certains visiteurs étrangers soient une cible de la petite délinquance. Il faut également se soucier de l'accompagnement des groupes.
Q - D'aucuns ont suggéré la création d'une police touristique. Qu'en pensez-vous ?
R - Ce n'est pas la formule retenue par le gouvernement. Nos forces de police ont la pleine capacité pour assurer la sécurité de nos visiteurs étrangers. Nous privilégions les partenariats avec les pays tiers comme nous l'avons fait par exemple pendant l'Euro. Nous étudions d'ailleurs un projet en ce sens avec les autorités chinoises. Nous allons également mettre en place un label «sécurité tourisme» pour améliorer la coordination avec les professionnels. La sécurité est appréhendée par nos visiteurs comme étant un élément d'un ensemble. L'image de la France reste bonne, notre capital sympathie n'est pas entamé. Mais il faut organiser la filière, avec les territoires. Le tourisme est une filière majeure, qui représente de 7 à 8% du PIB et au moins 2 millions d'emplois. Pour renforcer le secteur, il faut examiner les mesures qui relèvent de l'urgence, mais aussi mener une action structurelle.
Q - Où en est justement le plan d'action annoncé à l'automne 2015, et notamment le programme d'investissement de 1 milliard d'euros sur cinq ans ?
R - Sa mise en oeuvre a bien avancé. S'agissant du volet consacré aux hébergements et aux infrastructures, pour lequel la caisse des dépôts doit mobiliser 400 millions d'euros de fonds propres, une vingtaine de projets ont été lancés pour un montant total de 460 millions. À titre d'exemple, 3,5 millions sur 22 millions ont été apportés dans le cadre du projet de transformation de l'ancienne caserne de pompiers de Reims en hôtel. De même, 2,3 millions d'euros sont consacrés au projet de rénovation de l'établissement thermal de Châtel-Guyon sur 24 millions. Autre exemple, l'extension du parc Le Petit Prince, en Alsace, fait l'objet d'un apport de 3 millions sur un total de huit. En parallèle, il est prévu une enveloppe de 500 millions d'euros pour la construction ou la rénovation d'hébergements. Un gros investissement vient d'être engagé avec le projet de Club Med de Samoëns qui bénéficie d'un apport de 26 millions sur un total de 96 millions. Il y a enfin une troisième composante, l'innovation, pilotée par Bpifrance. Un fonds de l'ordre de 100 millions est prévu. Bpifrance a notamment donné un coup de pouce à France Hostels, un nouvel acteur dans le secteur des auberges de jeunesse.
Q - CDG Express n'a toujours pas de financement. N'est-ce pas un manque flagrant ?
R - CDG Express, qui est porté par ADP et la SNCF, est bien un projet majeur. Le renforcement de l'Ile-de-France en tant que grande métropole mondiale nécessite des infrastructures. Je me suis attelé à ce dossier quand j'étais Premier ministre. J'ai noté au cours de mes contacts, en tant que ministre des Affaires étrangères, que les investisseurs chinois sont intéressés par les infrastructures en France.
Q - Quel est votre point de vue sur la présence du groupe chinois Jin Jiang au sein du capital d'AccorHotels ?
R - Nous devons avoir un langage clair avec les Chinois. Si tel ou tel investissement pose problème parce qu'il met en cause nos intérêts stratégiques, il faut le leur dire. AccorHotels est un atout formidable pour la France, nos amis chinois le comprennent. Il n'est pas illégitime qu'ils souhaitent accompagner l'essor du tourisme chinois à l'étranger. En tout état de cause, l'important, lorsque des intérêts communs sont en jeu, c'est de nouer un dialogue en toute franchise.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2016