Texte intégral
F. Laborde Vous êtes en direct d'une école qui a été évidemment touchée, mais qui va tout de même recevoir des enfants aujourd'hui. C'est tout un symbole au fond.
- "C'est une école qui est située sur le quartier du Miraille. C'est une école maternelle, qui reçoit 5 classes. Les travaux de réfection ont permis la réouverture durant la semaine dernière. C'est une prouesse des employés municipaux. Il y a 1.500 employés municipaux qui ont travaillé 24 heures sur 24, depuis la première minute de l'explosion. Des enfants, dans quelques minutes, viendront ici. Cela permet de dire que la vie continue à Toulouse, en particulier dans un quartier qui a été très touché. Nous avons des milliers de logements qui ont été soufflés et, en particulier dans ce quartier du Miraille, où des centaines d'appartements sont inutilisables."
Hier, on a assisté à cette cérémonie extrêmement émouvante. C'est toute une ville qui a manifesté sa solidarité. Cette solidarité est encore palpable ?
- "C'est une tragédie qu'on n'oubliera jamais. Il faut regarder devant, parce que Toulouse est une ville d'avenir. Mais on n'oubliera jamais une tragédie comme celle-là. Il y avait les victimes, les familles des victimes à cette cérémonie. Il y avait toute une communauté, toute une ville derrière. Nous sommes quand même sous le choc. La plus grande chose que l'on puisse dire, en particulier aux générations futures et aux jeunes, c'est que nous n'accepterons plus d'avoir ce type d'usines, ce type d'usines dangereuses, ce type de bombes à retardement aux portes de Toulouse."
Justement, dans un éditorial à paraître dans l'édition du Monde, vous poussez une sorte de coup de gueule et vous demandez la disparition du pôle chimique de Toulouse ?
- "On ne peut pas continuer. Il y avait ici, trois usines, une a explosé. La seconde contient des gaz toxiques, les canalisations ont donc tenu par miracle, alors qu'ils sont à 300 mètres du lieu de l'explosion... Cela pose le problème de la proximité de ce type d'usines avec des agglomérations, qu'elles soient grandes, moyennes ou petites."
Il y autour du gaz moutarde, la société nationale des poudres, des choses extrêmement dangereuses et toxiques ?
- "Il y a aussi la présence de gaz mortels, dont les canalisations ont tenu. Ici, on a eu une solidarité exceptionnelle - on l'a vu - médicale et en terme de communauté toulousaine et, en même temps, une peur extraordinaire. Comment pouvoir continuer à vivre, alors qu'on sait que d'un moment à l'autre les choses peuvent exploser ? Il y a des études de danger qui sont faites par ces entreprises. Ces études de danger sont contrôlées par l'Etat. Il ne suffit pas que l'Etat se permette simplement de contrôler. Il faut qu'il fasse les études de danger. Les études de danger doivent être faites par l'Etat, connues par tous et en toute transparence."
C'est pour cela que vous demandez la création d'une cellule nationale d'urgence, chargée justement de contrôler les sites Seveso, qui sont autour de 500 en France ?
- "D'abord, il faut que l'Etat contrôle toutes ces études de danger. C'est une mission régalienne de l'Etat. D'autre part, il faut maintenant mettre en place une cellule pour les industriels français, qui veulent garder leur rang en pétrochimie dans le monde - et c'est normal. Mais il faut aussi que l'Etat, les collectivités locales, les opinions publiques, les chercheurs, les scientifiques, les syndicats, ceux qui travaillent dans ces entreprises, les comités d'entreprise, puissent se retrouver pour savoir où mettre ces usines, sans qu'il y ait des dangers. Je vous rappelle : il y a 2.000 blessés et 29 morts, dont 30 blessés très gravement touchés et qui sont à l'hôpital."
Les industriels ont dit et répété qu'il n'était pas question pour eux de déménager les usines et que si on fermait le site, le pôle chimique partirait. Economiquement, c'est un peu compliqué pour vous ?
- "Qu'il parte, ce pôle chimique ! Nous ne voulons pas garder aux portes de Toulouse - je crois que je suis clair - ce type d'usines. Pourquoi ? D'abord, parce qu'après ce qui s'est passé, cela voudrait dire que rien ne sert à rien ! Cela voudrait dire qu'on peut avoir une explosion, peut-être encore plus forte, avec des centaines de morts et que rien ne changera. La question se pose en 2001 : est-ce que nous avons d'abord besoin de ce type d'usines ? Et, si nous en avons besoin, est-ce que nous en avons besoin plutôt dans des lieux où il n'y a pas de densité d'habitants, plutôt qu'aux portes d'une des plus grandes villes de France ? Ce serait inacceptable de ne pas le comprendre. Ce serait inconscient de ne pas en tirer les conclusions."
Les assurances estiment que le coût sera entre 5 à 10 milliards de francs. Il y a déjà 16 plaintes qui ont été déposées. C'est le début d'une longue et difficile procédure, qui doit mener à quoi ? A la reconstruction d'un nouveau quartier ?
- "Ce n'est pas un quartier, ce sont plusieurs quartiers. Je vous invite à venir, pour voir de vos propres yeux ce qui s'est passé ici. Il y a tout le quartier chimique ou industriel, mais au-delà de l'autoroute et au-delà de la rocade, il y a eu plusieurs quartiers, des dizaines de milliers de logements, touchés. J'estime à plus de 20.000 logements touchés dont 10.000 sociaux et 2.000 aujourd'hui inutilisables. Evidemment, il va falloir tout reconstruire. L'enquête dira quelle sont les responsabilités. J'attends les résultats de l'enquête mais je dois la vérité aux Toulousains. Aujourd'hui, mon problème est de reloger les personnes. Il y a des centaines de personnes ici qui, depuis vendredi, n'ont pas de logements et qui vivent dans des gymnases. Ils sont en colère et je les comprends. Je dois, avec les moyens du bord, déjà essayer de leur trouver un logement transitoire, puis ensuite un logement définitif. Il fallait déjà faire la rentrée scolaire. Pour les habitants qui ont été très traumatisés, en particulier des enfants, on a fait des cellules de soutiens psychologiques. Il fallait montrer aux Toulousains que la vie continuait. Nous avons commencer par les enfants. Maintenant, on va le faire avec les adultes et les logements."
Evidemment, dans ces cas-là, tout le monde s'interroge sur l'origine exacte : vous dites que l'enquête progresse. Mais on sait à Toulouse que certains trouvent qu'on évoque un peu trop vite la négligence. La thèse de l'accident vous semble absolument confirmée pour l'instant ?
- "Aujourd'hui, l'enquête continue. Personne ne peut dire quelles seront les conclusions de l'enquête. Ce que l'on sait, c'est que 300 tonnes d'engrais tout à fait banal, dont on se sert en agriculture pour les fermes du Sud-Ouest ou en Bretagne, ont explosé. Pour qu'ils explosent, il faut faire passer ces 300 tonnes, à 160°C ou 170°C. Comment peut-on monter 300 tonnes à cette température ? J'attends les résultats de l'enquête. Certains se sont pressés pour parler. Je préfère attendre, mais par contre, avoir la vérité. Nous le devons, encore une fois, à tous les Toulousains."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
- "C'est une école qui est située sur le quartier du Miraille. C'est une école maternelle, qui reçoit 5 classes. Les travaux de réfection ont permis la réouverture durant la semaine dernière. C'est une prouesse des employés municipaux. Il y a 1.500 employés municipaux qui ont travaillé 24 heures sur 24, depuis la première minute de l'explosion. Des enfants, dans quelques minutes, viendront ici. Cela permet de dire que la vie continue à Toulouse, en particulier dans un quartier qui a été très touché. Nous avons des milliers de logements qui ont été soufflés et, en particulier dans ce quartier du Miraille, où des centaines d'appartements sont inutilisables."
Hier, on a assisté à cette cérémonie extrêmement émouvante. C'est toute une ville qui a manifesté sa solidarité. Cette solidarité est encore palpable ?
- "C'est une tragédie qu'on n'oubliera jamais. Il faut regarder devant, parce que Toulouse est une ville d'avenir. Mais on n'oubliera jamais une tragédie comme celle-là. Il y avait les victimes, les familles des victimes à cette cérémonie. Il y avait toute une communauté, toute une ville derrière. Nous sommes quand même sous le choc. La plus grande chose que l'on puisse dire, en particulier aux générations futures et aux jeunes, c'est que nous n'accepterons plus d'avoir ce type d'usines, ce type d'usines dangereuses, ce type de bombes à retardement aux portes de Toulouse."
Justement, dans un éditorial à paraître dans l'édition du Monde, vous poussez une sorte de coup de gueule et vous demandez la disparition du pôle chimique de Toulouse ?
- "On ne peut pas continuer. Il y avait ici, trois usines, une a explosé. La seconde contient des gaz toxiques, les canalisations ont donc tenu par miracle, alors qu'ils sont à 300 mètres du lieu de l'explosion... Cela pose le problème de la proximité de ce type d'usines avec des agglomérations, qu'elles soient grandes, moyennes ou petites."
Il y autour du gaz moutarde, la société nationale des poudres, des choses extrêmement dangereuses et toxiques ?
- "Il y a aussi la présence de gaz mortels, dont les canalisations ont tenu. Ici, on a eu une solidarité exceptionnelle - on l'a vu - médicale et en terme de communauté toulousaine et, en même temps, une peur extraordinaire. Comment pouvoir continuer à vivre, alors qu'on sait que d'un moment à l'autre les choses peuvent exploser ? Il y a des études de danger qui sont faites par ces entreprises. Ces études de danger sont contrôlées par l'Etat. Il ne suffit pas que l'Etat se permette simplement de contrôler. Il faut qu'il fasse les études de danger. Les études de danger doivent être faites par l'Etat, connues par tous et en toute transparence."
C'est pour cela que vous demandez la création d'une cellule nationale d'urgence, chargée justement de contrôler les sites Seveso, qui sont autour de 500 en France ?
- "D'abord, il faut que l'Etat contrôle toutes ces études de danger. C'est une mission régalienne de l'Etat. D'autre part, il faut maintenant mettre en place une cellule pour les industriels français, qui veulent garder leur rang en pétrochimie dans le monde - et c'est normal. Mais il faut aussi que l'Etat, les collectivités locales, les opinions publiques, les chercheurs, les scientifiques, les syndicats, ceux qui travaillent dans ces entreprises, les comités d'entreprise, puissent se retrouver pour savoir où mettre ces usines, sans qu'il y ait des dangers. Je vous rappelle : il y a 2.000 blessés et 29 morts, dont 30 blessés très gravement touchés et qui sont à l'hôpital."
Les industriels ont dit et répété qu'il n'était pas question pour eux de déménager les usines et que si on fermait le site, le pôle chimique partirait. Economiquement, c'est un peu compliqué pour vous ?
- "Qu'il parte, ce pôle chimique ! Nous ne voulons pas garder aux portes de Toulouse - je crois que je suis clair - ce type d'usines. Pourquoi ? D'abord, parce qu'après ce qui s'est passé, cela voudrait dire que rien ne sert à rien ! Cela voudrait dire qu'on peut avoir une explosion, peut-être encore plus forte, avec des centaines de morts et que rien ne changera. La question se pose en 2001 : est-ce que nous avons d'abord besoin de ce type d'usines ? Et, si nous en avons besoin, est-ce que nous en avons besoin plutôt dans des lieux où il n'y a pas de densité d'habitants, plutôt qu'aux portes d'une des plus grandes villes de France ? Ce serait inacceptable de ne pas le comprendre. Ce serait inconscient de ne pas en tirer les conclusions."
Les assurances estiment que le coût sera entre 5 à 10 milliards de francs. Il y a déjà 16 plaintes qui ont été déposées. C'est le début d'une longue et difficile procédure, qui doit mener à quoi ? A la reconstruction d'un nouveau quartier ?
- "Ce n'est pas un quartier, ce sont plusieurs quartiers. Je vous invite à venir, pour voir de vos propres yeux ce qui s'est passé ici. Il y a tout le quartier chimique ou industriel, mais au-delà de l'autoroute et au-delà de la rocade, il y a eu plusieurs quartiers, des dizaines de milliers de logements, touchés. J'estime à plus de 20.000 logements touchés dont 10.000 sociaux et 2.000 aujourd'hui inutilisables. Evidemment, il va falloir tout reconstruire. L'enquête dira quelle sont les responsabilités. J'attends les résultats de l'enquête mais je dois la vérité aux Toulousains. Aujourd'hui, mon problème est de reloger les personnes. Il y a des centaines de personnes ici qui, depuis vendredi, n'ont pas de logements et qui vivent dans des gymnases. Ils sont en colère et je les comprends. Je dois, avec les moyens du bord, déjà essayer de leur trouver un logement transitoire, puis ensuite un logement définitif. Il fallait déjà faire la rentrée scolaire. Pour les habitants qui ont été très traumatisés, en particulier des enfants, on a fait des cellules de soutiens psychologiques. Il fallait montrer aux Toulousains que la vie continuait. Nous avons commencer par les enfants. Maintenant, on va le faire avec les adultes et les logements."
Evidemment, dans ces cas-là, tout le monde s'interroge sur l'origine exacte : vous dites que l'enquête progresse. Mais on sait à Toulouse que certains trouvent qu'on évoque un peu trop vite la négligence. La thèse de l'accident vous semble absolument confirmée pour l'instant ?
- "Aujourd'hui, l'enquête continue. Personne ne peut dire quelles seront les conclusions de l'enquête. Ce que l'on sait, c'est que 300 tonnes d'engrais tout à fait banal, dont on se sert en agriculture pour les fermes du Sud-Ouest ou en Bretagne, ont explosé. Pour qu'ils explosent, il faut faire passer ces 300 tonnes, à 160°C ou 170°C. Comment peut-on monter 300 tonnes à cette température ? J'attends les résultats de l'enquête. Certains se sont pressés pour parler. Je préfère attendre, mais par contre, avoir la vérité. Nous le devons, encore une fois, à tous les Toulousains."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 28 septembre 2001)