Interview de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports à RTL le 2 décembre 2016, sur la décision de François Hollande de ne pas se représenter à l'élection présidentielle de 2017.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

YVES CALVI
Nouvel invité politique avec Elizabeth MARTICHOUX, le ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, Patrick KANNER.
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour à vous, Patrick KANNER.
PATRICK KANNER
Bonjour madame MARTICHOUX.
ELIZABETH MARTICHOUX
Hier vous étiez à la cérémonie de remise de médailles aux sportifs à l'Élysée, en fin de matinée. A ce moment-là, évidemment, vous observez François HOLLANDE, vous assistez à cette cérémonie, est-ce qu'il est différent de celui que vous connaissez ?
PATRICK KANNER
Oui, et notamment quand il est dans le milieu du sport, le sport qu'il aime, il aime les sportifs, il aime la France représentée par les sportifs, et je sens bien qu'il y a une contrariété manifeste dans son attitude, y compris dans son regard. Voilà, c'était un autre François HOLLANDE, donc...
ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'y avait pas de petites blagues hier.
PATRICK KANNER
Pas de petites blagues, il est pourtant très proche des sportifs...
ELIZABETH MARTICHOUX
Justement.
PATRICK KANNER
Les selfies ont été faits, comme d'habitude, mais avant cette période des selfies où il a retrouvé, je dirais, sa bonne humeur, eh bien manifestement, il avait la tête ailleurs.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il avait pris sa décision, quand vous refaites le film.
PATRICK KANNER
Je ne sais pas s'il l'avait prise, en tout cas, oui, j'étais avec lui, vous savez, à Madagascar, au sommet de la Francophonie, et je sentais aussi, là, que quelque chose se passait, mais je ne pouvais pas imaginer, je le dis très sincèrement, que les choses seraient faites aussi rapidement et dans les conditions que nous connaissons depuis hier soir.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous regrettez son renoncement ?
PATRICK KANNER
Je le comprends, je le comprends.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous plaidiez pour sa candidature, vous l'avez fait urbi et orbi plusieurs fois.
PATRICK KANNER
Oui, bien sûr, je n'ai jamais changé d'avis sur le sujet. En même temps, voilà, c'est la grandeur d'un homme, qui préfère l'intérêt général à l'intérêt de l'État, à son intérêt personnel.
ELIZABETH MARTICHOUX
Il s'est sacrifié ?
PATRICK KANNER
Oh, le mot de sacrifice est un mot qui a un caractère un peu religieux, donc je ne sais pas si je peux employer un terme comme cela, en tout cas il pense que son retrait va favoriser sa famille politique et son combat politique, c'est-à-dire qu'il ne voulait pas faire prendre de risque à sa famille politique, de perdre, parce qu'il aurait été candidat. Donc, effectivement, dans ce cadre-là, on peut dire que c'est une forme de sacrifice, mais qui appelle à la responsabilité de tous les autres.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais, juste ça, il s'est sacrifié, Patrick KANNER, ou il a compris qu'il n'avait pas le choix ? Ce n'est pas tout à fait pareil.
PATRICK KANNER
Vous savez, dans une campagne, c'est long et on zappe beaucoup en ce moment, on l'a bien vue dans d'autres circonstances, les hommes politiques, d'ailleurs c'est un problème pour la démocratie, puisqu'on a du mal à pouvoir se projeter dans le temps, quand on est en responsabilités. En tout cas il a pris une décision qui est courageuse, qui est digne, qui est respectable, et moi j'insiste sur le fait qu'il a dû estimer, à un moment donné, qu'étant candidat il pouvait mettre en péril le combat qui était le sien, de toute sa vie.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais c'est vrai que le climat a été électrisé ces derniers jours, par les coups de boutoir de Manuel VALLS, quand il a dit en particulier qu'il pourrait être candidat contre le chef de l'État. Est-ce que là, la pression n'a pas été trop forte pour le président ?
PATRICK KANNER
C'est un élément de la décision, mais ce n'est pas le seul élément.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas l'élément qui vraiment amène à la bascule au final ?
PATRICK KANNER
Vous savez, la réflexion de François HOLLANDE, devait durer depuis plusieurs mois déjà, manifestement avec ces sondages qui, jour après jour, le donnaient à un niveau extrêmement faible, donc c'est un ensemble, on n'imagine pas qu'il y ait une circonstance, c'est un ensemble, un écosystème, diraient les spécialistes, qui a abouti à cette décision qui est extrêmement forte et inédite et qu'il faut savoir respecter.
ELIZABETH MARTICHOUX
Comment va se passer – c'est inédit en effet – comment va se passer sa présidence ? Il va inaugurer les chrysanthèmes maintenant, comme le disait le Général de GAULLE ?
PATRICK KANNER
Sûrement pas, il est déjà à l'international aujourd'hui, il va continuer à diriger le pays. Vous savez, c'est un homme responsable et moi je n'ai aucune crainte sur le fait que le pays sera dirigé par un homme d'Etat, qu'il est, et gouverner sans aucun doute.
ELIZABETH MARTICHOUX
Manuel VALLS s'était finalement auto-désigné comme son successeur à la candidature à la primaire, il est meilleur candidat que François HOLLANDE ? François HOLLANDE ne lui a pas passé le relais hier dans son allocution.
PATRICK KANNER
Ce n'est pas le moment, ce n'est pas le moment, François HOLLANDE a défendu son bilan succinctement, et d'ailleurs il aurait pu aller sur un sujet qui m'intéresse, vous avez évoqué le ministre des Sports que je suis, mais je suis aussi ministre de la Jeunesse, et on pourrait vraiment montrer que la jeunesse va mieux aujourd'hui qu'elle n'allait en 2012, non. Manuel VALLS se prépare, selon toute vraisemblance, à être candidat…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il doit l'annoncer quand, maintenant, il ne faut pas laisser le temps… ?
PATRICK KANNER
Il faut un peu de décence, je crois qu'il faut laisser un peu le temps au temps, disait François MITTERRAND. Il y a un discours, que chacun attend, demain au meeting de la Belle alliance populaire.
ELIZABETH MARTICHOUX
Organisée par le PS, oui.
PATRICK KANNER
Sera-t-il le moment de la candidature, peut-être pas.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce serait un peu tôt encore ?
PATRICK KANNER
Moi j'ai le sentiment qu'aujourd'hui les particules doivent un peu retomber, que chacun doit prendre conscience de la décision exceptionnelle qui a été prise par François HOLLANDE, et surtout la dignité qui doit marquer aujourd'hui le débat politique à gauche.
ELIZABETH MARTICHOUX
Donc, pas avant demain soir, au plus tôt, peut-être dimanche ou lundi, vous aurez un nouveau Premier ministre ?
PATRICK KANNER
Ce sera le choix de Manuel VALLS.
ELIZABETH MARTICHOUX
Lequel ?
PATRICK KANNER
Les institutions ne permettent pas, n'obligent pas automatiquement le Premier ministre à quitter ses fonctions…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce serait bien qu'il le fasse quand même ?
PATRICK KANNER
La logique des choses, aujourd'hui, dans le débat politique actuel, c'est qu'effectivement Manuel VALLS puisse avoir la liberté de pouvoir mener sa candidature s'il le souhaite.
ELIZABETH MARTICHOUX
Encore un petit mot. Est-ce que la présence de Manuel VALLS à la primaire peut réveiller d'autres candidatures ? On sait par exemple que Martine AUBRY était prête à se ranger derrière le président candidat, elle est assez hostile à la ligne VALLS, ça peut la réveiller ?
PATRICK KANNER
Je ne suis pas le porte-parole de Martine…
ELIZABETH MARTICHOUX
Non, mais vous la connaissez bien, vous êtes un élu du Nord.
PATRICK KANNER
Je la connais bien, elle a déclaré à plusieurs reprises qu'elle ne voulait pas être candidate à la primaire, et très honnêtement, il faudra qu'elle fasse un choix, peut-être, en tout cas je le souhaite, mais un choix de responsabilité.
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais vous ne lui conseillez pas d'y aller ?
PATRICK KANNER
Je ne suis ni son porte-parole, ni son conseil en politique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Merci Patrick KANNER. Si vous l'étiez, vous ne lui conseilleriez pas de braver Manuel VALLS à la primaire, ce serait un désordre à gauche, supplémentaire ?
PATRICK KANNER
Moi je sais qui je soutiendrai, à la primaire, le moment venu.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est-à-dire ?
PATRICK KANNER
Vous savez, pour moi celui qui a la force de pouvoir y aller aujourd'hui c'est Manuel VALLS.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est dit. Merci Patrick KANNER.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 décembre 2016