Texte intégral
THOMAS SOTTO
Elle n'a toujours pas dit qui elle soutiendra lors de la primaire de la gauche, Audrey AZOULAY la ministre de la Culture et de la Communication est votre invitée Fabien NAMIAS pour L'Interview politique d'Europe 1.
FABIEN NAMIAS
Bonjour Audrey AZOULAY...
AUDREY AZOULAY
Bonjour.
FABIEN NAMIAS
Effectivement je reçois ce matin la ministre de la Culture mais aussi la femme politique et la politique en ce moment, Thomas vient de l'évoquer, c'est la primaire, donc question très simple : qui allez-vous soutenir dans cette primaire socialiste ?
AUDREY AZOULAY
Première chose, vous l'avez dit, ministre de la Culture donc j'ai une occupation très forte en ce moment, très pleine vous le savez et donc je ne compte pas m'investir outre-mesure dans ces primaires, mais qui se déroulent, qui se déroulent parce que le président de la République a décidé de ne pas se représenter, vous savez que ma préférence elle est ailleurs, mais dans le cadre qui est maintenant le nôtre, celui...
FABIEN NAMIAS
Vous, vous aviez souhaité la candidature de François HOLLANDE pour être très précis ?
AUDREY AZOULAY
Absolument, absolument. Mais dans le cadre qui est maintenant le nôtre, pour moi je dirais la cohérence c'est de soutenir Manuel VALLS qui a été mon Premier ministre et qui a sur la culture je dirais partagé mes projets, les a soutenus et avec qui parmi tous les autres candidats c'est celui dont j'étais le plus proche et avec lequel j'ai travaillé.
FABIEN NAMIAS
C'est un choix simplement de cohérence, puisque c'est le mot que vous évoquiez à l'instant, où il y a un projet culturel de Manuel VALLS qui vous séduit, c'est finalement ses options pour la culture qui vous amènent aujourd'hui à soutenir l'ancien Premier ministre ?
AUDREY AZOULAY
En tout cas, à ce stade du débat, c'est le seul qui en a parlé, qui en a parlé d'ailleurs hier soir dans l'émission qu'il a faite sur France 2, c'est le seul qui en parle de façon...
FABIEN NAMIAS
Ah ! Alors là Audrey AZOULAY vous avez été quand même plus attentive que moi, parce que franchement à part...
AUDREY AZOULAY
En début d'émission, en début d'émission.
FABIEN NAMIAS
Pour évoquer la culture à travers l'identité culturelle des Français, mais on ne peut pas dire que la culture a occupé une grande place dans l'émission, ni d'ailleurs aujourd'hui dans le projet de Manuel VALLS tel qu'il est exposé sur son site ou aussi qui est distribué ?
AUDREY AZOULAY
Ça en fait partie au moins dans la partie sur la Nation éducative et culturelle et j'espère d'ailleurs que les sujets de culture, qui sont en fait des sujets de société, qui sont des - quand on parle de culture on parle de vision de la société - jespère que ça sera plus présent, pas uniquement d'ailleurs pendant les primaires, mais aussi ensuite pendant la campagne présidentielle.
FABIEN NAMIAS
On l'a dit, vous l'avez rappelé, vous êtes une proche de François HOLLANDE, vous souhaitiez sa candidature, aujourd'hui donc vous soutenez Manuel VALLS, vous le faites avec la bénédiction du chef de l'Etat ?
AUDREY AZOULAY
On n'a pas des rapports de Pape et de bénédiction, mais je le fais je dirais en cohérence aussi par rapport au bilan qui est celui de François HOLLANDE, que peut-être les Français aujourd'hui regardent différemment maintenant qu'il n'est pas candidat et dont on s'aperçoit de tout ce qui a été fait pendant ce mandat.
FABIEN NAMIAS
Vous nous confirmez ce matin que François HOLLANDE lui ne prendra pas parti, ne soutiendra aucun candidat dans cette primaire ?
AUDREY AZOULAY
Vous lui demanderez !
FABIEN NAMIAS
On lui a posé la question, pour l'instant il dit qu'il ne soutiendra personne. Il y a eu, vous évoquez l'action de François HOLLANDE, dans le domaine de la culture également, il y a eu trois ministres de la Culture tout au long de ce quinquennat, vous serez sans doute la dernière ministre de la Culture de ce quinquennat pour quelques mois encore, on a du mal à distinguer le dessein culturel du chef de l'Etat, qu'est-ce qui restera finalement ?
AUDREY AZOULAY
Ecoutez beaucoup a été fait, a été fait des choses qui ont été engagées depuis le début, des choses qui se sont faites aussi dans la dernière période, je vous en citer quelques-uns : ce qui a été fait pour l'éducation artistique et culturelle pour la jeunesse, les moyens qui ont été dédiés à l'éducation artistique et culturelle ont doublé alors qu'ils avaient stagné pendant le mandat précédent ; on a redonné je dirais toute leur place aux artistes avec l'accord sur l'intermittence, avec la liberté d'expression, de création, de diffusion qui a été conforté dans la loi et dans la vie d'aujourd'hui, je crois que ce n'est pas un vain mot , c'était important ; l'audiovisuel public, pour ne citer que cela, aussi son indépendance a été retrouvée, ses moyens confortés ; l'emploi culturel...
FABIEN NAMIAS
Mais, Audrey AZOULAY, ça c'est peut être amélioré- et c'est tout à fait louable d'ailleurs les conditions dans lesquelles on diffuse la culture - mais plus peut-être d'ailleurs qu'un bilan économique, social, on dit souvent que l'empreinte d'un chef de l'Etat c'est dans ce qu'il a laissé dans le domaine culturel - évidemment François MITTERRAND on cite abondamment les grands travaux, la libération de l'audiovisuel, l'irruption des radios libres, la fixation du prix unique du livre, il y a le musée d'Orsay de Valéry GISCARD d'ESTAING, le Centre Pompidou - encore une fois quelle sera la trace qui restera, qui sera visible pour les Français de l'action de François HOLLANDE dans ce domaine-là ?
AUDREY AZOULAY
L'histoire le dira ! Mais je crois qu'il ne faut pas confondre, comme souvent on le fait, la politique culturelle et les grands travaux ou les réalisations architecturales - d'ailleurs il y en a aussi sous le mandat de François HOLLANDE - mais ce n'est pas la même chose, et la place de la culture au quotidien, la façon dont elle est présente sur tous les territoires, la façon dont les artistes sont protégés, tout cela c'est la culture au quotidien et c'est très fort comme empreinte et il y a des projets politiques qui sont différents qui se distinguent et François HOLLANDE là-dessus a été très clair, depuis le début il a fait à la fois en politique nationale et aussi sur le front international quand il a défendu par exemple le droit des auteurs, l'exception culturelle à Bruxelles et dans le monde.
FABIEN NAMIAS
La droite aujourd'hui, en tout cas à travers la candidature de François FILLON, est donnée favorite pour la Présidentielle, on verra bien, les sondages sont ce qu'ils sont aujourd'hui, mais néanmoins est-ce que vous femme de gauche êtes-vous inquiète pour la place de la culture en France et la politique culturelle que pourrait mener la droite au pouvoir ?
AUDREY AZOULAY
Pour l'instant on ne sait pas bien ce que serait que la politique culturelle de François FILLON, parce que dans son programme peu de choses sont dites, à part une vision je dirais très classique qui est une vision axée sur le patrimoine comme souvent la droite le propose - donc on ne sait pas vraiment encore ce que ce sera - mais là aussi, si on veut parler de cohérence, quand un projet a comme axes principaux la réduction du service public, la réduction des dépenses publiques, il y a un moment où ça se paye et ça peut se payer bien sûr sur la culture, ça peut se payer bien sûr sur la présence du service public sur le territoire, mais encore une fois je crois qu'il s'est très peu exprimé ou pas sur ce sujet.
FABIEN NAMIAS
Comme la plupart des autres candidats, on verra pendant la campagne, les idées se développer en la matière. Audrey AZOULAY, il y a un film qui s'appelle « Chez nous » qui sortira à la fin du mois de février, c'est un film du réalisateur Lucas BELVAUX, pour faire le pitch comme on dit c'est l'histoire de la conquête d'un parti populiste qui s'appelle Le bloc patriotique dirigé par une femme, enfin bref tout ça ressemble furieusement au Front national, les élus justement du FN dénoncent l'irruption de ce film en pleine campagne présidentielle. D'abord, est-ce que vous l'avez vu, vous, ce film ?
AUDREY AZOULAY
Pas encore. Mais alors sur cette polémique je trouve qu'en tout cas elle montre une chose c'est que le Front national ne change pas, parce que critiquer un film parce qu'il a une vision d'une réalité politique peut-être ou parce qu'il s'appuie sur une réalité politique et tout de suite appeler à la censure, crier au scandale, c'est ça qui est scandaleux, c'est ça qui montre aussi la vision qui peut être celle de l'extrême droite de la liberté d'expression et je crois qu'aujourd'hui c'est vraiment une valeur que nous devons défendre - on est deux ans après Charlie-hebdo, enfin on sait à quel point ce sujet est un sujet brûlant et appeler à la censure alors qu'un film politique, les fictions politiques, les documentaires politiques nous éclairent aussi...
FABIEN NAMIAS
Donc, quels qu'ils soient, même s'il y avait un film aujourd'hui qui sortait à charge contre François HOLLANDE, contre Manuel VALLS, etc., des brûlots, ça ne vous poserait aucun souci ?
AUDREY AZOULAY
Evidemment, nous sommes dans un pays de liberté, le fait qu'on se pose la question est inquiétant, nous sommes dans un pays de liberté, il y a eu de grands films politiques, d'ailleurs je signale à tous vos éditeurs la ressortie d'un coffret des films de COSTA-GAVRAS, voilà des films politiques, des films brûlants, et ce sont des films qui nous sont utiles et qui sont bienvenus.
FABIEN NAMIAS
Vous parliez de la liberté d'expression et de Charlie Hebdo, justement demain on célébrera le triste anniversaire de la tuerie de Charlie Hebdo, son rédacteur en chef RISS a accordé une interview à nos confrères de l'Agence France-Presse très intéressante dans laquelle il dénonce finalement derrière les hommages, la tristesse apparente, les gens qui se réunissent, un climat d'intolérance bien plus grand qu'avant, il dit même : « si on met une couverture de Mahomet en couverture, une caricature pardon de Mahomet en couverture, plus personne ne nous soutient », j'ai devant moi le numéro de Charlie Hebdo qui sort cette semaine, ce n'est pas une caricature de Mahomet mais d'un islamiste qui tend un revolver. Vous, vous soutenez sans réserve ?
AUDREY AZOULAY
Moi je soutiens la liberté d'expression, je veux dire je n'ai pas à apprécier, pas apprécier, etc., je soutiens le droit pour Charlie Hebdo de faire de la caricature comme ils l'ont toujours fait c'est une belle tradition française qu'il faut soutenir et je crois que c'est aussi de la responsabilité de chacun parce qu'il y a aussi beaucoup d'autocensure, donc à tous ceux qui s'expriment, justement, comme Lucas BELVAUX le fait dans un film, de ne pas céder à cette autocensure et il y a une place entre...
FABIEN NAMIAS
Donc, d'une certaine manière vous les encouragez à continuer dans cette veine et même à ne pas s'autocensurer, à continuer à mettre des caricatures du prophète à la une de Charlie-là que Thomas tend la une, on peut la voir sur Europe1.fr ?
AUDREY AZOULAY
A continuer dans la veine qu'ils choisissent, ce n'est pas à moi de dire dans telle ou telle veine, mais à continuer à s'exprimer dans la voie qu'ils choisissent ; et d'ailleurs l'une des façons je pense aussi de commémorer, au-delà de la tristesse, au-delà de ce choc émotionnel qui avait bouleversé la France entière et il y en a eus d'autres malheureusement après je crois qu'il faut justement qu'on travaille sur ce sujet de la liberté, de la liberté d'expression, qu'on l'explique aux enfants parce que ce n'est pas un sujet qui est facile à expliquer dans les écoles et là aussi la culture peut aider, les artistes peuvent aider, l'éducation au média peut aider, c'est aussi dans ce sens que nous lançons...
FABIEN NAMIAS
Ca fait partie d'ailleurs des initiatives que vous lancez en ce moment en ce début d'année?
AUDREY AZOULAY
Absolument ! Et notamment avec aussi une Nuit de la lecture le 14 janvier prochain dans les bibliothèques, dans les librairies, autour de la littérature, autour des textes, autour des livres.
FABIEN NAMIAS
On parle de la liberté d'expression, ça vaut pour les caricaturistes, ça vaut pour tout le monde, on voit beaucoup en ce moment sur les écrans de télévision, dans la presse un djihadiste repenti qui justement avait formé les frères KOUACHI il y a quelques années s'exprimer, raconter ses exploits, parader devant les caméras et les photographes. Vous qui avez l'audiovisuel dans votre portefeuille de ministre, ça vous dérange ?
AUDREY AZOULAY
Je pense que sur ce sujet-là l'éthique qui doit être... par exemple la question s'est posée à un moment aussi de l'identité, dévoiler ou pas l'identité des terroristes, est-ce que c'était faire l'apologie du terrorisme pour les journalistes que de donner leur nom ? Il y avait la question aussi des photos, des photos des victimes, des photos choquantes, je pense que c'est une réflexion que les journalistes doivent mener, je ne crois pas que pour le coup ce soit au ministre de le dire dans le cadre de la loi, c'est aux journalistes d'avoir cette éthique, cette réflexion collective et de savoir jusqu'où ils peuvent aller.
FABIEN NAMIAS
Audrey AZOULAY, cest une très belle année pour le cinéma français qui vient de s'achever, 213 millions d'entrées, une année record, cinéma qui sera très bien représenté d'ailleurs aux Golden globe dimanche aux Etats-Unis puisqu'il y a plusieurs films en lice, il y aura peut-être un prix d'interprétation pour Isabelle HUPPERT, le film « Divine » qui avait été primé à Cannes, le très beau film d'animation...
AUDREY AZOULAY
« La vie de courgette »
FABIEN NAMIAS
« La vie de courgette », magnifique film d'animation social que tout le monde peut voir. Au-delà déjà de ces honneurs, est-ce que le cinéma français s'exporte bien et notamment aux Etats-Unis ?
AUDREY AZOULAY
D'abord c'est une force extraordinaire que ce cinéma français que nous avons et qui se porte très bien cette année, c'est aussi le fruit d'un accompagnement public qui est inédit, qui n'existe pas à ce niveau ailleurs en Europe ou dans le monde, c'est un cinéma français qui se porte bien en France, qui s'exporte et qui est une force, un facteur de rayonnement pour la France exceptionnel et j'espère qu'aux Golden globe les talents que vous avez cités -de... à Isabelle HUPPERT, l'animation française qui s'exporte le mieux dans le monde - seront récompensés à leur juste valeur, une grande fierté.
FABIEN NAMIAS
Merci, merci Audrey AZOULAY.
AUDREY AZOULAY
Merci à vous.
THOMAS SOTTO
Audrey AZOULAY, j'espère que vous nous prêterez vos oreilles jusqu'à La morale de l'info tout à l'heure puisque Raphaël ENTHOVEN nous parlera d'Albert CAMUS.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 9 janvier 2017