Déclaration de M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, sur la politique de la ville dans les quartiers prioritaires, Paris le 6 février 2017.

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Le mandat se termine mais puisqu'il se termine, c'est qu'il n'est pas terminé.
Tout ce que nous pouvons faire ces prochaines semaines, nous devons le faire.
Pas parce qu'il faudrait se dépêcher avant que d'autres, ou les mêmes, ou un mélange des deux, ne prennent la suite.
Non, ce n'est pas pour le Gouvernement qu'il y a urgence, c'est pour les Français. Et singulièrement ceux visés par nos politiques publiques, les jeunes, les habitants des quartiers prioritaires.
Pour eux, nous n'avons cessé d'œuvre durant ces 5 années, mais cela ne suffit pas. Cela ne suffit jamais.
Non pas que notre action soit inutile ; des quartiers entiers ont changé de visage, des jeunes nombreux ont retrouvé des perspectives grâce aux emplois d'avenir, à la garantie jeunes ou au service civique.
Mais quand une injustice est réparée, notre devoir est de s'attaquer à la suivante.
Il y a toujours des quartiers qui souffrent, des jeunes qui se désespèrent.
Et donc, il nous faut continuer inlassablement à se servir de la puissance publique, de l'Etat, pour régler les désordres et les injustices.
Le premier de ces désordres, c'est le chômage.
Il a été la préoccupation constante du Président de la République et de ses Gouvernements.
Une attention particulière a été apportée aux jeunes et aux habitants des quartiers prioritaires, et cette attention a porté ses fruits.
- Aujourd'hui, il y a moins de jeunes au chômage qu'au début du quinquennat.
- Et pour la première fois depuis au moins 10 ans, le nombre des demandeurs d'emploi a diminué dans les QPV.
Ces résultats ne sont possibles que par la constance d'une volonté politique et le professionnalisme des agents de l'Etat.
Ils restent néanmoins encore fragiles, et je vous demande de continuer à vous mobiliser, pour que les dispositifs qui les ont permis, se développent encore.
Je pense en premier lieu à la Garantie jeunes qui a bénéficié à plus de 100 000 jeunes cette année, dont un quart sont en quartier prioritaire.
Nous avons prévu les crédits nécessaires pour qu'au moins 150 000 jeunes puissent accéder à la garantie jeunes en 2017.
Je vous demande, en lien avec les missions locales et le tissu économique de votre territoire, de faire le nécessaire pour que la Garantie jeunes se déplie effectivement dans ces proportions et que les jeunes des quartiers prioritaires profitent pleinement de cette opportunité.
Autre sujet connexe à l'emploi : le pouvoir d'achat et l'amélioration des conditions de vie.
Face aux limites du RSA activité et de la prime pour l'emploi, nous avons imaginé et mis en œuvre depuis le 1er janvier 2016, la prime d'activité.
Cette prime représente environ 10% de pouvoir d'achat en plus pour des travailleurs gagnant moins de 1500 euros. Cela fait une grosse différence pour les personnes concernées, encore faut-il qu'elles en fassent la demande.
La progression observée en 2016 est très positive, mais il reste des centaines de milliers de personnes éligibles qui n'en ont pas fait la demande, particulièrement des jeunes et des habitants des QPV.
Je sais que la CNAF fait beaucoup pour populariser cette prime, et je remercie Daniel Lenoir, mais nous devons nous associer à ses efforts. La CNAF n'a pas la responsabilité exclusive du succès de cette mesure.
Toujours dans ce domaine, nous avons pris des dispositions importantes dans la loi égalité citoyenneté qui a été promulguée le 27 janvier. Vous devez en être les relais efficaces.
Je pense principalement :
- à l'accès facilité à la CMU-C pour les jeunes en rupture,
- au droit à un entretien global sur les droits à santé 3 fois entre 16 et 23 ans (bilan de santé, entretien de prévention, information sur la couverture santé) ;
- et bien sûr à la possibilité de faire financer le permis de conduire par le CPF ; la mobilité est enjeu majeur pour les jeunes, particulièrement les jeunes des quartiers, et particulièrement dans le cadre de leur insertion professionnelle.
Troisième enjeu que je souhaitais évoquer avec vous : l'engagement.
Cela a été un fil rouge de mon action dans ce ministère : diffuser une véritable culture de l'engagement dans notre pays.
La loi égalité citoyenneté vient renforcer et étendre ce que nous avions déjà entrepris.
Le service civique reste la clé de voûte de ce projet.
Nous l'avons ouvert à de nouveaux viviers, et notamment à tous les bailleurs sociaux.
Là aussi, les choix budgétaires ont été faits ; il faut qu'ils se concrétisent : 150 000 jeunes volontaires pourront et donc devront être accueillis cette année.
L'Etat doit prendre toute sa part dans cet accueil, comme les collectivités locales du reste. Nous ne pouvons nous reposer sur le seul secteur associatif.
Par ailleurs, je crois sincèrement que c'est une opportunité pour les pouvoirs publics que de profiter de cette « force bienveillante » que constituent ces milliers de volontaires.
Il existe quantité de missions à imaginer pour améliorer toujours le service au public, et les actions d'intérêt général.
Dans cette perspective d'une société de l'engagement, une société qui encourage la citoyenneté, nous avons aussi pris des dispositions législatives pour que les jeunes dès 16 ans puissent administrer une association. Je vous demande que ce droit soit effectif et que les services en charge des greffes soient bien sensibilisés à l'enjeu.
La loi égalité citoyenneté ouvre également un congé d'engagement de 6 jours pour tous les bénévoles qui prennent des responsabilités d'administration ou d'encadrement associatif, mais aussi pour les membres des conseils citoyens.
Des documents vous seront diffusés prochainement afin d'accompagner et de promouvoir ces mesures.
Enfin, vous savez que la loi de finance comporte une disposition importante pour le tissu associatif : le CICE associations. C'est un soutien substantiel à l'emploi associatif à travers un abattement de la taxe sur les salaires, dans une logique comparable à ce que nous avons fait pour les entreprises.
Que les associations de vos territoires s'en saisissent pleinement.
La dernière fois que nous étions réunis dans un format comparable, en décembre 2015, j'étais venu vous vous demander de vous préoccuper du traitement de fond des phénomènes de radicalisation, après une année terriblement douloureuse, marquée par les attentats de janvier et de novembre.
L'année 2016 n'aura malheureusement pas été tellement plus paisible…
Il faut être lucide : nous n'en avons pas fini.
Je compte donc sur vous pour amplifier la réponse préventive, qui est principalement une réponse éducative, morale.
Il faut des adultes, des adultes bienveillants, des adultes formés, des adultes plus nombreux, pour aider les jeunes à se construire sans jamais céder aux sirènes fondamentalistes.
Je vous le disais à l'époque, nous devons nous adresser en priorité à la jeunesse. Non que cette jeunesse soit coupable, ni même suspecte, mais tout simplement parce que c'est à cet âge, à l'adolescence, qu'il est temps de donner le cadre et les repères qui leur permettront de venir des individus complets et confiants.
De ce point de vue, je remercie une nouvelle fois Daniel Lenoir d'avoir mobiliser le fonds national d'action sociale de la CNAF, au profit des centres sociaux des quartiers prioritaires.
Il en parlera certainement aujourd'hui.
Pour mener ce traitement de fond contre la radicalisation, la politique de la ville dispose d'un outil privilégié, qui permet la coordination entre les acteurs : les contrats de ville. Nous avons donc décidé d'établir des plans de prévention de la radicalisation à annexer à chaque contrat de ville.
Nombre d'entre eux sont d'ores et déjà adoptés, la plupart sont en cours d'élaboration.
Certains territoires ont pris du retard ; je tiens à ce qu'ils soient tous adoptés d'ici le 31 mars.
Je vous invite à mobiliser l'enveloppe de 3 millions d'euros des crédits du FIPD prévue pour financer ces plans.
Parallèlement, nous avons mis en place un dispositif de veille et de contrôle des clubs sportifs et des associations qui connaissent des situations de radicalisation.
A ce titre, 113 inspecteurs jeunesse et sports de tout le territoire ont été formés et sont désormais en lien avec les cellules de suivi des préfets.
Près de 300 contrôles ont été réalisés. Dans trois cas, des situations de radicalisation avérées ont été identifiées et ont été transmises aux services compétents.
Au-delà de ces cas, de nombreuses pratiques traduisent une progression du communautarisme extrêmement préoccupante.
Vous connaissez cette réalité mieux que moi. Je vous demande de prendre le sujet à bras-le-corps.
Nous avons trop longtemps minimisé le problème ; ce Gouvernement nomme les choses et agit pour y apporter des réponses.
Source http://www.patrickkanner.fr, le 13 février 2017