Texte intégral
FABIEN NAMIAS
Bonjour Jean-Michel BLANQUER.
JEAN-MICHEL BLANQUER
Bonjour Fabien NAMIAS.
FABIEN NAMIAS
Dans un mois tous les élèves seront en vacances et avec vous nous allons éclairer ce que sera leur rentrée sur plusieurs points clés sur lesquels vous êtes très attendu et écouté, points qui seront d'ailleurs présentés cette semaine devant le Conseil supérieur de l'éducation. Alors, d'abord, est-ce que la date de rentrée dites-le nous est toujours bien fixée au 4 septembre ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, ça ne change pas non.
FABIEN NAMIAS
Et est-il sérieusement envisagé, puisque certains de vos propos ont pu le laisser penser ce week-end, d'avancer la date de rentrée pour la rentrée prochaine, je parle de 2018, afin de mieux étaler le temps tout au long de l'année, c'est-à-dire de faire des vacances scolaires plus courtes l'été et davantage travailler pendant l'année ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, pas du tout, je n'ai d'ailleurs pas du tout dit ça, j'ai simplement dit que toute notre philosophie sur ces sujets devait être d'être au plus près du terrain et donc j'ai rappelé que certains faisaient cette formule de commencer fin août autrefois, que c'est justement les mesures un peu trop uniformisantes qui ont cassé certaines expérimentations intéressantes, mais je n'ai certainement pas dit que toute la France devait changer à court terme. En revanche, il est normal de réfléchir de manière sereine et sur le long terme sur tous ces sujets du temps qui est notre temps à tous : le temps quotidien de l'enfant, le temps hebdomadaire et le temps annuel de l'enfant.
FABIEN NAMIAS
Mais en tout cas sil n'y a pas de projet aujourd'hui dans les cartons, mais il y en a bien d'autres et on va en parler, l'idée d'avoir une réflexion sur la durée des vacances et sur la durée des vacances d'été est en tout cas à votre ordre du jour, même si ça n'est pas encore arrêté aujourd'hui en termes de décision ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
C'est une réflexion qui doit être permanente, elle a existé dans le passé et elle continuera dans le futur, il faut simplement être attentif aujourd'hui à laisser des décisions possibles au plus près du terrain, c'est l'esprit des mesures qu'on est en train de prendre en matière de rythmes scolaires comme pour le reste. Autrement dit, aujourd'hui, quelle est la situation ? La situation c'est on a incité à ce que l'ensemble de la France soit sur 4,5 jours...
FABIEN NAMIAS
Là, on n'est plus sur les vacances d'été mais effectivement sur les rythmes scolaires et le travail hebdomadaire qui a énormément fait parler tout au long du quinquennat précédent ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, et le but n'est pas de revenir sur ce dossier-là si vous voulez, le but c'est simplement de dire que des gens aujourd'hui sont insatisfaits localement avec la situation qui a résulté j'espère d'ailleurs que c'est plutôt une minorité mais ce que nous faisons c'est d'ouvrir la possibilité, surtout pour la rentrée de 2018 en fait, d'avoir le choix entre différentes formules.
FABIEN NAMIAS
Mais c'est-à-dire qu'il y aura pour que ce soit bien clair, sur ce sujet qui a à ce point alimenté les débats, une totale liberté laissée aux communes puisque c'est à l'échelon des communes que ça se décide de décider si elles repassent ou non à la semaine de 4 jours ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non. Le système est très simple, le système est, sera plus exactement -puisqu'on parle surtout de la rentrée de 2018 avec peut-être quelques premières expérimentations en 2017 - mais le système sera que, s'il y a un consensus local entre les conseils des écoles et la commune, ils font une proposition et l'inspecteur d'académie, donc le représentant de l'Education nationale, donne son feu vert ou pas pour l'organisation proposée. Donc, lorsque des conseils d'école et la commune s'entendent pour un système éventuellement à 4 jours avec des activités périscolaires de qualité, on pourra rentrer dans ce dispositif. Encore une fois le but c'est ne pas changer là où ça marche, là où tout le monde est content, là où ça fonctionne bien et là où il peut y avoir quelques difficultés ouvrir une nouvelle liberté mais le faire très sereinement, très pragmatiquement, et c'est l'esprit de cette mesure.
FABIEN NAMIAS
Et il y a beaucoup de villes qui pensez-vous seront concernées, on sait que Christian ESTROSI l'a déjà annoncé pour la ville de Nice dès la rentrée, il y a d'autres grandes communes à votre connaissance ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, oui. Oui mais par exemple Paris, Lyon et Marseille vont garder la même organisation à la rentrée prochaine, la plupart des grandes villes de France vont garder la même organisation à la rentrée prochaine - et c'est bien ainsi - nous n'avons pas cherché à bouleverser, nous avons cherché simplement dans les cas où des communautés voulaient sortir de situations qui étaient difficiles leur ouvrir cette porte, c'est cela et seulement ça.
FABIEN NAMIAS
Et ça ne risque pas de creuser un fossé cette liberté entre les communes qui finalement ont les moyens et qui peuvent financer les activités périscolaires et les moins favorisées qui seraient tentées de revenir aux 4 jours, vous nous confirmez par exemple que l'Etat continuera à soutenir financièrement les activités périscolaires pour les communes qui souhaitent rester aux 4,5 jours ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, bien sûr, on est actuellement dans cette perspective pour l'année prochaine il n'y a aucun doute, pour les autres années on y travaille mais on est dans cette idée-là. Ce qui est certain c'est que la situation que vous décrivez comme étant un éventuel risque de ce que nous sommes en train de faire c'est en réalité la situation actuelle, ne croyons pas qu'aujourd'hui tout le monde fait la même chose, vous avez des communes où ce n'est pas la même heure de sortie tous les soirs - et pour les parents qui travaillent ça n'est pas du tout pratique vous avez des communes qui sont très différentes déjà l'une à côté de lautre, j'étais en Seine-Saint-Denis il y a quelques jours entre des communes voisines ce n'est pas les mêmes horaires, donc ne disons pas que les nouvelles mesures vont créer de l'hétérogénéité alors que c'est déjà le cas. Donc, à partir du moment où il y aura de toute façon toujours de l'hétérogénéité, prenons ce que ce que ça de positif, c'est-à-dire le pragmatisme, le fait qu'on doit laisser comme ça se passe dans pratiquement dans tous les pays du monde une certaine liberté locale pour pouvoir définir ce qui est bien ; et bien entendu avec une attention à la qualité de ce qui se passe pour l'enfant et donc un travail de l'Etat, et notamment de l'Education nationale, pour avoir cette vision complète et notamment la cohérence entre le scolaire et le périscolaire, je suis aussi ministre de la Jeunesse et de la Vie associative et donc je vais être très attentif à ça notamment au titre du sport et de la culture et de ce qui se passe pour les enfants en dehors de l'école bien entendu.
FABIEN NAMIAS
Mais on a compris en tout cas en vous entendant que peu finalement de communes souhaiteraient revenir sur les 4 jours, en tout cas dès cette rentrée 2017. Autre réforme clé qui sera mise en application dès la rentrée prochaine, les devoirs faits, alors pour expliquer pour tous ceux qui nous écoutent et je crois que ça parle à beaucoup de gens ça signifie que les collégiens, puisque c'est au niveau du collège au début qui rentreront à la maison, auront déjà fait leurs devoirs, ça ce sera le cas pour tous les collèges dès la rentrée 2017 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On va faire le maximum pour que ce soit dans le maximum de collèges à la rentrée prochaine. Vous savez je suis arrivé depuis moins de trois semaines et la rentrée est quand même bientôt, donc on travaille d'arrache-pied pour arriver à des résultats de ce type qui vont changer je l'espère le quotidien des familles, et l'objectif est très simple, c'est que d'une part... il y avait si vous voulez une sorte de querelle entre ceux qui disent : « il faut faire des devoirs, c'est indispensable, parce que sur le plan cognitif c'est bon pour l'enfant, il faut faire des exercices, il faut faire du travail de mémoire, de mémorisation, d'analyse, etc. », ceux qui disent cela ont raison ; d'autre part, d'autres disent : « oui mais tout cela crée des inégalités parce que les familles ne sont pas les mêmes, qu'il y a donc des différences selon les familles auxquelles on appartient », par ailleurs quelles que soient les classes sociales cela pose des problèmes en famille parce qu'on n'est pas toujours en situation de pouvoir aider l'enfant, donc eux aussi ont raison.
FABIEN NAMIAS
Alors, une fois ce diagnostic posé ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
On dépasse cette querelle où chacun a raison et on arrive à une situation où on va faire les devoirs - oui il y aura des devoirs - mais ils seront faits au collège.
FABIEN NAMIAS
Mais concrètement qui fera faire les devoirs aux collégiens, est-ce que c'est une vraie étude dirigée avec un professeur qui explique aux enfants comment on fait leur devoir de maths, de philo, etc. ou est-ce que c'est une simple surveillance où on réunit un maximum d'élèves dans une grande pièce et il y a un surveillant qui attend que l'heure tourne, parce que ça n'a évidemment pas du tout la même conséquence en termes de pédagogie ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Vous avez tout à fait raison, il y a un enjeu quantitatif, mais il y a avant tout un enjeu qualitatif et donc effectivement la notion d'études dirigées si vous reprenez ce terme ancien en effet...
FABIEN NAMIAS
Qu'on a bien connu !
JEAN-MICHEL BLANQUER
Que vous avez sans doute bien connu - et qui a de très bons aspects va nous conduire : premièrement, à mobiliser les professeurs avec des heures supplémentaires...
FABIEN NAMIAS
Donc ce seront des professeurs, ça c'est important ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
D'une part, en fait c'est un éventail d'intervenants avec les professeurs, les assistants d'éducation, c'est aussi quelque chose qui va évoluer ; Et puis je vous je le disais à l'instant je suis aussi au titre de mes compétences sur la Jeunesse, en charge du Service civique, je vais lancer une grande mobilisation du Service civique, pour avoir plusieurs milliers de volontaires de Service civique, qui souvent sont de très bon niveau, des jeunes qui sont en train de finir leurs études ou qui les ont déjà finies, et à qui nous proposerons ces missions, et c'est ainsi très significatif de cette école de la confiance, que je souhaite faire avancer, c'est-à-dire une école où la société est autour de son école, aide son école. Et tout à l'heure on parlait du temps et du travail périscolaire, mais si vous voulez, on doit avoir une cohérence entre ce qui se passe à l'école, entre ce que les professeurs font comme travail avec leurs élèves, et ce qui se passe, par ailleurs, que ce soit au titre des études dirigées, ou des activités de l'enfant, par ailleurs, de façon à ce que l'on converge avec... vers l'idée d'activités intelligentes pour l'enfant et avec aussi plus d'égalité.
FABIEN NAMIAS
Et donc, associer le Service civique à cette réforme de devoirs faits. Vous parlez de l'égalité, vous souhaitez revenir sur la réforme du collège, qui a été initiée en septembre 2016, c'est vrai que ça se bouscule, une réforme à peine installée que l'on veut déjà bousculer. Vous souhaitez donner davantage d'autonomie au collège, réinstaurer les classes bilangues, laisser la liberté aux établissements pour les enseignements interdisciplinaires, très bien, mais est-ce que la liberté n'est pas facteur d'inégalité ? Il y a une carte scolaire, les parents ne décident pas où est-ce qu'ils mettent leurs enfants au collège. Donc, à un coin de rue, vous aurez un collège où on peut apprendre deux langues dès la classe de 6ème, faire des heures de latin, enfin, tout ça est formidable, et puis à l'autre bout de la rue, un collège qui n'aura pas choisi ces options-là, et les parents sont tributaires de la carte scolaire. Est-ce que la liberté, ce n'est pas une inégalité ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Non, et c'est tout le contraire. Je pense que de nouveau la situation que vous décrivez, c'est celle que nous avons aujourd'hui, c'est-à-dire qu'à force de prôner une égalité théorique, on a, dans la pratique, des inégalités. Moi, ce que je veux, c'est arriver à l'égalité par la liberté, autrement dit, faire en sorte que l'autonomie des établissements leur permette tous de se requalifier. Ce qui était tout à fait anormal dans la réforme du collège, et nous ne sommes pas en train de la détricoter, nous gardons ce qu'il pouvait y avoir de positif, ce qu'il y avait d'anormal dans cette réforme, c'est qu'elle disait : il faut un peu plus d'autonomie, en donnant 20 % de maitrise des horaires aux collèges, ce qui était plutôt une bonne chose, mais en même temps elle détruisait des choses que les collèges avaient fait au titre de cette autonomie, en détruisant les classes bilangues, les classes de latin, les sections européennes. Donc nous, nous voulons rétablir ce qui est un élément, pour ces établissements, pour se différencier, et c'est ainsi que chaque établissement peut inventer son projet éducatif, c'est comme cela que ça marchera. Et nous aiderons d'autant plus un établissement, qu'il est en situation défavorisée. Et c'est là que vous voyez que la liberté peut être au service de la lutte contre les inégalités, parce que c'est ce qui permettra à des établissements en zone défavorisée, de se requalifier.
FABIEN NAMIAS
Un mot, parce que l'interview est terminée. Vous parlez d'établissements défavorisés, vous nous confirmez, d'un mot, que les établissements scolaires REP+, en tout cas les plus défavorisés, verront bien les effectifs CP divisés par deux, dès la rentrée, CP/CE1 ?
JEAN-MICHEL BLANQUER
Oui, c'est une mesure clef promise par Emmanuel MACRON pendant la campagne présidentielle, et nous la mettons en oeuvre dès la rentrée prochaine, c'est-à-dire que là aussi nous agissons à la racine, en cours préparatoire, là où on apprend à lire, écrire, compter, et où beaucoup de choses se jouent et où donc les effectifs seront divisés par deux dans les endroits les plus défavorisés.
FABIEN NAMIAS
Merci.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Jean-Michel BLANQUER
source : Service d'information du Gouvernement, le 7 juin 2017