Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les Élus,
Mesdames et Messieurs les Professionnels du tourisme,
Mesdames et Messieurs les Journalistes,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis,
C'est pour moi un moment extrêmement agréable que de venir ici, dans cette atmosphère de sérénité, de magnétisme de Giverny, mélange d'art et de beauté, qui rompt un peu avec d'autres moments, y compris avec le week-end dernier où j'assistais au G20 à Hambourg. Non seulement l'atmosphère extérieure était animée, mais les sujets n'étaient pas des sujets d'eaux calmes comme les nénuphars sur les calmes eaux dont parlait Verlaine, et que nous avons retrouvés tout à l'heure avec l'impression des Nymphéas. Nous étions dans une atmosphère de grande sérénité et c'est un moment rare que j'ai beaucoup apprécié, par rapport aux incertitudes et aux crises de notre actualité internationale, et les drames qui s'en suivent.
Pourquoi suis-je venu à Giverny ? D'abord parce que j'y ai été invité, par M. Lecornu et M. Gall. J'en profite pour comprendre les ruptures que procure le passage d'une présidence que l'on a beaucoup investie - on est arrivés il y a quelques jours - sur une longue durée. Il fallait rompre si l'on veut se consacrer totalement au service de la France. Je salue donc votre nouveau président.
Je suis venu aussi car finalement, entre l'impressionnisme et Orsay, il y a un lien très fort. Comme chacun sait, mon bureau est à Orsay - je ne veux pas parler du musée mais du Quai - il n'empêche que du Quai au musée et de l'impressionnisme au Quai, il n'y a qu'un pas que j'ai franchi avec beaucoup de plaisir. Et puis, comment ne pas penser également à Clémenceau ? Cette figure illustre de l'Hôtel de Brienne que je viens de quitter. Clemenceau, grand ami et voisin de Monet - il résidait non loin d'ici à Bernouville - tout au long de sa carrière, y compris au lendemain de la victoire, le 11 novembre 1918, Clémenceau et Monet ont été dans une amitié et une complicité considérables.
Peut-être suis-je venu aussi, et c'est un autre clin d'oeil, en raison de l'impressionnisme de Pont-Aven en Bretagne, car tout cela, c'est la même famille, les mêmes histoires, les mêmes passions et les mêmes émotions.
En tout cas, je suis ravi de l'occasion qui m'est donnée de vous parler de tourisme.
Je voudrais d'abord vous dire que je suis impressionné par la réussite du contrat de destination «Normandie-Ile-de-France : destination impressionnisme», signé au Quai d'Orsay en 2014. J'ai travaillé avec une partie des acteurs ce matin pour mieux comprendre ce que vous faisiez, je suis impressionné par la volonté collective, le décloisonnement des acteurs, à la fois entre les collectivités concernées mais aussi entre le public et le privé, la culture et le tourisme, pour une même logique et une même détermination. Ces 22 contrats de destination, qui ont été initiés par mon prédécesseur, Laurent Fabius, dont on connaît aussi l'intérêt pour la Normandie, j'ai l'intention de les poursuivre au regard de la qualité de ce que j'ai vu ce matin, et de faire en sorte qu'il y ait une dynamique mettant en valeur la force touristique de notre pays pour les clientèles étrangères. L'exemple de ce contrat de destination mérite d'être salué.
Je ferai donc en sorte de poursuivre ces 22 contrats de destination sur l'ensemble du pays ; ils représentent l'une des facettes de la stratégie nationale pour la promotion de la destination France. En fédérant l'ensemble des acteurs, ils donnent visibilité considérable aux destinations françaises, je voulais saluer cet effort-là.
Je voulais aussi vous dire, je le savais par mon parcours politique antérieur à la tête d'une région - mais j'en suis encore plus conscient maintenant - le secteur touristique représente pour la réussite économique de la France, un atout considérable. Pour son image, mais aussi pour les retombées économiques que cette activité entraine.
Il y a un point que l'on ne met pas suffisamment en avant, c'est que le tourisme entraîne avec lui des valeurs auxquelles nous sommes profondément attachés. Cette activité de loisir, c'est de la liberté en acte : liberté de circuler, de se cultiver et d'aller à la rencontre de la splendeur et de la diversité de la géographie française, liberté d'en saisir l'Histoire, liberté de rencontrer les mille visages de notre pays. C'est un enjeu pour rendre curieux de la France toutes celles et ceux qui viennent d'ailleurs. C'est aussi un enjeu de cohésion nationale, pour nos concitoyens eux-mêmes, lorsqu'ils découvrent un patrimoine au-delà de leur espace quotidien, un patrimoine qui est le leur parce qu'il est celui de la France. Le tourisme est porteur de valeurs.
Par ailleurs, le tourisme est porteur de résultats, d'efficacité, de ressources, et je voulais en dire deux mots. D'abord, le tourisme est maintenu dans les attributions du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. C'est ce qu'ont souhaité le président de la République et le Premier ministre, et qui confirme le rôle moteur de notre diplomatie et sa légitimité acquise auprès des acteurs privés et institutionnels du secteur depuis trois ans. Cette décision a d'ailleurs été saluée par les professionnels du tourisme, de façon unanime et spontanée. Avec Atout France, l'opérateur de l'État en charge de la promotion du tourisme, et avec l'ensemble des acteurs de la filière, notre diplomatie économique a su définir une stratégie nationale ; elle a mis en oeuvre des mesures structurelles pour permettre à la France de rester durablement le pays le plus visité au monde. Nous allons poursuivre cette logique, et je souhaite que Jean-Baptiste Lemoyne puisse être le relai de cette dimension forte de l'activité de mon ministère. Le Premier ministre a souhaité que les secrétaires d'État placés auprès des ministres soient polyvalents, je jouerai pour ma part cette polyvalence à fond, je le dis ici pour les acteurs du tourisme, qu'ils auront auprès de lui et auprès de moi un interlocuteur efficace et déterminé.
Je voudrais aussi vous dire que nous sommes le premier pays pour le nombre de visiteurs au monde, et nous avons été aussi à un moment donné un peu inquiets suite aux attentats. Il a fallu qu'il y ait une grande volonté de la part de l'ensemble des acteurs, pour continuer à maintenir les idéaux de culture, de convivialité, de partage, qui distinguent la France et qui sont des éléments de notre attractivité. Et les résultats sont là. Avec près de 83 millions de visiteurs internationaux accueillis en 2016, la France a démontré sa capacité de résilience.
Pour le tourisme dans notre pays, j'ai une ambition et un cap clairs : atteindre les 100 millions de touristes étrangers et générer 50 milliards d'euros de recettes touristiques internationales à l'horizon 2020. L'objectif est ambitieux mais il est à notre portée ; il est à la mesure des trésors innombrables de nos territoires, des joyaux dont nous devons encore améliorer la mise en valeur et l'accessibilité.
Pour atteindre ces objectifs nous devrons accentuer nos efforts mais c'est l'objectif que nous nous sommes fixé et cette finalité doit permettre surtout de créer plus de 300.000 emplois supplémentaires sur l'ensemble du territoire national, aussi bien en métropole qu'en outre-mer. Pour mémoire, le secteur représente déjà près de 8% du PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects. Donc, il est porteur de richesse et porteur demain d'atouts supplémentaires. De ce point de vue, les premiers résultats de 2017 sont très encourageants. Selon nos prévisions, la France pourrait atteindre 88 à 89 millions de touristes dès 2017, soit une hausse de 5 à 6% par rapport à 2016. En effet, lors du premier semestre de cette année, nous sommes revenus à un niveau de fréquentation similaire à 2015, année de référence en la matière avant que les effets des attentats aient pu se répercuter sur notre dynamique touristique. Les réservations aériennes pour les neuf premiers mois de l'année sont en hausse de 6,5% ; à Paris, cette augmentation atteint plus de 8%. Des marchés matures comme l'Allemagne et l'Espagne sont en hausse de plus de 3% ; les marchés qui étaient en fort recul comme le Japon, la Russie et le Brésil augmentent de près de 30% ; l'Inde continue sa progression avec plus de 20%, et les États-Unis enregistrent une croissance historique de plus 16% : elle s'explique certainement par la forte augmentation des capacités aériennes ainsi qu'une baisse des tarifs.
Ce sont donc ces bons résultats, qui sont en cours et qui je l'espère vont se consolider au cours de l'été, qui prouvent à la fois l'efficacité de la promotion assurée par nos territoires comme par notre opérateur Atout France. Ils démontrent aussi notre résilience, je l'ai dit il y a un instant, mais notre fort potentiel de croissance. ; cette croissance, nous l'obtiendrons également en sachant adapter notre offre aux exigences nouvelles des touristes français et étrangers.
Pour atteindre les objectifs que je viens de fixer, je souhaite ouvrir plusieurs chantiers de travail autour de cinq axes majeurs : la qualité de l'accueil, la formation, le numérique, l'investissement et la sécurité. Cinq chantiers qui seront aussi guidés par une exigence permanente, celle de l'efficacité et du pragmatisme.
Je voudrais revenir sur quelques points sur lesquels va se fixer notre action à venir.
Premièrement, il nous faut renforcer la gouvernance du tourisme à tous les niveaux. Et je souhaite avoir, avec les régions et avec les services de l'État, la création d'un cadre institutionnel d'échange qui nous permette la cohérence et qui nous permettra de décliner sur les territoires la stratégie nationale du tourisme. C'est pourquoi je rencontrerai dans début du mois de septembre les présidents des Régions pour faire en sorte qu'il y ait une vraie synergie qui se mette en oeuvre et qu'en même temps, au niveau national, il y ait une interministérielle qui fonctionne dans le même objectif. Le Premier ministre sera amené à faire des propositions et à décliner des orientations assez rapidement à ce sujet. Il faut bien connecter les gouvernances pour avoir de la cohérence et de l'efficacité.
Deuxièmement, je souhaite soutenir les investissements dans le secteur touristique. Je pense nécessaire de lancer dans chacune des régions avec la collaboration des départements, des projets structurants qui seraient soutenus par le gouvernement dans le cadre du fonds «France développement tourisme» et avec la mise en oeuvre du troisième volet du Programme d'investissement d'avenir. Ces projets d'investissements indispensables devront être sélectionnés, identifiés par les collectivités territoriales en lien avec les représentants de l'État sur les territoires.
Troisièmement, dans un contexte très concurrentiel, je souhaite renforcer la lisibilité de l'offre française pour que nous ayons une capacité de mobilisation qui soit cohérente. La destination France mérite d'être mieux connue. À cet égard, nos réseaux diplomatiques seront mobilisés pour être de véritables multiplicateurs de puissance ; ils ont un rôle à jouer dans la promotion de nos territoires.
Enfin, il nous appartiendra de continuer la déclinaison des réformes structurantes qui ont déjà été engagées dans le domaine des transports, dans le domaine de la connectivité aérienne, dans le domaine de la mobilité, afin de mieux irriguer l'ensemble du territoire. Je sais que ces chantiers sont toujours un peu difficiles, un peu délicats ; je pense à la nécessité de rendre plus fluide les circulations, singulièrement dans les aéroports. Mais ils sont essentiels pour renforcer notre attractivité et nous aurons, je pense, ensemble les moyens de les mettre en oeuvre.
En termes de calendrier, je vous l'ai dit à l'instant, le Premier ministre sera amené à tracer le cadre de la coopération interministérielle au courant du mois de juillet. Et nous nous retrouverons au cours de la troisième conférence annuelle du tourisme que j'organiserai à l'automne pour faire d'abord le bilan de l'année 2017, dont j'ai tracé déjà quelques éléments positifs, mais qui nous permettront, avec l'ensemble des acteurs, de détailler l'ensemble des mesures que nous arrêterons ensemble sur les logiques que je viens d'indiquer rapidement mais qui seront exigeantes mais sûrement couronnées de succès avec le soutien de tous.
L'état d'esprit qui est le mien, c'est le décloisonnement et l'efficacité. Le décloisonnement de toutes les manières et l'efficacité qui suppose une gouvernance cohérente, des investissements, une visibilité et une action diplomatique extrêmement forte.
Voilà les principes que je voulais exposer ici.
Vous êtes déjà dans la dimension internationale par votre aura et par la destination que vous avez mise en place. Et vous pouvez être, ici aussi, une référence, un exemple, un référentiel que l'on peut décliner pour d'autres territoires et qui correspond tout à fait à mon souci : efficacité, décloisonnement, pragmatisme et donc, du coup, résultats.
Merci de votre attention.
Q - Monsieur le Ministre, militez-vous pour le placement au patrimoine mondial de l'Unesco pour la ville de Giverny ?
R - C'est une bonne idée. Je suis impressionné par l'action collective qui est menée ici pour la promotion du site et aussi pour la promotion du réseau autour de la destination sur l'impressionnisme entre la région Île-de-France et la région Normandie. Ce lieu, Giverny, reçoit énormément de visiteurs, il a une dimension internationale avérée, donc je trouve tout à fait opportun que cette candidature soit déposée.
Q - Ce sera long et compliqué ?
R - C'est toujours long, c'est parfois compliqué mais il y a ici beaucoup d'atouts pour faire valoir ce dossier.
Q - On parle également des plages du débarquement actuellement ?
R - Il y a toujours plusieurs candidatures et il y a un jury de l'Unesco dont je ne fais pas partie.
Q - Monsieur le Ministre, comment va-t-on passer de 83 à 100 millions de touristes en 2020 ?
R - On va déjà passer sans doute à 88 millions de touristes en 2017, ce qui montre l'attractivité de la France puisque nous étions, en 2016, à 83 millions de visiteurs. Pour aboutir à ce chiffre qui non seulement renforce l'attractivité de la France, mais qui permet aussi la création de richesses et d'emplois, il faut plusieurs conditions. D'abord, une grande efficacité dans les outils, une cohérence dans la gouvernance : partir émiettés et séparés pour la conquête de marchés ne sert à rien. Il faut donc que l'ensemble des partenaires puissent renforcer une gouvernance efficace. Il faut investir dans l'accueil, dans l'hôtellerie, dans les infrastructures, dans les connexions, pour faciliter l'acheminement des touristes sous différentes formes. Il faut être porteurs de diversité dans les réponses, mais aussi être très efficaces dans la qualité de la réponse. De plus, il faut donner au tourisme français une attractivité internationale très forte, c'est, entre autre, le rôle de la diplomatie française et c'est la raison pour laquelle le président de la République et le Premier ministre ont pensé souhaitable de maintenir la compétence touristique dans la compétence du ministère des affaires étrangères.
Q - Allez-vous intervenir auprès du ministre de l'Intérieur concernant l'attaque de ce matin à Roissy ?
R - Je ne ferai pas de commentaire sur ce point.
Q - Le tourisme en Normandie s'inquiète un peu des conséquences du Brexit. Percevez-vous cette interrogation et peut-être même cette menace pour le tourisme ?
R - Les Britanniques ont des habitudes touristiques dans le Grand Ouest de la France qui sont très anciennes, je ne vois pas en quoi le Brexit pourrait limiter ces intentions et cette attractivité, à condition d'être en permanence en vigilance et en capacité d'agir pour renforcer la promotion de cette région. Mais je n'ai pas d'inquiétude particulière sur ce point.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 juillet 2017