Interview de Mme Florence Parly, ministre des armées, dans "Le Journal du Dimanche" du 23 juillet 2017, sur la démission du chef d'état-major des Armées et sur le budget militaire.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral


- Vous avez succédé à une ministre démissionnaire et à peine trois semaines après votre prise de fonctions, le chef d'état-major des Armées quitte son poste pour désaccord avec le président de la République. On a connu situation plus apaisée…
C'est en effet un démarrage sur les chapeaux de roue! Il y a eu un désaccord, le général de Villiers a présenté sa démission et le Président l'a acceptée. C'était le choix du chef d'état-major, sa décision. Et donc, ce qui compte pour moi, c'est de passer à l'étape suivante. Cela ne doit pas occulter le caractère historique du moment que nous vivons. Dans son discours sur la base d'Istres jeudi, le Président a confirmé en termes très concrets et visibles que le budget de la défense pour 2018 augmentera de 1,8 milliard d'euros. C'est du jamais-vu au cours de ces dix dernières années.
- Avec un nouveau chef d'état-major, le général Lecointre…
C'est un officier d'une très grande valeur, reconnu et respecté. Il dispose d'une expérience, non seulement dans les opérations, ce qui est précieux, mais aussi de l'ensemble des dossiers concernant la défense de notre pays. D'entrée de jeu, nous avons établi un mode de fonctionnement efficace, avec des rendez-vous très réguliers entre lui et moi parce que nous sommes complémentaires. Il s'agira d'un travail d'équipe. Ma responsabilité, c'est que les armées aient les moyens nécessaires de fonctionner et ce sera au chef d'état-major de m'aider à définir leurs besoins réels pour les années à venir.
- Avec le général de Villiers, vous aviez senti monter cette crise ?
Avec lui, j'ai bien travaillé. Je déplore que sa démission ait donné lieu à des expressions publiques qui ne me semblent pas refléter la réalité de la situation. Les mesures d'économies qui ont été prises ne compromettent pas le fonctionnement de nos armées en 2017 et l'engagement d'augmenter le budget de défense tout au long des prochaines années sera tenu.
- Il n'a donc pas, selon vous, été pris par surprise par l'annulation des 850 millions ?
Il a été tenu au courant en même temps que moi de toutes les étapes du processus budgétaire et a participé à toutes les réunions qui y étaient consacrées.
- Diriez-vous que le général de Villiers a fait preuve d'un excès de confiance en lui-même et que le président a surréagi dans sa démonstration d'autorité lors de son discours aux militaires du 13 juillet ?
Cette polémique, je ne la nourrirai pas. Ce qui compte pour moi, c'est ce qui se passera demain.
- Le nouveau chef d'état-major ne sera donc pas un "poète revendicatif", comme Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement, a qualifié le général de Villiers vendredi matin…
Il sera concentré, comme moi, sur la bonne marche de nos armées.
- Cela vous agace-t-il qu'on dise de vous que vous avez moins de puissance ou d'influence que n'en avait votre prédécesseur, Jean-Yves Le Drian ?
Je suis très satisfaite d'avoir obtenu le meilleur budget de la défense depuis dix ans.
- Vous parlez d'une "étape" et pas de crise. Ne sous-estimez vous pas le malaise entre les militaires et l'exécutif ?
Non, les événements de ces derniers jours sont le fruit de plusieurs lois de programmation militaire et d'engagements qui ont été pris par le passé et sans nécessairement que les moyens budgétaires correspondants aient été provisionnés. Ce qui m'importe, c'est qu'on s'implique maintenant dans une trajectoire qui permette chaque année de crédibiliser l'engagement répété solennellement par le Président de porter l'effort au profit de la défense à 2 % de la richesse nationale d'ici à 2025.
- Sauf que pour 2017, il manque 850 millions que le général de Villiers comptait utiliser pour doter l'armée d'équipements indispensables à ses yeux…
Je veux répondre aux préoccupations légitimes de ceux qui risquent leur vie et à qui nous devons une protection de qualité. Dans ce cadre, je me suis engagée à ce que les annulations de crédits n'aient pas d'impact sur le fonctionnement des armées en 2017, notamment pour les militaires en opération. C'est donc sur les grands programmes d'équipement que les ajustements seront faits par lissage. Je suis également en discussion pour que des crédits gelés en 2017 soient dégelés. C'est déjà le cas depuis jeudi pour 1,2 milliard d'euros qui nous seront restitués par anticipation dès ce mois-ci. Pour 2018, le budget de la défense augmentera de 1,8 milliard, ce qui fait une croissance de 5 % par rapport à 2017. Et, dans cette augmentation confirmée par le Président à Istres pour 2018, il est prévu 200 millions d'euros qui seront affectés à de l'équipement de base pour les militaires.
- Est-ce à dire que le partage des rôles entre le chef d'état- major, le ministre des Armées et le président de la République a été définitivement clarifié ?
Les choses sont en effet parfaitement claires. Le chef d'état-major des armées est le responsable opérationnel de nos forces. Il est par ailleurs à la disposition du Parlement, et aura toute latitude pour venir s'exprimer devant les commissions. Mais sur les sujets budgétaires, c'est au ministre de s'exprimer devant les élus, car ce n'est pas la commission qui prépare le budget mais le gouvernement, comme le prévoit la Constitution.
- Qu'est-ce qui vous a frappée en vous rendant sur le terrain au contact des soldats ?
En Jordanie, j'ai été impressionnée par leur engagement total sur le plan physique et moral. Je me rendrai dans les jours prochains au Mali, où je sais que nos troupes et nos matériels sont soumis à rude épreuve. Les militaires que j'ai entendus accomplissent leur mission avec une détermination totale et une absence d'état d'âme absolument admirable.
Source http://www.defense.gouv.fr, le 25 juillet 2017