Texte intégral
NICOLAS TEILLARD
La politique jusqu'à neuf heures sur Franceinfo, 8h30 Aphatie, bonjour Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Nicolas.
NICOLAS TEILLARD
Guillaume DARET, Gilles BORNSTEIN à vos côtés et votre invité est l'un des heureux élus de la journée d'hier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Jacques MEZARD.
JACQUES MEZARD
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes donc depuis hier après-midi le nouveau ministre de l'agriculture française. Vous êtes un homme de gauche, élu dans le Cantal. Vous allez avoir comme patron si je puis dire, en tout cas chef de gouvernement, Edouard PHILIPPE, un homme qui se définit lui-même comme un homme de droite. On l'écoute lundi après-midi, lors de sa passation des pouvoirs à Matignon avec Bernard CAZENEUVE.
- Passation de pouvoir du 15 mai 2017 :
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Vous avez dit que vous étiez un homme de gauche. Il se trouve que je suis moi-même un homme de droite, ce qui vous ne surprendra pas, je le sais.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors droite/gauche, c'est un peu terminé ? On peut travailler ensemble, ça ne vous posera pas de problème, Jacques MEZARD ?
JACQUES MEZARD
Je présidais jusqu'à il y a quelques heures un groupe parlementaire, le RDSE, dont la composition allait de Robert HUE à un Républicain, et ce depuis de longues années.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes entraîné alors.
JACQUES MEZARD
J'ai un véritable entraînement de cette coopération, de cette concertation dans le respect des sensibilités des uns et des autres. Mais je suis convaincu qu'on peut y arriver et que l'urgence de la situation et l'évolution politique de ce pays justifient que l'on tente cette expérience.
NICOLAS TEILLARD
Emmanuel MACRON n'a rien inventé en fait.
JACQUES MEZARD
Voilà. J'étais un peu un laboratoire depuis longtemps.
GUILLAUME DARET
Dans ce gouvernement, on voit que ce sera la droite et plus particulièrement deux figures venues des Républicains qui vont gérer l'économie et les finances. Est-ce que ça ne vous pose pas de problème ? Ce sont des postes stratégiques.
JACQUES MEZARD
Ce sont des postes stratégiques. Je crois que c'est dans la cohérence de ce qu'a annoncé le président de la République lorsqu'il était candidat depuis de nombreux mois. Nous avons besoin en matière d'économie de liberté. Son programme, c'était rassembler, libérer, protéger. Le fait qu'il y ait des hommes venant de la sensibilité de droite à l'économie, c'est effectivement un signal. Je crois qu'on est dans une recomposition avec la volonté de réaliser les grands objectifs fixés par Emmanuel MACRON, mais en matière d'économie, nous savons tous qu'il faut que ce pays bouge.
GUILLAUME DARET
Mais ce n'est pas un mauvais signal pour la gauche ? C'est quoi le message ? Ça veut dire que seule la droite est capable de bien gérer les finances ?
JACQUES MEZARD
Non. Non, je crois que c'est la démonstration qu'il y a une volonté d'avoir, sur le plan économique, un message effectivement plus libéral.
GUY BIRENBAUM
Une politique de droite ?
JACQUES MEZARD
Est-ce que le fait de dire qu'on va dans un sens plus libéral en matière d'économie est systématiquement une politique de droite ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Certains le disent.
JACQUES MEZARD
Certains le disent. Vous savez, moi je soutiens Emmanuel MACRON depuis l'été dernier sans aucun état d'âme. Avec l'âge que j'ai, je suis un sexagénaire, et je suis de ceux qui sont convaincus, premièrement, qu'il est indispensable de pousser aux commandes d'une nouvelle génération, de leur donner un coup de main, et avec une approche de la vie politique différente. Ça ne veut pas dire qu'on rejette les sensibilités qui sont les nôtres.
Ça veut dire qu'en matière d'économie, quel est le problème de notre pays ? Ce sont les blocages que nous avons vécus, on l'a dit et redit pendant la campagne. Moi, je suis sénateur depuis 2008. Je ne suis pas un professionnel de la politique, j'ai été 38 ans avocat. Je suis arrivé au Parlement avec un certain nombre d'ides et j'ai constaté quoi, particulièrement dans le domaine économique ?
Que nombre de mes collègues sénateurs étaient d'accord sur bien des points et qu'au moment où on votait, on revenait à des blocages traditionnels qui ne permettaient pas d'avancer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous espérez que là peut-être les déblocages peuvent être dépassés.
GUY BIRENBAUM
Si je vous écoute, il n'y a pas assez de ministres de droite en fait.
JACQUES MEZARD
Non.
GUY BIRENBAUM
Mais si !
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est taquin !
JACQUES MEZARD
Oui, vous êtes taquin mais c'est normal. C'est très difficile de composer une équipe avec justement cette volonté de transformer la vie politique sans quand même la brutaliser. Qu'est-ce qui se passe ? Nous avons dans notre pays des extrêmes des deux côtés qui ont reçu beaucoup de suffrages, des partis traditionnels, y compris le mien, à bout de souffle et depuis longtemps. Si on n'est pas capable de constituer une équipe gouvernementale qui permet de rassembler des hommes de sensibilités diverses mais hors extrêmes, je crois que ça finira mal et nous l'avons senti.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit, vous avez soutenu la candidature d'Emmanuel MACRON dès l'été dernier. En fait, il semble que vous n'ayez pas beaucoup apprécié l'action et donc le bilan de François HOLLANDE qui pourtant dimanche dernier le défendait de la manière suivante. On écoute l'ancien président de la République.
- Déclaration du 14 mai 2017 :
FRANÇOIS HOLLANDE, ANCIEN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Permettez-moi de vous le dire, je laisse un pays la France dans un état bien meilleur que celui que j'ai trouvé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes d'accord avec lui ? Il laisse le pays dans un état bien meilleur que celui dans lequel il l'a trouvé ? Vous êtes d'accord ?
JACQUES MEZARD
Partiellement. Je considère que c'est partiellement vrai parce qu'il y a un certain nombre d'initiatives qui ont été prises et qui vont plutôt dans le bon sens, on l'a vécu au niveau sociétal. Mais je crois quand même que globalement, les trois quinquennats que nous avons vécus ont laissé un champ de ruines politiques.
NICOLAS TEILLARD
Depuis 2002.
JACQUES MEZARD
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE, Nicolas SARKOZY et Jacques CHIRAC.
JACQUES MEZARD
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE va être content.
JACQUES MEZARD
Avec à chaque fois un certain nombre de propositions et d'actes qui ont pu être positifs, mais globalement pour des raisons différentes. Sur le dernier quinquennat, plutôt des questions de fond ; sur l'avant-dernier, beaucoup de questions de forme ; sur le quinquennat de Jacques CHIRAC, on sentait bien que c'était la fin d'une époque. Ces trois quinquennats ont amené la France, la Nation, dans une situation psychologique extrêmement difficile. Moi, c'est ce que j'ai vécu sur le terrain avec aussi ce ressenti sur le terrain de rejet des élites. Quand même, un pays où le mot « élite » est devenu presqu'une injure, ça devrait tous nous interpeller y compris d'ailleurs dans les médias.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui. On a entendu Emmanuel MACRON dire aussi qu'il n'était pas du système. Tout le monde se livre assez facilement à la démagogie dans ce pays.
JACQUES MEZARD
Non mais, vous savez, moi là-dessus vous m'avez peu entendu jusqu'ici sur les antennes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne critiquez pas le système, vous.
JACQUES MEZARD
Le système, ça veut dire quoi ?
GUY BIRENBAUM
On ne sait pas justement. C'est ce qu'on cherche à savoir depuis des mois.
JACQUES MEZARD
Moi, vous savez, je pense dans un pays qu'il y a un certain nombre de sujets qui méritent d'être traités de manière objective. C'est-à-dire qu'on pose les problèmes et on essaye de trouver une solution. Lorsque le pays se sent mal, parce que c'est ça que nous ressentons sur le terrain, cette espèce de sentiment que rien ne va plus alors qu'il y a des choses qui vont très bien en France, qui fonctionnent bien, qu'il y a de nombreux Français qui travaillent dans de bonnes conditions, qu'il y a aussi des Français qui souffrent, mais il y a un climat général qui me paraît en inadéquation avec la réalité du pays. Tout ne va pas bien mais tout ne va pas mal. Le système, ça veut dire quoi ? Je n'ai jamais, dans mon parcours, fait le procès du système.
NICOLAS TEILLARD
Merci, Jacques MEZARD.
JEAN-MICHEL APHATIE
Très bien. Vous êtes bien l'un des seuls. [ ] Un nouveau gouvernement ça toujours quelque chose de sympathique mais on sent bien que les conflits et les contradictions peuvent poindre dans l'équipe, vous êtes donc ministre de l'Agriculture Jacques MEZARD et vous devrez composer avec quelqu'un qui est opposé à l'agriculture intensive, qui a une vision sur votre secteur qui ne doit pas tout à fait peut être pas du tout correspondre à la vôtre, il s'agit de Nicolas HULOT, ministre d'Etat, qui a vous le savez bien sûr une forte personnalité, vous redoutez cette cohabitation avec Nicolas HULOT ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez moi je ne redoute rien, je suis là pour accomplir une mission : défendre l'agriculture française, je crois qu'il ne faut pas avoir d'a priori et la meilleure preuve que je peux en avoir sur la question que vous me posez c'est que j'ai constaté déjà que Nicolas HULOT avait travaillé avec la fédération nationale bovine et, récemment, ils ont même conclu un accord - ils ont travaillé ensemble et je crois qu'à partir du moment où on a la volonté d'avancer, il faut s'écouter et.... Moi je vous l'ai dit, je suis un élu d'un département rural, un ému de terrain...
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Cantal.
JACQUES MEZARD
J'ai toujours eu comme principe : écouter, décider, appliquer, je rencontrerai Nicolas HULOT...
JEAN-MICHEL APHATIE
Que vous ne connaissez pas ?
JACQUES MEZARD
Que je ne connais pas, je le rencontrerai, nous discuterons, il est possible que nous ayons des visions divergentes sur un certain nombre de choses, mais je pense que quand on a la volonté d'avancer on peut y arriver, en tout cas moi je n'aurai pas d'à priori.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quels sont les problèmes qui vous paraissent pouvoir se poser entre lui et vous, l'agriculture intensive, l'utilisation des pesticides, enfin on imagine qu'il y a beaucoup de dossiers qui peuvent vous séparer, qu'est-ce qui vous parait le plus problématique ?
JACQUES MEZARD
Je crois qu'il ne faut pas avoir une vision idéologique en la matière.
GUILLAUME DARET
C'est ce qu'il a, une vision idéologique ?
JACQUES MEZARD
Non, je n'ai pas dit qu'il avait une vision idéologique, je dis je pense qu'il ne faut pas avoir une vision idéologique, moi non plus. Nous avons des dossiers qui sont des dossiers lourds, nous allons mener le dossier des Etats généraux de l'alimentation, vous savez, a priori qu'est-ce qui peut nous séparer ? Qu'est-ce que moi je souhaite ? Que les Français aient une alimentation de la meilleure qualité possible, qu'elle provienne dans la plus grande mesure du possible de producteurs français, je ne vois pas pourquoi Nicolas HULOT serait en désaccord avec ces objectifs-là.
GUILLAUME DARET
Mais Notre-Dame-des-Landes par exemple vous êtes pour ou contre la construction de ce nouvel aéroport ?
JACQUES MEZARD
Moi je suis pour, je suis pour, je l'ai toujours exprimé lorsque la question a pu venir au Sénat, donc je ne vois pas pourquoi je changerais de position.
GUILLAUME DARET
Vous vous battrez pour la construction de ce nouvel aéroport dans les débats au sein du gouvernement ?
JACQUES MEZARD
Me battre ! Je dirais quelle est ma position, quelle a été ma position et je vais le dire très simplement. Je suis un homme de droit, je suis un juriste, lorsque depuis des années les décisions de justice ont été dans le même sens, lorsqu'il y a eu une consultation sur le terrain qui a donné un résultat, je pense en tant qu'homme de droit, attaché aux institutions, qu'il convient d'en tirer les conclusions, mais en tirer les conclusions et là je partage la vision du président de la République ce n'est pas déclencher la violence, il faut trouver, essayer de trouver des solutions pour régler le problème, il y a une nouvelle équipe qui arrive, il faut que cette équipe et c'est la volonté du président de la République travaille pour essayer de solutionner calmement le dossier... (problèmes techniques)...
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, quand commence l'action en nommant un médiateur ça, veut dire qu'on n'est pas pressé d'aboutir, puisque vous le dites vous-même des décisions ont été prises, la justice les a validées et un référendum local a fait en sorte qu'une majorité de la population se prononce pour l'aéroport ?
JACQUES MEZARD
Monsieur APHATIE, vous me posez une question sur ma position, je vous réponds en me disant quelle a été ma position et cette position elle restera la mienne. Ceci étant, ce n'est pas ma voix qui forcément sera...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le médiateur c'est une bonne idée, c'est une bonne idée le médiateur ?
JACQUES MEZARD
Je pense que dans les circonstances actuelles... d'abord c'est une bonne idée que le président de la République fasse ce qu'il a annoncé pendant sa campagne électorale, parce que s'il commençait par faire l'inverse de ce qu'il a annoncé, je ne pense pas que ce serait une bonne chose.
GUY BIRENBAUM
La pêche fait partie de votre ministère ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, je n'ai pas encore le périmètre.
GUY BIRENBAUM
Ah ! Vous ne savez pas encore ?
JACQUES MEZARD
Mais je pense, puisqu'en tout cas c'est ce qui m'a été annoncé téléphoniquement, mais pour l'instant je n'ai pas la certitude.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est peut-être Nicolas HULOT qui l'aura ?
JACQUES MEZARD
Peut-être.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a une petite bataille là-dessus ou alors ce n'est pas une petite bataille...
GUY BIRENBAUM
Oui, c'est une grosse bataille.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a une bataille ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez pour l'instant, avant de déclencher les hostilités, il faudrait savoir s'il y a lieu de le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors je peux me permettre de poser la question différemment, quand on vous a dit : « acceptez-vous de devenir ministre de l'Agriculture, vous n'avez pas posé la question, j'ai la pêche ou je n'ai pas la pêche ? », vous ne l'avez pas posée ?
JACQUES MEZARD
Je ne l'ai pas posée sous cette forme-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et, alors, sous quelle forme ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez pour moi, ensuite nous verrons dans les heures qui viennent ce qu'il en est, mais pour moi bien sûr la pêche va avec l'agriculture, la forêt va avec l'agriculture, je crois qu'il serait... il y a des signaux qui peuvent être lancés dans un sens ou dans un autre. Moi je ne suis pas là... je l'ai dit, j'ai 69 ans, je n'ai pas forcément cherché à être là, ce que je souhaite c'est être utile, continuer à dire ce que je pense, à faire ce que je dis, sans aucune volonté d'agressivité. Ecoutez, moi je ne vais pas entrer dans ce gouvernement pour chercher des conflits avec les autres ministres pour passer davantage dans la presse, dans les médias, ce qui m'importe c'est d'essayer d'être utile, je n'attends rien d'autre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes donc ministre des agriculteurs - et des agriculteurs on va en entendre un à l'instant - un peu désabusés et qui n'attendent pas grand chose visiblement du nouveau gouvernement, du nouveau président de la République.
DENIS, ÉLEVEUR DANS LE CANTAL LE 3 MAI
On est surtout les oubliés je pense de la nature, les gens nous prennent un peu pour des cons quoi j'ai envie de dire, concernant monsieur MACRON l'agriculture pour lui ça n'existe, enfin j'ai l'impression que lui c'est l'argent, la richesse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, Denis éleveur dans le Cantal, donc c'est dans votre département, donc vous voyez ce qui compte pour Emmanuel MACRON dit-il ce n'est pas l'agriculture.
JACQUES MEZARD
Oui. Là vous avez réussi la performance d'aller dans une commune qui est la commune de Montmurat, qui est une des quatre seules sur 260 à avoir donné la majorité à Marine LE PEN, donc...
GUILLAUME DARET
C'était entre les deux tours, c'était avant le deuxième, ils n'avaient pas encore choisi Marine LE PEN.
JACQUES MEZARD
D'accord, mais vous voyez que je connais mon département.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Ca on le voit, mais bon après l'agriculteur c'est l'agriculteur.
JACQUES MEZARD
Tout à fait. Mais vous savez qu'il y ait une désespérance dans le monde agricole, dans une partie du monde agricole, c'est une réalité, qu'il y ait une désespérance dans un certain nombre de territoires ruraux - encore que dans le Cantal vous avez noté qu'Emmanuel MACRON est arrivé largement en tête mais cette désespérance c'est une réalité, elle correspond à des souffrances que nous connaissons, elle correspond aussi à un état d'esprit contre lequel nous avons à lutter pour donner justement de l'espoir à ces agriculteurs. Vous savez quand on est dans une exploitation avec une quarantaine de vaches, qu'on a la vie qu'ils ont, qui est une vie dure, avec des résultats économiques qui sont extrêmement modestes pour ne pas dire autre chose moi je comprends qu'on tienne ce langage. Notre travail à nous ce n'est pas de bouleverser les choses mais c'est d'abord de les entendre et d'essayer de trouver des solutions qui améliorent un peu leur quotidien, parce que nous avons besoin de ces agriculteurs sur nos territoires ruraux.
GUILLAUME DARET
Et on va les écouter vos solutions, Monsieur le Ministre, juste après un point sur l'info.
GUILLAUME DARET
Ce sera l'un des premiers dossiers du Premier ministre et du président, la réforme du Code du travail. Est-ce qu'il est nécessaire de réformer le Code du travail d'après vous ?
JACQUES MEZARD
Vous avez déjà ouvert le Code du travail ? Je l'ai dit, je suis juriste et je pars d'idées non pas simplistes mais assez simples. A partir du moment où on ne comprend plus la loi, et nous en sommes tous responsables, c'est-à-dire que nous en fabriquons à tire-larigot et c'est un des vrais problèmes de la France, le Code du travail est une accumulation de textes qui sont devenus un boulet pour la vie économique et sociale de ce pays. Et réformer, changer les choses en matière de Code du travail, je crois que c'est indispensable. Mais à partir du moment où on change la donne, ça ne veut pas dire que ça va se faire contre le monde du travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce que pensent les syndicats.
JACQUES MEZARD
Evidemment. Mais vous savez, de manière assez globale dans ce pays, que le changement et ça s'adresse à nous tous, à commencer par moi quand on voit arriver une transformation qui change nos habitudes, on a un réflexe, c'est la réticence.
GUY BIRENBAUM
Et la méthode ? Les ordonnances ?
JACQUES MEZARD
Demandez à un parlementaire.
GUY BIRENBAUM
Oui, c'est ce que je fais.
JACQUES MEZARD
Comme moi ! Si les ordonnances, c'est sa tasse de thé, je serais d'une hypocrisie absolue à vous dire que je considère que c'est la méthode dont il faut user et abuser.
GUILLAUME DARET
Donc c'est une mauvaise idée.
JACQUES MEZARD
Non, ce n'est pas une mauvaise idée parce que je crois que, par rapport à ce que je viens de dire, il y a un moment où il faut arriver à faire bouger les lignes. Dans notre campagne électorale, il y avait pas mal d'affiches : « Bougeons les lignes ». Alors qu'en ce début de quinquennat, on utilise les ordonnances à condition que ça ne devienne pas un système habituel, je crois que c'est indispensable parce que si dès le début on est face à des blocages alors que les Français n'ont pas été trompés - MACRON a dit ce qu'il allait faire, il a été élu avec 66 % des voix, il faut qu'il arrive à réaliser cela en même temps, on ne peut pas gouverner durablement par ordonnance.
GUY BIRENBAUM
Les 66 %, ce n'est pas seulement pour ça, monsieur le Ministre. Vous êtes au courant.
JEAN-MICHEL APHATIE
24 % au premier tour et 66 % au second dans des conditions particulières.
JACQUES MEZARD
Bien sûr. Mais je constate quand même, parce que je l'ai vécu sur le terrain cette campagne, je constate que sur un certain nombre de dossiers la réforme des retraites, il n'était pas évident d'annoncer ce qu'il a annoncé avec la fin des régimes spéciaux, même si ça prendra du temps je n'ai pas ressenti chez nos concitoyens, dans l'opinion, un blocage sur un certain nombre de projets qui étaient des projets courageux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce sera donc la première réforme. On verra. Elle suscitera sans doute des oppositions mais nous verrons bien comment celles-ci se manifesteront.
JACQUES MEZARD
Certainement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes membre du Parti radical de gauche, un parti que préside ou qu'a longtemps présidé Jean-Michel BAYLET, et nous avons appris, parce qu'on a un peu regardé sur Internet qui était Jacques MEZARD, on ne vous connaissait pas beaucoup, que votre fils Maximilien a été assistant parlementaire de Jean-Michel BAYLET, quand lui-même siégeait au Sénat, c'est ce qu'on a reproché à François FILLON, est-ce que, avec le recul, c'était de votre part une erreur d'avoir fait de votre fils un assistant parlementaire ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, ce n'est pas moi qui en ai fait un assistant parlementaire, il a travaillé avec Jean-Michel BAYLET, il a même été son directeur de cabinet
JEAN-MICHEL APHATIE
Tout à fait à la fin, 17 mars
JACQUES MEZARD
À la fin, il a un doctorat d'Etat de droit, je crois qu'il a un niveau d'études qui ne pose pas de problème, il n'a jamais travaillé pour moi, il ne travaillera jamais pour moi, je crois que
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais travailler pour le président de votre parti, c'est un peu travailler pour vous !
JACQUES MEZARD
Oh, écoutez
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ? Ce n'est pas ces pratiques-là que la loi de moralisation de la vie publique veut désormais interdire ?
JACQUES MEZARD
Moi, je crois que là-dessus, vous savez, je suis transparent, je n'ai rien à cacher, je crois que, à partir du moment ce n'est pas moi qui ai embauché mon fils, le président du Parti a fait un choix tout à fait libre, je ne lui ai rien demandé, et je n'ai pas l'habitude de demander quoi que ce soit à quiconque.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a été injuste avec François FILLON, quand on lui a reproché tout ça ?
JACQUES MEZARD
Écoutez, je crois qu'il n'y a quand même pas des comparaisons oiseuses, je crois que, il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas de compte Twitter ?
GUY BIRENBAUM
Vous allez le créer ?
JACQUES MEZARD
Non.
GUY BIRENBAUM
Il va falloir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez en créer un ?
GUY BIRENBAUM
Est-ce que vous y êtes allergique ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel est votre rapport à ces outils sociaux ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, si je n'en ai pas créé
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est que vous n'en avez pas ressenti le besoin
NICOLAS TEILLARD
Il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont des comptes Twitter, et qui font vivre la vie de leur élevage sur les réseaux sociaux
JACQUES MEZARD
Je crois que ma préoccupation première, c'est de travailler, c'est de me plonger dans les dossiers qui sont des dossiers difficiles, je vous l'ai dit, la communication, elle est indispensable, mais je ne ferai pas n'importe quoi, et ce n'est pas faire n'importe quoi que d'avoir un compte Twitter
GUY BIRENBAUM
Ah bon, j'ai eu peur !
JACQUES MEZARD
Bon, il est probable que j'en aurai un, c'est parce que ça vous fera tellement plaisir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, ça ne nous fera pas plaisir
GUY BIRENBAUM
Non, plaisir, non
JEAN-MICHEL APHATIE
C'était une manière de vous interroger sur ce qui désormais prend beaucoup plus de place dans nos vies, et donc, savoir quel était votre rapport avec ces outils que l'on dit modernes. Mais vous les jugez plutôt gênants que modernes peut-être ?
JACQUES MEZARD
Non, non, non
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui est votre droit !
JACQUES MEZARD
Non, non, non, je les utilise, vous savez, j'ai mon portable dans la poche, la tablette qui n'est pas loin, donc
NICOLAS TEILLARD
Tout va bien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, d'accord
JACQUES MEZARD
Non, mais, vous savez, ce n'est pas parce que, on est élu d'un territoire hyper rural qu'on est forcément demeuré.
GUY BIRENBAUM
Ce n'était pas vraiment le sens de la question, Monsieur le Ministre !
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça n'était pas tout à fait l'état d'esprit
JACQUES MEZARD
Vous savez, si vous voulez, je me lance sur ce que je pense du boboïsme parisien, je peux rester longtemps parmi vous
GUY BIRENBAUM
Vous savez, on n'est pas forcément parisien !
JEAN-MICHEL APHATIE
Hélas, cette émission est terminée, donc nous n'aurons pas la capacité ou la possibilité de connaître votre réflexion là-dessus. Merci Jacques MEZARD d'avoir accepté l'invitation de Franceinfo.
JACQUES MEZARD
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mai 2017
La politique jusqu'à neuf heures sur Franceinfo, 8h30 Aphatie, bonjour Jean-Michel.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Nicolas.
NICOLAS TEILLARD
Guillaume DARET, Gilles BORNSTEIN à vos côtés et votre invité est l'un des heureux élus de la journée d'hier.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Jacques MEZARD.
JACQUES MEZARD
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes donc depuis hier après-midi le nouveau ministre de l'agriculture française. Vous êtes un homme de gauche, élu dans le Cantal. Vous allez avoir comme patron si je puis dire, en tout cas chef de gouvernement, Edouard PHILIPPE, un homme qui se définit lui-même comme un homme de droite. On l'écoute lundi après-midi, lors de sa passation des pouvoirs à Matignon avec Bernard CAZENEUVE.
- Passation de pouvoir du 15 mai 2017 :
EDOUARD PHILIPPE, PREMIER MINISTRE
Vous avez dit que vous étiez un homme de gauche. Il se trouve que je suis moi-même un homme de droite, ce qui vous ne surprendra pas, je le sais.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors droite/gauche, c'est un peu terminé ? On peut travailler ensemble, ça ne vous posera pas de problème, Jacques MEZARD ?
JACQUES MEZARD
Je présidais jusqu'à il y a quelques heures un groupe parlementaire, le RDSE, dont la composition allait de Robert HUE à un Républicain, et ce depuis de longues années.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes entraîné alors.
JACQUES MEZARD
J'ai un véritable entraînement de cette coopération, de cette concertation dans le respect des sensibilités des uns et des autres. Mais je suis convaincu qu'on peut y arriver et que l'urgence de la situation et l'évolution politique de ce pays justifient que l'on tente cette expérience.
NICOLAS TEILLARD
Emmanuel MACRON n'a rien inventé en fait.
JACQUES MEZARD
Voilà. J'étais un peu un laboratoire depuis longtemps.
GUILLAUME DARET
Dans ce gouvernement, on voit que ce sera la droite et plus particulièrement deux figures venues des Républicains qui vont gérer l'économie et les finances. Est-ce que ça ne vous pose pas de problème ? Ce sont des postes stratégiques.
JACQUES MEZARD
Ce sont des postes stratégiques. Je crois que c'est dans la cohérence de ce qu'a annoncé le président de la République lorsqu'il était candidat depuis de nombreux mois. Nous avons besoin en matière d'économie de liberté. Son programme, c'était rassembler, libérer, protéger. Le fait qu'il y ait des hommes venant de la sensibilité de droite à l'économie, c'est effectivement un signal. Je crois qu'on est dans une recomposition avec la volonté de réaliser les grands objectifs fixés par Emmanuel MACRON, mais en matière d'économie, nous savons tous qu'il faut que ce pays bouge.
GUILLAUME DARET
Mais ce n'est pas un mauvais signal pour la gauche ? C'est quoi le message ? Ça veut dire que seule la droite est capable de bien gérer les finances ?
JACQUES MEZARD
Non. Non, je crois que c'est la démonstration qu'il y a une volonté d'avoir, sur le plan économique, un message effectivement plus libéral.
GUY BIRENBAUM
Une politique de droite ?
JACQUES MEZARD
Est-ce que le fait de dire qu'on va dans un sens plus libéral en matière d'économie est systématiquement une politique de droite ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Certains le disent.
JACQUES MEZARD
Certains le disent. Vous savez, moi je soutiens Emmanuel MACRON depuis l'été dernier sans aucun état d'âme. Avec l'âge que j'ai, je suis un sexagénaire, et je suis de ceux qui sont convaincus, premièrement, qu'il est indispensable de pousser aux commandes d'une nouvelle génération, de leur donner un coup de main, et avec une approche de la vie politique différente. Ça ne veut pas dire qu'on rejette les sensibilités qui sont les nôtres.
Ça veut dire qu'en matière d'économie, quel est le problème de notre pays ? Ce sont les blocages que nous avons vécus, on l'a dit et redit pendant la campagne. Moi, je suis sénateur depuis 2008. Je ne suis pas un professionnel de la politique, j'ai été 38 ans avocat. Je suis arrivé au Parlement avec un certain nombre d'ides et j'ai constaté quoi, particulièrement dans le domaine économique ?
Que nombre de mes collègues sénateurs étaient d'accord sur bien des points et qu'au moment où on votait, on revenait à des blocages traditionnels qui ne permettaient pas d'avancer.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous espérez que là peut-être les déblocages peuvent être dépassés.
GUY BIRENBAUM
Si je vous écoute, il n'y a pas assez de ministres de droite en fait.
JACQUES MEZARD
Non.
GUY BIRENBAUM
Mais si !
JEAN-MICHEL APHATIE
Il est taquin !
JACQUES MEZARD
Oui, vous êtes taquin mais c'est normal. C'est très difficile de composer une équipe avec justement cette volonté de transformer la vie politique sans quand même la brutaliser. Qu'est-ce qui se passe ? Nous avons dans notre pays des extrêmes des deux côtés qui ont reçu beaucoup de suffrages, des partis traditionnels, y compris le mien, à bout de souffle et depuis longtemps. Si on n'est pas capable de constituer une équipe gouvernementale qui permet de rassembler des hommes de sensibilités diverses mais hors extrêmes, je crois que ça finira mal et nous l'avons senti.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez dit, vous avez soutenu la candidature d'Emmanuel MACRON dès l'été dernier. En fait, il semble que vous n'ayez pas beaucoup apprécié l'action et donc le bilan de François HOLLANDE qui pourtant dimanche dernier le défendait de la manière suivante. On écoute l'ancien président de la République.
- Déclaration du 14 mai 2017 :
FRANÇOIS HOLLANDE, ANCIEN PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
Permettez-moi de vous le dire, je laisse un pays la France dans un état bien meilleur que celui que j'ai trouvé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes d'accord avec lui ? Il laisse le pays dans un état bien meilleur que celui dans lequel il l'a trouvé ? Vous êtes d'accord ?
JACQUES MEZARD
Partiellement. Je considère que c'est partiellement vrai parce qu'il y a un certain nombre d'initiatives qui ont été prises et qui vont plutôt dans le bon sens, on l'a vécu au niveau sociétal. Mais je crois quand même que globalement, les trois quinquennats que nous avons vécus ont laissé un champ de ruines politiques.
NICOLAS TEILLARD
Depuis 2002.
JACQUES MEZARD
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE, Nicolas SARKOZY et Jacques CHIRAC.
JACQUES MEZARD
Oui.
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE va être content.
JACQUES MEZARD
Avec à chaque fois un certain nombre de propositions et d'actes qui ont pu être positifs, mais globalement pour des raisons différentes. Sur le dernier quinquennat, plutôt des questions de fond ; sur l'avant-dernier, beaucoup de questions de forme ; sur le quinquennat de Jacques CHIRAC, on sentait bien que c'était la fin d'une époque. Ces trois quinquennats ont amené la France, la Nation, dans une situation psychologique extrêmement difficile. Moi, c'est ce que j'ai vécu sur le terrain avec aussi ce ressenti sur le terrain de rejet des élites. Quand même, un pays où le mot « élite » est devenu presqu'une injure, ça devrait tous nous interpeller y compris d'ailleurs dans les médias.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui. On a entendu Emmanuel MACRON dire aussi qu'il n'était pas du système. Tout le monde se livre assez facilement à la démagogie dans ce pays.
JACQUES MEZARD
Non mais, vous savez, moi là-dessus vous m'avez peu entendu jusqu'ici sur les antennes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne critiquez pas le système, vous.
JACQUES MEZARD
Le système, ça veut dire quoi ?
GUY BIRENBAUM
On ne sait pas justement. C'est ce qu'on cherche à savoir depuis des mois.
JACQUES MEZARD
Moi, vous savez, je pense dans un pays qu'il y a un certain nombre de sujets qui méritent d'être traités de manière objective. C'est-à-dire qu'on pose les problèmes et on essaye de trouver une solution. Lorsque le pays se sent mal, parce que c'est ça que nous ressentons sur le terrain, cette espèce de sentiment que rien ne va plus alors qu'il y a des choses qui vont très bien en France, qui fonctionnent bien, qu'il y a de nombreux Français qui travaillent dans de bonnes conditions, qu'il y a aussi des Français qui souffrent, mais il y a un climat général qui me paraît en inadéquation avec la réalité du pays. Tout ne va pas bien mais tout ne va pas mal. Le système, ça veut dire quoi ? Je n'ai jamais, dans mon parcours, fait le procès du système.
NICOLAS TEILLARD
Merci, Jacques MEZARD.
JEAN-MICHEL APHATIE
Très bien. Vous êtes bien l'un des seuls. [ ] Un nouveau gouvernement ça toujours quelque chose de sympathique mais on sent bien que les conflits et les contradictions peuvent poindre dans l'équipe, vous êtes donc ministre de l'Agriculture Jacques MEZARD et vous devrez composer avec quelqu'un qui est opposé à l'agriculture intensive, qui a une vision sur votre secteur qui ne doit pas tout à fait peut être pas du tout correspondre à la vôtre, il s'agit de Nicolas HULOT, ministre d'Etat, qui a vous le savez bien sûr une forte personnalité, vous redoutez cette cohabitation avec Nicolas HULOT ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez moi je ne redoute rien, je suis là pour accomplir une mission : défendre l'agriculture française, je crois qu'il ne faut pas avoir d'a priori et la meilleure preuve que je peux en avoir sur la question que vous me posez c'est que j'ai constaté déjà que Nicolas HULOT avait travaillé avec la fédération nationale bovine et, récemment, ils ont même conclu un accord - ils ont travaillé ensemble et je crois qu'à partir du moment où on a la volonté d'avancer, il faut s'écouter et.... Moi je vous l'ai dit, je suis un élu d'un département rural, un ému de terrain...
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Cantal.
JACQUES MEZARD
J'ai toujours eu comme principe : écouter, décider, appliquer, je rencontrerai Nicolas HULOT...
JEAN-MICHEL APHATIE
Que vous ne connaissez pas ?
JACQUES MEZARD
Que je ne connais pas, je le rencontrerai, nous discuterons, il est possible que nous ayons des visions divergentes sur un certain nombre de choses, mais je pense que quand on a la volonté d'avancer on peut y arriver, en tout cas moi je n'aurai pas d'à priori.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quels sont les problèmes qui vous paraissent pouvoir se poser entre lui et vous, l'agriculture intensive, l'utilisation des pesticides, enfin on imagine qu'il y a beaucoup de dossiers qui peuvent vous séparer, qu'est-ce qui vous parait le plus problématique ?
JACQUES MEZARD
Je crois qu'il ne faut pas avoir une vision idéologique en la matière.
GUILLAUME DARET
C'est ce qu'il a, une vision idéologique ?
JACQUES MEZARD
Non, je n'ai pas dit qu'il avait une vision idéologique, je dis je pense qu'il ne faut pas avoir une vision idéologique, moi non plus. Nous avons des dossiers qui sont des dossiers lourds, nous allons mener le dossier des Etats généraux de l'alimentation, vous savez, a priori qu'est-ce qui peut nous séparer ? Qu'est-ce que moi je souhaite ? Que les Français aient une alimentation de la meilleure qualité possible, qu'elle provienne dans la plus grande mesure du possible de producteurs français, je ne vois pas pourquoi Nicolas HULOT serait en désaccord avec ces objectifs-là.
GUILLAUME DARET
Mais Notre-Dame-des-Landes par exemple vous êtes pour ou contre la construction de ce nouvel aéroport ?
JACQUES MEZARD
Moi je suis pour, je suis pour, je l'ai toujours exprimé lorsque la question a pu venir au Sénat, donc je ne vois pas pourquoi je changerais de position.
GUILLAUME DARET
Vous vous battrez pour la construction de ce nouvel aéroport dans les débats au sein du gouvernement ?
JACQUES MEZARD
Me battre ! Je dirais quelle est ma position, quelle a été ma position et je vais le dire très simplement. Je suis un homme de droit, je suis un juriste, lorsque depuis des années les décisions de justice ont été dans le même sens, lorsqu'il y a eu une consultation sur le terrain qui a donné un résultat, je pense en tant qu'homme de droit, attaché aux institutions, qu'il convient d'en tirer les conclusions, mais en tirer les conclusions et là je partage la vision du président de la République ce n'est pas déclencher la violence, il faut trouver, essayer de trouver des solutions pour régler le problème, il y a une nouvelle équipe qui arrive, il faut que cette équipe et c'est la volonté du président de la République travaille pour essayer de solutionner calmement le dossier... (problèmes techniques)...
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, quand commence l'action en nommant un médiateur ça, veut dire qu'on n'est pas pressé d'aboutir, puisque vous le dites vous-même des décisions ont été prises, la justice les a validées et un référendum local a fait en sorte qu'une majorité de la population se prononce pour l'aéroport ?
JACQUES MEZARD
Monsieur APHATIE, vous me posez une question sur ma position, je vous réponds en me disant quelle a été ma position et cette position elle restera la mienne. Ceci étant, ce n'est pas ma voix qui forcément sera...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et le médiateur c'est une bonne idée, c'est une bonne idée le médiateur ?
JACQUES MEZARD
Je pense que dans les circonstances actuelles... d'abord c'est une bonne idée que le président de la République fasse ce qu'il a annoncé pendant sa campagne électorale, parce que s'il commençait par faire l'inverse de ce qu'il a annoncé, je ne pense pas que ce serait une bonne chose.
GUY BIRENBAUM
La pêche fait partie de votre ministère ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, je n'ai pas encore le périmètre.
GUY BIRENBAUM
Ah ! Vous ne savez pas encore ?
JACQUES MEZARD
Mais je pense, puisqu'en tout cas c'est ce qui m'a été annoncé téléphoniquement, mais pour l'instant je n'ai pas la certitude.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est peut-être Nicolas HULOT qui l'aura ?
JACQUES MEZARD
Peut-être.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a une petite bataille là-dessus ou alors ce n'est pas une petite bataille...
GUY BIRENBAUM
Oui, c'est une grosse bataille.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a une bataille ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez pour l'instant, avant de déclencher les hostilités, il faudrait savoir s'il y a lieu de le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors je peux me permettre de poser la question différemment, quand on vous a dit : « acceptez-vous de devenir ministre de l'Agriculture, vous n'avez pas posé la question, j'ai la pêche ou je n'ai pas la pêche ? », vous ne l'avez pas posée ?
JACQUES MEZARD
Je ne l'ai pas posée sous cette forme-là.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et, alors, sous quelle forme ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez pour moi, ensuite nous verrons dans les heures qui viennent ce qu'il en est, mais pour moi bien sûr la pêche va avec l'agriculture, la forêt va avec l'agriculture, je crois qu'il serait... il y a des signaux qui peuvent être lancés dans un sens ou dans un autre. Moi je ne suis pas là... je l'ai dit, j'ai 69 ans, je n'ai pas forcément cherché à être là, ce que je souhaite c'est être utile, continuer à dire ce que je pense, à faire ce que je dis, sans aucune volonté d'agressivité. Ecoutez, moi je ne vais pas entrer dans ce gouvernement pour chercher des conflits avec les autres ministres pour passer davantage dans la presse, dans les médias, ce qui m'importe c'est d'essayer d'être utile, je n'attends rien d'autre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes donc ministre des agriculteurs - et des agriculteurs on va en entendre un à l'instant - un peu désabusés et qui n'attendent pas grand chose visiblement du nouveau gouvernement, du nouveau président de la République.
DENIS, ÉLEVEUR DANS LE CANTAL LE 3 MAI
On est surtout les oubliés je pense de la nature, les gens nous prennent un peu pour des cons quoi j'ai envie de dire, concernant monsieur MACRON l'agriculture pour lui ça n'existe, enfin j'ai l'impression que lui c'est l'argent, la richesse.
JEAN-MICHEL APHATIE
Voilà, Denis éleveur dans le Cantal, donc c'est dans votre département, donc vous voyez ce qui compte pour Emmanuel MACRON dit-il ce n'est pas l'agriculture.
JACQUES MEZARD
Oui. Là vous avez réussi la performance d'aller dans une commune qui est la commune de Montmurat, qui est une des quatre seules sur 260 à avoir donné la majorité à Marine LE PEN, donc...
GUILLAUME DARET
C'était entre les deux tours, c'était avant le deuxième, ils n'avaient pas encore choisi Marine LE PEN.
JACQUES MEZARD
D'accord, mais vous voyez que je connais mon département.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Ca on le voit, mais bon après l'agriculteur c'est l'agriculteur.
JACQUES MEZARD
Tout à fait. Mais vous savez qu'il y ait une désespérance dans le monde agricole, dans une partie du monde agricole, c'est une réalité, qu'il y ait une désespérance dans un certain nombre de territoires ruraux - encore que dans le Cantal vous avez noté qu'Emmanuel MACRON est arrivé largement en tête mais cette désespérance c'est une réalité, elle correspond à des souffrances que nous connaissons, elle correspond aussi à un état d'esprit contre lequel nous avons à lutter pour donner justement de l'espoir à ces agriculteurs. Vous savez quand on est dans une exploitation avec une quarantaine de vaches, qu'on a la vie qu'ils ont, qui est une vie dure, avec des résultats économiques qui sont extrêmement modestes pour ne pas dire autre chose moi je comprends qu'on tienne ce langage. Notre travail à nous ce n'est pas de bouleverser les choses mais c'est d'abord de les entendre et d'essayer de trouver des solutions qui améliorent un peu leur quotidien, parce que nous avons besoin de ces agriculteurs sur nos territoires ruraux.
GUILLAUME DARET
Et on va les écouter vos solutions, Monsieur le Ministre, juste après un point sur l'info.
GUILLAUME DARET
Ce sera l'un des premiers dossiers du Premier ministre et du président, la réforme du Code du travail. Est-ce qu'il est nécessaire de réformer le Code du travail d'après vous ?
JACQUES MEZARD
Vous avez déjà ouvert le Code du travail ? Je l'ai dit, je suis juriste et je pars d'idées non pas simplistes mais assez simples. A partir du moment où on ne comprend plus la loi, et nous en sommes tous responsables, c'est-à-dire que nous en fabriquons à tire-larigot et c'est un des vrais problèmes de la France, le Code du travail est une accumulation de textes qui sont devenus un boulet pour la vie économique et sociale de ce pays. Et réformer, changer les choses en matière de Code du travail, je crois que c'est indispensable. Mais à partir du moment où on change la donne, ça ne veut pas dire que ça va se faire contre le monde du travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est ce que pensent les syndicats.
JACQUES MEZARD
Evidemment. Mais vous savez, de manière assez globale dans ce pays, que le changement et ça s'adresse à nous tous, à commencer par moi quand on voit arriver une transformation qui change nos habitudes, on a un réflexe, c'est la réticence.
GUY BIRENBAUM
Et la méthode ? Les ordonnances ?
JACQUES MEZARD
Demandez à un parlementaire.
GUY BIRENBAUM
Oui, c'est ce que je fais.
JACQUES MEZARD
Comme moi ! Si les ordonnances, c'est sa tasse de thé, je serais d'une hypocrisie absolue à vous dire que je considère que c'est la méthode dont il faut user et abuser.
GUILLAUME DARET
Donc c'est une mauvaise idée.
JACQUES MEZARD
Non, ce n'est pas une mauvaise idée parce que je crois que, par rapport à ce que je viens de dire, il y a un moment où il faut arriver à faire bouger les lignes. Dans notre campagne électorale, il y avait pas mal d'affiches : « Bougeons les lignes ». Alors qu'en ce début de quinquennat, on utilise les ordonnances à condition que ça ne devienne pas un système habituel, je crois que c'est indispensable parce que si dès le début on est face à des blocages alors que les Français n'ont pas été trompés - MACRON a dit ce qu'il allait faire, il a été élu avec 66 % des voix, il faut qu'il arrive à réaliser cela en même temps, on ne peut pas gouverner durablement par ordonnance.
GUY BIRENBAUM
Les 66 %, ce n'est pas seulement pour ça, monsieur le Ministre. Vous êtes au courant.
JEAN-MICHEL APHATIE
24 % au premier tour et 66 % au second dans des conditions particulières.
JACQUES MEZARD
Bien sûr. Mais je constate quand même, parce que je l'ai vécu sur le terrain cette campagne, je constate que sur un certain nombre de dossiers la réforme des retraites, il n'était pas évident d'annoncer ce qu'il a annoncé avec la fin des régimes spéciaux, même si ça prendra du temps je n'ai pas ressenti chez nos concitoyens, dans l'opinion, un blocage sur un certain nombre de projets qui étaient des projets courageux.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce sera donc la première réforme. On verra. Elle suscitera sans doute des oppositions mais nous verrons bien comment celles-ci se manifesteront.
JACQUES MEZARD
Certainement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes membre du Parti radical de gauche, un parti que préside ou qu'a longtemps présidé Jean-Michel BAYLET, et nous avons appris, parce qu'on a un peu regardé sur Internet qui était Jacques MEZARD, on ne vous connaissait pas beaucoup, que votre fils Maximilien a été assistant parlementaire de Jean-Michel BAYLET, quand lui-même siégeait au Sénat, c'est ce qu'on a reproché à François FILLON, est-ce que, avec le recul, c'était de votre part une erreur d'avoir fait de votre fils un assistant parlementaire ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, ce n'est pas moi qui en ai fait un assistant parlementaire, il a travaillé avec Jean-Michel BAYLET, il a même été son directeur de cabinet
JEAN-MICHEL APHATIE
Tout à fait à la fin, 17 mars
JACQUES MEZARD
À la fin, il a un doctorat d'Etat de droit, je crois qu'il a un niveau d'études qui ne pose pas de problème, il n'a jamais travaillé pour moi, il ne travaillera jamais pour moi, je crois que
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais travailler pour le président de votre parti, c'est un peu travailler pour vous !
JACQUES MEZARD
Oh, écoutez
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ? Ce n'est pas ces pratiques-là que la loi de moralisation de la vie publique veut désormais interdire ?
JACQUES MEZARD
Moi, je crois que là-dessus, vous savez, je suis transparent, je n'ai rien à cacher, je crois que, à partir du moment ce n'est pas moi qui ai embauché mon fils, le président du Parti a fait un choix tout à fait libre, je ne lui ai rien demandé, et je n'ai pas l'habitude de demander quoi que ce soit à quiconque.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a été injuste avec François FILLON, quand on lui a reproché tout ça ?
JACQUES MEZARD
Écoutez, je crois qu'il n'y a quand même pas des comparaisons oiseuses, je crois que, il ne faut pas comparer ce qui n'est pas comparable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous n'avez pas de compte Twitter ?
GUY BIRENBAUM
Vous allez le créer ?
JACQUES MEZARD
Non.
GUY BIRENBAUM
Il va falloir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez en créer un ?
GUY BIRENBAUM
Est-ce que vous y êtes allergique ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Quel est votre rapport à ces outils sociaux ?
JACQUES MEZARD
Ecoutez, si je n'en ai pas créé
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est que vous n'en avez pas ressenti le besoin
NICOLAS TEILLARD
Il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont des comptes Twitter, et qui font vivre la vie de leur élevage sur les réseaux sociaux
JACQUES MEZARD
Je crois que ma préoccupation première, c'est de travailler, c'est de me plonger dans les dossiers qui sont des dossiers difficiles, je vous l'ai dit, la communication, elle est indispensable, mais je ne ferai pas n'importe quoi, et ce n'est pas faire n'importe quoi que d'avoir un compte Twitter
GUY BIRENBAUM
Ah bon, j'ai eu peur !
JACQUES MEZARD
Bon, il est probable que j'en aurai un, c'est parce que ça vous fera tellement plaisir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, non, ça ne nous fera pas plaisir
GUY BIRENBAUM
Non, plaisir, non
JEAN-MICHEL APHATIE
C'était une manière de vous interroger sur ce qui désormais prend beaucoup plus de place dans nos vies, et donc, savoir quel était votre rapport avec ces outils que l'on dit modernes. Mais vous les jugez plutôt gênants que modernes peut-être ?
JACQUES MEZARD
Non, non, non
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce qui est votre droit !
JACQUES MEZARD
Non, non, non, je les utilise, vous savez, j'ai mon portable dans la poche, la tablette qui n'est pas loin, donc
NICOLAS TEILLARD
Tout va bien.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bon, d'accord
JACQUES MEZARD
Non, mais, vous savez, ce n'est pas parce que, on est élu d'un territoire hyper rural qu'on est forcément demeuré.
GUY BIRENBAUM
Ce n'était pas vraiment le sens de la question, Monsieur le Ministre !
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça n'était pas tout à fait l'état d'esprit
JACQUES MEZARD
Vous savez, si vous voulez, je me lance sur ce que je pense du boboïsme parisien, je peux rester longtemps parmi vous
GUY BIRENBAUM
Vous savez, on n'est pas forcément parisien !
JEAN-MICHEL APHATIE
Hélas, cette émission est terminée, donc nous n'aurons pas la capacité ou la possibilité de connaître votre réflexion là-dessus. Merci Jacques MEZARD d'avoir accepté l'invitation de Franceinfo.
JACQUES MEZARD
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 mai 2017