Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
"Il n'est pas de politique de redressement économique et sociale réussie sans une action en faveur de l'environnement ambitieuse. Une telle politique suppose l'adhésion de tous les acteurs de la société." C'est par ces mots que j'ouvrais, il y a 7 mois, la première Conférence Nationale de l'Environnement dont Michel BARNIER avait eu l'initiative.
J'ai le plaisir de constater que cette initiative n'était pas une opération isolée. Je me réjouis aujourd'hui de conclure cette deuxième conférence nationale de l'environnement. Elle montre bien la volonté qui est la nôtre de faire progresser la protection de l'environnement par un travail et un dialogue approfondi avec l'ensemble de ceux qui sont concernés par cette grande tâche.
Cette deuxième conférence nationale de l'environnement est consacrée à faire le point des actions menées deux ans après le sommet de RIO.
A Rio, 118 Etats se sont engagés à mettre en oeuvre les orientations prévues par "l'Agenda 21" pour promouvoir un développement durable.
L'engagement, pris par la France à RIO, est tout autant d'oeuvrer pour la mise en place d'un ordre mondial qui soit favorable au développement durable que pour l'application de ces mêmes principes en France même, grâce en particulier aux politiques publiques.
Les efforts développés par la communauté internationale ont été rappelés ce matin : mise en place des conventions sur le climat et la biodiversité ; reconstitution du Fonds pour l'Environnement Mondial ; lancement des travaux de la Commission du Développement Durable à l'ONU. Il me revient ce soir de souligner les initiatives proprement françaises pour promouvoir le développement durable.
Qu'est-ce que le développement durable ? Je souhaiterais vous en présenter ma conception et préciser ainsi les orientations du Gouvernement.
L'idée de développement durable trouve son origine dans une constatation simple. Sans garde-fous appropriés, l'homme risque d'épuiser une partie des ressources naturelles et d'imposer à la planète des déséquilibres graves, dont lui-même, ou ses descendants, pâtiront tôt ou tard. Un exemple : la planète perd quelque quinze millions d'hectares de forêt par an. On mesure ainsi l'enjeu de cette analyse. Les économistes, les hommes politiques, les associations, qui se soucient du développement sur le long terme, ont donc élargi la réflexion à l'ensemble des ressources et des activités de l'homme. Ils ont ainsi peu à peu précisé la notion de développement durable.
Cela signifie que nous sommes responsables de l'état dans lequel nous léguerons la planète à nos enfants. Il nous faut concilier le progrès avec le respect de notre patrimoine naturel. Il est en effet nécessaire de remettre en cause les modes de production ou de consommation qui impliquent la destruction définitive du patrimoine que la nature nous offre. Mais, à l'encontre de certains préjugés, le développement durable n'est pas antagoniste de l'impératif de croissance économique. Organiser le développement durable, c'est imaginer des voies de croissance que nos enfants pourront continuer à suivre. Ils privilégieront certaines technologies sur d'autres, mais respecteront les grands équilibres économiques. Ils devront assurer notamment un niveau suffisant d'emploi, dont le respect, je l'avais souligné en novembre dernier à la Conférence nationale de l'environnement, est parfaitement compatible avec celui de l'environnement.
Ce que souligne le terme durable, c'est la nécessaire prévoyance, dont l'ensemble des acteurs de l'économie et de la société doivent faire preuve. Nos économies ne peuvent s'accommoder de politiques volontaristes destinées à orienter la croissance dans des directions nouvelles que si celles-ci sont mises en oeuvre de façon continue et progressive. Certains d'entre vous sont chefs d'entreprise. Ils savent, par exemple, que l'on peut très bien arrêter la production d'un produit et investir dans un produit de substitution plus respectueux de l'environnement et tout aussi lucratif. On le peut, mais encore faut-il être sûr que les réglementations qui incitent ou contraignent à utiliser ces nouveaux produits évolueront comme prévu. De même, les consommateurs ont tendance à favoriser les produits dits "écologiques". Or, les orientations de la recherche et du développement ne peuvent être infléchies que si les entreprises perçoivent clairement l'évolution de leur environnement. Nous devons donc faire converger les anticipations des agents économiques sur quelques grandes priorités collectives.
Bien entendu, le Gouvernement assumera sa part de responsabilité. Le développement durable est l'affaire de tous, celle de tous les ministres, et pas seulement celle du Ministre de l'Environnement qui nous accueille aujourd'hui. Je rappellerai quelques exemples d'initiatives récentes dans divers domaines d'actions.
Ainsi, n'y aura-t-il pas de développement durable sans une réflexion sur nos systèmes de transports qui sont actuellement menacés d'asphyxie. Le Gouvernement a récemment pris des mesures pour faciliter le développement du transport combiné rail-route. Il a modulé l'aide de l'Etat pour mettre en place des transports en commun adaptés. Il a aussi mis à l'étude un ambitieux projet de traversée ferroviaire des Alpes. Une mesure très importante est proposée dans le projet de loi de développement du territoire : la création d'un fonds d'investissement des infrastructures, financé notamment par des prélèvements sur les autoroutes, pour développer des modes de transport alternatif et notamment le transport combiné. La récente mise en service d'Eurotunnel a montré par exemple que les technologies des autoroutes ferroviaires sont disponibles. Le développement du transport propre doit constituer une priorité. D'autres mesures suivront : il importe de voir loin pour bâtir une politique de transports qui concilie une demande croissante de déplacements et la nécessaire maîtrise de leurs répercussions sur la ville et sur les paysages.
De même, il nous faudra organiser un développement durable des ressources énergétiques. La France bénéficie d'une production électrique qui rejette très peu de gaz carbonique dans l'atmosphère. C'est chose faite. Pour prévenir l'effet de serre, la France souhaite que l'on adopte une attitude pragmatique, qui ne perturbe pas la concurrence. Les mesures doivent être coordonnées pour ne pas altérer la compétitivité des producteurs. L'effet de serre constitue en effet un phénomène à prendre en compte à l'échelle de la planète. Or, celle-ci ne serait pas mieux protégée si les mesures prises ne faisaient que délocaliser des activités productrices de gaz carbonique dans des pays qui n'accepteraient pas les mêmes contraintes. C'est pour cette raison que nous proposons de progresser de façon différenciée, selon les secteurs d'activités et en fonction de leur niveau de concurrence. Je souhaite cependant que l'industrie s'engage dans une démarche contractuelle et précise ses engagements pour prévenir l'effet de serre. Notre pays peut, en outre, tirer meilleur parti encore de ses énergies renouvelables et relancer la politique de maîtrise de l'énergie dans laquelle il s'est déjà illustré. Ces points sont actuellement abordés dans le grand débat national sur l'énergie et l'environnement que les ministres, chargés de l'industrie, de l'environnement et de la recherche ont lancé.
Le développement durable signifie aussi des villes durablement habitables et des campagnes durablement habitées. Nous devons améliorer la qualité de la vie en milieu urbain pour préserver la cohésion sociale. Le débat en cours sur l'aménagement du territoire montre la détermination du Gouvernement. Le plan Loire Grandeur Nature concrétise cette volonté d'apporter des réponses d'ensemble à des dossiers délicats pour l'aménagement du territoire et l'environnement. Cette évolution passe par le maintien d'activités économiques rémunératrices qui préserveront un cadre de vie et des paysages auxquels la Nation entière est profondément attachée. L'environnement constitue une solidarité essentielle auquel le projet de loi sur le développement du territoire accorde une large place. Ainsi le schéma national de développement du territoire et les futures chartes régionales d'aménagement du territoire fixeront les orientations fondamentales, si le Parlement retient le projet du gouvernement, en matière d'environnement et de développement durable. Ainsi avons-nous proposé la création d'un fonds de gestion de l'espace rural dont l'objectif est de permettre la rémunération des services qui ont été rendus pour entretenir nos campagnes et nos paysages.
Le développement durable peut également ouvrir de nouveaux horizons en matière de création d'emplois. La prise en compte de l'environnement n'est pas synonyme de perte d'emploi. Bien au contraire elle peut être un facteur de croissance et d'embauche. Pour le montrer, le Gouvernement a lancé les "contrats verts". L'objectif est de créer 35.000 emplois pérennes en 2 ans sur des projets, par exemple, d'entretien et de gestion des espaces. Quatre mois après le lancement de l'opération, 4.000 emplois nouveaux ont ainsi été créés. Ce premier résultat est très encourageant.
Je pourrais multiplier les exemples de politiques nationales qu'il faut moduler dans cette perspective, jusque dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la recherche. Mais je ne voudrais pas conclure sans évoquer les actions que la France mène pour promouvoir le développement durable chez ses partenaires.
La conférence de RIO était mondiale. Les problèmes de développement durable se posent à l'échelle de la planète, à toutes les nations, quel que soit leur stade de développement.
Au cours des derniers mois, les initiatives de la France ont permis d'obtenir des résultats concrets sur des dossiers importants : la création d'un sanctuaire pour les baleines dans l'Antarctique et le renforcement des règles internationales en matière de sécurité maritime notamment. Pour mieux protéger nos mers et nos rivages, nous avons obtenu de l'Organisation Maritime Internationale un renforcement des règles de signalement et d'arrimage et nous avons renforcé nos propres moyens d'intervention. L'initiative que nous lançons avec nos partenaires allemands pour assurer une meilleure sûreté nucléaire à l'Est, notamment en Ukraine où nous souhaitons obtenir l'arrêt définitif de la centrale de Tchernobyl, relève également de cette volonté.
Quant aux pays du Sud, ils doivent mener un effort de développement économique tel qu'ils se soucient parfois moins de préserver l'environnement, alors même que leur patrimoine naturel est considérable. Nous avons à leur égard un double devoir.
Nous devons d'abord les aider. Par des subventions bien sûr, mais pas seulement. L'effort que fait la France en leur faveur est très important : nous leur consacrons aujourd'hui 0,63 % de notre PIB et visons les 0,7 % en l'an 2000. Les transferts de technologies ne sont pas moins importants. Ils peuvent se faire à l'avantage de nos entreprises et de notre économie.
Notre savoir-faire est important dans maints domaines prioritaires pour les pays en développement, comme la gestion de l'eau ou le traitement des déchets, que ce soit aux travers de nos entreprises ou de nos institutions comme les agences de l'eau. Nous devrons de mieux en mieux les transmettre aux pays du Sud, avec lesquels nous avons déjà l'habitude de collaborer.
Nous devons ensuite servir d'exemple à ces pays par l'organisation de notre propre développement. Nous ne pouvons en effet inciter les pays du Sud à prendre part à la lutte pour un développement durable si n'avons pas nous-même ce souci en permanence.
L'enjeu est donc clair : il faut que les politiques publiques et les choix des acteurs économiques, comme de nos concitoyens prennent mieux en compte les questions d'environnement.
Pour nous aider dans cette tâche, j'ai installé la commission française du développement durable, qui, je le souhaite vivement, mènera des travaux utiles à l'évolution de notre pays.
Mais le développement durable est l'affaire de tous. La protection de l'environnement a souvent été présentée comme une source de conflit. Il s'agit pourtant bien d'un intérêt commun. L'action en faveur de l'environnement développe dans la société un sentiment de solidarité et constitue un facteur de cohésion. Seule une société moins égoïste, plus solidaire et plus cohérente pourra relever ce défi du développement durable. C'est pour cela que les jeunes sont le plus souvent de fervents partisans de la protection de l'environnement et y trouvent un nouvel idéal.
Certains peuvent redouter que la crise économique n'ait emporté avec elle l'esprit de RIO. Mais au delà des déclarations et des conventions, le sommet de RIO a avant toute chose favorisé une prise de conscience : les problèmes d'environnement se posent à l'échelle de la planète et leur prise en compte rend nécessaire une vision planétaire. Cet acquis est désormais ancré dans l'esprit de tous les responsables et il demeurera malgré les aléas économiques.La tâche qui nous attend est ambitieuse. Mais si nous le voulons, nous saurons relever ce défi en faisant nôtre cette phrase de Saint-Exupéry : " Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants".