Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Bonjour.
PATRICK COHEN
Merci d'être là. Avant de parler de l'opération Sentinelle et de la façon dont vous la redéployez cette opération, cette info de la nuit, le bras d'honneur de la Corée du Nord, le régime a tiré un nouveau missile au-dessus du Japon malgré les nouvelles sanctions décidées par le Conseil de sécurité. C'est alarmant, il faut encore hausser le ton ou essayer de discuter avec les Nord-Coréens ?
FLORENCE PARLY
Alors, c'est une provocation de plus certainement, qui fait suite aux sanctions qui ont été votées à l'unanimité par le Conseil de sécurité de l'ONU en début de semaine. Ce que le Conseil de sécurité cherche à faire c'est évidemment durcir le régime des sanctions pour, in fine, amener Pyongyang à la table des négociations.
PATRICK COHEN
Vous pensez que ça sera efficace ?
FLORENCE PARLY
Ce qui sera efficace c'est que les sanctions soient d'abord effectivement appliquées, et c'est ça l'enjeu de ces prochains jours, et puis, par ailleurs, compte tenu de l'événement de la nuit, c'est-à-dire ce nouveau tir, eh bien le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé, en urgence, de se réunir dès ce matin, heure de New York.
PATRICK COHEN
Et la France est favorable à ce que les sanctions soient appliquées le plus vite possible et le plus durement possible ?
FLORENCE PARLY
La France a poussé, depuis le début, à ce que l'ONU, mais aussi l'Union européenne, prennent des sanctions extrêmement fermes, parce que ce qui est en cause c'est la sécurité, non seulement de cette région du monde, mais aussi la sécurité internationale, et l'Europe est concernée, puisque les Nord-Coréens nous ont apporté une forme de démonstration que l'Europe est potentiellement à portée de leurs missiles.
PATRICK COHEN
L'Europe peut être une cible. L'opération Sentinelle, Florence PARLY, l'armée, les militaires vont donc continuer à être présents et visibles au coeur de nos villes, déployés en patrouilles. Vous n'avez aucun doute sur leur utilité dans la lutte antiterroriste ?
FLORENCE PARLY
Alors, c'est une opération militaire de lutte contre le terrorisme sur notre sol national, je n'ai aucun doute puisque le terrorisme se déploie sur le territoire national. Alors, c'est une opération qui a pour but de compléter les forces de sécurité intérieure, les policiers, les gendarmes, qui fonctionne à la demande des préfets, et ce que le président de la République nous a demandé c'est de rendre ce dispositif encore plus efficace. Nous avons aujourd'hui 7000 hommes, qui peuvent être déployés jusqu'à 10.000 sur instruction du président de la République, donc l'objectif n'était absolument pas de modifier le format de l'opération Sentinelle, nous maintenons
PATRICK COHEN
Il n'y aura pas de militaires en plus ou en moins ?
FLORENCE PARLY
Il n'y aura pas de militaires en moins, en revanche, ce que nous voulons, c'est faire mieux pour être plus efficaces. Et comment ? Eh bien en rendant ce dispositif plus flexible, plus mobile, moins anticipable, et c'est très important, parce que, ce que nous voulons éviter, c'est que l'opération Sentinelle soit prévisible par avance, comme si vous saviez, vous, en bas des locaux d'Europe 1, qu'il y a, à telle heure de la journée, une opération Sentinelle.
PATRICK COHEN
Donc il y aura des missions aléatoires, c'est ça ?
FLORENCE PARLY
Il y aura des missions aléatoires, qui auront été planifiées, mais qui ne seront pas connues, ni des élus, ni, bien sûr, de la population.
PATRICK COHEN
Il s'agit aussi de rompre la routine. On a entendu à 8h00 la fatigue et la lassitude des soldats de Sentinelle, Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
Il s'agit tout simplement d'être au bon endroit, au bon moment, et ça correspond pleinement à la mission et à l'entraînement que nos soldats ont, vous l'avez vu récemment aux Antilles, nos soldats sont engagés sur des opérations qui sont des opérations qui rendent des services à la population, eh bien là aussi c'est un service qui est rendu en faveur de la protection des Français, et lorsque nos soldats ont la certitude que cette mission est efficace, ils la remplissent avec coeur.
PATRICK COHEN
Même si ce n'est pas toujours très exaltant pour un militaire qui a choisi de s'engager, de participer à la défense du pays, qui se retrouve en treillis à patrouiller sur un trottoir ?
FLORENCE PARLY
Ce ne sont pas du tout des missions statiques, et elles le seront de moins en moins, et nos soldats sont entraînés pour ces missions très spécifiques, qui ont fait leurs preuves, puisque, nous l'avons vu au printemps dernier, au Louvre, à Orly, les tentatives ont été déjouées, et donc l'entraînement qui leur est prodigué est tout à fait efficace, on l'a vu encore ce matin.
PATRICK COHEN
Il y a eu des tentatives déjouées, mais aussi des attaques ciblées contre Sentinelle, 6 attaques au moins depuis 2015, d'où la question que je posais au départ, est-ce que ça sert vraiment à déjouer des attaques ou à rassurer les Français, voire, parfois, à attirer ces attaques quand les soldats servent de cibles ?
FLORENCE PARLY
L'opération Sentinelle c'est une opération qui sécurise, qui dissuade et qui protège, ces trois objectifs nous les conservons et nous faisons en sorte que ce dispositif soit plus efficace, c'est en tout cas ce que nous nous attacherons à faire avec le ministère de l'Intérieur dès aujourd'hui, puisque ce nouveau dispositif démarre aujourd'hui.
PATRICK COHEN
7000 militaires affectés en permanence à l'opération Sentinelle, cela pèse forcément sur notre capacité, sur la capacité d'engagement de la France, de nos armées, à l'extérieur, Florence PARLY.
FLORENCE PARLY
C'est un investissement, mais un investissement naturellement consenti puisque, ce dont il s'agit, c'est de la protection de nos concitoyens sur le territoire. Nous intervenons sur des théâtres extérieurs, mais nous intervenons aussi, c'est le rôle de l'armée, lorsque notre territoire national est menacé. Et en ce moment le niveau de la menace reste élevé.
PATRICK COHEN
Quitte à réfléchir à deux fois avant de s'engager à nouveau à l'extérieur. On a l'exemple du Centrafrique, Vincent HERVOUET en parlait tout à l'heure à 7h45, cri d'alarme de l'ONU hier, du secrétaire général adjoint, tous les signes avant-coureurs d'un génocide sont là. Il y a 1 an la France se retirait du Centrafrique, l'opération Sangaris prenait fin. Il faut y retourner, on aurait les moyens d'y retourner pour sauver les populations ? 600.000 personnes en fuite le mois dernier en Centrafrique.
FLORENCE PARLY
La France s'est engagée aux côtés de la République de Centrafrique, elle est intervenue en 2013, vous l'avez rappelé. Ensuite la France a été relayée, dans son effort, par les forces de la paix de l'ONU, aujourd'hui ce sont les forces de la paix de l'ONU, la MINUSCA, qui interviennent au quotidien en Centrafrique, et les forces françaises appuient les forces de l'ONU par toutes sortes de moyens de surveillance, en particulier des drones qui participent aux opérations de sécurisation, et nous sommes très attentifs à l'évolution de la Centrafrique. Ce que je voudrais dire c'est que l'engagement militaire français est historiquement intense, nous n'avons jamais eu un tel niveau d'engagement dans nos opérations à l'extérieur, et c'est aussi pour cette raison que le président de la République a souhaité que des moyens supplémentaires soient accordés au budget du ministère des Armées, puisque nous aurons en 2018 une progression de nos moyens historique pour soutenir précisément cet engagement.
PATRICK COHEN
Le budget des armées, tout de même, expliquez-nous Florence PARLY, parce que beaucoup de Français n'ont pas compris votre stratégie budgétaire. Vous avez baissé les crédits cette année, ce qui a provoqué la crise qu'on connaît, le départ du chef d'Etat-major des Armées, le Général de VILLIERS, vous les augmenterez l'an prochain, quelle est la logique de ce zigzag ?
FLORENCE PARLY
Nous avons trouvé en 2017, au moment où le gouvernement a pris ses fonctions, une situation des finances publiques très difficile, avec des impasses budgétaires, par conséquent, compte tenu de l'engagement qui a été pris, vis-à-vis de nos partenaires européens, de revenir en dessous de la barre des 3 % de déficit, eh bien chacun, chaque ministère, a apporté sa contribution pour permettre de réaliser cet objectif en fin d'année 2017. Donc, le ministère des Armées a apporté sa contribution, comme les autres, et c'était normal, c'est une contribution ponctuelle. Ce qui compte, c'est ce qui va se passer dans les années qui viennent, avec une première étape, pour le budget 2018, où là la croissance est extrêmement forte, 1,8 milliard de crédits supplémentaires, c'est inédit, c'est du jamais vu depuis des dizaines d'années, et surtout, au-delà de 2018, pour toutes les autres années du quinquennat, la poursuite de cette progression, puisque c'est 1,6 milliard de crédits supplémentaires chaque année qui seront rajoutés au budget du ministère des Armées.
PATRICK COHEN
Ça va servir à quoi, quelles seront les priorités d'affectation de ces crédits, Florence PARLY ?
FLORENCE PARLY
Alors, tout d'abord, ce budget, il va être au service d'une nouvelle loi de programmation militaire, qui précisément va rappeler quels sont les objectifs que la France poursuit. Il y en a deux. Le premier, à court terme, qui consiste à restaurer la capacité d'action de nos armées, puisque les opérations très intenses que nous menons sur les théâtres extérieurs provoquent de l'usure, de l'usure de matériel, usure des hommes aussi.
PATRICK COHEN
On a vu qu'il manquait des moyens aux Antilles, notamment pour l'ouragan Irma, que les moyens d'intervention Outre-mer de la France n'étaient plus ce qu'ils étaient auparavant.
FLORENCE PARLY
Les moyens d'intervention Outre-mer ont été mobilisés très fortement
PATRICK COHEN
Oui, ils ont été mobilisés, mais ils manquaient, il manquait le Dumont d'Urville par exemple.
FLORENCE PARLY
Mais, en effet, dans le cadre de la réflexion qui est en cours sur la loi de programmation militaire, nous allons évidemment prendre en compte l'impact des cyclones et des événements climatiques très puissants que nous subissons, puisque ça constitue une des menaces, la France est la deuxième puissance maritime, espace maritime du monde, et donc nous devons aussi prendre en compte cette dimension dans notre loi de programmation militaire. Mais je reviens à mon point, nous avons deux objectifs, cet objectif de court terme, et puis, à plus long terme bien sûr, doter la France de l'armée de la prochaine décennie, c'est-à-dire l'armée des années 2030.
PATRICK COHEN
Un mot encore, avant de clore cette interview Florence PARLY, on parlait tout à l'heure des militaires de Sentinelle pris pour cibles, ça a été le cas ce matin à Paris, un militaire de l'opération Sentinelle a été attaqué par un homme armé d'un couteau, il n'y a pas de blessé, l'homme a été maîtrisé, vous en savez davantage ?
FLORENCE PARLY
L'homme a été maîtrisé, c'est la preuve du professionnalisme et de l'efficacité des soldats de Sentinelle dans cette mission de protection, nous n'en savons pas plus sur les intentions de l'agresseur, qui a été arrêté, mais cette nouvelle attaque légitime pleinement ce que nous voulons faire, c'est-à-dire rendre ce dispositif encore plus imprévisible, encore plus indécelable, pour les agresseurs potentiels.
PATRICK COHEN
Merci Florence PARLY, ministre des Armées, d'être venue ce matin au micro d'Europe 1
source : Service d'information du Gouvernement, le 25 septembre 2017